Ancien coéquipier d'Ibrahima Wadji à Qarabag, Abdellah Zoubir nous présente le nouveau numéro 25 de l'ASSE.


Quel type de joueur est Wadji ?

Wadji, c’est pour moi un attaquant très puissant, adroit devant le but, et qui sait aussi combiner. Il prend beaucoup la profondeur. Je pense que c’est vraiment une bonne recrue pour Saint-Etienne. A mon sens Ibrahima est un joueur typiquement pour la France et pour Sainté. Pour avoir évolué plusieurs saisons en France, et notamment en L2 à Istres et à Lens, les attaquants ont souvent ce profil. Wadji a marqué beaucoup de buts. Il en a mis 16 la saison passée et cet été il a mis deux doublés contre Zurich et Ferencvaros lors des tours préliminaires de la Ligue des Champions. Ce n’est pas pour rien qu’il signe à Sainté, son profil est très intéressant. C’est un buteur et il fait beaucoup de différences grâce à sa vitesse. Pour moi, c’est vraiment un top joueur.

Dans quel schéma tactique était-il utilisé à Qarabag ?

On joue en 4-2-3-1, Ibrahima a toujours joué tout seul devant, il a toujours évolué en pointe. A mon avis il est tout à fait capable d’évoluer dans d’autres schémas, en 4-4-2 ou en 3-5-2 par exemple. Avec son style de jeu, il peut de mon point de vue performer dans tous les systèmes. J’aimais beaucoup jouer avec lui car il fait de bons appels. C’est quelqu’un qui est très généreux dans l’effort, à chaque fois il fait le déplacement et offre une solution à ses partenaires. C’est pour ça aussi qu’il était très apprécié dans l’équipe. Quand l’un de mes coéquipiers ou moi-même faisait une différence avec la balle, il faisait l’appel et souvent il finissait. Ce n’est pas quelqu’un qui rate beaucoup devant la cage. Il la met souvent au fond.

J’en déduis donc qu’il a toutes les qualités pour s’imposer en Ligue 2

Oui, c’est l’attaquant qui peut faire gagner l’équipe. Je connais la Ligue 2 pour y avoir joué et pour continuer à la suivre. Comme je suis un passionné de football, il m’arrive de regarder des matches de L2. C’est un championnat compliqué, particulièrement cette année car il y a pas mal de bons clubs qui aspirent à retrouver l’élite. Sainté, ça reste Sainté, on voit qu’il y a de très bons joueurs. Avec des joueurs techniques autour de lui, je pense que Wadji peut vraiment faire des différences et marquer des buts. Il a les qualités pour s’imposer à Sainté et pour aider le club à remonter la pente, j’en suis convaincu.

Quels sont ses axes de progression ?

Je pense qu’il peut encore s’améliorer dans le redoublement de passes. Quand il se retourne, il peut encore progresser dans la dernière bonne passe. Il pourrait être davantage passeur. Mais bon, ce que l’on demande aujourd’hui en priorité à un attaquant, ce n’est pas de faire des passes décisives. C’est avant tout de marquer des buts ! Et Ibrahima en met pas mal. Il est aussi intéressant dans son jeu combiné. En tant qu’ailier, quand je jouais avec lui, je rentrai dans l’axe, je lui mettais, il me la remettait, je lui remettais, il me la remettait.

Laisse-moi deviner la suite : tu la lui remettais et il te la remettait. Ça peut durer longtemps cette histoire !

(Rires) Bon, à un moment donné, l'action finissait quand même ! Ce que je veux dire, c’est qu’Ibrahima n’est pas quelqu’un qui va se retourner et frapper directement. Wadji, c’est quelqu’un qui aime aussi la redemande. Il aime décrocher, venir jouer avec les milieux de terrain. Il n’est pas fixé que sur le but, il arrive aussi à faire jouer les autres.

C’est un attaquant qui ne rechigne pas à faire des efforts défensifs ?

Franchement, tu vas t’en rendre compte, c’est quelqu’un qui ne calcule pas les efforts. C’est un vrai joueur d’équipe. Nous à Qarabag on jouait avec un pressing vraiment haut. Wadji, c’est quelqu’un qui presse tout le temps. Dans son jeu sans ballon, il n’y a pas de souci à se faire, il se donne sur le terrain.

Comment as-tu réagi en apprenant qu’il quittait ton club pour Sainté ?

A vrai dire, il est venu me voir pour me demander mon avis sur l’intérêt que lui portait Sainté alors qu’on s’apprêtait à jouer le play-off pour la Champions League. On était à un pas de la Ligue des Champions et il me dit : « j’ai un club de Ligue 2 en France qui me veut. T’en penses quoi ? » Je lui ai dit : « C’est quel club ? » Il m’a répondu : « C’est Saint-Etienne ». Je lui ai dit : « Waouh, Saint-Etienne, c’est costaud ! C’est pas n’importe quel club ! Saint-Etienne, c’est Saint-Etienne. Il y a une grosse histoire, c’est un grand club, il y a aussi de très bons joueurs. C’est aussi une vitrine ! » Je lui ai dit : « Tu peux marquer des buts, t’imposer là-bas, monter avec le club. C’est quelque chose de magnifique ! »

J’ai ajouté : « Franchement, le choix que tu dois faire, c’est un choix personnel : « soit tu veux jouer les Coupes d’Europe et dans ce cas t’as tout intérêt à rester à Qarabag, soit tu veux aller en France. Certes Sainté joue en Ligue 2 mais si tu fais la montée avec les Verts, t’as tout gagné ! » J’ai senti qu’il était convaincu que son avenir était à Saint-Etienne. Quand bien même un club de Ligue 1 se serait manifesté pour le recruter, je pense qu’il serait quand même allé chez les Verts. Parce que Saint-Etienne, c’est vraiment un grand club. En fait, Ibrahima n’a pas hésité. Il était déterminé à répondre favorablement aux sollicitations stéphanoises.

Ibrahima a rejoint un club que tu connais un peu pour y avoir fait un essai il y a dix ans.

Exact. Je suis arrivé à Sainté en 2012 en provenance de Grenoble. En fait il y avait un partenariat avec Saint-Etienne. J’étais obligé d’aller là-bas alors qu’à la base je devais rejoindre un club de Ligue 2. Tout était préparé mais on m’a dit « tu dois aller à l’ASSE car les Verts sont prioritaires. » J’ai donc été à Sainté, j’ai rencontré le coach Christophe Galtier. J’avais mangé avec lui et avec le directeur sportif Dominique Rocheteau. Ils m’ont expliqué un peu le projet. En fait ce n’était pas un essai, tout était planifié.

J’étais venu avec mon agent, on avait déjà parlé de contrat et tout. Ils m’ont dit : « fais la prépa et tu signeras ton contrat comme prévu. » J’ai fait une semaine, puis deux, puis trois. J’ai joué le match de préparation contre le Gazelec et je devais signer dans la foulée. Ce qui s’est passé, c’est qu’il y a eu des problèmes dans le contrat. On ne s’est pas mis d’accord avec le club sur la durée du contrat. A la base je devais signer cinq ans, après on m’a proposé deux ans et au final seulement un an. J’ai refusé de signer juste pour un an.

Comment as-tu vécu cette brève expérience sous le maillot vert ?

Comme je l’ai dit à Wadji, quand je suis arrivé là-bas j’avais 20 ans, j’étais comme dans un rêve. C’était magnifique. Il y avait beaucoup de supporters lors des entraînements publics. Lors des matches amicaux, c’était plein. J’ai pu toucher du doigt la ferveur qui entoure ce club. Le centre d’entraînement à l’Etrat, c’est incroyable. C’est pour ça que je ne garde que de bons souvenirs de cette expérience à l’ASSE. Parfois, quand j’ai eu des mauvais passages dans ma carrière, j’ai eu des regrets. Je me disais : « Ah, t’aurais peut-être dû accepter de signer le contrat d’un an qu’on te proposait. » Mais je ne retiens que du bien de ce club. J’ai côtoyé de très bons joueurs, qui ont remporté 9 mois plus tard la Coupe de la Ligue.

Ibrahima Wadji a marqué 11 buts en 16 matches de championnat avec Qarabag. Il vaut quoi ce championnat ?

C’est vrai que notre club est surtout connu sur la scène européenne, chaque année il joue en Coupe d’Europe. Vous êtes bien placés pour le savoir car l’ASSE avait fait deux matches nuls contre Qarabag il y a huit ans lors des matches de poule de l’Europa League. Bien sûr, le championnat d’Azerbaïdjan est méconnu du grand public en France. J’entame ma 5e saison dans ce championnat avec Qarabag et je considère que ce n’est pas un championnat facile. Contre nous les équipes jouent toutes derrière, c’est vraiment fermé. On est obligé de marquer vite pour que le match s’ouvre. Ma vision des choses, c’est que ce n’est pas si facile que ça. Et que c’est souvent Ibrahima Wadji qui nous a permis de décanter la situation.

Comme je suis un amoureux du foot, je regarde comment Laurent Batlles fait jouer son équipe. J’ai vu ce qu’il a mis en place à Troyes avec succès et ce qu’il veut reproduire à Sainté. Ce que met en place ce coach ressemble un peu au football que nous on joue à Qarabag. Ça repart de derrière, ça presse à la perte de balle, ça joue, c’est tourné vers l’offensive. Wadji s’y retrouve, il va retrouver peu ou prou à Sainté le même schéma de jeu qu’à Qarabag. Y’a une petite différence mais ça ne change pas fondamentalement la donne le concernant, c’est que Laurent Batlles préfère jouer avec une défense à trois alors qu’à Qarabag on joue à quatre derrière.

Humainement, comment décrirais-tu Ibrahima Wadji ?

C’est un joueur vraiment cool. Il aime bien sortir des petites blagues. On s’entendait très bien. Depuis qu’il est parti, tous les jours on se téléphone. C’est un peu comme s’il était toujours là. C’est quelqu’un de vraiment attachant. Il est toujours de bonne humeur et dans la rigolade. Mais il n’est pas du genre à rigoler sur le terrain, c’est un compétiteur très sérieux et généreux. Wadji, c’est vraiment un gars bien. C’est un mec qui est famille, tranquille.

Quelle image garderas-tu de lui ? As-tu une anecdote ou un souvenir qui te vient spontanément à l’esprit quand on évoque Wadji ?

Je n’ai pas une anecdote qui me vient en particulier. On a tellement rigolé que je ne sais pas quoi te dire, il y a tellement de choses à dire que je ne saurais pas par où commencer ! (rires) Pour parler du joueur, l’image qui me restera, c’est le premier de ses deux buts contre Zurich. Il a pris la balle du milieu de terrain, a dribblé tout le monde avant de mettre une mine en lucarne. Franchement, c’était magnifique !

Techniquement il est bon, ce n’est pas quelqu’un qui a les pieds carrés ! Il est capable de faire des exploits individuels, moi je l’ai vu en championnat. Il a grosse frappe du droit et il aussi un bon pied gauche.

Quid de son jeu de tête ?

En fait il est rarement sollicité dans le domaine aérien car on n’est pas une équipe qui centre beaucoup en l’air, on a tendance à jouer surtout au sol, à faire des centres en retrait. Mais il a mis quelques buts de la tête en championnat.

En Coupe d'Europe il a marqué de la main !

(Rires) Oui, contre Marseille ! Mais il a été fair-play, le but a été annulé.



Le mot de la fin ?

Je souhaite plein de bonnes choses à Wadji et à Sainté, j’espère que tout va bien se passer pour lui et qu’il va faire gagner des matches aux Verts. L'ASSE a connu un début de saison compliqué. Commencer un championnat avec trois points de retard, ce n’est pas évident. L’équipe a été très fortement remaniée à l’intersaison suite à la relégation. Les premières journées, des joueurs sur le départ ont joué, des joueurs comme Wadji n’étaient pas encore arrivés. Mais maintenant que le mercato est terminé, je pense qu’il n’y a pas de souci à se faire, ça va venir. Je pense que ça va le faire. J’ai vu qu’Ibrahima a fait une bonne rentrée contre Pau et qu’il a provoqué le penalty de l’égalisation. Je lui souhaite maintenant de marquer beaucoup de buts pour les Verts.

 

Merci à Abdellah pour sa disponibilité et à Luc pour sa coopération