Recordman des matchs joués par un gardien stéphanois toutes compétitions confondues, Jérémie Janot entraîne désormais les gardiens dans sa ville natale de Valenciennes. Il est revenu avec Poteaux-Carrés sur le début de saison stéphanois sans manquer de parler de la nouvelle recrue verte, Matthieu Dreyer.


Comment vas-tu Jérémie, comment VA la vie ?

Ecoute, tout va bien ! C'est ma quatrième saison ici à Valenciennes. Je suis pleinement satisfait. J'ai eu de supers gardiens avec moi que ce soit Jérôme Prior (un temps convoité par l'ASSE, ndp2), Lucas Chevalier ou encore Hillel Konaté. Là, on vient de prendre Gautier Larsonneur qui est parti sur d'excellentes bases. L'investissement de chacun est top et puis il reste encore des choses à faire. Tu te remets en cause toutes les semaines dans ce métier, rien n'est jamais acquis, il faut toujours travailler pour avoir les meilleurs résultats possibles.

Je commence à avoir une certaine expérience en L2, c'est la septième saison où je suis adjoint, je connais bien cette division. Maintenant, je m'occupe des coups de pied arrêtés, je fais de la vidéo. Je connais les équipes, les joueurs ... La L2 je commence à bien la connaître !

Ce n'est plus trop notre cas, on avait un peu oublié et ça nous manquait pas trop d'ailleurs ! Tu t'attendais à retrouver les Verts ici ?

En barrages contre Auxerre, c'était du 50/50 donc on ne savait pas trop. Mais la logique sportive est implacable. Quand tu descends après 40 matchs, c'est le sport, c'est parfois cruel. On ne refera pas l'histoire. Maintenant, les Verts doivent regarder vers l'avant. Tu pourras tourner le truc dans tous les sens, il faut avancer !

Malgré le contexte, on imagine que tu es content de retrouver l'ASSE ce week-end ?

Oui, bien sûr ! J'ai été formé à Sainté, je suis resté 19 saisons là-bas, je suis le gardien qui a disputé le plus de matchs sous le maillot vert donc forcément j'ai beaucoup d'amour pour ce club, c'est indéniable. Mais samedi c'est un adversaire. C'est bizarre parce qu'après 738 matchs sur le banc, depuis mes débuts en pro en 1995, c'est la première fois que je vais affronter Sainté ! Mais aujourd'hui, je suis les Verts comme un technicien plutôt que comme un supporter. Quand j'ai vu le calendrier et que la rencontre tombait à la cinquième journée, j'ai suivi les matchs amicaux des Verts et leurs débuts en championnat.

Pas terrible ces débuts, le 0-6 à domicile a quand même dû te faire un petit pincement au cœur ?

Ouais ... Après, il faut voir le match, tu as 3 expulsés, il y a une bonne équipe en face. Quand tu regardes la L2, il y a toujours des matchs fous. Regarde, Laval a arraché le match nul 3-3 contre Metz. Ca arrive souvent dans ce championnat que ça parte tous azimuts. Tout le monde peut battre tout le monde n'importe quand. Tu peux gagner chez le leader et la semaine suivante perdre à domicile contre la lanterne rouge. La L2, c'est difficile, ce n'est pas un sous-championnat ! Il y a de bons joueurs, de bonnes équipes, de bons techniciens. L'erreur à ne pas commettre, c'est de dévaluer la L2 !

Vos matchs avec Valenciennes sont tout de même moins prolifiques avec un seul but marqué et deux encaissés en quatre rencontres.

On est reparti sur un nouveau cycle avec un nouveau coach (Nicolas Rabuel, ndp2), des jeunes joueurs encadrés par des plus anciens comme Mathieu Debuchy. On essaie de retrouver une solidité à domicile car la saison passée, on a plutôt performé à l'extérieur. On a de bons jeunes talentueux. Ils vont devoir se mettre au diapason du championnat, s'aguerrir, performer. Le staff veut faire grandir ces jeunes à fort potentiel pour qu'ils apportent au maximum au club.

Des jeunes, on n'en manque pas non plus à Sainté, même si on vient de recruter un briscard en la personne de Matthieu Dreyer. Tu connais un peu ce gardien, que peux-tu nous en dire ?

Je le connais bien. Je pense que c'est un excellent choix pour Sainté. Déjà, c'est un bon mec. Même si pour arrêter les ballons on s'en fout. C'est un bon gardien qui va apporter à Etienne Green. Je le connais bien parce que ce sont des profils qu'on étudie à Valenciennes. Quand Jérôme Prior est parti, on a regardé son profil. C'est une bonne pioche car c'est un gardien complet qui a bien roulé sa bosse. Il n'a jamais déçu là où il est passé.

Arriver lundi dans un club et être titulaire samedi, ça ne risque pas d'être compliqué pour un gardien ?

Ah non au contraire ! Justement, tu n'as pas le temps de gamberger, de te poser des questions. Roule ma poule ! Le plus dur c'est quand tu as 10-15 jours, tu gamberges, tu ne sais pas si tu es logé à l'hôtel, si tu dois trouver une maison ... il y des choses extra sportives qu'on ne voit pas toujours. Là, le mec il arrive et allez, dans les cages. C'est la meilleure des choses.

En cinq journées, il sera déjà le troisième gardien à jouer pour Sainté après Etienne Green et Noah Raveyre. Que penses-tu du début de saison d'Etienne qui avait été mis à l'écart la saison dernière après l'arrivée de Paul Bernardoni ?

J'ai une règle : en tant que technicien adverse, je ne me permets pas de juger la performance d'un gardien qui n'est pas avec moi. Je n'aimerais pas qu'on le fasse sur mes gardiens. Déontologiquement, ce ne serait pas sympa envers Jef Bédénik. Tout ce que je peux dire, c'est qu'Etienne est un gardien que j'adore ! C'est un mec avec un énorme potentiel, beaucoup de qualités. C'est un gardien d'avenir et du présent surtout ! J'aime le gardien, l'homme. Je n'ai aucun souci sur son talent et ses performances !

On avait posé la question à Jérôme Alonzo il y a plusieurs mois à propos du système défensif dans lequel évolue un gardien. Avec 3, 4 ou 5 défenseurs, comment on fait pour s'adapter à ça ?

Le maître mot pour un gardien, et je le dis aux miens, c'est l'adaptabilité. Ils doivent prévoir l'imprévisible et s'adapter à tout. Les systèmes évoluent. Parfois en cours de match. Tu dois être capable de t'adapter. Ca doit faire partie de ton bagage. Et puis, commander une défense, que ce soit à 3 ou à 4 ... Tu sais, les mecs tu les connais ! A l'entraînement, tu participes aux oppositions, aux petits jeux. C'est là que tu prends les automatismes. Mais ça peut faire une différence entre deux gardiens. Certains ne vont pas avoir de problème à changer 15 fois de système dans un match, d'autres un peu plus. Mais si ton gardien a du mal avec un système qu'on a travaillé toute la semaine, ce n'est peut-être pas le système qu'il faut changer, c'est le gardien ! Quand tu es au haut niveau, tu dois t'adapter. Pareil pour un entraîneur, quand un de ses gars se fait sortir au bout de 2 minutes ! Au haut niveau, tu dois avoir cette capacité de réactivité pour pallier les aléas d'un matchs. Favorables comme défavorables d'ailleurs ! Jouer en supériorité numérique, c'est pas si simple que ça ! Regarde le match contre Le Havre, à la mi-temps, Luka Elsner a dit que le plus dur ce serait de marquer le premier but. C'est arrivé sur une phase arrêtée. Quand tu entres dans un staff, tu te rends compte de plein de choses que tu ne vois pas quand tu es joueur. Tout est compliqué !

Comme à Sainté ! C'est un club qui doit absolument toucher le fond pour remonter ? T'as connu un peu ce genre de situation quand on était en D2 à l'époque.

Ce qui est sûr, c'est qu'il ne faut pas être dans l'émotion quand tu es dans un staff. La saison en L2 est très longue ! La vérité d'août n'est pas celle de décembre, d'avril ou de juin ! Il faut faire le dos rond. On a connu ça la saison dernière, on enchaîne 4 défaites consécutives dans la course finale pour le maintien. Avec le staff, on s'est dit qu'on ne devait pas paniquer. On enchaînait Paris FC, Ajaccio et Sochaux ensuite et on a pris 5 points. Derrière, on gagne à Niort et on se maintient. Il faut laisser les émotions de côté pour tenir le cap. Sur les matchs de l'ASSE que j'ai vus, il y a de la qualité, des bons joueurs. Ca va tourner à un moment donné ! J'espère que ce ne sera pas samedi contre nous (rires) ! Mais tu as une colonne vertébrale, tu as des mecs comme Victor Lobry ou Jimmy Giraudon qui connaissent la L2, des mecs concernés comme Mahdi Camara, devant tu as JP Krasso ... En tant que technicien, je mets l'émotion de côté et je peux dire que Sainté ce ne sera pas un match facile ! Toutes les équipes sont difficiles à gérer, il n'y a pas de match facile. Je ne dis pas ça pour faire reluire les Verts, il y a de la qualité dans cette équipe. Et je suis persuadé qu'en avril, ils n'en seront pas là !

Et puis il faut aussi que la mayonnaise prenne, beaucoup de recrues arrivent, beaucoup de joueurs sont partis, ça compte aussi ?

Exactement ! Il y a plein d'aléas en début de saison. Il y a des zones de turbulence, des difficultés. Il faut passer par là et d'ailleurs tous les clubs passent par là au cours d'une saison.

C'est quoi la recette pour construire un groupe capable de remonter ? Avoir des "bons mecs" comme tu disais de Matthieu Dreyer ? Un amalgame entre jeunes et anciens ? Toi qui a connu deux titres de champion de Ligue 2, dis-nous !

Alors, attention ! OK, on avait des bons mecs mais on avait des sacrés mecs de caractère aussi ! Les Kader Ferhaoui, Patrick Guillou, Nestor Subiat, Gilles Leclerc, Claude Fichaux ... ça ne rigolait pas ! Et la seconde remontée, tu as des Patrice Carteron, des Julien Sablé, des Lilian Compan, des Nicolas Marin, il y avait moi aussi ... des bons mecs ouais, mais des compétiteurs surtout. Parfois, ça clashait dans le vestiaire. Des gars comme Hérita Ilunga, ils avaient un sacré caractère ! A un moment donné, ce n'est pas le Club Med ! Des bons gars, il t'en faut, mais des mecs de caractère aussi. C'est une alchimie à trouver, un amalgame. Il faut tous tirer dans le même sens, avec un but commun : la montée. Après, bon mec ou pas ... on est avant tout là pour gagner des matchs, pas pour faire des restos ensemble !

Quand Fred Antonetti me convoque avant le premier match de championnat, il me demande si je veux jouer en L1. Je lui réponds oui et il me dit : "alors il faut que tu me gagnes 10 points sinon on ne montera pas." On n'a pas tous la même définition d'un bon gardien. Pour moi, c'est assez simple. Un bon gardien, c'est celui qui transforme les défaites en match nul et les matchs nuls en victoire !

Aujourd'hui, quand tu recrutes un gardien, il faut voir si ses qualités correspondent à celles de ton bloc défensif. Si ton bloc est haut, il te faut un gardien à l'aise dans la lecture de trajectoire, qui peut sortir, couper ... Si ton bloc est bas, athlétique, alors plutôt un gardien fort sur sa ligne, avec des réflexes forts. Le gardien fait désormais partie intégrante de ce bloc défensif. Quand je recrute un gardien - car j'ai la chance d'avoir la confiance de mes dirigeants et du staff - je ne regarde pas que ses qualités intrinsèques. Je regarde s'il correspond aux qualités et aux défauts de mes défenseurs, est-ce que tout s'emboîte parfaitement. Il faut impérativement une connexion entre ce bloc défensif, pas uniquement les défenseurs mais aussi tes milieux, et ton dernier rempart.

C'est cette alchimie que tu pouvais avoir avec des défenseurs comme Vincent Hognon, Patrice Carteron, Zoumana Camara etc ?

Oui on était bien ensemble mais c'était une autre époque ! C'est incomparable en fait. Le football moderne et le gardien moderne, c'est celui qui s'insère dans ce bloc défensif à part entière.

Tu parlais du bon gardien qui transforme la défaite en match nul, ça ne peut que nous rappeler plusieurs de tes arrêts et je pense particulièrement à celui face à Troyes - feu l'ATAC - en 1997. On est à la 42e journée de D2, 0-0 à domicile et cet arrêt



Tu disais que c'est le plus important de ta carrière ?

Bien sûr, car le président Philippe Koehl nous avait dit qu'en cas de défaite, c'était le National et le dépôt de bilan. Donc, oui, gagner ton face-à-face à 19 ans, c'est forcément l'arrêt le plus important. On ne sait jamais ce qui se serait passé sans cet arrêt !

A l'époque, cet arrêt change tout. Sainté se maintient et Alain Bompard rachète le club, ce qui le mènera en L1 deux saisons plus tard. Penses-tu que c'est ce qu'il faut à cet ASSE 2022, un changement de direction ?

Si ça doit se faire, ça va se faire. Mais il faut faire attention avec tous les bruits, les rumeurs. J'ai assisté à trois rachats du club. De Koehl à Bompard, de Bompard à Grange et de Grange à Caiazzo. Quand ça doit se faire, ça se fait. Tout ne doit pas devenir un problème et se dire que c'est la faute d'untel, c'est la faute d'untel ... de Romeyer, de Caiazzo. Là aussi, je répète, il faut arrêter d'être dans l'émotion. Je pense que si quelqu'un voulait vraiment racheter le club, il l'aurait fait ! Quand j'ai vendu le Club 42, la personne qui le voulait l'a acheté tout de suite, on n'a pas attendu 107 ans ! Mais n'écoutez pas toutes les rumeurs ... moi qui suis dans le milieu, je peux te le dire ... on écrit tout et son contraire, ça fait parler, ça fait vendre !

Il n'empêche vente ou pas vente, Sainté a mis des anciens à la tête du sportif que ce soit Jean-François Soucasse, Loïc Perrin et maintenant Laurent Batlles, c'est important d'avoir ce côté connaisseur de la maison verte pour être au club ?

Non. Ce qui compte c'est la compétence, point. Il n'y a que ce critère qui doit primer pour moi. Si tu as un ancien qui est une truffe, ça n'apporte aucune plus-value.

T'as eu Loïc au téléphone récemment pour se renseigner sur certains de vos joueurs ?

Non, il ne m'a pas appelé.

Le nom de Mohamed Kaba est pourtant revenu plusieurs fois dans les arrivées possibles à Sainté, tu peux nous parler de ce joueur ?

C'est un très très gros potentiel. J'ai eu la chance de jouer avec Didier Zokora, c'est le même niveau. Ce sont des profils similaires.

Ah ouais, sacré compliment !

Vous le verrez samedi ! C'est un bon garçon, formé à la maison. On forme bien à VA, on a un bon centre, très performant. C'est un super mec et un super joueur ! C'est un dragster ! Quand je le vois balle au pied, il fait des percées, j'ai l'impression de revoir Didier Zokora. C'est impressionnant. Alors, il a peut-être une dimension un peu moins technique ... et encore ! Mais il est beaucoup plus athlétique et physique.

On vous le laisse samedi mais en échange on prend les 3 points !

Ah non, ce qui m'intéresse ce sont les 3 points ! Il y a de l'émotion, bien sûr mais on sera adversaire. Je serai supporter des Verts pendant 36 journées mais contre nous, on sera adversaires et je ne vais rien lâcher !

Merci à Jérémie pour sa disponibilité !