L'ASSE se trouve dans une situation sportive délicate, toujours à la lutte pour le maintien en Ligue 1, et sa situation financière n'est pas très bonne non plus... 


Dans un article précédent nous avons détaillé l'état des finances du club à partir des bilans comptables des trois dernières saisons (jusqu'à 30 juin 2020). Pour résumer : 
  • une forte dépendance des ventes, nécessaires chaque année pour combler un déficit structurel. Cette dépendance a explosé lors de la dernière saison, quand 44% du chiffre d'affaires a été constitué des ventes (contre 20% la saison d'avant)
  • un club très endetté, avec des crédits consécutifs de 10M, 20M et 10M faits sur les trois dernières saisons. Ainsi, le 30/06/20 le club avait encore 20M à rembourser sur la saison 2020-21 et 12M sur les saisons suivantes
 
Bien évidement, la dernière saison a été particulière, écourtée par la crise sanitaire, avec donc des recettes en moins, mais aussi du chômage partiel ou d'autres efforts consentis par les salariés du club. Mais elle a été différente de ses précédentes sur d'autre aspects :
  • les provisions prud'homales ont explosé (argent mis de côté pour des éventuelles pénalités décidées par les prud'hommes) : 3.75M en 2019-20 contre 281k en 2018-19 et 400k en 2017-18. A l'époque où ces provisions ont été faites la procédure de licenciement à rencontre de Ruffier n'était pas lancée. Mais Alain Ravera, David Friio et Ghislain Printant étaient déjà en procès avec un club qui vante ses valeurs
  • les dividendes versées par le club à ses propriétaires ont doublé cette saison : 1M en 2019-20, 500k en 2018-19 et 2017-respectivement
 
Pour comprendre qui profite de ces dividendes, mais aussi pourquoi le modèle économique du club est inquiétant, il faut regarder la structure des sociétés derrière.
 
 

Qui compose l'ASSE Groupe ?

 
Quand on s'intéresse à la situation financière du club, il faut plutôt regarder les comptes de la société "ASSE Groupe", qui détient 88% de la SASP ASSE (le reste étant détenu par l'Association sportive à 10% et d'autres à 2%). En plus du club, le Groupe détient (des parts dans) d'autres sociétés :
  • 100% de la SCI Jean Snella : Boutique des Verts, Caféteria Casino et depuis fin juin 2012 le Centre de Formation - évalué dans les comptes à 6,5M€
  • 89% de la SARL ASSE Products (85% directement, le reste à travers la SASP ASSE)
  • 100% de la SARL Le Chaudron Vert
  • 50% de la SAS Onzeo : détenu en fait par la SASP, avec Lens (*)
 
Il peut y avoir de rééquilibrages des comptes entre ces sociétés (par exemple le Chaudron Vert a enregistré une perte de -70k€ en 2018-19, compensée par le reste du groupe), donc il faut toujours prendre en compte la totalité du Groupe. Bien évidemment, le chiffre d'affaires des autres sociétés est insignifiant par rapport à celui du club, c'est lui qui concentre la quasi-majorité des bénéfices et des coûts.
 
(*) c'est le dernier bilan comptable où Onzeo apparaît parce que suite à une décision de novembre 2019, les deux clubs propriétaires de la chaîne ont décidé la dissolution de la structure (et la distribution des 200k de dividendes).
 
A noter que dans les bilans comptables le coût d'acquisition par l'ASSE Groupe de 88,66% de la SASP ASSE est de 5.6M.
 
 

Est-ce que le Groupe peut bénéficier de l'aide de ses propriétaires ?

 
L'ASSE Groupe (aussi nommé SC Viridis) est détenue à égalité par deux sociétés, Croissance Foot (gérant Roland Romeyer) et Cesse Foot (gérant Bernard Caïazzo). En terme de chiffre d'affaires (CA) et de résultat, les deux sociétés présentent des résultats bien différents à la clôture de l'exercice 2018 (le dernier avec des chiffres publiques pour les deux sociétés, seulement la société de Caïazzo a des chiffres plus récents).
 
 
CROISSANCE FOOT
 
La société gérée par Roland Romeyer présente un actif de 2,2 M€, incluant notamment 1,9M€ de créances à long terme (prêts et avances consentis à la SC Viridis), et 300 K€ de Disponibilités. En terme de passif, nous pouvons observer plus de 500 K€ d'autres réserves et 1,300 K€ d'autres dettes.
 
Sur le compte de résultat, la production vendue de services s'élève à 130 K€, qui absorbe les charges d'exploitation de 60 K€ (dont 36 K€ de rémunération du personnel). CROISSANCE FOOT présente donc un bénéfice de 80 K€ (contre -700 K€ pour CESSE FOOT).
 

CESSE FOOT
 
La société gérée par Bernard Caiazzo présente un actif à un peu plus de 3,1 M€, incluant notamment 1,9M€ de créances à long terme (prêts et avances consentis à la SC Viridis) et 1M€ de VMP. En terme de passif, le résultat de la société, pris individuellement, est négatif, les lignes report à nouveau + résultat de l'exercice cumulant à presque -4M€, compensés par une dette aux associés de ce même montant (*).
 
Sur le compte de résultat, on peut observer une production vendue de services à 200 K€, très loin de compenser les charges d'exploitations cumulant à un peu plus de -900 K€ (plus de -800 K€ sur la ligne autres achats et charges externes). 
 
A noter, fin 2020, l'entrée au capital du groupe indonésien GMG limited, qui a déboursé 400,000 € pour s'octroyer environ 9% des parts de CESSE FOOT.
 
(*) Cela signifie que Bernard Caïazzo en nom propre a une créance de plus de 4M sur la société Cesse Foot. L'idée est de recevoir des intérêts qui doivent être payés même si la société ne distribue pas de dividendes, même en cas de déficit.
 
 
Si on doit tirer des conclusions à partir de ces chiffres, il semble que Caïazzo a mis plus dans sa société que Romeyer. Par contre, il apparaît clair que CROISSANCE FOOT est dédiée à l'ASSE, quand CESSE FOOT à l'air d'avoir d'autres activités, au moins financières (VMP).
 
 

Le futur proche

 
A l'heure actuelle le club lutte pour sa survie en Ligue 1. Sportivement rien n'est fait, mais il y a des raisons de s'inquiéter d'un point de vue financier aussi. Les chiffres pour la saison en cours ne sont pas publics, mais certains circulent déjà. La double lame Covid/Mediapro induit une baisse des revenus de 30-35M, mais grace aux efforts du club le déficit final serait de 10-15M. Enfin, quand on parle d'efforts, il s'agit surtout de ne plus acheter des joueurs confirmés, de faire partir les joueurs aux gros salaires ou virer des employés du club, pas forcément de ne pas payer des dividendes ou des indemnités aux prudhommes.
 
Si ce déficit est important, il dévient inquiétant si la DNCG met en application ce qui a été adressé par courrier aux clubs : "Au cas où le budget d'un club pour 2021-2022 ferait ressortir un déficit d'exploitation qui, à défaut de fonds propres suffisants au 30 juin 2021, serait couvert par des prévisions de plus-values sur mutations de joueurs, des apports d'actionnaires d'un montant équivalent devront être réalisés en début de saison en comptes courants bloqués et/ou en capital afin de sécuriser la situation de votre club". En clair, l'ASSE aura toujours besoin de vendre pour rester à l'équilibre, mais en attendant les ventes les actionnaires doivent compenser avec leur argent. Sauf que les deux sociétés propriétaires de l'ASSE Groupe n'ont pas ce genre de liquidités...
 
Une possible porte de sortie est bien sûr la vente du club à un propriétaire capable de combler le déficit et éponger les dettes. Plusieurs rumeurs circulent et différents scénarios méritent d'être clarifiés. On peut parler des ventes des parts de la société ASSE Groupe - c'est à dire que les deux sociétés Croissance Foot et Cesse Foot décident d'augmenter le capital ou bien de vendre (une partie de) leurs parts. Il est fort probable que les règlements de l'ASSE Groupe demandent que les deux propriétaires soient d'accord pour faire ce genre d'opération. Par contre, rien n'empêche le gérant d'une société mère de faire ce qu'il veut avec sa société. Caïazzo l'a fait avec sa société et le groupe indonésien et Romeyer et Croissance Foot n'ont eu aucun mot à dire. C'était une entrée minoritaire au capital, Caïazzo reste l'actionnaire majoritaire et le gérant de Cesse Foot, donc avec 50% de voix sur l'ASSE Groupe. Mais pour poursuivre avec cet exemple, Romeyer ne peut pas empêcher Caïazzo de vendre Cesse Foot à un acquéreur avec une grosse puissance financière. Le nouvel actionnaire du club détiendrait ainsi, toujours via Cesse Foot, la moitié de l'ASSE Groupe et la lutte de pouvoir au sein du club se ferait entre des acteurs différents. Dont un avec beaucoup plus de moyens que l'autre...
 
 
Par Elliev et Pilou