Dans le torrent d’émotions qui dévaste les jours (de match) et les nuits du peuple vert depuis des mois arrive ce match, LE match qui surpasse tout.


Et avec lui son classique cortège de postures : C’est d’abord ce vilain voisin qui revient plus fréquemment dans les chants, son nom qui émerge en langage fleuri sur les drapeaux. Et puis les appels au « posage de c… sur la table » lancés à la fin de ce beau et tragique Sainté-Brest par le Capo des MF dans un discours qu’il faudrait passer en boucle à tous ceux qui ont un jour osé affirmer que nos groupes n’ont pas pour vocation première de soutenir le club. Un discours musclé, un discours vibrant de passion. L’énergie du désespoir au mégaphone, la foi dans la transmission d’une force du 12è homme aux 11 autres, l’appel à l’esprit du Chaudron, le réveil de l’âme de Geoffroy.

Comme on reprendra l’œil brillant le Qui c’est les plus forts qu’on ne raterait pour rien au monde dimanche vers 20h40, on a aimé cet extrait de passion brute, cet instant vrai, ce discours suintant l’amour des uns et la haine des autres, l’espoir du sursaut et la peur du vide, la vie quoi.

Ces appels à la mobilisation n’existaient pas il y a encore vingt ans, mais semblent devenus presque routiniers aujourd’hui. L’entraînement de samedi ouvert au public en sera la prochaine spectaculaire manifestation. De quoi offrir à nos cœurs meurtris la démonstration consolatrice de l’éternelle exception culturelle verte. De quoi faire encore plus - si c’est possible - monter l’adrénaline en flattant notre fierté de supporters, avant que le stress envahisse tout.

Et les joueurs ? Ceux à qui étaient destinés ces mots, qui, pendant 1 minute 30 ont écouté, l’air grave, cet appel à tout donner, à tout renverser ? Ont-ils trouvé ça beau, utile ou pénible ? Se sont-ils sentis galvanisés ou infantilisés ? Ont-ils mesuré leur chance de connaître cela ? Se sont-ils soudain sentis tout petits dans ce si grand maillot ? Se sont ils demandé s’ils devaient applaudir, étaient-ils soulagés de ne pas se faire engueuleur ? Avaient-ils simplement hâte de filer à la douche ?

Et l’excitation retombée, à froid dans les vestiaires ont-ils partagé leurs impressions, se sont-ils promis les uns aux autres de se préparer comme jamais ? Plus tard, une fois rentrés chez eux, ont-ils prévenu leur petite famille qu'il ne fallait pas les empêcher de dormir d'ici dimanche ?

Au fond qu’ont-ils vraiment appris qu’ils ignoraient ? Que ce match compte plus que tout ? Même un Old venu des antipodes le sait certainement. Chacun a conscience de l’enjeu sportif, au-delà de la rivalité. A la pression du maintien s’ajoute celle du derby, et il faut espérer que ce discours comme l’entraînement de samedi produiront les effets espérés.

Dans un autre contexte, avec d’autres profils de joueurs et un déséquilibre sportif moins net, Galette, il y a une dizaine d’années, avait magnifiquement renversé la hiérarchie du derby, choisissant d’alléger les têtes avant ce match, en le préparant comme un autre. L’option de ne pas en faire des tonnes, de ne pas en rajouter quand l’évidence de l’enjeu est déjà écrasante lui avait mine de rien permis d’offrir 5 fois l’ivresse d’une victoire au peuple vert éternellement reconnaissant.

Horneland s’en inspirera-t-il ? Où suivra-t-il les MF et leur discours de passion et de rage mêlées ?

Personne ne sait quelle sera l’issue du match, personne ne sait ce qu’aura pesé ce discours dans le verdict final.

Alors ce discours, nous supporters, apprécions le pour ce qu’il est : un appel au dépassement de soi, un appel au combat de la volonté contre le doute, de la furie contre la fébrilité, de la passion du plus beau contre la raison du plus fort, de la vie contre la mort. Car il en reste un peu, de la vie même quand on pense qu’elle s’est définitivement fait la malle.

Abattu en revenant des Corons comme je l’étais en sortant du Chaudron le soir du nul contre Rodez en mai dernier, je me raccroche à l’idée folle que cette équipe est déjà revenue d’entre les morts. C’était déjà un dimanche, un soir de destin sur un fil, de septième ciel ou de purgatoire, et les Verts avaient su forcer la porte, s’arracher à la malédiction, s’offrir des pleurs de joie et des cris de délivrance pour les plus beaux souvenirs d’une vie de footeux. Larso, Nadé, Appiah, Pétrot, Tardieu, Moueffek en parleront à leurs petits-enfants.

Dimanche ils auront l’occasion après le doigt d’Ibra pointé vers le ciel d’ajouter à leur récit de Père Castor un « et je t’ai raconté le derby du maintien ?».