Razik Nedder : "Nadir El Jamali ? C'est un bonbon ! "

Sélectionneur de l'équipe d'Algérie U20, Razik Nedder nous présente le néo-pro franco-marocain Nadir El Jamali (18 ans), qu'il a entraîné plus d'une dizaine de matches cette saison en National 3.

"Nadir est un joueur avec une touche technique vraiment au-dessus de la moyenne. Il a une qualité de première touche de très, très haut niveau, qui lui permet de lui donner un temps d’avance très souvent. Il a un pied gauche… Waouh ! C’est un joueur que t’as envie de voir jouer. Souvent avec le staff on rigolait. On disait « c’est un bonbon. » Il a une touche technique nettement au-dessus des autres. Il a une sensibilité de pied exceptionnelle. Sur mes 14 ans années à l’ASSE, il est l’un des plus doués si ce n’est le plus doué que j’ai connu dans ce domaine.

Etant donné qu’il est gaucher, qu’il est Maghrébin, que c’est un joueur fin, bien évidemment on a tendance à le comparer ou en tout cas à assimiler son profil de jeu à Ryad Mahrez. Des joueurs de ces qualités-là, de ce profil-là au très haut niveau, il n’y en a pas à la pelle parce qu’on est dans un football différent aujourd’hui. Moi, le football que j’aime, c’est le profil de Nadir. Il a une telle relation au ballon… Ce n’est vraiment pas un problème pour lui. C’est un joueur capable de jouer sous pression, de jouer entre les lignes. Ça le rend redoutable et singulier.

J’aime me dire qu’on fait carrière sur nos qualités fortes. Lui sa qualité forte elle est vraiment apparente. Parfois les coaches aiment bien tirer la couverture vers eux, mais celui qui dit « j’ai appris à Nadir à manier le ballon », c’est un menteur ! (rires) On a par contre développé plein de choses autour. Car la crainte avec ce profil-là, c’est que le joueur reste un petit grignoteur de ballons, réduit à sa seule qualité technique.

Le boulot qu’on a entrepris depuis un an et demi avec lui, c’était déjà de se dire : « ta qualité technique, comment la mettre au service de ton football de manière à ce que tu sois plus décisif, plus tranchant, plus dangereux envers l’adversaire ». On a mis des choses en place dans ce domaine-là pour que Nadir soit toujours en mouvement, qu’il ait toujours cette volonté d’attaquer le but, soit pour servir un partenaire, soit pour lui-même.

L’autre volet, c’était sur l’aspect défensif. De manière à ce qu’on ne lui colle pas cette étiquette de joueur à 50%, qui n’est bon que quand on a le ballon et à la perte de balle, on joue à 10. J’avais eu l’expérience de Bilal Benkhedim, qui était un joueur doué techniquement mais qui a eu du mal à aller dans certains domaines qu’il n’appréciait pas. L’état d’esprit de Nadir lui permet d’aller plus loin, d’aller chercher d’autres choses.

On a travaillé avec Nadir pour qu’il défende, qu’il se batte pour l’équipe, avec l’équipe. Qu’à la perte de balle, il enfile un autre costume que le costume d’artiste et de joueur fin techniquement. Qu’il soit là à la bagarre aux côtés de ses partenaires. Vu que Nadir est un joueur à l’écoute, avec une éducation incroyable, c’est facile de l’emmener dans des zones qui peuvent paraitre de prime abord loin de sa zone de confort.

Nadir n’est pas embêté avec le ballon, ça lui permet de jouer un petit peu partout sur le front de l’attaque. Moi je l’ai déjà utilisé dans les 2 attaquants, en soutien de l’attaquant, faux pied aussi. Ce n’est pas un joueur que tu peux trop brider car il a besoin de pouvoir utiliser les zones libres, les contrepieds de l’adversaire. Il peut évoluer dans un 4-2-3-1 dans les trois postes : sous l’attaquant, à droite ou à gauche.

Nadir a besoin d’être proche du but car il est capable de distiller le ballon dans des zones ou des tempos que seul lui est capable de faire. C’est important de le laisser proche du but de manière à ce qu’il soit décisif. Nadir n’est pas un dribbleur fou mais c’est un réel joueur de contrepied. Il a des prises de balle le rendant vite irrattrapable pour l’adversaire.

Avec le staff, il nous est arrivé de voir un ballon arriver sur lui. On se dit « purée, celle-là elle va être compliquée » et waouh, la prise de balle est époustouflante, le ballon reste collé à son pied de manière à ce qu’il puisse enchaîner vite derrière. Avec le staff, ça nous arrivait de nous regarder et de dire : « Waouh, c’est un bonbon ! » Nadir arrive à faire des choses délicieuses. Il a une sensibilité de pied que j’ai rarement vue et pourtant j’en ai vu défiler des joueurs !

Je pense que Nadir a décroché son contrat pro grâce à sa capacité à montrer cette qualité dans le football d’adultes, en National 3. Il nous est arrivé de faire des matches compliqués sur des terrains bourbiers à l’extérieur. Dans des matches un peu « sans » pour l’équipe, Nadir arrivait quand même à tirer son épingle du jeu. J’ai le souvenir d’un match à Seyssinet sur un terrain casse-croûte. Notre joueur « plus », c’était ce petit 2007 qui ne faisait pas la différence sur son physique mais grâce à sa technique vraiment hors pair.

Vu que Nadir est un travailleur, je ne vois pas pourquoi il ne s’imposerait pas dans le monde professionnel. Après, on sait que faire une grosse carrière tient parfois à peu de choses. Il y a des concours de circonstances, il faut que les planètes soient alignées, il faut un coach qui aime son football. Moi j’aime son football et je ne m’inquiète pas. Je l’aime beaucoup, je n’ai pas eu peur de l’envoyer à 16 ou 17 ans en réserve dans ce compliqué championnat de N3 où on jouait le maintien.

Nadir a la capacité de faire une belle carrière. J’aime beaucoup l’homme comme le joueur. Quand je le récupère en équipe réserve, il me dit bonjour en étant très timide. Il est tellement respectueux dans son éducation qu’il frôle la timidité dans la relation avec l’adulte. On a réussi à casser ça avec mon contact naturel avec mon staff. Dès qu’il s’est ouvert, purée, ça nous a permis de découvrir aussi le garçon. Il a une technique qui est bluffante en fait.

Nadir, c’est ma vision du football. Les manieurs de ballon sont de plus en plus rares. C’est de plus en plus dur pour eux de se faire une place. J’estime que c’est notre travail de formateur de les aider à s’en faire une. Il y a des joueurs, purée, c’est dommage qu’ils n’aient pas pu encore y arriver. Je prends l’exemple d’un garçon comme Bilal Benkhedim. Il ne fait pas la carrière qu’il aurait dû faire mais il est encore jeune [il a 24 ans et joue actuellement au Luxembourg, au F91 Dudelange, ndp2].

Je pense que Bilel est un garçon qui pourrait ressurgir sur le tard. L’expérience que j’ai eue avec d’autres joueurs à dominante technique m’ont permis avec Nadir d’aller développer des choses de manière à ce qu’il soit le plus complet possible, qu’il soit armé pour la Ligue 1 et pour le haut niveau. J’ai une affection particulière pour le profil du joueur et pour le garçon qu’il est. Nadir est beau à voir jouer.

Tu me rétorques que des joueurs beaux à voir jouer ne parviennent pas toujours à relever le défi physique qui les attend au plus haut niveau. Mais Nadir n’est pas un frêle. Et il aime bagarrer. Il a cette capacité à aller chercher des choses. Je lui ai dit « tu défends pour ne pas te faire engueuler. Maintenant je veux que tu défendes pour récupérer le ballon, le gratter dans les pieds de l’adversaire et aider l’équipe. »

Nadir a pris la consigne, il l’applique. Alors que par moment le joueur à dominante technique comme je peux le décrire, c’est le petit manieur de ballon, qui joue dans les petits espaces mais qui n’est pas tranchant. Nadir, lui, a cette capacité à appliquer les choses. Si tu ne deviens pas ce joueur-là, je ne pense pas que tu pourras passer ce cap-là du football d’adultes. Avec mon staff on a vu un joueur qui a cette capacité à appliquer les choses.

Nadir El Jamali est tombé dans une promotion de bosseurs, à l’instar de Luan Gadegbeku, qui a signé pro aussi et qu’il ne quitte plus puisqu’ils vont encore jouer ensemble en juin en équipe de France U18. Nadir et Luan sont des joueurs qui savent où ils veulent aller. Ils sont dans un mindset de vouloir réussir. Ils se tirent vers le haut l’un l’autre. Ce sont des 2007 qui ont enchaîné pas mal de matches en réserve. Ils ont grandi cette saison, c’est indéniable."

 

Merci à Razik pour sa disponibilité