Il a joué 18 derbys en professionnel.11 avec Lyon et 7 avec l'ASSE avec qui il n'a jamais connu la victoire. Avant la 124e rencontre entre les deux équipes, Bafétimbi Gomis est revenu sur ses souvenirs avec Poteaux-Carrés.


On va commencer par prendre un peu de tes nouvelles Bafé, comment vas-tu en Arabie Saoudite ?

Ca se passe super bien ! Je suis très content de cette expérience en Arabie Saoudite, à Al Hilal (depuis 2018, ndp2). Je suis entouré de ma famille. Sur le plan sportif et humain, c'est une réussite. J'arrive à la fin de mon contrat mais sur le plan collectif et individuel j'ai tout gagné. J'aspire à un dernier challenge désormais car je pense qu'il me reste encore 2 ou 3 ans à jouer. J'aimerais découvrir une nouvelle expérience.

Un retour en Europe c'est envisageable ?

Je ne me suis pas encore posé la question, je vais voir. Je reçois des offres d'Europe, de France. Mais je n'ai pas encore décidé. J'attends de réfléchir, de rencontrer mes représentants et voir ce qui se propose à moi. Mais cette expérience en Arabie Saoudite a en tout cas été une vraie réussite sur le plan sportif et humain.

Tu sais que Sainté recherche un avant-centre !

Oui je sais bien (rires) !

Un retour c'est une éventualité pour toi ?

C'est un club qui me tient à cœur, qui m'a permis de débuter une carrière professionnelle donc tu penses bien que Saint-Etienne a une place particulière dans mon coeur et ma vie de tous les jours. Tout ce que j'ai pu vivre en terme d'émotion sportive, de culture, de voyages, les personnes que j'ai rencontrées, les biens que je possède, c'est ce que je dois à Saint-Etienne. Sans ce club, je n'aurais pas pu épouser cette carrière avec ce que cela comporte. Mais revenir ce n'est pas à l'ordre du jour. J'ai passé 10 ans là-bas, aujourd'hui je suis un supporter à jamais des Verts. Le projet actuel ne me correspond pas, je ne m'y vois pas. Surtout en fin de carrière. Il faut trouver des joueurs à relancer, des mecs qui ont des choses à prouver dans l'élite du football français. Aller dans un club qui est en pleine vente, ce n'est pas de mon ressort. Cela manque de visibilité et quand tu termines une carrière, c'est comme la fin d'un livre, tu as besoin de savoir dans quoi tu mets les pieds. Mais j'espère que les dirigeants trouveront les joueurs pour sauver le club. J'ai vu que Mangala a signé hier, c'est typiquement le genre de mecs qui vont coller à cette opération commando pour sauver le club le plus titré de France !

Eliaquim, justement, tu l'as un peu côtoyé en Equipe de France, tu peux nous en dire un peu plus sur lui ?

C'est un très grand professionnel ! On ne fait pas une carrière comme cela, dans ces clubs sans être un professionnel. Il va apporter son expérience. Il aime les duels, il est dur sur l'homme. Il a connu le très haut niveau. C'est tout ce qui manquait aux Verts. Je lui souhaite juste d'avoir une bonne santé et si c'est le cas, ce sera un transfert réussi pour les Verts. Le problème c'est que ça fait un moment qu'il n'a pas joué donc on fait confiance au staff pour le remettre sur pied et ensuite il viendra rassurer cette défense, accompagner cette jeunesse. Saint-Etienne a besoin de cela car les jeunes ont du talent mais il leur manque quelqu'un qui va pouvoir orienter cette défense. Prends par exemple le dernier but encaissé par les Verts contre Lens, à la 90eme minute, Seko Fofana ne doit pas rentrer dans l'axe. Il faut l'amener vers la ligne de touche et lui interdire de rentrer comme ça dans l'axe aussi facilement et enrouler son ballon. Seul un joueur d'expérience peut lire cette situation à ce moment et donner la meilleure des réponses. Eliaquim fait partie de ces joueurs là.

Tu disais regarder le club en tant que supporter, ça veut dire que ce soir tu mets ton écharpe des Verts pour le derby ?

J'ai des attaches dans les deux clubs pour avoir joué 10 ans à Sainté et 5 à Lyon. Que le meilleur gagne ! J'ai toujours vécu les derbys côté stéphanois ou lyonnais comme une fête du football français. Malheureusement, l'ambiance ne sera pas au rendez-vous, mais j'espère qu'on verra un beau match, une belle rivalité entre deux villes voisines et avec des buts ! De toute façon, le maintien ne se jouera pas sur ce match. J'espère de tout coeur que Saint-Etienne pourra se maintenir car sa place est parmi l'élite.

Tu as joué 18 derbys, 11 avec l'OL et 7 avec les Verts. Tu l'as préféré de quel côté ?

Les deux ! Franchement les deux ! En tant que joueur formé à Saint-Etienne, jouer un derby avec les professionnels ça représentait beaucoup pour moi. J'avais joué des derbys dans toutes les catégories de jeunes et après avoir traversé tous les vestiaires de l'Etrat, pouvoir jouer ce derby en pro, c'était quelque chose ! En plus, j'ai eu la chance de marquer avec les Verts (deux buts, en mars 2007 : défaite 1-3 et en janvier 2008 : 1-1, ndp2) même si je n'ai jamais gagné. Mais ça représentait quelque chose car j'avais fait la promesse à mes parents de réussir. Ils venaient très souvent lors des grands matchs et notamment les derbys. Et puis j'ai aussi vécu des derbys dans les kops avec les jeunes du centre de formation. Je sais ce que le derby représente pour les Stéphanois. Ce sont eux qui m'ont initié à ce match-là.

Est-ce qu'on l'aborde différemment des deux côtés ?

Sportivement, les choses ont évolué aujourd'hui. A mon époque, Lyon avait sûrement plus de confiance car ils sortaient de sept titres de champions de France. Ils avaient cette aura et puis des joueurs de classe mondiale. Aujourd'hui, le football a changé et Saint-Etienne a bien travaillé pour combler le retard, même si ces dernières années ils ont un peu plus de mal avec des moyens qui manquent. Mais pendant quelques années, les Verts ont eu de belles équipes sous la houlette de Christophe Galtier, ce qui leur a permis de briser la malédiction.

Il y avait un complexe d'infériorité côté stéphanois ?

Oui, c'est vrai aussi ! Mais l'arrivée de Christophe Galtier a été déterminante. Il savait comment ce derby était vécu et travaillé côté lyonnais. Il a apporté stabilité et sérénité à cette équipe. Il a fait de Sainté un club qui décroche l'Europe chaque saison. Un tel club doit être en mesure de battre Lyon ou Marseille, les cadors du championnat.

As-tu un derby préféré parmi les 18 disputés ?

Je dirai celui où j'ai marqué mon premier but avec Saint-Etienne (3 mars 2007, ASSE 1 - 3 Lyon, ndp2). Il m'avait marqué car c'était l'occasion de me frotter à des joueurs que je voyais en Ligue des Champions. C'était le grand Lyon et j'étais jeune, j'avais 21 ans. Ce but m'avait donné un capital confiance important. Je m'étais dit que maintenant que j'avais marqué contre des défenses qui ont l'habitude de se frotter aux grands attaquants, tu dois pouvoir faire la meilleure des carrières. Ca m'avait beaucoup aidé.



Mais mon plus grand regret, c'est de n'avoir jamais remporté un derby avec les Verts ! C'était un de mes objectifs que je m'étais fixé avec celui de ramener Sainté à la place qu'il méritait, à savoir être un club européen.

Ce n'est pas passé loin en janvier 2008 avec l'égalisation de Benzema sur coup-franc à la dernière minute. Tu avais d'ailleurs ouvert le score.

Oui, malheureusement ... Ca m'avait fait beaucoup de mal et de peine pour les supporters qui méritaient tant et qui nous avaient encouragé du début à la fin.



Il y a aussi ton retour à Geoffroy-Guichard l'année suivante, en 2009, après ton transfert à Lyon. Tu offres la victoire aux lyonnais et ta réaction n'a pas été bien appréciée sur le but

Ma réaction était normale et justifiée. Les supporters présents au stade ont pu entendre les noms d'oiseaux et les chants à mon égard. Quand tu fais ça à un joueur qui a du tempérament, du caractère et qui a tant donné à un club ... Je l'ai mal vécu ! Si eux ont mal vécu le transfert, je n'ai pas bien vécu ce retour. Il faut bien voir que j'étais un jeune du centre de formation qui n'avais jamais triché. Quand on termine à la 5eme place en 2008, je découvre l'Equipe de France, j'ai beaucoup de sollicitations pour partir. Mais je suis resté par amour pour le club. J'avais dit que je voulais vivre cette expérience, la Coupe d'Europe avec mon club formateur. Ensuite, des supporters sont venus me jeter des cartons de pizza, de Mc Do avec des noms d'oiseaux ...



Ca a été dur un an après d'être transféré. On m'a présenté ce départ comme quelque chose qui pourrait aider le club. Et revenir dans le costume du traitre, ça faisait beaucoup pour moi. Je défendais d'autres couleurs, je voulais montrer que j'étais un bon joueur. Et aujourd'hui, on s'aperçoit de la difficulté pour Saint-Etienne de former un autre Bafé Gomis. J'ai été vendu pour 15 millions d'euros, ce qui à l'époque était énorme. Aujourd'hui, ce serait l'équivalent de 40 millions. Pour la formation stéphanoise, c'était beaucoup. Ensuite William Saliba et Wesley Fofana ont dépassé ces sommes mais ce sont des transferts qui se sont fait vers l'Angleterre et où les clubs ont acheté le potentiel de ces joueurs. Dans ces cas-là, ces clubs ont payé un profil, un potentiel mais pas un joueur confirmé avec 2 ou 3 saisons en L1 et international français comme c'était mon cas.

On comprend que tu n'avais pas spécialement envie d'aller à Lyon, que c'est plutôt Saint-Etienne qui t'a proposé ce transfert ?

Oui, j'étais à l'entraînement avec Saint-Etienne et on est venu me dire : "Ecoute, Bafé, on est d'accord avec Lyon. Tu as quelques jours pour négocier ton transfert". Je n'avais entendu parler de rien. On m'a dit que le transfert ferait du bien au club et que c'était une bonne opportunité pour moi. Donc, quand tu sens que tu n'es plus le bienvenu ... Et puis, ça ne se passait pas forcément bien avec le coach Alain Perrin donc j'ai décidé d'aller dans un club qui me voulait et où j'allais franchir un palier.

Est-ce que tu regrettes de ne pas être parti plus tôt de Saint-Etienne ?

Non pas du tout. J'aurais pu partir à la fin de la saison 2008 et si c'était à refaire, peut-être que je referai différemment. Mais je ne pouvais pas savoir que Pascal Feindouno allait partir au mois de septembre ! On était une bande de copains et j'avais une entente spéciale et naturelle avec Pascal. Ensuite, il y a eu le départ de Laurent Roussey, qui était quelqu'un de très important pour moi car c'était lui qui me faisait répéter les gammes devant le but. Mais je ne regrette pas d'avoir défendu les couleurs vertes cette année-là. Je ne remercierai jamais assez le club, cette ville et ces personnes qui m'ont tant donné.

A Lyon, quelle relation entretenais-tu avec Claude Puel qui vient tout juste de quitter Saint-Etienne ?

De très bonnes relations ! C'est quelqu'un qui a des qualités et des défauts mais une chose dont je suis sûr c'est qu'il sait développer ses joueurs et notamment les plus jeunes. A l'époque, j'étais un jeune joueur et on a vu ce qu'il a fait avec Sainté. Il aime sortir des jeunes, les développer. C'est un des coachs qui a sorti le plus de talents ! C'est un entraîneur qui m'a énormément apporté sur le plan humain et sportif. Il a cette façon d'inculquer la culture de la gagne, cette rage. Cela m'a permis de franchir des paliers, et de passer les frontières et continuer aujourd'hui encore à repousser mes limites. Tout ça je le dois à Claude Puel.

C'est vrai que ta carrière lyonnaise est très honorable (95 buts en 244 matchs), tu as même exporté la panthère que tu faisais à Saint-Etienne pour en faire un lion ! Ce qui n'a pas été bien pris par les supporters verts d'ailleurs !


C'est vrai, je peux le comprendre mais quand je faisais la panthère après avoir quitté Saint-Etienne ce n'était plus en rapport avec l'ASSE. En quelque sorte, c'était devenu ma célébration. Qu'on la prenne pour une panthère, un lion, c'était un félin ! Je m'excuse auprès des supporters qui l'ont mal pris, mais je continue à célébrer mes buts comme cela aujourd'hui et cela n'a rien à voir avec un quelconque chambrage de l'ASSE. J'ai le plus grand respect pour ce club qui m'a tant donné. J'ai souvenir qu'il y a eu des incidents lorsque j'étais à Lyon avec certains ex-coéquipiers qui ont chanté des chants hostiles aux Stéphanois sur le balcon de l'Hôtel de ville, je n'ai jamais fait partie de ce genre de choses car j'ai toujours eu un grand respect pour le club, les habitants, les supporters et tout ce qu'ils m'ont apporté.

C'est Geoffroy-Guichard qui t'a le plus impressionné au cours de ta carrière ? Ou bien la plus chaude ambiance est ailleurs ?

Je pense que ce que j'ai vécu en Turquie est à part ! Défendre les couleurs de Galatasaray et défier Besiktas, Fenerbahce, c'est vraiment des stades qui sont faits différemment. En France, on a de beaux kops notamment à Geoffroy-Guichard, mais là-bas, tout le stade chante, même la partie VIP et ça fait une grande différence. Les derbys aussi sont plus chauds mais je trouve en toute sincérité que sur le terrain, l'intensité d'un Saint-Etienne - Lyon, la qualité technique, c'est au dessus d'un Fenerbahce - Galatasaray !

Et en France, quel est ton stade préféré parmi ceux que tu as connu ?

Il y a de belles ambiances au Chaudron. Mais je dirai que le Vélodrome, de par sa capacité supérieure est naturellement impressionnant. Mais Geoffroy porte bien son nom, c'est un Chaudron ! Un stade chaud, unique en France, l'une des meilleures ambiances d'Europe. Les supporters stéphanois peuvent être fier de ce que ce stade dégage. Si aujourd'hui ils avaient une meilleure équipe, leur stade aurait été une véritable forteresse grâce aux supporters. La place des fans stéphanois est l'une des meilleures en Europe !

Pour retrouver cela, il faut se remettre à gagner et aussi espérer que le Covid nous laisse un peu tranquille !

Je l'espère de tout mon cœur ! Je regarderai le match avec attention et entre nous, j'aurai un petit penchant pour les Verts ce soir (rires) !

Merci à Bafétimbi pour sa disponibilité !