Pour sa première année en tant que coach des Amazones, Laurent Mortel a réussi une saison presque parfaite, qui se termine par une remontée express en D1, un an après la relégation. L'entraîneur s'est confié à Poteaux-Carrés après le titre de son équipe.


Laurent, on imagine que tu es un coach heureux après cette montée en D1 acquise ce week-end ?

Oui c'était l'objectif. Il est atteint. L'accession s'est joué dans un mano à mano avec l'Olympique de Marseille, mais je pense qu'on a été la meilleure équipe sur la saison, même s'il y a eu cet accroc sur le match de la montée à Montauban. On a maintenu un rythme effréné dans ce championnat qui nous a permis de valider la montée à 2 journées de la fin, ce qui va nous donner du temps pour préparer la suite.

Tu t'attendais à tenir ce rythme justement après la relégation de la saison passée, c'est quoi la bonne formule ?

Je ne pense pas qu'il existe une formule, ce qui fonctionne ici ne marchera peut-être pas ailleurs et inversement. On a étudié le groupe quand on est arrivé, je pense qu'il était en fin de cycle. Quand vous enchaînez les défaites, que vous êtes dans une spirale négative, il faut être capable de l'enrayer. On a identifié les filles avec lesquelles on voulait poursuivre. On a laissé du temps à certaines joueuses pour se positionner. Entre temps, on avait commencé à préparer la suite avec nos réseaux. On a laissé partir des joueuses, d'autres sont arrivées. On a changé 75% de l'effectif, et globalement on s'aperçoit qu'on a fait les bons choix. Sportivement d'abord, mais aussi dans l'esprit de ce groupe, très uni et qui nous a permis d'aller chercher la montée.

Est-ce que tu peux nous le présenter un peu cet effectif ?

C'est difficile d'en ressortir quelques unes, mais je dirais qu'on a bâti un effectif qui est un maillage entre les cultures. Entre des Américaines, des Nigérianes, des Canadiennes et des Françaises. On a aussi réussi un mélange des générations avec des joueuses comme Tanya Romanenko qui est ukrainienne, qui a passé plusieurs années en D1 et qui a 32 ans. C'était un pari fort et une belle marque de reconnaissance pour l'ASSE parce que Tanya aurait pu continuer sa carrière en D1. On a aussi la gardienne Yewande Balogun, numéro 2 du Nigéria, qui a aussi 33 ans. Et puis tu as pas mal de jeunes, donc on a réussi à trouver un équilibre avec aussi beaucoup de filles dans le groupe qui ont un cursus universitaire. Certaines sont enseignantes par exemple, en disponibilité pour pouvoir jouer avec nous, et ça permet de gagner du temps dans l'application des consignes.

Et il y a aussi quelques jeunes formées au club, c'est important de pouvoir se baser sur sa formation ?

Oui, on a vu des jeunes filles s'affirmer au fil des mois. Je repense au match contre Marseille avec la belle performance de Faustine Bataillard (internationale U19, ndp2). C'est un pur produit stéphanois et c'est bien de pouvoir compter sur ses jeunes. Mais tu ne peux pas avoir que des jeunes joueuses issues de la formation, car le niveau de la D2 ou de la D1 est très compliqué. Peu de clubs arrivent à faire jouer beaucoup de jeunes joueuses et à performer. Quand on regarde le parcours d'Anaëlle Anglais chez nous, elle a été formée à Montpellier, elle était dans l'antichambre et il lui a fallu 3-4 ans pour éclore totalement. Elle est passée par Montauban, par Albi ... Il y a un sas entre la formation, la D2 et la D1, il faut prendre son temps.

Tu évoques le niveau des divisions françaises, est-ce qu'au sein de la D1 ou de la D2 on peut même parler de "sous-divisions" ?

Oui, les championnats sont hétérogènes. J'ai tendance à dire qu'en D1 il y a 4 niveaux. En D2, il y a environ 3 niveaux. On a vu deux équipes se battre pour la première place, ensuite un peloton et puis un groupe d'équipes plus vite décrochées. Et c'est un peu pareil dans le groupe A, même si certains disent qu'un groupe est plus fort qu'un autre. Quand je vois Marseille, Nice ou nous, c'est une bonne poule. Et la preuve, c'est qu'en quart de finale de Coupe de France, il restait encore deux équipes de notre groupe (Thonon et Marseille. Thonon a été battu 1-0 par le PSG en 1/2 finale, ndp2)

Thonon, c'est l'une des équipes qui a réussi à tenir les filles en échec cette saison. La fin de saison a été un peu plus dure avec ces deux nuls à Thonon et Yzeure puis cette défaite à Montauban, comment tu l'expliques ?

Les 3 matchs que tu évoques sont très différents. A Yzeure, on nous refuse deux buts pour des hors-jeu imaginaires. Quand on intercepte une passe en retrait au gardien, ça ne peut pas être sifflé comme hors-jeu ... donc parfois l'arbitrage a été en notre défaveur. A Thonon, on fait un bon match face à une jolie équipe. On peut être frustré du résultat mais au regard de la valeur de l'équipe, ça peut s'entendre. Et à Montauban, on doit gagner ce match. A partir du moment où tu tires deux pénaltys dans les bras de la gardienne, que tu tapes deux fois la barre et que tu as 5-6 occasions immanquables ... mais bon, il y a des matchs comme ça. Heureusement qu'on a bien su gérer ces matchs pendant la saison. Je ne pense pas que c'est du relâchement parce qu'on était focus sur ce match, sur la montée, mais il faut prendre en compte qu'on est chassé depuis le début de la saison. Les équipes nous attendent et jouent Saint-Etienne comme un match de Coupe. Donc on s'est fait avoir à Montauban, je suis déçu parce que ça ne reflète pas la valeur de notre équipe et de notre match. Mais ça va nous permettre de bien préparer les deux derniers matchs à Marseille et contre Albi.

Marseille, 2e au classement et qui voudra sa revanche du match aller gagné 3-2 par les Vertes alors qu'elles perdaient 2-0. Un match qui avait été tendu sur le terrain, comme au dehors !

Oui, ce qui se passe en dehors, ça ne me concerne pas. Sur le terrain, on avait produit 25 premières minutes de bonne facture mais on s'est retrouvé menées contre le cours du jeu. On savait que Marseille était efficace en contre-attaque, avec un système à 3 défenseurs et des pistons qui participent. On revient à 2-1 juste avant la pause avec un but de Cindy Caputo, puis ensuite on est resté fidèles à notre projet de jeu et ça s'est débloqué en fin de match. Mais sur la rencontre, je nous ai trouvé plus régulières, plus rigoureuses que l'OM et c'est cette exigence, cette régularité qui ont payé sur la saison.



Et est-ce que tu aimerais que cette régularité soit récompensée par un match de tes filles à Geoffroy-Guichard ? Peut-être le dernier de la saison contre Albi ?

C'est évident que jouer à Geoffroy-Guichard, pour n'importe quelle joueuse et n'importe quel entraîneur, la question de l'envie ne se pose pas ! Mais il y a des questions de coût, car le terrain n'appartient pas à l'ASSE. J'espère qu'un jour, pour la promotion du football féminin, on aura l'occasion de le faire. Je sais qu'en D1, il y a des discussions dans ce sens pour aider à promouvoir les efforts de certains clubs. Pour nous, jouer à Geoffroy, sur un beau terrain, dans un match filmé, ça ne pourra que mettre en valeur notre club et nous permettre d'être attractif ensuite sur le marché des transferts.

Un marché où toi et ton staff allez être actifs cet été ? Avec pour objectif le maintien en D1 on imagine ?

Il ne faudrait pas manquer d'humilité ! Si on peut faire une saison comme Le Havre, promu en D1 cette saison et qui a acquis son maintien à quelques journées de la fin, ce serait très bien. C'est assez rare, car les promus descendent assez souvent la saison suivante, on voit ça sur les 10 dernières années donc ça fait peur. Mais on se prépare, on enchaîne les dossiers, les vidéos, les entretiens ... avec un contexte financier qui est restreint mais qui est le nôtre. On ira chercher des filles qui collent à notre projet et qui partagent les valeurs de l'ASSE, ces notions de dépassement, de mouiller le maillot. Souvent, les clubs ont tendance à le dire, mais ça a vraiment son importance à l'AS Saint-Etienne.

Merci à Laurent pour sa disponibilité !