Retraité des terrains professionnels depuis 2010, Fabrice Jau vit désormais dans la région toulousaine qui l'a vu naître. Directeur technique d'un club local, l'AC Garona, il a livré son œil sur le début de saison des Verts tout en se rappelant les bons souvenirs de Geoffroy-Guichard.
Fabrice, que deviens-tu depuis toutes ces années ?
Après mon prêt à Sainté, j'ai continué ma carrière avec mon club de Bastia puis à Sedan. J'ai continué le foot pro jusqu'en 2010, puis j'ai eu des soucis au dos. Ce n'était plus possible de continuer au haut niveau, je ne pouvais plus assumer. J'avais 32 ans mais physiquement c'était compliqué. J'ai rejoué ensuite avec mon beau-frère en R1 au niveau amateur parce que je suis toujours un passionné. Jusqu'en 2015, j'étais toujours au niveau CFA2. En fait, dès que je peux jouer, j'essaie de le faire, ça permet d'entretenir le physique. Même si maintenant c'est un peu plus rare !
Sinon je travaille désormais dans un entreprise d'inventaire dans la région toulousaine. Je travaille principalement de nuit et le matin. Et je m'occupe du foot animation à l'AC Garona. On est en manque d'éducateur dans les petits clubs. Je voulais garder un lien avec le foot, je voulais transmettre ce que j'ai appris. Avec les petits, j'aime bien. Ensuite, avec les ados ou les séniors, les mentalités ne sont pas les mêmes donc je reste avec les petits.
Et tu n'as pas envie d'aller vers le foot pro ?
Non, j'aime bien regarder le foot professionnel. Peut-être un peu moins qu'avant parce qu'aujourd'hui, il y a tellement de matchs à la TV. J'ai mon petit qui adore ça, qui regarde tout le temps des matchs donc j'en suis quelques uns avec lui.
Tu n'es pas très loin du Stadium, on imagine que tu suis attentivement ton club formateur qui vient de remonter en L1 avec deux anciens stéphanois à sa tête, Damien Comolli et Philippe Montanier ?
Oui, cette année je suis même abonné. Mon fils est à fond, il m'a poussé à m'abonner (rires) ! Je regarde surtout le contenu des matchs. Pour les autres équipes, je vais simplement checker les résultats mais Toulouse, vu qu'on est pas loin, je vais m'attarder sur la façon de jouer. Ca joue bien en ce moment. Ca joue peut-être trop même ! Ils doivent être un peu plus efficaces dans les deux surfaces, c'est la base du foot. Ils développent un football plaisant, on ne s'ennuie pas. Et même autour du stade, il y a du changement par rapport à mon époque. On voit des gens avec les maillots, avant c'était cantonné au kop. Aujourd'hui, il y a plus de fierté d'être supporter du TFC. Il y a une culture foot qui apparaît ici.
Tu suis aussi la Ligue 2 et tes anciens clubs, Bastia et Sainté ?
Ouais tout le temps ! Sainté avec Laurent Batlles que j'ai connu à Toulouse, j'ai même eu son papa comme entraîneur. Lui, c'était un sacré joueur déjà à l'époque ! Je n'ai pas eu le temps de voir la victoire de son équipe 5-0 contre les Bastiais. J'ai trouvé le résultat étonnant vu les résultats des Verts depuis le début de saison. Mais bon, Bastia à l'extérieur, c'est prenable ! Et Krasso a fait de sacrés dégâts !
Ton cœur penche de quel côté ?
Oh je supporte les deux. J'ai quand même fait 7 ans à Bastia sur trois passages. Ca reste un club à part pour moi. J'ai fait une grosse partie de ma carrière en Corse donc je suis leurs résultats et ce qui se fait là-bas. Mais je n'ai gardé aucun contact dans aucun club. C'est ça le foot, quand tu sors du milieu ...
Tu n'es en contact avec aucun ancien coéquipier ?
Non.
Les anciens de la remontée 1998-1999 ont un groupe Whatsapp en commun pour échanger, ce n'est pas le cas du cru 2003-2004 ?
Ah non. Je ne sais pas ce que deviennent ces mecs.
C'est un regret ?
Oui, un peu. Mais on fait chacun notre vie. C'est vrai que ce serait sympa de se revoir mais je n'en fais pas une obsession. On a fait ce qu'on avait à faire !
Faire remonter le club en L1 ! Comment es-tu arrivé à Sainté d'ailleurs ? Tu débarques au mercato hivernal, début 2003.
Oui, c'était particulier. A Bastia, c'est Robert Nouzaret qui me fait venir à l'été 2001. Et il y a un changement d'entraîneur au bout d'une saison. Les six premiers mois avec Gérard Gili, je ne joue pas fréquemment. Je suis remplaçant et je rentre rarement. La question se pose d'aller voir ailleurs pour jouer. Sainté s'est présenté. Il y avait un entraîneur corse, Frédéric Antonetti et le directeur sportif, Christian Villanova, corse aussi. C'est lui qui avait aidé à ma venue à Bastia. Ils m'ont sollicité pour venir à Sainté. Moi, je voulais jouer, je n'ai pas réfléchi.
Quand j'arrive, Sainté n'est vraiment pas bien, dans le fond du classement de L2. J'arrive un lundi en plein hiver. On joue le mercredi contre Gueugnon. Je joue dans une ambiance ... feutrée, on va dire. A la mi-temps, il y a une tempête de neige. C'était incroyable pour moi, je débarquais de Bastia, je n'avais jamais joué sur la neige ! Tout était nouveau. Et on perd ce match, 2 à 1 je crois.
C'était plutôt 3-0 ...
Ah oui 3-0, on avait pris cher (rires) ! La première mi-temps, ça allait à peu près et on avait pris la foudre en deuxième (pourtant, Gueugnon menait déjà 0-2 à la pause, ndp2). Je rentre le soir chez moi, je me dis aïe aïe aïe ... on joue sous la neige, on prend 3-0, on est derniers de Ligue 2 ...
Ca ne t'a pas refroidi ?
Non, moi ce que je voulais, c'était jouer au foot ! Et puis, on fait une bonne deuxième partie de saison, on termine dans le ventre mou (9eme au terme de la saison, ndp2). On s'est accrochés, on avait fini correctement la saison. Et ensuite, je suis rentré chez moi. Dans ma tête, je n'allais pas revenir à Saint-Etienne.
Et pourtant ...
A l'intersaison, je suis contacté à nouveau par le club qui me veut pour la saison entière. Là, je pouvais partir sur de nouvelles bases, de zéro. Et puis j'avais bien accroché avec Monsieur Antonetti. Son approche du foot me plaisait. Et la seconde saison s'est passé comme dans un rêve, on a joué le haut de tableau toute la saison et à la fin on réussit à terminer premiers et on fait remonter Sainté. On a été réguliers toute la saison et ce n'est pas simple parce que Sainté est attendu partout ! Ce club n'a pas sa place dans ce championnat. Les supporters adverses se déplacent en nombre quand Sainté vient jouer chez eux, donc pour eux, c'est le match de leur saison, c'est une affiche.
Toi qui as côtoyé Robert Nouzaret et Frédéric Antonetti, les deux entraîneurs des deux dernières remontées, qu'ont-ils en commun ?
Dans l'esprit de la combativité, l'envie de bien faire, ils ont des similitudes. Mais ce sont deux coachs différents. Frédéric Antonetti est un coach plus tactique, qui s'adapte à l'adversaire, qui sait comment le faire déjouer. A l'entraînement, on savait exactement comment se placer et ce qui allait se passer en match, ça nous a aidés pour la montée. Robert Nouzaret, c'était plutôt sur l'état d'esprit, la volonté de faire mal à l'adversaire sans forcément, techniquement, s'adapter à lui.
Tu sentais en début de saison 2003-2004 que l'équipe avait le potentiel pour aller chercher la Ligue 1 ?
Oui parce qu'il y avait des joueurs d'expérience, avec un esprit solidaire, une envie de bien faire. Sur le papier, il y avait de quoi. Mais c'était à nous de créer le collectif, l'osmose, l'envie de jouer ensemble. Chacun est tourné vers l'objectif commun. Dans ma carrière, j'ai sûrement joué avec des équipes individuellement plus fortes mais sans jamais réussir à atteindre ce collectif-là. Notre force était celle-ci : le collectif. Frédéric Antonetti s'appuyait sur une petite vingtaine de joueurs. On a eu aussi la chance d'avoir peu de blessés.
Et un mélange de joueurs d'expérience et de plus jeunes joueurs.
Chacun jouait pour les autres. On s'est tous très bien entendus avec une super ambiance dans le vestiaire. Ca fait une grosse différence par rapport à des équipes où il y a de la qualité mais l'esprit de groupe n'est pas le même. Une saison, c'est long donc il faut bien vivre ensemble, c'est ça le secret.
Quels sont tes meilleurs souvenirs en Vert ? Tu as marqué 4 buts mais un seul à Geoffroy-Guichard.
Pas en championnat, non ?
Non, en Coupe de la Ligue !
Ah bah oui contre Nice, évidemment ! J'ai vu que ce but traînait dans quelques best-of des plus beaux buts marqués par Sainté, ça m'a fait plaisir (rires) ! Il faut dire que la frappe partait bien !
Sur la saison, j'ai manqué un peu d'efficacité, je n'en ai pas marqué beaucoup ! J'ai plutôt fait marquer des buts ! Et si j'avais joué avec de meilleurs attaquants dans ma carrière, j'aurais sûrement eu de meilleures stats (rires) !
Pourtant Lilian Compan et Nicolas Marin, ça allait non ?
Ah je ne parle pas d'eux, mais de certains gars à Bastia par exemple !
Tu avais fait une belle offrande à Nico justement lors d'un match à Amiens, avant de toi-même doubler la mise !
Ah on peut les revoir mes buts ? Il faut que je les montre à mes enfants (rires) !
Ils n'ont vu que mes ratés ! L'autre jour, avant le match contre Le Havre, la TV a repassé le dernier match entre les deux équipes à Geoffroy-Guichard en L2, et on me voit louper deux énormes occasions ! Une tête et un piqué raté. Je me suis fait chambrer à la maison (rires) !
Ca arrive ! Ton rayon, c'était plutôt les passes décisives, avec cette position en plein cœur du jeu !
Ouais, à Bastia je jouais trop souvent côté droit alors que je m'épanouissais plus dans l'axe du terrain. Frédéric Antonetti l'avait bien compris. On avait le meilleur milieu avec David (Hellebuyck) et Julien (Sablé).
Un trio qui ne s'est pas reformé la saison suivante ...
Non, je n'étais que prêté sans option d'achat. Moi je voulais rester ! Peut-être que je ne rentrais pas dans les plans du futur entraîneur, dans le projet de jeu ... L'ambiance à Sainté ça aurait été exceptionnel en Ligue 1 ! Mais bon, le club a décidé de changer beaucoup de choses. L'entraîneur en premier ... C'est assez contradictoire alors que tu viens de monter en Ligue 1. Enfin ... Bernard Caiazzo commençait déjà à faire des dégâts !
Le départ d'Antonetti, vous l'avez vécu comment dans le groupe ? Même si la saison était terminée, vous en avez forcément discuté.
Il y avait des divergences entre le président et l'entraîneur. Ca a cassé la dynamique même si la saison en Ligue 1 fut assez bonne avec Elie Baup. Pas mal de mecs qui avaient remporté le titre de L2 sont partis, et ont continué leur carrière un peu partout. On retiendra quand même qu'on a remporté ce titre-là, on ne peut pas nous l'enlever.
La soirée du titre, tu en gardes encore de bons souvenirs ?
Oh oui ! Geoffroy-Guichard, c'était super ! Je n'avais pas connu de ferveur comme ça, donc ça marque à vie. Mais sur ce match contre Châteauroux, on était tous très tendus. On n'est pas bons ! La montée était acquise depuis un petit moment, mais on n'arrivait pas à accrocher ce titre. Sur ce match, Damien Bridonneau nous sort un exploit magnifique, c'était la délivrance pour tout le monde. Ce titre était notre objectif de fin de saison. Le but initial c'était la montée mais une fois que c'était en poche, on voulait terminer en tête. Il y a tout eu dans ce match, la pression, l'ambiance, la délivrance ! C'était incroyable. On n'y arrivait pas, on ne jouait pas forcément bien. Mais le public te porte. Tu oublies les efforts, la fatigue. Cette ambiance a changé les choses. Si on avait terminé 2eme, il y aurait eu un goût d'inachevé. Ca faisait déjà plusieurs matchs qu'on gâchait des cartouches. Il y avait eu de la décompression après l'officialisation de la montée. Pour se remettre dedans, ce n'était pas simple. Mais bon, on a réussi à le faire. Et on a sacrément charrié Damien après le match ! Il met un but incroyable alors que le mec ne mettait pas un but à l'entraînement (rires) !
Une super saison en somme !
Oui ! Quasi parfaite ! Le seul regret c'est la demi-finale de Coupe de la Ligue contre Sochaux. On a fait les cons ! En menant 2-0, on ne doit pas perdre ce match. C'est dommage car j'aurais bien aimé connaître le Stade de France avec Sainté !
Tu n'es revenu qu'une seule fois à Sainté ensuite, en tant qu'adversaire, avec Sedan en 2007
J'ai joué ?
Tu as remplacé Nicolas Marin en fin de match lors de votre victoire 2 buts à 1
Ah oui ... Sedan c'était une saison particulière. Je quitte Bastia alors qu'on aurait dû monter en L1. Je me blesse à quelques semaines de la fin de la saison, on était dans les clous pour monter et finalement on rate l'accession pour pas grand chose. J'avais fait une super saison. J'ai eu des propositions en L1 dont Sedan qui venait de monter. Mais ce n'était pas un très bon choix. Il y avait trop d'individualisme dans l'équipe, on n'a pas réussi à créer un collectif. Il y avait des bons joueurs comme Stéphane Noro, Belhadj, Ducourtioux, Amalfitano ... Chacun jouait un peu pour lui. Et puis dans le club, ça n'allait pas. Il y avait eu deux listes de transferts : une émise par le président et l'autre par le coach. Moi, j'étais sur la liste du coach mais il a été viré au bout d'un mois. Je suis passé sur le banc et le collectif n'a jamais fonctionné.
Et tu retournes à Bastia ensuite pour terminer ta carrière ?
Oui, ils sont venus me rechercher après la descente de Sedan. J'ai fait trois saisons là-bas jusqu'à mes problèmes physiques. Sur ma dernière saison, on descend en National. Je n'étais pas dans les bons coups ! J'ai beaucoup plus joué en L2 qu'en L1 mais je suis fier de ma carrière. Douze ans au haut niveau, c'est bien !
Merci à Fabrice pour sa disponibilité !