Entre Poteaux, c'est un nouveau format qui est à la fois un hommage et le descendant spirituel du légendaire Mastres & Compagnie! Retrouvez à chaque épisode un membre de notre communauté qui partagera ses anecdotes et son histoire au travers d'un entretien intimiste. Pour ce troisième épisode, nous recevons YACINE, véritable expert de notre sport, de notre club, et passionné de scoutisme. Bonne lecture !
Poteaux Carrés : Salut YACINE ! Qui est la personne qui se cache derrière le pseudo?
YACINE : Je m’appelle Yacine, j’ai 52 ans, Grenoblois à la base, mais j’ai beaucoup bougé : Paris, Lyon, Villeurbanne… et depuis une bonne dizaine d’années maintenant, je suis dans la région stéphanoise, à Saint-Chamond, On va dire que je me suis peu à peu rapproché de mon club de cœur. Je suis arrivé sur Poteaux Carrés il y a déjà pas mal de temps : en regardant l’autre jour, j’ai vu que j’étais inscrit depuis 2008. Ça ne me rajeunit pas. Honnêtement, je ne me souviens plus exactement comment je suis tombé sur le site, sans doute comme beaucoup : au gré de recherches sur l’ASSE, puis en traînant d’article en article, de brève en brève… et un jour tu cliques sur « Forum », et tu n’en ressors plus.
Poteaux Carrés : Ton expertise du football au sens large est inégalée sur P2. Est-ce ton métier ?
YACINE : Merci beaucoup, mais absolument pas (rires). Je ne vis pas du football, et je ne suis pas dans le milieu de l’intérieur. J’ai bien eu une petite histoire en tant que joueur, à un niveau correct, celui de nos adversaires du soir [Entretien enregistré avant le match de CdF contre Quetigny, NDP2]. Je travaille dans une structure universitaire, où je suis responsable d’un service d’informatique documentaire. Mon quotidien, ce sont des bases de données, des systèmes d’information, des problématiques de ressources électroniques… pas des séances vidéo dans un club pro. C’est vrai que j’ai parfois un petit regret : je me dis que j’aurais aimé tenter quelque chose dans le scoutisme ou dans le recrutement. Mais la réalité, c’est que j’avais déjà un boulot, une stabilité, et je n’étais pas prêt à tout plaquer pour un milieu où tu n’as aucune garantie, où tout repose sur des réseaux, des résultats, de la politique interne. J’ai beaucoup traîné sur les mains courantes, suivi les jeunes, discuté avec des gens du milieu… et c’est aussi ça qui m’a refroidi : l’environnement autour des jeunes joueurs, les agents, les gens qui gravitent autour, les pressions familiales… C’est parfois assez malaisant. Et puis dans une vie de couple, embrasser totalement une carrière de scout, ça implique d’être souvent sur la route, rarement chez soi. Il faut une compagne très ouverte et beaucoup de concessions. Donc non, ce n’est pas mon métier. C’est une passion… structurée, on va dire.
Poteaux Carrés : Comment expliques-tu cette passion débordante pour le scoutisme ?
YACINE : Je pense que c’est quelque chose de très naturel chez moi. Déjà gamin, j’avais ce côté un peu monomaniaque du passionné : je connaissais les effectifs par cœur, les numéros, les dates de naissance, la taille des joueurs… Je ne vais pas dire que c’était un trouble autistique, mais on n’était pas loin du cliché du gosse qui lit France Football dans son coin et qui récite les compos de coupe d’Europe. A côté de ça, le foot m’a ouvert au monde. Grâce aux compétitions européennes, j’ai découvert les capitales, la géographie des pays sud-américains, des clubs improbables… C’était ma porte d’entrée culturelle. Ensuite, comme on le disait, j’ai joué moi-même au football à un niveau correct, mais cette aventure s’est arrêtée assez tôt. À partir de là, le scoutisme est devenu une façon de retranscrire ma vision du football : j’aime regarder un match avec du recul, décortiquer les comportements, essayer d’imaginer ce que le joueur peut devenir, voir ses points forts, ses points faibles, son empreinte technique et collective. Pour Sainté, j’ai du mal à être froid sur le moment, je suis plus dans l’affect. Souvent, je revisionne les matches pour avoir un avis vraiment objectif. Et puis depuis une quinzaine/vingtaine d’années, avec les réseaux sociaux, l’explosion des datas et des plateformes vidéo, le scoutisme prend beaucoup d’ampleur. Il y a désormais une vraie “industrie” de la pépite, parfois plus tournée vers la communication que vers le travail de fond. Moi j’essaie de rester dans quelque chose d’humble et rigoureux.
Poteaux Carrés : Tu n’as jamais eu envie de mettre à profit ta passion et tes compétences en travaillant pour le club ?
YACINE : Cela aurait pu être une option en effet. L’ASSE avait formulé une offre de recrutement il y a quelques temps, pour étoffer sa cellule recrutement. Je n’y ai pas vraiment prêté attention dans un premier temps mais pas mal de personnes m’ont dit de tenter ma chance, notamment sur le forum. J’ai envoyé un CV mais mon profil n’a pas été retenu, je pense qu’ils cherchaient une personne déja professionnelle, et opérationnelle de suite, alors qu’il m’aurait peut-être fallu quelques mois avant d’être vraiment à 100% dans ce rôle.
Poteaux Carrés : Peux-tu nous en dire plus sur cette petite carrière de joueur, à quel niveau as-tu évolué, ton poste, etc ?
YACINE : J’ai joué au poste de numéro 6, en division d’honneur. Le joueur dont mon profil se rapprochait le plus, dans le registre mais pas dans le talent (rires), c’est Benjamin André : un milieu défensif besogneux, qui coupe les lignes de passe, qui compense, qui parle beaucoup. J’étais très différent sur un terrain et dans la vie : sur le terrain, plutôt passionné, dans la vie, beaucoup plus pondéré. Je me suis fait les croisés autour de la trentaine, et ma “carrière” si on peut l’appeler ainsi s’est arrêtée là. Avec le recul, je sais que je n’avais pas les prédispositions pour aller plus haut, mais cette petite expérience m’a donné une compréhension des dynamiques de vestiaire, de ce que c’est que vivre un groupe, les egos, les leaders, les suiveurs… Je n’ai donc pas vraiment de regrets, je n’avais pas ce petit plus pour prétendre à mieux. Mais cette expérience compte : elle m’aide à décrypter le foot, à comprendre les logiques collectives, à comprendre ce qui peut se passer dans un vestiaire ou sur un terrain.
Poteaux Carrés : Quelle est ta consommation de football, que ce soit au stade ou à la TV, fréquence, équipes ou championnats suivis, etc. ?
YACINE : Honnêtement, je fais partie des gens qui en consomment beaucoup. (sourire). En semaine non internationale, je regarde au moins une dizaine de matchs, parfois plus. J’essaie quand même de garder un équilibre avec ma vie personnelle, mais j’y consacre pas mal de temps. Je suis abonné dans le Chaudron, et cette saison, j’ai vu tous les matches à Geoffroy-Guichard. Je préfère largement le stade à la télévision : tu vois des choses qu’on ne voit pas à l’écran, surtout les comportements collectifs, les coulissements, les distances entre les lignes. Et paradoxalement, je suis souvent plus serein au stade que devant la TV. Je suis aussi abonné à différentes chaines TV et j’en profite pour regarder l’Eredivisie (Pays-Bas), la Jupiler Pro League (Belgique), le championnat portugais, un peu de Serie A et de Liga espagnole, et aussi la Premier League, mais davantage en passionné qu’en “scout”. Mon intérêt principal, c’est de détecter des profils sous-côtés, des joueurs en devenir plutôt que des stars déjà installées. J’ai ma base de données de joueurs sous-cotés avec mes critères d’évaluation personnels. Le championnat anglais, par exemple, est fascinant, mais les joueurs y sont tellement bien payés que, dans une logique de recrutement pour un club comme Sainté, ce n’est presque plus notre monde. En France, j’aime beaucoup la Ligue 2, que je suivais déjà de près même quand l’ASSE était en L1. C’est un championnat très révélateur sur le plan physique et mental.
Poteaux Carrés : Quelle est ta vision de l’évolution du football depuis que tu le suis ?
YACINE : Je fais partie d’une génération qui a connu Platini, puis Zidane. C’étaient des créateurs, des joueurs qui n’étaient pas des monstres physiques mais qui dominaient par leur génie. Aujourd’hui, le jeu a énormément monté en intensité. Tu as des gars capables de répéter les efforts pendant 90 minutes, avec une technique très propre. Mais j’ai l’impression qu’on a gagné en volume ce qu’on a parfois perdu en créativité pure. Je ne suis pas sûr qu’un joueur comme Ronaldinho, dans sa version la plus “libre”, aurait pu exister longtemps dans ce football-là. Et il est pourtant une légende du football malgré son professionnalisme assez relatif. Aujourd’hui, on est sur des athlètes purs et durs mais moins sur des artistes. Pour moi, un des symboles de cette évolution est Guardiola qui a révolutionné le jeu… et lui a fait un peu de mal en même temps. Son Barça était extraordinaire, avec des joueurs d’exception, mais sa manière d’organiser l’équipe de façon ultra-millimétrée a été copiée partout. Résultat : tu te retrouves avec des équipes très bien structurées, mais où la créativité individuelle a moins de place. On voit beaucoup de matches à la possession stérile : 65 % de balle, mais peu d’occasions franches, parce que les blocs sont hyper organisés, les courses codifiées, et les joueurs formatés. De mon côté, je suis un grand romantique et les profils qui m’émeuvent le plus sont les créateurs : les 10, les dribbleurs, les joueurs qui osent l’imprévisible. J’ai toujours adoré ce poste-là, le fameux numéro 10 que le football moderne a presque réussi à faire disparaître.
Poteaux Carrés : Parlons à présent de nos Verts si tu le veux bien. Selon toi, comment l’ASSE pourrait améliorer sa détection de jeunes talents ?
YACINE : D’abord, je pense que la détection en soi n’est pas le principal problème. Sainté sait repérer les jeunes. On le voit avec les profils qui sortent régulièrement, ou qu’on a pu sortir par le passé (Saliba, Fofana…) La vraie différence se joue sur déjà sur les moyens financiers. Les meilleurs centres de formation sont souvent ceux qui investissent le plus. Aujourd’hui, pour moi, le centre qui domine en France, c’est celui du Stade Rennais. Ils ont sorti, sur une grosse dizaine d’années, une quantité hallucinante de joueurs de très haut niveau : M'Vila, Dembélé, Camavinga, Mathys Tel, les frères Doué, Truffert, Rutter maintenant Cissé, Jacquet ou Meité, etc. Pour convaincre un jeune et sa famille, tu dois poser de l’argent, offrir de la sécurité, du suivi, des infrastructures. Ensuite, tu as la renommée du centre qui va compter : Quand tu te présentes face à Rennes, Paris, l’OL, voire certains clubs étrangers, l’ASSE n’a plus la même aura qu’à une certaine époque. Nous, on va parfois réussir à sortir un Saliba ou un Fofana, mais globalement, on n’a pas toujours le haut du panier. Et enfin, si tu veux détecter plus, et mieux, tu dois améliorer le volume et la structuration du réseau de scouts : plus tu as de scouts sur le terrain, mieux tu couvres les territoires clés, en Ile-de-France notamment, qui concentre une part énorme des talents. Mais ce n’est pas qu’une question de quantité, c’est aussi une question de qualité des partenariats et de vrais moyens mis pour cela. Regarde par exemple Génération Foot avec Metz au Sénégal, ou Right to Dream avec Nordsjaelland au Ghana… Ce sont des filières très bien structurées, qui font un vrai travail de tri en amont et qui envoient ensuite des joueurs déjà bien formés en Europe. Nous, on a eu des partenariats en Afrique, notamment au Sénégal, qui n’ont quasiment rien donné au plus haut niveau. Ça montre qu’avoir une filière “exotique” ne suffit pas. Il faut viser des clubs formateurs d’élite, pas du deuxième niveau.
Poteaux Carrés : Et à quel niveau places-tu le centre de formation de l’ASSE par rapport aux autres ?
YACINE : Je dirais que nous sommes dans le bon second cercle. On sort régulièrement des joueurs intéressants, certains font de belles carrières, mais on n’a pas la productivité ni la qualité globale d’un Stade Rennais, par exemple. Et on paie aussi les années de vaches maigres financières : moins de moyens, moins de staff, moins de capacité à retenir certains profils… ça se voit quelques années plus tard dans les résultats de jeunes.
Poteaux Carrés : Même si leur arrivée est récente, ressens-tu un effet KSV sur la formation, qu’il soit positif ou non ?
YACINE : Honnêtement, pas encore. Je pense qu’ils sont encore dans une phase d’observation et d’analyse sur la formation. Les résultats des équipes de jeunes cette saison ne sont pas extraordinaires, mais je ne suis pas sûr que ce soit directement lié à eux. KSV a d’abord concentré ses efforts sur d’autres éléments, tels que l’équipe première forcément, le staff technique et la préparation physique, la structuration du recrutement, ou encore l’administratif et le marketing. Pour moi, et d’autant plus qu’ils en ont parlé à leur arrivée, la “phase 2” devra être le centre de formation : revoir l’organisation, le nombre et le profil des scouts, clarifier les filières de recrutement, améliorer certains partenariats. J’ai l’impression qu’ils ont une vision plus internationalisée que ce qu’on a connu, avec davantage de cibles à l’étranger (Afrique, Amérique du Sud, pays de l’Est). Mais pour l’instant, je ne ressens pas encore de “choc” sur la formation. Ce sera à juger d’ici quelques années.
Poteaux Carrés : Quelle est ton analyse au sens large de la stratégie de la direction actuelle ?
YACINE : Je suis quelqu’un de nuancé, je le suis donc aussi avec la nouvelle direction. Dans ce que fait KSV, il y a du bon et du moins bon, mais on ne peut pas leur enlever qu’ils ont mis en place une vraie restructuration. Leur refonte de tout l’environnement de l’équipe première : staff, préparation physique, data, recrutement, c’est du bon travail. Ils ont aussi une vraie volonté de professionnaliser la structure administrative, marketing et économique. Je trouve intéressante l’arrivée de profils comme Alexandre Lousberg qui ont une expérience dans des contextes différents (Standard de Liège, etc.) et qui semblent ouverts à des marchés variés, y compris l’Afrique. Pour l’instant, j’ai le sentiment qu’ils ont priorisé le court/moyen terme (remonter, stabiliser, remettre le club au niveau), et qu’on verra la vraie profondeur du projet sur la formation et le recrutement international dans la phase suivante. Mais il y a quand même de vraies déceptions dans leur travail, notamment le mercato d’hiver impardonnable la saison dernière. Tout le monde avait analysé les faiblesses de l’équipe et ils ne les ont pas palliées. Ils me semblent parfois suffisants, trop surs d’eux, n’estiment pas avoir besoin d’être vraiment présents sur place, je reste donc mesuré à leur propos.
Poteaux Carrés : Selon toi, quels seraient les meilleurs modèles à suivre en Europe ou dans le monde, pour un club comme le nôtre qui repart de L2 avec des moyens ?
YACINE : Je pense qu’il faut se regarder dans la glace et accepter qu’on n’est pas Chelsea ou City. Notre modèle doit être celui d’un club qui forme, valorise et vend intelligemment, tout en gardant un niveau compétitif. On parlait notamment du Stade Rennais comme bel exemple, mais plus que copier un modèle, il faut améliorer certaines choses. Tout d’abord, je suis convaincu qu’un recrutement doit être préparé et anticipé, il ne faut pas attendre l’urgence des derniers jours de mercato, ce qu’on a malheureusement trop souvent vécu dans notre histoire récente. Typiquement, le recrutement d’hiver catastrophique de la descente précédente, avec Gnagnon, Mangala, Sako et consorts représente tout ce qu’il ne faut pas faire. Un recrutement se prépare sur les 6 mois précédents, a minima.
Poteaux Carrés : Quel est ton avis sur l’équipe actuelle, et ton pronostic pour le classement final ?
YACINE : Dur de donner un pronostic. Concernant l’équipe 1 actuelle, ce qui me frappe, c’est que le jeu qu’on veut pratiquer demande une discipline collective énorme. On défend souvent en losange, on se retrouve avec des latéraux en 1 contre 1 sur les renversements, et ça suppose des latéraux très forts défensivement, un bloc-équipe compact et des attaquants qui défendent vraiment. Or, ce n’est pas toujours le cas. Je ressens parfois de la suffisance dans le groupe. À l’échauffement, notamment depuis le stade ou tu as une vision très différente de la TV, j’arrive vite à voir si l’équipe est “dedans” ou si certains se voient déjà trop beaux. Contre Grenoble, par exemple, je les ai sentis un peu suffisants… et l’égalisation, je la voyais venir. Pareil pour Le Mans. Tardieu en a d’ailleurs parlé sur une interview d’après match, et je le rejoins totalement sur ses propos car je ressens totalement ce qu’il dénonce. Maintenant, si on rentre dans les détails de certains profils, j’ai des doutes sur Ferreira. Il est élégant, bon techniquement, puissant, mais sous pression il défend bizarrement. Et c’est dans la difficulté qu’on peut réellement juger un joueur. Certains de ses choix, les tacles dans la surface sans danger, son extérieur du pied risqué plein axe contre le Red Star, ce sont des actions qui me questionnent beaucoup. De l’autre coté, Annan a grosse qualité d’effort, de la vitesse, du volume… mais parfois des déplacements suspects, et des choix tactiques plus que discutables qui m’inquiètent par rapport à son niveau réel. Pour moi, les latéraux ne sont pas le point fort de l’équipe, alors que dans ce schéma, ils devraient l’être. Au milieu, on manque d’un vrai 6 de très haut niveau. Ekwah n’était pas parfait défensivement, mais sa capacité à relancer, à casser des lignes, nous manque clairement. D’une manière générale, je pense qu’on est plus forts offensivement que l’équipe montée il y a 3 ans, et même que celle de l’année dernière. Par contre, défensivement, je ne suis pas convaincu qu’on soit plus solides que l’équipe qui est montée face à Metz.
Poteaux Carrés : Penses-tu que le problème, si on considère qu’il y en a un, se situe au niveau du système d’Horneland, ou au niveau des joueurs ?
YACINE : A ce sujet, je suis convaincu que ce ne sont pas les systèmes qui font l’animation, ce sont les joueurs. Le projet d’Horneland est viable si tu as les joueurs adaptés et impliqués. Là, j’ai l’impression qu’on est à mi-chemin : l’idée est intéressante, mais certains profils ne sont pas calibrés pour ça, notamment sur les côtés et au poste de 6. Du coup, pour te répondre sur le pronostic demandé pour le classement final, je vais être honnête : pour moi, ça dépendra énormément du mercato d’hiver. S’il n’y a pas au moins un vrai 6 de haut niveau et deux latéraux d’un standing supérieur, ce qui sera compliqué dans la mesure ou on en a déjà 4, je ne vois pas comment on peut être serein sur la durée. Je préfère ne pas donner de place précise : ça dépend des corrections à apporter à l’effectif cet hiver.
Poteaux Carrés : Et si on se projette en L1, quels joueurs tu garderais dans l’équipe type ?
YACINE : Je l’ai déjà dit sur le forum : si tu montes, pour moi, tu dois changer 70 % de ton onze type. C’est brutal, mais c’est la réalité du gap entre L2 et L1, qui est colossal. Ceux que je garderais vraiment ? Stassin, quand il a le cerveau bien branché, c’est un super joueur. Davitashvili est également un top joueur, l’année dernière on était totalement dépendant de son animation. Je garderai aussi Jaber qui semble au niveau, et enfin, Lamba, sur le profil, ça joue en L1 même si on ne l’a pas vu à 100 % physiquement. Sur d’autres, comme Cardona qui a ses limites, ou Nadé qui possède une grosse force dans les duels mais de grandes lacunes tactiques, Boakye a quelque chose techniquement, je les vois plus comme des joueurs de rotation, éventuellement.
Poteaux Carrés : Merci pour cet échange incroyable et pour avoir partagé ta culture footballistique avec nous ! Je te laisse nous donner ton mot de la fin ?
YACINE : J’espère qu’on gardera sur Poteaux Carrés cette culture du débat nuancé, de la passion intelligente, de l’humour. Ce qui m’a fait rester ici, c’est la diversité des profils : des gens cultivés, drôles, capables de parler ciné, politique, tactique, formation… tout en restant rassemblés autour de l’ASSE.
QUESTIONS EN VRAC :
Joueur préféré à l’ASSE ?
Si je dois en choisir un, ce sera Loïc Perrin. C’est le joueur que j’ai suivi très tôt chez les jeunes, que j’ai vu grandir, s’imposer, traverser les époques. Ce n’est peut-être pas le plus talentueux qu’on ait jamais eu, mais sa fidélité, son intelligence de jeu, son QI foot, sa longévité… Tout ça en fait pour moi une figure à part. Si on parle de talent pur, ce serait Feindouno, mais celui qui me marque le plus humainement et symboliquement, c’est Perrin.
Entraîneur préféré à l’ASSE ?
Christophe Galtier. Il arrive dans un contexte très compliqué, avec une équipe qui flirte avec la relégation, un fonctionnement interne pas simple, et il réussit à stabiliser le club, à le ramener en Europe, à gagner un titre avec la Coupe de la Ligue en 2013. J’ai aussi beaucoup aimé Robert Nouzaret, même si ça se termine mal avec les faux passeports, et bien sûr Jean-Louis Gasset pour les six mois incroyables où il sauve le club. Mais s’il faut n’en garder qu’un, ce sera Galtier, pour la durée et l’empreinte.
Jeune joueur qui a percé en qui tu as le plus cru à Sainté ?
William Saliba. Dès que je l’ai vu en jeunes, je me suis dit “celui-là, il va tout casser”. C’est un joueur où tu sens tout de suite qu’il est au-dessus : serein, dominant dans les duels, propre à la relance, avec une maturité impressionnante pour son âge. Je suis pas surpris de le voir faire une telle carrière.
Jeune joueur qui t’a le plus déçu à Sainté ?
Déçu, c’est un mot fort, mais s’il faut citer un exemple, je dirais Alexandre Assaf. Je le trouvais extraordinaire en jeunes : un pied gauche incroyable, une vraie aisance technique. Et puis tu le retrouves plus tard en Régional 1… Ça montre bien tout ce qu’on ne maîtrise pas quand on évalue un jeune : l’environnement familial, le mental, les blessures, les choix de carrière. Dans un autre registre, Allan Saint-Maximin est pour moi l’exemple type du joueur qui avait le potentiel pour être en équipe de France A, et qui n’a pas optimisé à 100 % ses qualités, peut-être un problème d’entourage ou de comportement, je me souviens qu’il avait eu des soucis d’entente avec Vieira par la suite, notamment.
Catégorie de jeunes préférée ?
Pour le scoutisme pur, j’adore les U17 : c’est le moment où les profils commencent à se dessiner, où tu peux déjà deviner certaines trajectoires. Mais le vrai révélateur, pour moi, c’est la réserve : c’est là que tu vois le passage au football d’adultes. Quand un jeune se retrouve face à des mecs de 28–30 ans qui ont du vice, de l’expérience, des kilos de plus, tu vois s’il peut passer le cut ou pas.
Championnat étranger préféré ?
Je dirais la Jupiler Pro League de Belgique. J’aime beaucoup la façon dont le football belge s’est structuré ces dernières années, la qualité technique moyenne est très intéressante, et les clubs belges sont devenus de vraies plateformes de lancement vers le très haut niveau.
Schéma tactique de prédilection ?
Le 4-2-3-1. C’est pour moi le système qui met le mieux en valeur le numéro 10, ce poste que j’adore et qui a presque disparu. Tu as quatre joueurs à vocation offensive, un 10 entre les lignes, et si c’est bien équilibré derrière, ça permet beaucoup de variantes. Typiquement, on pourrait faire jouer Boakye ou Miladinovic dans ce registre, ils seraient probablement à la meilleure place pour exprimer leur potentiel et jouer sur leurs qualités. Dommage qu’Horneland soit aussi attaché à son 4-3-3.
Maillot préféré ?
Par attachement historique, je dirais le Manufrance. Même si je ne l’ai pas porté, il représente quelque chose d’iconique dans l’histoire du club.
But préféré ?
Je vais choisir le coup franc de Payet lors du centième derby. Le contexte, l’enjeu, le scénario du match… tout y est.
Match préféré ?
Là encore, je vais choisir le 100eme derby. Ce n’est pas le plus beau sur le plan du jeu, mais c’est un hold-up absolu contre un Lyon très fort, et il a débloqué quelque chose psychologiquement. On sort d’une période où on perd beaucoup de derbies, et soudain, on gagne ce match qu’on ne doit jamais gagner. Et à titre personnel, à l’époque, je travaillais à Lyon, je vivais avec une compagne supportrice de l’OL… On va dire que ce soir-là, c’était agréable (sourire).
Tribune préférée à GG ?
Je fréquente habituellement Henri-Point, ou je suis abonné cette saison. Parfaite pour analyser les matches, surtout dans sa partie axiale. Tu vois les distances entre les lignes, les coulissements, l’organisation globale, c’est idéal pour regarder un match “en scout”. Pour l’ambiance pure, évidemment, les kops, c’est autre chose.
Potonaute préféré ?
Difficile de citer un seul pseudo, il y a tellement de gens brillants et créatifs sur ce forum, José pour son travail et son carnet d’adresses incroyable, Sam42 pour ses stats, Pilou pour ses analyses, Parasar pour sa prose et j’en oublie plein d’autres… Je ferai un coucou à Sylvain avec qui on a vu quelques matchs de jeunes et qui a une immense expertise des jeunes, il aurait pu être un top scout et à Christophe avec qui on refait les après-matches, nos 2 compagnes doivent penser qu’on a un grain et se demander comment on peut rester des heures à refaire le match et discuter sur des animations ou des joueurs. Mais s’il faut mettre quelqu’un en avant, je dirais Stéphanois, pour son travail sur les jeunes. C’est quelqu’un qui m’a inspiré dans ma façon de suivre la formation, d’aller sur les mains courantes, d’être attentif à ce qui se passe en-dessous de l’équipe première. Poteaux Carrés, c’est une collection de foutraques brillants, cultivés, passionnés, c’est ça qui fait son charme !
Thread préféré sur Poteaux-Carrés ?
Impossible d’en isoler un, mais j’ai un fort attrait pour tout ce qui touche aux matchs, des pros et des jeunes, et au thread Mercato bien sûr pour parler de nouveaux talents ! C’est là que tu vois aussi le niveau de passion et de connaissance de certains potonautes.
Stade préféré ?
Yacine : J’en ai fait beaucoup, en Italie ou j’allais souvent avec mes amis quand je vivais à Grenoble, en Espagne aussi, en France bien sûr ou j’ai notamment fait le Stade de France ou le Vélodrome qui ne m’ont d’ailleurs pas spécialement marqué. Je ne vais pas être très original : Geoffroy-Guichard est au-dessus de tout ce que j’ai vu. Pas seulement parce que c’est le “stade de mon club de cœur”, mais parce que je le trouve vraiment unique dans sa façon de vibrer, surtout les soirs de gros matches avec une énergie incroyable.
Autre équipe préférée ?
Je n’ai pas vraiment de “deuxième club”. J’aime des styles, des joueurs, des championnats, plus que des blasons. Je peux apprécier un Benfica ou Ajax pour sa capacité à former et vendre, un club belge comme Club Bruges pour la façon dont il joue, recrute et forme des joueurs… mais émotionnellement, il n’y a que l’ASSE.
Un souvenir complètement aléatoire lié à l’ASSE ?
J’ai été profondément marqué par la victoire en Coupe de la Ligue, que j’ai vécu depuis Saint-Etienne, j’y habitais à l’époque. Il y avait 40 000, ou peut-être même 50 000 personnes dans les rues, de l’Etrat à Jean Jaurès. C’était vraiment un moment incroyable.
Merci à Yacine pour sa disponibilité et le temps passé à détailler sa vision !

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