Avant de recevoir son ancien club ce dimanche après-midi, le latéral droit des Lensois Ruben Aguilar s'est confié à Poteaux Carrés.
Ruben, t’as été le bienvenu chez les Ch’tis quand t’y es arrivé en provenance du Sud l'été 2023 ?
Oui, j’ai été très bien accueilli. Il me restait deux années de contrat avec Monaco mais j’avais envie de découvrir autre chose, de vivre une autre expérience. J’avais pas mal de touches et quand Lens est entré dans la course, ça m’a enthousiasmé de rejoindre ce club incroyable. J’étais bien à Monaco, ma famille aussi mais Lens cochait beaucoup de cases. J’ai retrouvé là-bas un vestiaire qui vivait vraiment bien. Le groupe lensois venait de vivre une belle saison qui lui a énormément servi. J’ai été très heureux de découvrir la Ligue des Champions avec les Sang et Or. J’ai joué lors des matches qu’on a gagnés contre Arsenal et le FC Séville. Je me suis bien adapté à la région lensoise. Je mène une vie paisible à, la campagne dans les environs de Lens. Ma femme et mes enfants âgés de 6 et 2 ans sont très heureux, surtout quand comme aujourd’hui il faisait 22 degrés. C’est incroyable ! (rires)
Tu t’apprêtes à accueillir un club que tu n’as affronté que 5 fois en L1 alors que tu devrais déjà en être à 11. T’étais notamment absent au match aller cette saison. C’est quoi ton problème Ruben ? T’as peur du Chaudron ? T’as pas trop envie de jouer contre les Verts ?
Si, justement ! J’aurai la chance je l’espère de pouvoir jouer cette rencontre dimanche. Tu sais, si j’ai raté 6 matches contre les Verts, c’est que j’étais soit suspendu, soit blessé. Cette saison, je me suis blessé à l’épaule quelques jours avant notre victoire à Geoffroy-Guichard. Je me suis fait opérer, j’ai été absent de longs mois. Ça a été très difficile mais je viens d’enchaîner 6 titularisations. Je suis sur la bonne voie, c’est cool !
Jouer contre Sainté, ça représente quelque chose pour toi qui as porté 2 saisons le maillot vert en U19 et avec la réserve, ou ça reste un match comme un autre ?
J’ai eu la chance d’évoluer 2 saisons à l’ASSE, malheureusement ça n’a pas abouti sur quelque chose de positif. Cela fait 12 ans maintenant que j’ai quitté Sainté, de l’eau a coulé sous les ponts. Ce n’est pas un club comme un autre. Déjà parce que c’est l’AS Saint-Etienne. Mais personnellement, je n’ai pas eu la chance d’évoluer avec le maillot vert dans le Chaudron. Ce n’est pas un match comme un autre d’affronter l’ASSE mais ce n’est pas non plus un match à part. Si j’y avais joué une centaine de matchs en L1, ce serait autre chose. A vrai dire, je n’ai plus vraiment de contact aujourd’hui avec mes anciens coéquipiers stéphanois. Par contre je vois certaines personnes que j’ai côtoyées à Sainté dans les staffs. Notamment Seb Sangnier, qui est préparateur physique à l’OGC Nice.
Dans les prometteuses générations 1992 à 1994 qui ont joué sous le maillot vert au Stade de France, plusieurs joueurs ont raccroché les crampons comme Idriss Saadi. Certains sont portés disparus comme Pierre-Yves Polomat. T’en as comme Maxence Chapuis qui jouent le maintien en N3. Les seuls qui jouent encore à un niveau pro évoluent dans des championnats moins relevés que la Ligue 1 : Kurt Zouma en bas de tableau de l’élite saoudienne et Bilel Aouacheria en L2 saoudienne...
... et David Douline au Servette. J’ai régulièrement des nouvelles de David. On ne s’est pas côtoyé à Sainté car quand je suis arrivé à l’ASSE en 2011, il venait de partir. Mais on a les mêmes attaches iséroises, nos parents se connaissent. Comme moi, Dav a été blessé plusieurs mois cette saison mais j’ai vu qu’il a repris la compétition tout récemment. Il a déjà joué une dizaine de matches de Coupe d'Europe et il fait parties des équipes qui luttent actuellement pour décrocher le titre de champion de Suisse.
Ça t’inspire quoi d’être le seul joueur des 2 groupes finalistes en Gambardella en 2011 et en 2012 à jouer encore au plus haut niveau dans un grand championnat alors que tu n’as pas encore 32 ans.
Je ne vais pas tarder à les avoir, c’est l’affaire de 3 semaines ! (rires) C’est fou comme le temps passe… Ce que tu me dis m’inspire plusieurs choses. De la fierté bien sûr mais aussi un peu d’amertume car il y avait des joueurs vraiment très forts avec qui j’ai joué à Sainté. Moi je ne faisais pas forcément partie des joueurs « clinquants », des joueurs sur lesquels ont misait. J’ai cette fierté de me dire que j’ai beaucoup travaillé pour arriver à percer. Je n’ai pas réussi à le faire à Sainté.
Quelques mois après avoir quitté l’ASSE, je suis retourné à Grenoble où j’ai d’abord joué avec l’équipe B en DHR. J’étais au chômage, en colocation. Mais j’ai su rebondir et j’ai fait beaucoup de sacrifices pour arriver à saisir ma chance dans le monde professionnel. Je vais bientôt atteindre la barre des 200 matches de L1, j’ai joué des matches de Champions League et d’Europa League, j’ai même joué un match en équipe de France. J’ai un côté lâche-rien qui m’a parfois joué des tours dans la vie mais c’est une qualité aussi.
Pour en revenir aux générations 1992 à 1994 à l’ASSE dont t’as parlé, Kurt était vraiment hors normes. Il aura fait une magnifique carrière. Y’avait pas mal d’autres joueurs talentueux. J’aimais beaucoup Pierre-Yves Polomat, il avait beaucoup de qualités et avait montré des choses intéressantes avec les Verts. Mais je ne sais pas ce qu’il est devenu. Il y a 2 ans il jouait à Versailles en National mais je ne sais pas ce qu’il fait aujourd’hui. Toujours dans cette génération 1993 dont je fais partie, il y avait Kévin Mayi qui joue désormais en Vendée en N3. Tu sais, le foot pro, c’est dur, t’en as pas beaucoup qui réussissent.
C’est ton cas mais ton club, le RC Lens fait partie des rares équipes de l'élite plus performantes à l'extérieur qu'à domicile alors que Bollaert reste sur une série de 63 matches à guichets fermés. T’expliques ça comment ?
Si tu prends nos dernières rencontres à domicile, celles contre Strasbourg et Le Havre font mal. Je pense qu’on aurait dû gagner ces deux rencontres car on a vraiment proposé du bon jeu. On allait de l’avant, on jouait vraiment, c’était structuré. Malheureusement on a pris des contres, il y a eu des faits de jeu, des pénaltys. Ça fait partie du football. Mais notre dernier match à domicile est positif. Contre le Stade Rennais, on a gagné sans prendre de buts, on a gagné 1-0. On a fait un match solide face à une belle équipe rennaise, qui a gagné 5 de ses 8 matches depuis qu’elle est entraînée par Habib Beye.
Forcément, on aimerait gagner pratiquement tous nos matches à la maison pour faire plaisir à nos incroyables supporters. On est déçu d’avoir perdu 6 fois à Bollaert cette saison. On aimerait y marquer le plus de buts possibles pour que notre public soit en feu. On n’est pas satisfait de notre rendement à domicile alors qu’on est la 3ème meilleure équipe à l’extérieure. On n’a pas seulement gagné contre les 5 derniers actuels au classement, on a battu l’OM au Vélodrome il y a moins d’un mois.
C’est vraiment dommage qu’on ait lâché autant de points à la maison. Le public lensois apporte pourtant quelque chose de magique. Quand tu joues à Bollaert, t’as des frissons. Je souhaite à tout footballeur, à tout sportif de haut niveau de découvrir une telle atmosphère, un tel engouement dans un club. Je pense que l’ASSE, c’est un peu similaire. Ce sont des clubs populaires, où les supporters se retranscrivent à travers nous. On essaye de leur apporter cette joie de vivre.
Un match ponctué d’un résultat positif, c’est un moment de bonheur partagé, de communion avec le public. Je suis vraiment fier d’avoir pu vivre ça dans ma carrière qui n’est pas finie. Chaque moment, j’en profite à fond. Je me nourris de cette ferveur. Evidemment c’est l’un des facteurs qui m’a poussé à rejoindre Lens. Je suis un privilégié de vivre de l’intérieur l’expérience Bollaert, la chaleur des supporters lensois. C’est tout bonnement incroyable, je ne m’en lasse pas !
En quoi Bollaert et GG sont-ils ressemblants et différents ?
J’ai moins eu la chance de connaître l’ambiance de Geoffroy donc c’est difficile de comparer. Je n’ai joué que deux matches dans le Chaudron. Quand j’y suis allé avec Monaco, les deux kops étaient suspendus donc forcément l’ambiance était certainement moins forte dans ce stade qu’à l’accoutumée. La première fois que j’ai joué à Geoffroy-Guichard, c’était avec Montpellier. Le stade n’était pas plein mais quand même assez chaud car les deux kops étaient là et ils donnent de la voix quasiment tout le match !
Lens et Sainté, ce sont deux gros peuples. Le peuple vert est reconnu aussi. Je pense qu’il y aura une superbe ambiance dimanche. Le parcage stéphanois sera plein et je m’en réjouis. On a des super supporters à Lens mais les Verts ont eux aussi des supporters au top. Heureusement que les Magic Fans et les Green Angels n’ont pas été dissous. C’est important que les groupes de supporters soient dans les stades. Bien sûr il y a des comportements qui sont interdits dans les stades mais chacun est grand et sait ce qu’il doit faire.
Les supporters, c’est super important dans le football. Nous les joueurs on en a besoin. Quand tu joues le week-end dans un stade sans ambiance, c’est nettement moins cool, c’est vraiment tristoune ! On préfère jouer dans des chaudes ambiances, devant des gens qui sont passionnés, qui vivent pour ça comme le font les ultras. Je suis contre les dissolutions, contre les sanctions collectives. Les supporters stéphanois seront les bienvenus à Bollaert ! Il faut laisser les supporters se déplacer, chanter et faire la fête.
Peux-tu nous dire quelques mots sur ton entraîneur ? Comment décrirais-tu le style de Still ?
Déjà c’est un jeune entraîneur de 32 ans, il n’a que 6 mois de plus que moi ! C’est un coach qui sait ce qu’il veut. Le style de Still, c’est courir, presser et proposer un jeu attractif. C’est en tout cas ce qu’il essaye de mettre en place. C’est un bon entraîneur qui va se bonifier au fil du temps. J’aime son approche du football et son discours : « faites ce que vous savez faire, soyez entreprenants, donnez tout et on ne vous en voudra pas. » Il est assez proche de ses joueurs, comme ses deux frères qui sont ses adjoints : Edward (34 ans) et Nicolas (28 ans).
Ton équipe possède la 3e meilleure défense de L1 alors que Will Still a dû très souvent la changer pour de multiples raisons : des suspensions, des blessures, des méformes mais aussi des départs de joueurs importants au mercato hivernal : Kevin Danso (Tottenham), Kushanov (Manchester City) et Przemysław Frankowski (Galatasaray). T'en penses quoi ?
Je trouve ça positif parce que ça veut dire que tous les joueurs qui évoluent dans ce secteur défensif sont concernés. On sait tous ce que l’on a à faire. Il est vrai qu’il y a eu pas mal de mouvements cet hiver mais les décideurs savaient quels joueurs étaient encore sous contrat. Ils savent qu’ils peuvent nous faire confiance, c’est le plus important. Et pour les remercier, on essaye de donner le meilleur de nous-mêmes. On sait quelle mission on a à faire.
Celle de laisser gagner Sainté ce dimanche je présume !
Tu présumes mal ! (rires)
Quel regard portes-tu sur la saison stéphanoise et sur l’équipe des Verts ?
Pour moi il y a une double saison. Je ne regarde pas tous les matches de Sainté mais ceux que j’ai eu l’occasion de voir récemment me font dire que c’est une bonne équipe. Les Verts jouent bien mais parfois ça peut leur jouer des tours. Parfois, quand tu joues le maintien, tu es moins joueur. Sainté s’évertue à se sauver par le jeu, c’est méritoire. Ils essayent de mettre des choses en place. J’ai regardé avec attention leur match contre Paris de samedi dernier, les Verts ont vraiment fait une bonne période.
Après, malheureusement, les Stéphanois ont pris cher en seconde période. Une fois lancée, cette équipe du PSG est quasiment impossible à arrêter. Les Parisiens survolent le championnat cette saison. J’espère que les Verts se maintiendront parce que ce club doit rester dans l’élite. Je trouve qu’ils font de belles choses et qu’ils ne sont pas toujours récompensés de leurs efforts. Ils ont fait un mauvais début de saison et quand tu démarres par trois défaites d’entrée ce n’est jamais évident. Tu cours après les points, c’est compliqué.
Mais dans le contenu des derniers matches de Sainté, on voit des choses vraiment intéressantes. Avec Stassin, Davitashvili, Cardona, cette équipe a de bonnes forces offensives. Dans la Ligue 1, dans chaque équipe t’as de bons attaquants de toute façon. On sait qu’on devra être concentré face à cette équipe. Ce n’est pas parce que les Verts sont avant-derniers qu’il faut prendre ce match à la légère. Bien évidemment on se méfie de cette équipe stéphanoise. On sait que c’est une bonne équipe, qui sait jouer au football, qui sait mettre de l’intensité. On s’attend à un match difficile.
D’autant plus que les Verts, soulagés de pouvoir compter sur leurs ultras finalement non dissous, ont logiquement obtenu match gagné à Montpellier suite aux incidents à la Mosson. Revenus à 1 petit point du barragiste havrais et à trois du 15e rémois, les Stéphanois qui jouent leur survie en cette fin de saison ne vont-ils pas être encore plus motivés que les Lensois ce dimanche à Bollaert ?
On sait que les Stéphanois ont l’impérieux besoin de prendre des points et qu’ils vont arriver ici très motivés. Nous, on peut croire qu’on n’a plus rien à jouer mais on est des joueurs de football, on représente un club. On porte un écusson donc rien que pour ça on va donner le max. Et puis on ne sait jamais ce qui peut se passer lors de ces 7 dernières journées. On verra si on peut accrocher une 6e ou une 7e place.
Moi je suis un compétiteur. Certes on a perdu beaucoup de points, on est un peu distancés pour l’instant mais il reste 7 matches dont 4 à la maison. C’est important de les gagner, de bien finir à domicile pour nos supporters. On leur doit une revanche car on sait qu’on les a déçus lors de notre dernier match, ce derby perdu à Lille. On se sait attendus par nos supporters ce dimanche, c’est compréhensible. On se doit de se racheter en abordant ce match contre Sainté de la meilleure des manières, en donnant tout. Bien sûr qu’on est motivés !
Tu as le même agent qu’Arnaud Nordin, Ronaël Pierre-Gabriel, Mathieu Cafaro mais aussi Maxime Bernauer. Connais-tu ce dernier, seul nouveau visage apparu à l’ASSE lors du dernier mercato hivernal ?
Il peut arriver qu’on échange entre joueurs ayant le même agent. Par exemple avant de signer à Lens, j’avais discuté avec Adrien Thomasson et Florian Sotoca. Concernant Maxime Bernauer, c’est en regardant Deux Nuits avec sur youtube que j’ai fait sa connaissance. Je me suis rendu compte qu’il était dans la même agence que moi. Je suis très content pour lui qu’il soit revenu en France pour découvrir la Ligue 1 dans un club populaire et historique comme l’AS Saint-Etienne. Je ne le connaissais pas personnellement, on aura certainement l’occasion de discuter un peu à Bollaert.
Ton prono pour ce match ?
Ça ne va pas te plaire évidemment mais victoire lensoise ! Mon bilan contre les Verts est positif. En plus des 5 matches de L1 dont t’as parlé au début de notre entretien, j’ai joué mon premier match contre Sainté avec Auxerre en Coupe de France. Alors que l’AJA évoluait à l’époque en L2, on avait battu les Verts de Christophe Galtier 3-0 après prolongation. Si je ne dis pas de bêtise, je dois donc en être à 3 victoires, 2 nuls et une défaite contre les Verts.
Une défaite à laquelle tu n’as pas assisté jusqu’au bout car t’avais été expulsé pour une faute sur Denis Bouanga dans le Chaudron. Ruben, vous avez donné le match au Havre il y a un mois à Bollaert. En tant qu’ancien Vert, pour ne pas fausser la lutte pour le maintien, on te remercie de laisser Sainté l’emporter à son tour à Bollaert.
Malheureusement je ne peux faire ça ! (rires) Je suis obligé de tout donner pour le club que je représente. Mais, crois-moi, je serai content si l’AS Saint-Etienne se maintient en fin de l’année. Ce serait vraiment dommage que Sainté fasse l'ascenseur !
Merci à Ruben pour sa disponibilité