___ a écrit : ↑11 janv. 2022, 06:59
Il se trouve, mon cher Kishizo, qu'il existe de la littérature scientifique sur les Ultras, que j'ai eu l'occasion de mener des entretiens semi-directifs avec certains d'entre eux (oui, au pluriel
), et même de passer un peu de temps au local d'un groupe.
Encore une fois, de mon côté, il ne s'agit ni de fascination, ni de minimisation. Mais à propos de la violence, il faut arrêter de parler de gangrène pour des faits qui en réalité, ne concernent que quelques milliers d'individus à l'échelle nationale, et même pas l'activité principale des dits individus (et de loin).
Les actes violents et brutaux (symboliquement) qui touchent des dizaines de milliers de personnes, ce sont les interdictions de déplacement et les fermetures de tribunes. Il fut un temps où les incidents étaient plus nombreux, les sanctions moindres, et cela n'empêchait pas à un quidam d'aller au stade, y compris avec ses enfants.
Les Ultras sont victimes d'une forme de "bouc-émissarisation" pour des motifs sécuritaires, et ce phénomène se traduit par des attaques profondes et aux effets durables contre nos libertés publiques.
J'ai d'ailleurs l'impression que la même chose est en train de se passer avec les réfractaires au vaccin Covid : au motif de la sécurité, on prend des mesures liberticides assez absurdes mais qui laisseront probablement des traces, et on les fait accepter en montant en épingle le comportement d'une minorité accusée de tous les torts - là aussi, de manière absurde.
La sociologie est une discipline classée dans les sciences humaines, tout comme l'histoire. Une telle littérature est subjective en fonction de son auteur et de sa vision des choses. En cela, tu peux parfaitement me dire qu'à ton avis les ultras sont des supporters normaux, et moi l'inverse. C'est de l'ordre de la perception que l'on peut en avoir. Un historien lorsqu'il se borne à rapporter des dates et des événements factuels, apporte des éléments objectifs. Bien entendu il va chercher à aller plus loin et mettre en perspective historique avec d'autres événements, à expliquer la survenance par une mise en contexte, c'est tout l'intérêt intellectuel de sa discipline. A ce moment, il glisse vers une position subjective, que l'on peut partager ou ne pas partager suivant la qualité de son argumentation. Les historiens peuvent avoir des avis différents, les sociologues également. En cela la littérature scientifique que tu invoques n'a bien évidemment pas l'aspect de juge de paix de la science physique, la littérature scientifique sur les Ultras a peu de correspondances avec un manuel de mathématique.
Que tu trouves des ultras dont les caractéristiques ne te semblent pas différentes d'un supporter lambda avec juste une plus grande ferveur à supporter en tribune ne me surprend guère. Plus jeune en classe de lycée j'en ai connu également et j'ai vu une certaine diversité. Il y a ceux comme toi ou moi supporter du club et souhaitant naturellement s'investir dans un groupe, ils vont vers la forme existante, et ceux recherchant autre chose, l'appartenance à un groupe se confrontant à d'autres. Avec les premiers je pouvais échanger foot, avec les seconds, il était plutôt questions des conneries qu'ils avaient pu faire. Interroger des membres n'a pas grande signification, quels sont ceux qui ont envie d'échanger avec toi ? Ceux qui estiment qu'une mauvaise image est renvoyée d'eux, les autres se moquent éperdument de l'avis que l'on peut avoir sur eux. J'ai connu des ultras que tu ferais bien marrer, moi ils me diraient tu as raison, mais on t'emmerde, tu te prends pour un redresseur de torts. Ce que je ne suis pas sur le fond, tant que cela n'a pas de répercussions sur ceux qui veulent supporter normalement, je m'en moque. Je ne suis pas flic et je fais mes propres conneries, mais je ne viens pas essayer de convaincre les autres que je suis un ange. J'ai plus de respect pour celui qui ne cherche pas à me raconter des salades, et même si je prends mon plaisir différemment, on ne va pas refaire le monde, un terrain régressif peut donner du plaisir dans une société corsetée de bien-pensance.
C'est pourquoi dans nos précédents messages lorsque tu raisonnes sur les individus, je raisonne sur les mécanismes. Les règles du jeu du mouvement ultra ne reposent pas sur l'humanisme, mais sur le sens aigu de propriété et de territoire. Le cadre est plus signifiant que les individus pour affiner sa compréhension du phénomène.