Et bien après plusieurs mois de dur labeur, j'ai enfin terminé FARCRY 6, le simulateur de guerilla-revolucion, et je me promets d'arrêter les Ubisofteries.
Je suis un joueur de FarCry depuis le premier opus et j'ai joué à tous les épisodes principaux. Ces derniers, à l'exception notable du 2 (qui se cherchait pas mal), ont toujours monté en gamme au fur et à mesure de l'avancée de la saga. Mais là c'est la brutale déception.
Il faut se rendre à l'évidence: FarCry 6 est bien moins réussi que FarCry 5.
Évacuons d'abord la question du gameplay: c'est le même que FarCry 5. Pas une copie conforme mais pas loin: FPS en monde ouvert, très organique, épuré de tous ses éléments RPG sur une carte immense remplie de points d'intérêts comme tout bon AAA Ubisoft qui se respecte.
Ici, on alterne les patounes bien pensées (les coqs ou les clés USB) avec les trucs un peu teubés (les documents écrits qui n'apparaissent sur la carte que s'ils passent dans ton champ de vision) ou ultra-classiques (les caisses dont l'emplacement est révélé par des PNJ libérés ou des Guerilleros).
Éléments nouveaux: les Amigos (qui sont une version évoluée des animaux compagnons), les combats de coq (un mini-jeu VS fighting dans le jeu), les opérations de Bandidos (des petites histoires à choix), les interceptions (des missions de rapidité) et les Supremos (des sacs à dos spéciaux fournisseurs de bonus thématiques). Bref, pas bézef mais c'est cà qu'on vient chercher.
Alors, en quoi FarCry 6 pêche ?
Sur deux points essentiels à mes yeux: l'ambiance et l'histoire.
L'ambiance tout d'abord. Elle change (forcément) pour chaque jeu puisque chaque opus se déroule avec des personnages différent dans un environnement différent. Ici le contexte, c'est une révolution en forme de guerilla dans une grande île des Caraïbes (en gros, c'est Cuba) dirigée par un dictateur charismatique et impitoyable.
Si l'ambiance latino-américaine est dépaysante, croisement entre Tropico et Just Cause pour ce qui est du cliché de la république bananière, l'aspect crasseux et tiers-mondesque de ce petit pays finit par lasser un peu à cause d'un manque de variété entre plantations, jungle, plage et hameaux reproduits à l'infini. Seule la capitale, Esperanza, tranche un peu et ajoute de l'urbanisme dans tout cà mais un choix scénaristique (la zone est interdite par loi martiale) empêche d'en profiter puisque on s'y fait tirer dessus à vue.
Et surtout, l'ambiance musicale, qui avait tout pour être parfaite, est cent lieues derrière celle de FarCry 5, qui avait mis tout le monde d'accord avec ses mélodies au banjo, ses ballades bucoliques et ses chansons évangéliques entraînantes. Ici, on a du bon rock latino, un peu de Habanera et des palanquées de marches militaires à deux balles. L'hymne national de Yara tourne en boucle dans les haut-parleurs et franchement, c'est un air vraiment lourd à la longue. Gros gros point noir en ce qui me concerne, sachant que mon style infiltration m'impose pas mal de silence et de préparation. C'est sûr que si on joue en tirant sur tout ce qui bouge, on souffre moins de ce downgrade musical.
Ensuite, l'histoire. Sans être du niveau d'un Witcher ou d'un Bioshock, les histoires narrées dans les FarCry ont depuis le 3 toujours été des éléments forts de l'expérience, sachant manipuler les codes du genre pour préparer des twists ou au moins mettre à mal l'apparent manichéisme des FPS. L'élément moteur de cette narration est en général l'antagoniste principal qui marque autant la progression que les esprits des joueurs: Vaas dans FC3, Pagan Min dans FC4 et Joseph Seed dans FC5 font tous partie des méchants les plus mémorables pour les joueurs ayant joué à ces jeux alors Ubisoft s'est dit: "Prenons l'acteur le plus emblématique du méchant parfait pour notre jeu". Et ils ont donc engagé Giancarlo Esposito (Gus Frings dans Breaking Bad, Moff Gideon dans the Mandalorian, etc...)
Sur le papier, l'idée est intéressante: Esposito campe un dictateur crédible, inquiétant, éloquent et imposant. Mais clairement, on sent que le chèque a été élevé et qu'il faut le rentabiliser. L'acteur danois est partout: sur les murs des immeubles, à la TV, à la radio, dans les cinématiques, dans les haut-parleurs, sous forme de statue, partout, tout le temps... A vous en donner la nausée. Et même si c'est probablement voulu afin de traduire le culte de la personnalité de ce genre de despote, celà a aussi pour effet de désacraliser ses apparitions. A force de se faire servir le méchant au chausse-pied, il finit fatalement par perdre de son aura...
La progression scénaristique suit une trame très classique pour du FarCry: d'abord la fuite peu après la séquence d'ouverture, puis on rejoint un groupuscule de résistance grâce à l'aide d'une figure de mentor et on regagne chaque région petit à petit en se débarrassant des principaux sbires du méchant.
Le souci c'est qu'ici, les sbires en question ne sont pas intéressants. Les enfants de Joseph Seed dans le 5 étaient tous remarquables. Là, à l'exception notable du businessman canadien Sean McKay, on a surtout affaire à des apparatchiks caricaturaux, général machin par-ci, docteur bidule par-là. Sitôt présentés, sitôt abattus, sitôt oubliés.
La narration contient quand même quelques moments de bravoure intéressants, notamment par l'inclusion des guerilleros de la génération précédente et par la mort inattendue de quelques figures qu'on aurait pu croire intouchables. Mais la structure reste très classique, le manichéisme omniprésent et surtout la fin est très décevante.
Bref, j'aurai probablement tout oublié de FarCry 6 dans quelques années alors que le 5 me hante encore aujourd'hui. Et je tenterai peut-être FarCry 7 mais j'espère de tout cœur qu'Ubisoft saura tirer les leçons de ce semi-échec artistique en se rappelant que de nos jours, il ne suffit pas de décréter un contexte pour s'assurer de réaliser un bon jeu immersif.