ZDV a écrit :
Je la connais pas mal, je sais bien que l'école n'a rien à voir avec celle d'il y a deux siècles (je n'ai jamais dit ça, elle est même désespérément et pathétiquement sur la forme en tentative permanente de se moderniser), mais ses prérogatives elles, son fondement, son utilité, ce que le système attend d'elle, le sont. J'insistais sur le ridicule de faire rentrer de force des choses inutiles, de faire des classements, compétitions sur des choses arbitraires décorrélée de la vie réelle, de ne pas valoriser l'originalité, la curiosité, la capacité à résister à une consigne injuste etc..
Les choses peuvent être très différentes d'un collège à l'autre, d'une école à l'autre, en fonction du quartier ou du village dans lequel on se trouve, des CSP des familles de la zone de recrutement, du dynamisme des profs, de l'intérêt manifesté par les élèves, etc.
Mais globalement il y a des constantes qui restent extrêmement importantes pour la société et qu'il ne faut pas balayer d'un revers de la main :
- l'école peut mettre un élève sur des rails, susciter sa curiosité, lui faire découvrir de nouveaux sujets, lui donner envie plus tard de s'intéresser davantage à une question. J'ai appris récemment qu'une de mes anciennes élèves fait des études pour travailler dans le secteur boursier...parce que quand elle était en 4ème on avait abordé brièvement ce thème au détour d'une heure de cours. Elle ne connaît personne qui bosse dans ce secteur et n'y avait jamais songé auparavant. Dans le même style, combien d'adultes sont partis en voyage en Australie à 30 ans parce que leur prof d'anglais de collège leur avait beaucoup parlé de ce pays ? Combien d'adultes ont lu plein de bouquins sur la Seconde Guerre Mondiale pour creuser le sujet parce que leur prof d'Histoire de 3ème avait su les passionner en abordant ce thème ? Combien ont craqué "Amistad" de Spielberg sur internet (alors qu'ils n'avaient jamais entendu parler de ce film) parce qu'ils en avaient vu un extrait en classe dans le chapitre sur l'esclavage ?
- l'école permet aussi à des tas d'élèves chaque année de toucher du doigt des choses auxquelles ils n'auraient pas eu accès par la voie familiale. Un seul exemple : chaque année des centaines de collégiens peuvent partir en voyage scolaire en Italie, en Allemagne, en Espagne, en Angleterre moyennant souvent une participation financière de la famille. Dans mon établissement, les élèves partent pour environ 300 € pendant 5 jours à Barcelone par exemple (programme : Sagrada Familia, Parc Güell, Camp Nou, Ramblas, Boqueria, resto traditionnel, chocolate con churros, Casa Batllo, Casa Mila, zoo + Musée Dali de Figueres, etc). En étalant la dépense sur plusieurs chèques, cette somme reste quand même abordable même pour des familles peu aisées financièrement. Sans le collège, sans le dynamisme de la prof d'espagnol qui se coltine l'organisation, les gamins de ces familles moins aisées n'auraient jamais pu aller à Barcelone à 14 ans et faire ce programme-là à ce prix-là.
Dans un autre style, le collège permet aussi gratuitement à des gamins de familles défavorisées qui vivent à 15 km d'une station de ski de mettre pour la première fois de leur vie les pieds sur des skis à 13-14 ans, ou de découvrir ce qu'est l'aviron, ou de passer une nuit en refuge après une rando....
- pour le fait de favoriser l'originalité et la curiosité, cela dépend beaucoup des profs sur lesquels on tombe, mais même dans des classes surchargées à 28 ou 30 élèves en collège il y a des projets magnifiques qui se montent chaque année dans des centaines d'établissements, il y a des gens qui savent rendre leurs cours passionnants, il y a des gens qui savent capter l'attention et susciter l'intérêt de leurs élèves. L'école a plein de défauts, elle ne peut pas résoudre ou combattre tous les problèmes de la société, mais ce n'est pas non plus une institution sclérosée où les élèves ne font que s'emmerder en classe et n'étudient rien de passionnant devant des profs aux méthodes arriérées et aux discours systématiquement inintéressants.
[i]"Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait"[/i] (Mark Twain).