Il y a deux points qui m'ont fait tiquer à la lecture :
-la Commission reproche à l'ASSE de ne pas avoir porté plainte contre ses supporters et de n'avoir pas notifié d'interdictions commerciales de stade (ICS). Outre que l’argument ne tient pas, il est inacceptable dans son principe. La commission de discipline ne peut sanctionner que les manquements du club. Elle ne peut pas sanctionner le club pour ne pas avoir sanctionné aveuglément et au hasard parmi ses supporters. Surtout, l’ASSE ne pouvait rien faire de tel ! L'ASSE n’étant pas victime, elle n'était pas recevable pour déposer une plainte. Par ailleurs, les images vidéos du parcage ont été saisies par la justice. Comment l’ASSE aurait-elle pu les exploiter pour identifier des personnes ? Dès lors que le club n'y a pas accès, la demande de la Commission était impossible à mettre en œuvre !
Sur le fond l'idée de la Commission est que les clubs doivent avoir une politique volontariste de faire cesser les incidents dans leurs stades dans la limite des faibles prérogatives en leur pouvoir : un stadier n'est pas un policier, encore moins un Opj. Etant donné que lesdits incidents découlent la plupart du temps des groupes ultras, que ceux-ci ont pris une importance considérable dans certains clubs, les présidents peuvent avoir la tentation de ne pas s'impliquer directement pour ne pas se mettre à dos ceux-ci.
A titre personnel, j'étais pour le boycott, mais le bon Roro je ne l'empêche pas de dormir, tandis que lorsque les groupes ultras décident eux-mêmes de lancer le boycott, là ce n'est plus la même histoire. Contrairement à ce qui a pu être dit, je pense que cela a touché la direction du club, parce que dans leur idée, "ce sont des abrutis, ils râlent, mais il viendront toujours". Le mouvement a cessé et leur a donné raison sur le fait que les supporters ne peuvent tenir longtemps à déserter le stade, mais c'est une première qui a durée quand même quelques matchs pendant lesquels ils ont pu réfléchir à ce qu'ils pensaient impossible.
En tout cas dans un club pour prendre l'image immobilière sur lequel on pourrait prononcer un arrêté de péril, ne sachant de quel côté il va s'effondrer, ouvrir un autre chantier de guerre ouverte avec les groupes ultra n'est pas forcément la priorité. De cela, la commission en question n'a pas à en connaître, ce n'est pas leur problème, bien entendu la plainte du club n'a pas une importance capitale, le ministère public lance de lui-même les poursuites, ce qu'ils veulent est de l'ordre de la symbolique, que le club démontre qu'il n'y a aucune compromission. Le choix est de ne pas mettre d'huile sur le feu, seulement il est délicat ensuite d'aller se faire défendre en appel sans avoir déposé plainte, l'avocat du club tentera de noyer le poisson et réorienter les débats parce que pour amoindrir sa sanction, ce sont deux composantes :
- minimiser les faits en cause et démontrer que la sanction est disproportionnée par rapport à d'autres cas d'espèces.
- démontrer la vigueur de ses actions pour éviter et prévenir ces atteintes à son obligation de sécurité.
Si un juge demande : pouvez vous m'expliquer pourquoi vous n'avez pas déposé plainte ?
Bah il vaut mieux travailler la réponse à l'avance et jouer de la pirouette pour reporter l'attention sur le point 1.
Parce que juridiquement je ne vois pas bien ce qui pouvait empêcher le club de le faire, l'argumentation de cette association de supporters m'apparaît assez fumeuse. Il ont une certaine habileté ou je leur prête à tort des talents cachés d'y mélanger les interdictions commerciales de stade (ICS), dont je ne connais pas la réglementation. S'agissant d'une plainte, évidemment que l'on peut en déposer une lorsqu'on ne connaît pas l'identité de l'auteur du fait délictueux, cela a même un nom, la plainte contre X. Il ne faudrait pas dissuader les victimes de cambriolage ou la bonne mamie qui se fait tirer son sac de se rendre au commissariat parce qu'elle ne connaît pas l'identité de son cambrioleur ou agresseur. Sur la qualité de victime, il me semble qu'elle est évidente. Le fait d'être responsable dans le cadre d'une obligation générale en sa qualité d'organisateur de sécurité n'est pas antinomique d'être également la victime de l'événement générateur. Bien au contraire, le fait d'être sanctionné pour son obligation générale entraîne de fait d'être la victime de l'événement en particulier. Sans compter que le club peut alléguer d'un préjudice d'image, d'un préjudice financier, parce qu'il rembourse les places et des spectateurs resteront chez eux au lieu de racheter une place et c'est une perte financière. C'est comme un chef d'entreprise qui aurait laissé s'alcooliser des employés dans son usine, si l'un tout à son ivresse viol une collègue dans les toilettes de la boite, sa responsabilité pourrait être engagée au titre des obligations lui incombant, mais sans doute que lui-même se portera partie civile contre le personnage.
Cette complicité est une réalité : en 2021, lors des débats sur la loi visant à démocratiser le sport en France, il était question de faire changer les règles. L’obligation de résultat qui est imposé aux clubs en matière de sécurité pouvait devenir une obligation de moyens. Foot Unis, le syndicat des clubs professionnels – dont fait partie l’ASSE – s’est opposé à cet amendement auprès des sénateurs.
Alors là sur le plan théorique, si on me demande si une association de consommateurs (Dsl de supporters, cela peut choquer certains) pourrait avoir intérêt à souhaiter passer son cocontractant d'obligation de résultat en obligation de moyen, je ne vois pas de cas de figure possible. Comme quoi l'imagination est toujours plus limitée que les chemins tortueux du réel. Se retrouver à reprocher aux clubs de refuser de voir amoindrir leur part de responsabilité dans l'accueil de leurs supporters et inversement les spectateurs bénéficiaires ennemis de leurs propres intérêts, c'est le monde à l'envers.
Les chouettes petites rorogirls projetant des goodies dans le public, si son gros canon est mal réglé et que leur truc me pète le nez, je préfère qu'il repose sur eux une obligation de résultat, tant qu'à faire cela n'en sera que plus simple qu'avoir à me défendre de ne pas avoir un nez étrangement fragile ou ne pas être en train de peloter ma voisine sans regard sur le projectile. C'est pour la blague, mais si un mouvement de foule ou une rupture de barrière ou que sais je me provoque de graves dommages physiques, cela peut avoir son importance. Mais je comprends le cheminement conduisant cette association à inverser la logique, seulement au lieu de se dire défendre les intérêts des supporters, autant faire preuve de franchise et se dire défendre l'intérêt des groupes ultra, ce qui n'a rien d'infamant. Seulement au delà des mœurs spécifiques du mouvement ultra, l'individu personne physique mastre ou ultra a plutôt à gagner à ce que l'obligation reste de résultat, parce que si tu en donnes, tu en prends aussi. La responsabilié de celui qui ta donné s'il ne peut-être identifié, tu seras peut-être bien content d'engager celle du club.