Les Verts ont logiquement perdu à Marseille, au terme d'un match où ils ont été bien muselés par leurs adversaires, et voient ainsi le podium s'éloigner.


Le plan de jeu de l'ASSE pour le déplacement à Marseille a été détaillé par Jean-Louis Gasset en conférence de presse après le match : "On avait décidé de démarrer de manière prudente, pour essayer ensuite, si on tenait le choc, d'avoir un peu plus d'ambition". Ce qui ressemble au plan de jeu à Lille en octobre dernier : "L'objectif était de bien tenir, puis faire rentrer des joueurs qui vont dans la profondeur". Avec la même réussite...

Au delà du fait que ça serait sympa de montrer de l'ambition dès l'entame du match quand on joue "un gros", et pas seulement si on arrive à tenir un moment, la question se pose donc de savoir pourquoi on n'a pas tenu. Et la réponse vient de Cabella ("ils savent comment on joue, ils ont fait en sorte de nous bloquer"), mais aussi de l'entraîneur adverse ("tactiquement, on a été très bon en première (...) on a fait une bonne étude de l’adversaire, on savait ce qu’il fallait faire").

Regardons à l'aide de quelques exemples comment les Marseillais ont contré l'animation stéphanoise, mais avant cela un petit passage en revue des systèmes tactiques utilisés par les deux équipes.

 

Systèmes tactiques

 
Malgré l'absence de KMP et Gabriel Silva, le staff des Verts a démarré le match dans le désormais habituel 3-4-1-2 :


Une défense à 3 Perrin - Subotic - Kolo, deux pistons Debuchy - Polomat, deux milieux axiaux Aït Bennasser - M'Vila, un autre plus haut, Cabella, et finalement deux avant-centres, pas visibles ci-dessus, Khazri - Hamouma. Du classique donc pour l'ASSE, un système qui permet aux Stéphanois d'avoir une belle possession de balle mais loin des buts adverses. Ainsi la possession a été de 58% lors des 25 premières minutes et de 55% lors du reste de la 1MT. Pas mal pour un match à l'extérieur chez un "gros". Pourquoi couper en deux la première période ? Parce que c'est lors de sa première moitié que le match s'est joué : au bout du 5e tir en 20 minutes, le 4e cadré, l'OM menait déjà 2 à 0 et le match était plié. Pendant ce temps les Verts ne comptaient aucun tir. A partir de la 25e minute le rapport des tirs a été beaucoup plus équilibré, 7 à 6 pour les hôtes.

Comme les Verts n'y arrivaient pas et comme Perrin a ressenti une gêne, un changement tactique est intervenu à la pause - un passage en 4-2-3-1 :


Beric entré en avant-centre, Khazri s'est excentré à gauche et Hamouma à droite. Le changement a été radical en terme de contribution au jeu. Le premier a touché en 2MT deux fois moins de ballons qu'en 1MT. Et le deuxième a touché pendant 25 minutes de la deuxième - avant qu'il ne sorte - presque autant de ballons que dans toute la première.

Hamouma a en effet cédé sa place à Diony - du poste pour poste - et le 3e changement a aussi préservé le 4-2-3-1, en mettant Aït Bennasser à droite, à la place de Debuchy, et en laissant Vada se positionner dans l'axe à côté de M'Vila :

 
 
 
Quant à Marseille, leur 4-4-2 récent a été reconduit...
 

... mais il y avait une particularité lors de ce match. Les deux lignes de 4 dans ce bloc ne sont pas symétriques : si celle de la défense penche à droite sur l'image précédente, ce n'est pas le cas de celle des milieux. La raison est que le milieu gauche marseillais avait une tâche très précise : suivre les déplacements de Debuchy dans son couloir. Ainsi, très souvent, le bloc de l'OM avait des allures de 5-3-2 :


Ceci a été la première réponse tactique du staff marseillais pour contrer les Stéphanois mais pas la plus importante comme nous le verrons dans les exemples suivants.

 

Les vingt premières minutes

 
Comme précisé plus haut, la première moitié de la 1MT a été très favorable à l'OM, le reste du match étant plus équilibré, résultant dans un bon 0-0 sans trop d'occasions. L'ingrédient principal qui a fait la différence lors de ces 20-25 premières minutes a été dans l'intensité. Les Marseillais en ont voulu tout simplement plus. On ne peut pas l'illustrer avec des captures d'écran, mais on peut mettre en évidence l'autre ingrédient essentiel : les choix tactiques.

Un premier élément a déjà été mentionné : les couloirs. En passant de 4-4-2 à 5-3-2 quand il fallait, les Marseillais ont tout simplement bloqué chacun des pistons des Verts tout en laissant trois défenseurs s'occuper des deux avant-centres de l'ASSE. Si au centre du terrain on a pu assister à un duel Aït Bennasser - Cabella contre les deux axiaux adverses, l'animation stéphanoise a été complètement contrée par l'utilisation des deux avant-centres de l'OM, en marquage très rapproché sur M'Vila et Perrin. Comme dans cet exemple qui commence à la 5e minute avec un coup franc de Kolo pour Subotic :


Défense à 5 pour contenir les deux avant-centres et les deux joueurs de couloir. Marquage individuel entre les milieux axiaux, mais aussi d'un avant-centre marseillais sur M'Vila pendant que l'autre cherche Perrin.  La construction des Verts doit donc passer par une prise de risque, par des passes vers des joueurs suivis de près par un adversaire :


Subotic combine avec M'Vila, puis avec Aït Bennasser - les deux arrivent à transmettre le ballon proprement, malgré la pression de leur adversaire direct. Debuchy est recherché dans son couloir mais le milieu gauche marseillais sort et récupère le ballon. L'OM commence une attaque vers la gauche :


Le 5-2-3 stéphanois est bien visible, tout comme l'utilité d'une défense à 5 : les Marseillais attaquent en 4-2-4. Polomat sort de l'alignement pour bloquer le couloir, Kolo coulisse pour couvrir dans son dos et récupère le ballon qui arrive à M'Vila :


Il cherche une solution, sous la pression d'un avant-centre pendant que l'autre ne lâche pas Perrin. Aït Bennasser est pris aussi, mais comme Cabella s'était excentré, il avait attiré l'autre milieu axial, ce qui permet à Hamouma de faire un appel entre les lignes. Il est trouvé par la belle passe de M'Vila. Il élimine le milieu venu combler l'espace mais pas le défenseur; et la possession est de nouveau perdue :


Ces phases de transition sont dangereuses, même si les Verts ne se trouvent pas en infériorité dans cette situation. Polomat et Debuchy étaient haut, mais la défense à 3 et les 2 milieux ont seulement 4 Marseillais à gérer. Et pourtant...


... une projection toute simple du milieu axial resserre complètement la défense stéphanoise - Debuchy est trop loin pour couvrir dans l'axe et l'avant-centre adverse se présente seul contre Ruffier pour la première grosse occasion du match.
 


Quelques minutes plus tard Polomat joue une touche pour Kolo :


M'Vila est suivi de près par un avant-centre, pendant que l'autre ne se tient pas loin de Perrin. Par contre, Aït Bennasser est libre - il est trouvé par Kolo, à qui il rend le ballon. Le défenseur stéphanois monte un peu balle au pied...


... pour chercher une solution. Le 5-3-2 de l'OM est parfaitement en place : les deux pistons des Verts sont pris, les trois éléments offensifs sont entre deux lignes de 3 dans l'axe (défenseurs-milieux). Et M'Vila a toujours son ombre avec lui. C'est donc toujours Aït Bennasser qui est trouvé, via Subotic. Comme précédemment, dès qu'il a la balle, le milieu adverse monte sur lui :


Il joue avec Perrin, l'autre AC le cherche. Le ballon arrive à Debuchy, le milieu latéral le cherche. Et M'Vila n'est toujours pas disponible. Le jeu est envoyé vers la défense, où Subotic change de côté :


Malgré le surnombre apporté par Kolo, il n'y a pas de décalage et après un échange Polomat-Cabella-Kolo, le ballon revient dans l'axe de la défense. Tous les Stéphanois censés construire le jeu (M'Vila, Aït Bennasser, Perrin) sont pris, mais Subotic est libre :


Il monte donc avec le ballon et il est intéressant d'observer qu'aucun des deux avant-centres ne cherche à l'arrêter, ils suivent toujours leurs cibles. La passe casse la ligne des milieux mais les offensifs de l'ASSE se trouvent contre une défense bien en place. Cabella trouve Khazri qui essaye de dribbler et tirer. Sans succès.


L'animation stéphanoise a été bien lue par les Marseillais et il était important pour l'OM de bien la contrer, elle pouvait être bien dangereuse, comme le montre cet exemple qui commence avec une autre touche de Polomat pour Kolo :


Le 4-4-2 de l'OM est en place, tout comme le 3-4-1-2 de l'ASSE. Mais par rapport à l'exemple précédent, une différence importante est visible : l'avant-centre ne reste pas à côté de M'Vila mais s'en va chercher Kolo. Le milieu stéphanois décroche...


... et reçoit le ballon dans l'axe. Il peut donc construire proprement et il cherche une solution :


"Son" avant-centre reste à côté de Kolo pendant que l'autre est discipliné et s'en va chercher Perrin, ce qui libère un angle de passe vers Aït Bennasser. M'Vila est recherché par un milieu axial, ce qui permet aux Stéphanois de trouver Cabella et Polomat à gauche - dans deux passes les deux premières lignes du bloc marseillais ont été franchies. Cabella laisse le ballon aller vers le côté et fait un appel dans l'axe :


La défense à 5 de l'OM est toujours en place, mais elle se trouve contre 5 stéphanois et elle est sur le reculoir. Cabella est trouvé et donne à Khazri...


... qui combine avec Debuchy à droite. Malheureusement les Verts ont pris trop de temps et n'ont pas profité du léger déséquilibre en leur faveur. Mais ce n'est que partie remise car Khazri...


... se joue de trois défenseurs. Il y a un 3-contre-3 dans la surface, Cabella fait un appel en retrait, Hamouma au premier poteau et Polomat au deuxième. C'est le dernier qui est recherché par le centre tendu de Khazri mais malheureusement un défenseur s'interpose - ça a été la plus grosse occasion stéphanoise du match.


 

Conclusions

 
En effet, la phase de construction stéphanoise a été bien lue et contrée par leurs adversaires. Certes, ce n'était pas si difficile, il n'y a eu aucune variation les derniers mois - autre que des changements de joueurs imposés par les blessures. De plus, elle est complètement dépendante de quelques éléments-clés : s'ils sont bloqués, c'est beaucoup plus difficile pour les Verts de trouver des failles dans le bloc adverse. Une mention spéciale est due au positionnement de M'Vila : à Noël, une analyse tactique expliquait qu'une défense à 3 lui permettait d'évoluer plus haut. Ce qui implique qu'il est plus facilement prenable en marquage individuel - quand il reculait beaucoup à côté des axiaux d'une défense à 4, si un adversaire voulait le suivre, il se faisait aspirer, créant un vide dans le bloc de son équipe.

Mais au delà de cet aspect tactique, la différence a été dans l'intensité mise en oeuvre. Les Marseillais ont su en profiter lors de leurs 20 très bonnes minutes, les Stéphanois ne l'ont jamais affiché. Au contraire ils ont plutôt donné l'impression d'avoir baissé les bras une fois l'écart au score creusé. On peut voir cette résignation dans le jeu proposé, mais aussi dans les mots du staff ("si on finit 5e, on sera dans les objectifs du club (...) Ce n'est pas un manque d'ambition, c'est du réalisme") ou des joueurs ("On n'a pas battu d'équipes devant nous ? C'est qu'on n'a pas l'intention de jouer l'Europe. On va la fermer et rester à notre place...").  La dernière déclaration appartient à M'Vila et on peut lire une certaine frustration et envie de révolte - ça tombe bien, le prochain match sera l'occasion idéale de montrer qu'on sait faire les choses différemment. Contre un solide deuxième, il faudra être capable de varier tactiquement et de mettre une intensité digne d'une rencontre européenne, surtout à Geoffroy-Guichard...