Membre de notre forum, Gusztáv a pris sa plus belle plume après avoir lu un article du Figaro qui l'a fait bondir. Décapant !

Je prends la peine d’écrire ces lignes à propos de l’article d'Arnaud Demmerlé publié dans Le Figaro le 3 juillet dernier, non pas qu’il soit un bon article, mais plutôt car il m’apparaît représentatif de la manière légère et vide de traiter l’information dans le domaine du journalisme sportif, et par l’impact qu’il a sur l’opinion (à la fois des supporters mais aussi des autres acteurs de ce domaine) suivant ainsi le principe de Goebbels selon lequel "Répétez un mensonge assez fort et assez longtemps et les gens le croieront".

Dans un article titré « Où va Saint-Etienne ? », Le Figaro a allégrement taillé le « recrutement » du club Vert (http://sports.lefigaro.fr/article_football_ou_va_saint_etienne___9699.html)

Rappelant les promesses d’ambition de B. Caïazzo d’enraciner les Verts dans la première moitié de tableau de la L1, l’auteur A. Demmerlé pointe du doigt une « hémorragie » des cadres stéphanois et le manque d’ambition des renforts. A son goût, l’entraîneur Hasek n’est pas du « calibre » que l’on pouvait attendre. Si le départ de D. Zokora était « prévisible », il considère comme inquiétant celui de D. Hellebuyck, « principal artisan de la remontée en 2004, le gaucher à la puissance de feu avait largement confirmé à l’étage supérieur », ainsi que ceux de A. Yahia (Sedan), A. Kamara (Chateauroux) et F. Mendy (Bastia), « trois jeunes joueurs en pleine progression ». Enfin, jouant le pompier pyromane, le journaliste annonce d’une part qu’en ce qui concerne J. Sablé « une chose est sûre, le destin du milieu de terrain de 26 ans semble s’orienter vers un départ du Forez. », et d’autre part que l’arrivée de Bilos est celle d’un « inconnu au bataillon ».

J’ai déjà précédemment argumenté sur la justesse du choix d’Hasek comme entraîneur, et de L. Roussey comme adjoint, je ne vais pas trop m’étaler de nouveau là-dessus. Jusque là les raisons que j’invoquais en mai me semblent se confirmer : plutôt qu’un entraîneur médiatique, l’ASSE peut compter sur la rigueur, le travail et le sens du collectif nécessaires à sa reconstruction. Ceux qui connaissent un minimum l’actualité du foot et la vie des Verts auront certainement eu du mal à retenir un gloussement narquois face à la déception du journaliste de ne pas avoir vu « les noms plus ou moins ronflants de Jacques Santini ou Laurent Blanc » être nommés à la tête de l’équipe (pour ceux qui connaissent moins les Verts, sachez que Santini est détesté de la direction suite à quelques péripéties, on peut également supposé sans grand risque de se tromper que son salaire ne cadre pas avec les moyens et la politique financière du club, quant à L. Blanc, sans présager de ses compétences, il est un entraîneur sans aucune expérience et c’est pour le moins « léger » que de le promouvoir comme un caïd du coaching).

Si la prévisibilité du départ de Zokora ne nous renseigne pas du tout sur l’impact sportif de celui-ci, on peut remarquer que le journaliste passe sous silence la manne substantielle financièrement parlant que ce transfert rapporte au club. Les environs 12 millions d’euros (la somme exacte n’a pas été communiquée, les chiffres avancés vont de 11 à 15 millions) représentant une fois et demi la part des droits télé, et presque le tiers du budget total du club. Outre l’honnêteté à honorer la promesse du bon de sortie faites à D. Zokora, ne pas faire ce transfert dans les conditions financières du club aurait été une grosse bourde, i.e. une faute professionnelle pour un gestionnaire de club. Il est étonnant qu’un quotidien si porté sur l’économie passe sous silence un tel aspect. En effet, si ce départ est une perte de qualité dans l’effectif stéphanois, c’est un énorme gain financier qui permettra au club d’assumer une politique de recrutement. Je tiens aussi à insister sur le gain en réputation dans le milieu du foot pro à honorer une telle promesse.

Outre qu’il tombe dans le ridicule en parachutant Hell comme "LE principal artisan de la remontée des Verts" en L1 (Hormis le rôle important d'autres joueurs des Verts, faut-il rappelé à un journaliste sportif que le foot est un jeu collectif qui se joue à 11 sur le terrain et dans lequel l’entraîneur et le public jouent également un grand rôle ?), Demmerlé fait montre soit de son incapacité à saisir la situation, soit de sa malhonnêteté, en taisant que le départ de D. Hellebuyck est avant tout son souhait. A un an de la fin de son contrat, contrat qu’il a refusé de prolonger pour des raisons salariales, ne pas vendre Hell aurait été également une faute professionnelle au niveau de la gestion financière du club. Cela aurait été également une erreur au niveau sportif, le gaucher ayant montré à plusieurs reprises durant ces cinq saisons sous le maillot vert qu’il perdait la qualité de son jeu lorsqu’il ne ressentait pas de motivation ou avait des problèmes relationnels. Enfin, l’arrivée de C. Landrin, contre qui a été échangé D. Hellebuyck, est aussi passée sous silence ! Ce joueur expérimenté, aux qualités physiques exceptionnelles, polyvalent au milieu de terrain, qui a su se hisser comme pièce importante du jeu lillois lors des très bonnes saisons 03-04 et 04-05 du LOSC, qui a débuter de manière tonitruante la saison passée avec le PSG avant de se blesser puis de perdre sa place suite au changement d’entraîneur, est loin d’être un mauvais renfort.

Le parti-pris du journaliste a dénigrer l’ASSE sans aucune investigation pour étayer son propos devient patent à propos de Yahia, Kamara et Mendy. Propos traduisant à la fois le peu de connaissance de son sujet et le peu de cohérence de l’auteur. De fait, ces trois joueurs ont surtout montré la saison passée qu’ils n’arrivaient pas à se hisser au niveau de la L1 dans le rôle de doublure qui leur était assigné. On peut se questionner sur les raisons à cela : manque de talent, manque de temps de jeu, manque d’expérience… ? Ce qui est sur c'est qu'à 25 ans chacun, A. Yahia et F. Mendy ne peuvent plus être considérés comme de jeunes espoirs en formation. Ne pouvant prétendre à une place de titulaires dans l’équipe de sainté, leur départ vers des clubs peuvant leur offrir une place sur le terrain est compréhensible et logique. En ce qui concerne A. Kamara, à 22 ans, le jeune défenseur se devait de se relancer à un niveau moins relevé pour espérer reprendre sa progression interrompue depuis sa grave blessure. Si les départs des deux défenseurs (auxquels on peut rajouter la non prolongation de Basto) n’ont pas encore été compensés, force est de constater que le recrutement, passé sous silence par le journaliste, de Dernis est sans aucun doute un renfort de qualité supérieure sur l’aile gauche (en place de Mendy).

Daniel Ruben Bilos inconnu au bataillon de Mr Demmerlé, a été nommé dans le onze type d’Amérique du sud la saison passée. Titulaire indiscutable au poste de milieu offensif gauche, il a gagné le championnat argentin et la copa Sud-Americana (équivalent de la coupe Uefa) avec le club mythique de Boca Juniors. Zlatko Kranjčar, le selectionneur de l’équipe nationale croate, semble un peu plus au courant que le journaliste du Figaro, puisqu’il a sollicité à maintes reprises le joueur argentino-croate pour intégrer l’équipe de Croatie pour la coupe du monde 2006 (sollicitations restées vaines, Bilos préférant se laisser la possibilité d’être sélectionné par l’Argentine pour laquelle il a déjà été appelé lors d’un match amical). Joueur qui n’était pas non plus inconnu aux recruteurs de Kaiserlautern et de l’Inter de Milan qui avaient en juin 2005 fait des offres à hauteur de dix millions d’euros à Boca pour son transfert (qui avait refusé à l’époque, sa situation financière étant beaucoup plus saine qu’actuellement). Pas inconnu non plus des quatre ou cinq clubs qui auront tenté au dernier moment de recruter Bilos après l’annonce prématurée de son transfert à l’ASSE par la presse argentine (ce qui explique l’atermoiement du transfert à sainté de l’argentin).

Alors qu’il ne s’agit que de rumeurs, Le Figaro nous livre, au même titre que leur rubrique de l’horoscope, à coup sur « le destin » hors du Forez de J. Sablé. A défaut de faire preuve de lucidité dans son analyse de la situation sportive et financière du club, le journaliste présente là un don tout à fait étonnant d’extra-lucidité. Que Julien ait signifié à E. Baup son refus d’entrer en matière pour jouer à Toulouse ne semble pas entamer la possibilité qu’il rejoigne l’entraîneur à casquette… comprendra qui pourra (la notion de possibilité devenant pour le moins étrange sous la plume de Demmerlé, on devrait pouvoir comprendre l’incompréhensible).

Oubliant les arrivées de Dernis et Landrin, étalant le vide de sa culture footballistique (de toute évidence essentiellement puisée à la messe dominicale de téléfoot) en ce qui concerne la connaissance des joueurs, taisant les situations particulières des joueurs et du club, surfant sur les rumeurs, oubliant que la période des transferts se termine au 31 Août soit dans deux mois, passant sous silence la bonne situation financière en vue de recrutements de qualité (suite à la vente de Zokora à laquelle on pourrait ajouter l’intelligence de l’allégement de la masse salariale avec les départs), Demmerlé fait-il montre d’autre chose que de son incompétence comme journaliste sportif et de sa malhonnêteté dans son œuvre de discréditation de l’ASSE ? Il est difficile d’y voir autre chose tant sont insipides les arguments et erronés les éléments avancés. Demmerlé attaque l’ASSE sur l’aspect de la fuite des cadres de l’équipe. C’est en partie faux (Hognon, Camara, Janot seront Verts la saison prochaine), c’est en partie ne pas connaître les particularités sportives et psychologiques des joueurs, et c’est ne pas reconnaître les aspects essentiels de gestion économique et de vie de groupe du foot pro. Mais au-delà de (ou derrière) cette caricature superficielle et déformée, on peut souligner un éventuel problème pour l’équipe : la dislocation du secteur de récupération. Deux (Zokora, Hell) des trois joueurs titulaires dans cette zone sont partis, et le troisième (Sablé) pourrait partir. Si le jeune et très talentueux L. Perrin palliera à un de ces départ, si C. Landrin a les qualités pour évoluer dans ce secteur, reste que les automatismes de ce point névralgique d’une équipe seront à recréer. Dans cette perspective, le maintien de Sablé serait un avantage indéniable, à condition (évidemment) que le joueur soit motivé. Cependant, avant de sombrer dans le catastrophisme du Nostradamus des pages Sport du Figaro, il serait bon de remarquer que d’une part Hasek pourrait bien ne pas reconduire le schéma tactique s’articulant sur un secteur de récupération en trident et privilégier le 4-4-2 dans lequel il a mené la plupart des équipes qu’il a entraîné jusque là (et cela semble être un élément à considérer lorsque l’on se demande « Où va Saint-Etienne »), et aussi que les rumeurs colportées par la presse spécialisée (L’Equipe par exemple) font état de la recherche d’un solide demi-défensif par les recruteurs de sainté.

L’autre question que soulève cet article apparaît de manière indirecte. L’Equipe, Le Progrès, et même, dans un pathétique élan mimétique, Les Cahiers du Foot, avaient sonné la charge contre les dirigeants de l’ASSE en mai dernier. Suite au refus de Baup de poursuivre avec sainté, les journalistes accusaient la direction d’être responsable de l’instabilité du club. On a appris depuis, sans que ces journaux n’en fassent des articles, que loin d’avoir été poussé vers la sortie, Baup avait depuis longtemps (à la lumière des déclarations de Sadran notamment) programmé son départ vers Toulouse. Que signifie ces attaques répétées dont fait partie ce dernier article du Figaro ? Est-ce la simple traduction de l’ethos journalistique à produire du papier ancré dans le sensationnel et le scandaleux, animé du rythme saccadé de la brève quotidienne plutôt que du temps plus long de la compréhension ? Ou est-ce une stratégie de pourrissement d’un club commandée par certain intérêts ? Je me pose la question, sans avoir de réponse, et en espérant que c’est la triste, mais ô combien présente, première hypothèse qui soit juste…

auteur : Gusztáv