Le jour et la nuit - telle est la différence entre la partition tactique récitée par les Verts contre Rennes et celle des derniers matchs.


C'est dommage que ce match ait été disputé dans un contexte particulier, avec le huis clos et le message que les Ultras ont passé à la Ligue. C'est aussi dommage pour le résultat et pour la course à l'Europe qui ne nous concerne presque plus. Parce qu'au niveau des intentions dans le jeu, c'était un match presque inespéré. Pas dans l'absolu, pas en se rapportant à d'autres équipes. Mais en se rapportant à l'ASSE des dernières semaines, la prestation des Stéphanois contre Rennes n'a rien à voir. Une approche tactique complètement différente et assez variée, qu'on essayera de déchiffrer par la suite.
 
 

4-1-4-1 ou 4-3-3 ?

 
Comme le titre l'indique, les Verts ont mis de côté le 4-2-3-1 / 4-4-2 utilisé depuis mi-janvier, avec des résultats intéressants au début et insatisfaisants ensuite. Pour ce match, ils sont revenus à un système de jeu, le 4-3-3, aussi appelé 4-1-4-1. Pourquoi deux noms différents ? Parce que tout dépend de qui a le ballon.
 
En phase défensive, le bloc est organisé en deux lignes de 4 avec un joueur ("sentinelle") entre elles et un autre ("avant-centre) laissé presser seul les défenseurs adverses :
 
 
Par rapport aux matchs précédents, la différence est claire : on place Selnaes entre les lignes et on ne presse plus à 2 (Saivet et Beric). Par contre, quand une attaque est construite à partir de la défense, les trois milieux axiaux se positionnent dans un triangle à pointe basse, c'est pour cela qu'on appelle ce système un 4-3-3 aussi :
 
 
Cette capture d'écran est intéressante parce qu'on peut remarquer plusieurs différences de "rôle" par rapport à la précédente. Corgnet n'est plus un ailier gauche, mais un relayeur droit, l'excentré droit n'est pas Hamouma, mais Veretout, Hamouma étant en position d'avant-centre et Beric en ailier gauche. On reviendra plus tard sur ces changements entre les joueurs - l'important pour l'instant est d'être clair sur le système de jeu utilisé.

 

 

Quel type de 4-3-3 ?


Le système de jeu ne fait pas tout, l'important c'est l'animation offensive mise en place à partir de lui. Il existe plein de tactiques différentes basées sur un 4-3-3, et celle choisie par les Verts est assez intéressante :

 
 
Pour faire très court, les ailiers (Corgnet et Hamouma) ne sont pas ailiers, mais ils jouent très axiaux, les couloirs sont pour les deux latéraux, très offensifs. Quant au triangle au milieu, Selnaes, la pointe basse, descend entre les deux centraux pour relancer. Sur cette capture d'écran on peut voir comment le bloc rennais (en 4-4-2 et positionné très haut) est bien embêté par les mouvements stéphanois. Leur côté droit est en sous-nombre, le latéral doit choisir entre Corgnet et RPG : il ne peut pas être aidé par un central, parce que Hamouma et Beric sont les deux dans l'axe et s'il est aidé par le milieu droit, c'est Saivet qui est libre. 
 
Mettre les ailiers dans l'axe et les latéraux en ailiers, ce n'est pas une innovation tactique, mais c'est assez peu commun d'attaquer avec les deux latéraux en même temps, il ne reste plus grand monde derrière. C'est pourtant ce que les Verts ont fait, en affichant en même temps une maîtrise technique assez inhabituelle, en ne s'exposant pas souvent aux contres. Une capture d'écran à la 69ème montre par exemple la forte présence offensive des Stéphanois et la circulation du ballon d'un côté à l'autre :
 
 
 
On connaît donc le système utilisé (4-3-3) et le type d'animation offensive (ailiers recentrés, latéraux offensifs), mais quid du type de jeu produit ? Plusieurs aspects sautent aux yeux en regardant la rencontre. Le bloc rennais étant très haut en 1MT, beaucoup de ballons ont été joués dans le dos de la défense, en profondeur. Soit des passes longues à partir de la défense (principalement KTC), soit à partir des milieux (comme dans un exemple plus bas). Aussi en 1MT, les Verts ont mis une pression assez forte sur les adversaires, l'intensité dans les duels et le pressing obligeant les Rennais à perdre le ballon rapidement. Mais encore, les joueurs stéphanois ont proposé beaucoup de mouvement. Non seulement Hamouma et Corgnet dans leur jeu de rentrer dans l'axe et faire des appels entre les lignes. Mais aussi Beric qui a souvent décroché pour toucher un grand nombre des ballons un peu partout, sur les côtés, entre les lignes, etc. 

 

 

Des joueurs interchangeables

 

Les déplacements des Verts restent probablement la chose la plus impressionnante dans le jeu produit. Les joueurs donnaient l'impression d'avoir une grande liberté de mouvement, mais en même temps dès qu'un joueur sortait de sa "zone", un autre prenait sa place - le système de jeu continuait à être respecté, tout en laissant les joueurs inter-changer. On a souvent pu voir les Verts défendre en bloc, mais dans la ligne des 4 milieux Corgnet ou Hamouma se retrouvaient en axiaux et Saivet ou Veretout en excentrés - peu importe qui y était, le positionnement était respecté. D'ailleurs, la deuxième image dans cette analyse, plus haut, en est un très bon exemple : une attaque en 4-3-3, mais avec des joueurs "pas à leur place".
 
 
Un autre bon exemple intervient peu avant à la 39ème, quand les Rennais essaient de construire en partant de la défense - le bloc stéphanois est en place en 4-1-4-1 avec Corgnet et Hamouma qui avaient changé d'aile :
 
 
 
Dès que le ballon franchit la ligne médiane, le piège du pressing s'active, 4 Stéphanois entourent le milieu qui reçoit le ballon et qui s'en débarrasse en le mettant en touche :
 


La touche est jouée par Malcuit vers KTC, on repart proprement par la défense :


KTC joue avec Selnaes, dans son rôle de pointe basse du milieu, qui joue avec Perrin :

 
 

Le Capitaine joue avec Saivet, qui lui redonne le ballon et ensuite on passe par Ruffier - une mise en place classique d'une attaque placée. Sauf que maintenant tout change :

 

 
 
Selnaes et Saivet ont inter-changé, c'est le dernier qui est la pointe basse responsable de la relance. Corgnet est dans l'axe, entre les lignes, attirant ainsi l'attention du milieu axial adverse et RPG fait un appel dans son couloir gauche, attirant avec lui le milieu latéral et laissant donc le côté libre. Saivet joue avec Veretout, qui descend avec le ballon :
 
 
 
Il n'est pas beau notre triangle pointe basse sur cette image ? Selnaes est tout seul et il tourne la tête pour prendre l'information. Et quand il reçoit le ballon de Veretout...
 
 
... il lance en profondeur Hamouma, qui centre pour Beric et l'ouverture du score. Une action qui illustre les différents aspects tactiques Stéphanois (pressing, jeu en profondeur dans le dos de la défense et beaucoup de mouvement), mais qui surtout représente un sacré travail d'équipe. Une action collective, pendant laquelle les seules joueurs qui n'ont pas touché le ballon (après la touche de Malcuit) ont été Corgnet et RPG, mais qui y ont contribué par leur déplacements. Bref, des joueurs qui jouent ensemble, une équipe.

 

 

Conclusions

 

Après la semaine dernière, c'est tellement beau de voir les Verts jouer collectivement ! Non seulement en se faisant des passes, mais en jouant l'un pour l'autre, avec une grande liberté de mouvement, tout en gardant une structure. Un joueur n'est pas cantonné à sa place sur le terrain, il est libre, mais en même temps quand il quitte sa zone, un autre le remplace. Et surtout, des joueurs à qui on donne la possibilité de jouer sur leur points forts. Des latéraux techniques et rapides qui sont utilisés en ailiers. Saivet en milieu relayeur, pas en 10. Hamouma et Corgnet en électrons libres. A Beric on n'envoie plus des ballons à disputer de la tête contre les défenseurs, mais des ballons soit en profondeur, soit des passes courtes pour qu'il participe à la construction du jeu. Et Selnaes qui organise le jeu depuis une position reculée et à qui on donne la possibilité de prendre l'information avant de recevoir le ballon pour mieux le faire.
 
Tout n'est pas parfait, loin de là, même si on s'intéresse seulement à la qualité du jeu produit, sans se soucier de l'efficacité ou du résultat. Si on regarde le chemin qui reste à parcourir, la route est longue, on n'est pas devenu Nice ou autre d'une semaine à l'autre. Mais si on regarde derrière nous, pas plus loin que les journées précédentes, on n'est plus au même stade triste d'un jeu inexistant. Et surtout, essayer de produire du jeu d'une telle manière, c'était quasiment inespéré il y a seulement quelques jours...

 

 

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