Le potonaute Couramiaud Poitevin rend hommage à Stéphane Ruffier, exceptionnel contre Toulouse.


Ruffier quand il s'exprime, utilise toujours le mot travail. Ruffier, c'est l'artisan fait gardien de but. Sa destinée aurait pu le conduire à travailler le bois, à bâtir des maisons, à réparer des voitures, mais lui, son travail, c'est pas de manier la truelle ou la clé de 12, c'est d'arrêter des ballons.

Et il est consciencieux, l'ouvrier Ruffier. Qu'il y ait 50000 personne à le regarder, ça ne le concerne pas, les adversaires, il s'en fiche, il est entièrement centré sur sa tâche : arrêter le ballon. Et faut pas l'emmerder quand il bosse, que ce soit Zlatan ou un joueur de Raon-l'Etape, faut le laisser tranquille, à bosser avec ses collègues en Vert, c'est tout. Il ne fera pas de différence entre un Parisien ou un Raonnais, si on l'empêche de bosser tranquille, il va s'énerver, le travail avant tout.

Mais Ruffier, c'est aussi autre chose. C'est un mystique. Il est là aussi pour vivre ces moments magiques ou son être se confond avec son geste. Tous les jours, on n'est pas vraiment soi-même, on compose, on fait des concessions, on bricole gentiment, mais il arrive des moments où on est tout entier dans une action, on se confond avec le geste, on vit, quoi, on vit vraiment. On peut trouver ça dans le travail, dans l'amour, dans le sport, des fois juste en étant là, dans le monde, profitant du soleil du printemps. L'état de grâce. Par exemple l'hirondelle, quand elle fait fait ces figures aériennes, ces virages au ras du sol elle est purement Hirondelle, elle aime ça, elle vit pleinement, elle se réalise.

Ruffier vit ça sur le terrain, à un moment précis : quand soudainement il déclenche pour réaliser un arrêt réflexe. C'est là le pur Ruffier, l'état de grâce, il est entièrement dans ce geste magnifique, impensable où cette montagne de muscle va en une micro-seconde se projeter et arrêter le ballon. La quintessence du Ruffier.

Samedi dernier, tel le compagnon du tour de France, Ruffier a réalisé son chef-d'oeuvre. C'est des moments qu'on ne vit parfois jamais, et bien lui, il aura eu cette chance, hier.

Quand les Gaulois de la BD croisent une bande de romains, Obélix, s'énerve "laissez-les moi ! Laissez -les moi !"
Et bien samedi, toute l'équipe à laissé à Stephane Ruffier le soin de marquer tout seul le point qui la propulsera sans doute en Europa League. Personne n'est venu s'interposer entre lui et l'adversaire, et il a tenu tout seul, à 1 contre 11. Et même Bayal à eu la gentillesse de sortir comme ça , sans rien dire, pour laisser tous les ballons à ce gourmand de Ruffier.

Et là, Ruffier à fait la démonstration de tous les gestes possibles du gardiens de but : plongeon, arrêt réflexe sur la ligne, sortie dans les pieds, sortie aérienne, ballon capté, boxé, dévié, (tout sauf la claquette). Un truc qu'on ne fait qu'une fois dans sa vie, son apothéose, son chef-d'oeuvre.
Si j'ai un reproche à lui faire, c'est de ne pas être allé jusqu'à marquer le but de la victoire.

Fut-il seul face aux 11 Toulousain ? Pas tout à fait. Suite au coup franc raté d'Hamouma, un Toulousain a filé le long de la ligne de touche. Et là, Ruffier n'aurait rien pu faire, c'est certain. Loïc le savait. Ce contre malheureux allait détruire le chef d'oeuvre d'une vie de travail.

Alors Loïc Perrin, pour la première fois de sa vie et sans doute la dernière, s'est résolu au geste impensable pour lui, contre sa nature. Par pure amitié pour Stephane Ruffier, pour sauvegarder son oeuvre magistrale, il s'est résolu à faire l'impensable : faucher un joueur et se faire exclure sur carton rouge.

 

Auteur : Couramiaud Poitevin