Je suis dingue des Verts. La pièce de Corine MIRET et Stéphane OLRY est magnifique.

Vous pouvez considérer que ma deuxième affirmation découle automatiquement de la première.


Que je ne peux pas prétendre être objectif s’agissant d’une pièce décortiquant et glorifiant le mythe vert. Que je ne saurais égratigner une œuvre mettant en valeur ce qui me tient à ce point à cœur. Certes. Dois-je pour autant me censurer ? Taire le plaisir que j’ai ressenti et le frisson qui m’a parcouru l’échine et le reste pendant 90 minutes ? Certes non.

Je vous livre donc mes impressions, trois instantanés sur les réussites du quatuor de comédiens :

Le phénomène vert : Naissance d’un mythe

A 13 ans, un ado parisien fantasme sur ce club, cette couleur et cette ville qu’il n’a jamais vus et dont il entend parler le soir à la radio au gré de virées dans des coins exotiques : Simferopol, Eindhoven, Glasgow… Un imaginaire se crée, une passion inexpliquée.

Dans le même temps une ville se pare de vert, les commerçants, les rues, les fontaines rien n’échappe à l’hystérie ambiante. Les cœurs des filles chavirent pour le n° 4 ou le n° 7, leurs dessous virent au chlorophylle même s’il est « impossible de trouver un sous tif vert ». Un émigré allemand débarque en France et délaissant la grosse machine munichoise trop programmée pour gagner (lyon spirit ?), tombe aussitôt sous le charme de l’ASSE. Le phénomène dépasse largement le strict cadre du sport, pour marquer une ville, un pays, une époque. L’épopée est contée non pas tant sous l’angle des performances sportives mais du formidable élan qui naît à l’époque et qui constitue, désolé pour l’expression galvaudée, un phénomène de société.

La naissance du mythe, illustrée à travers le parcours des trois personnages évoqués (joués par Stéphane Olry, Corine Miret et Hubertus Biermann), permet aux auteurs de décortiquer ce lien intime qui nous unit tous aux Verts.

La folie du supporter

Plus que tout c’est ce point qui fait la valeur de la pièce. Les auteurs ont su magnifiquement décrire et mettre en valeur cette folie intérieure, ce lien charnel qui nous unit à l’ASSE.

Hubertus nous raconte à la perfection les sensations du supporter qui approche du chaudron, goûte avec délectation les premières rumeurs de la foule, accélère le pas en entendant les premiers chants. Puis vient le premier regard panoramique sur le stade une fois gravis les escaliers. Il nous dit tout des yeux rivés sur les joueurs qui s’échauffent, les angoisses ressenties à la vue d’un stade ne se remplissant pas assez à notre goût, le pronostic sur l’affluence qu’on s’enorgeuillit de faire toujours juste à 1000 près, puis l’excitation à son comble quand va démarrer la partie, le rythme cardiaque qui retombe à la mi temps puis la difficulté à se remettre dedans pour la deuxième période et, enfin, nous laissant exangue le bouquet de bonheur ou de tristesse final. Corine sait l’impact sur nos nuits d’un résultat qu’il soit bon ou mauvais. Quatre nuits à savourer ou déprimer puis trois nuits à fantasmer sur la prochaine partie.

Corine évoque également les superstitions idiotes qui font le quotidien des supporters : pour influer sur le sort du match, chacun sa recette : du fétichisme des tenues vestimentaires qui gagnent à l’envoûtement hypnotique de cette supportrice dont les dons sont apparus à cette minute cruciale où elle regardé fixement Blokhine oubliant Kiki Lopez dans son dos.

Ce rapport intime du supporter à son club est magnifiquement évoqué. Il fait écho dans l’âme de tout sup normalement constitué.

Les Verts : intemporels, universels, tout simplement éternels

Les auteurs évoquent cette anecdote qu’on retrouve une fois sur deux dans les articles de France Foot mais dont notre fierté ne se lassera jamais : les plaques d’immatriculation sur le parking du chaudron. Elles confirment l’idée d’une France verte, éternellement. Ainsi ce Parisien vit comme une délivrance son licenciement et n’attend pas 48 heures pour mettre le cap sur l’A47, passer à la préfecture, un 42 au dos de la voiture et l’abonnement en poche, doux sentiment de plénitude, l’acte fondateur est accompli. Les Verts comme une évidence, un truc qu’on aurait tous au fond de l’âme et qui un joue se révèle et nous embarque ad vitam aeternam, qu’on vienne de Paris ou du fond de la Ruhr.

Le virus vert partout présent : dans toutes les villes, dans toutes les sphères de la société : musique, théatre, cinéma… Les Verts universels.

Vingt cinq ans et aucun titre plus tard, les Verts nous remuent encore de sept à soixante dix-sept ans. La pièce cite Marin, Feindouno ou Gueugnon comme elle a évoqué Piazza, Rocheteau et Kiev. Les Verts sont éternels.


Notre rapport intime aux Verts est mis à nu avec tendresse par un récit qui rend ses lettres de noblesse à la passion du supporter, tellement moquée jusqu’à une certaine soirée de juillet 1998 qui sortit pour le meilleur et hélas aussi pour le pire le football de son isolement beaufisant.

Merci aux quatre comédiens-musiciens-acrobates-conteurs de nous avoir servi aux petits (vincent) oignons quatre vingts dix minutes d’extase, avec en fond sonore le chant si familier des tribunes de GG qu’il faut se retenir pour ne pas l’entonner.

Merci à eux pour leur simplicité et leur accessibilité une fois le spectacle achevé.

Dans ce torrent d’émotions, au propre comme au figuré, un ange (vert) est passé, salut Dominique ! Il était écrit que la soirée serait légendaire.

Merci les Verts.

NB : Universelle également la pièce va bientôt partir en tournée…