Ancien défenseur des Verts et des Merlus, l'actuel entraîneur chauraisien Antony Gauvin s'est confié à Poteaux Carrés avant le match qui opposera ses deux anciens clubs ce dimanche après-midi.


Peux-tu nous rappeler le contexte de ton arrivée à Sainté ?

Lors de la saison 1996-1997, à l’époque où je jouais avec les Chamois, on avait gagné 1-0 à Geoffroy-Guichard lors du match retour. C’est notre attaquant brésilien Walquir Mota qui avait marqué le but de la victoire en fin de match. Robert Herbin était dans les tribunes, il avait apprécié ma prestation et c’est lui qui m’a fait venir à Sainté. Il a repris l’équipe avec Pierre Repellini. Etant né en 1973, je n’ai pas connu les grandes années du Sphinx mais je savais que c’était un grand entraîneur qui avait connu énormément de succès. Avec moi ça s’était bien passé car il m’avait mis capitaine dès le début sans vraiment qu’on se connaisse.

Lors de ce match où tu as tapé dans l’œil de Roby, tu jouais aux côtés d’un certain Damien Bridonneau sous les ordres d’Albert Rust, deux garçons qui ont connu plus tard la maison verte.

Damien a deux ans de moins que moi mais on s’est évidemment côtoyé régulièrement. C’était un gros travailleur. Au départ il n’avait pas les facultés pour jouer au niveau professionnel mais sa volonté, son dynamisme, son activité lui ont permis de faire une belle carrière. C’est lui qui a permis aux Verts d’être sacrés champions de France de L2 en 2004. C’est dommage qu’on ne lui ait pas donné sa chance en Ligue 1. C’est un joueur méritant qui s’est donné corps et âme à ce club mythique. Il aurait mérité de jouer au plus haut niveau. Je garde aussi un bon souvenir d’Albert Rust. Il a fait confiance aux jeunes formés au club et on avait fait une très belle année juste avant que je parte pour Saint-Etienne.

Tu n’as joué qu’une saison à l’ASSE mais tu es le joueur qui a eu le plus de temps de jeu en 1997-1998. Tu as joué tous les matches en tant que titulaire : les 42 matches de D2 et les 3 matches de Coupe de France !

Ça a été une année très compliquée pour le club. On avait pourtant un effectif de très grande qualité, il y avait de sacrés joueurs dans cette équipe. Mais la mayonnaise n’a pas trop pris, on a eu de mauvais résultats le premier quart de la saison. Cette équipe avait des joueurs avec des égos, moi je ne connaissais pas ça, à Niort j’étais dans un club familial. Je me suis retrouvé dans un club qui avait des ambitions aux côtés de joueurs qui avaient quand même un sacré palmarès. Mais en fin de comptes, ça n’a pas fonctionné. On s’est sauvé la dernière journée, malgré une défaite à Lille.

Sur un plan individuel, c’est vrai que j’ai joué tous les matches mais il y a eu des changements en cours de saison. Au départ j’étais capitaine mais ensuite il y a eu l’arrivée d’Alain Bompard et de Gérard Soler, ça a un peu changé la donne au niveau du sportif. Gérard Soler avait pris une emprise sur le coaching. Personnellement, ça m’a un peu touché car on m’a enlevé le brassard, c’est Romarin Billong qui l’a récupéré. Je ne dirais pas que j’ai été mis à l’écart car j’ai toujours joué mais ma relation avec les entraîneurs et avec les dirigeants a été complètement différente.

Je garde un goût un peu amer de cette fin de saison. Mais mine de rien c’était une belle découverte. J’arrivais d’un club comme Niort dans un gros club comme Sainté, j’ai beaucoup appris. On se rend compte que le football est un peu différent selon les clubs dans lesquels on joue. Ça apprend sur la vie d’un footballeur professionnel, sur la vie d’un groupe, sur les égos, sur plein de choses. Mon expérience chez les Verts a été enrichissante.

Quels coéquipiers stéphanois t’ont le plus impressionné ?

À vrai dire, il n’y a pas un joueur en particulier qui m’a impressionné mais il y avait de la qualité dans le groupe. Romarin Billong était quand même international camerounais, il y avait aussi Lionel Potillon qui a joué plus tard à Paris, Zoumana Camara, Patrick Guillou. Il y avait Jérôme Alonzo dans les buts, Claude Fichaux. Augustine Simo était lui aussi international camerounais. En attaque on avait également Didier Thimothée et Christophe Lagrange, des joueurs qui avaient montré aussi beaucoup de qualités. Il y avait aussi Jean-François Soucasse. Bref, il y avait une équipe avec énormément de potentiel. Je n’oublie pas les jeunes de l’époque, Pape Sarr, Fabien Boudarène, Jérémie Janot. Julien Sablé je m’en souviens moins car il a fait ses débuts en pro le dernier match à Lille.

Jouer le maintien en D2 à la dernière journée, surtout dans un club comme l’ASSE, ça a dû être pesant à vivre.

C’est vrai qu’une relégation aurait été terrible, se maintenir à l’issue de cette saison très délicate et éprouvante a été un vrai soulagement. Cette saison-là, le stade Geoffroy-Guichard était en train d’être refait en vue de la Coupe du Monde 1998. Les tribunes n’étaient pas encore prêtes et nos mauvais résultats n’incitaient pas les supporters à se déplacer en nombre pour nous encourager. Il y a quand même eu parfois de belles petites affluences. On sentait beaucoup de ferveur mais aussi beaucoup de critiques car on n’y arrivait pas. Il y avait énormément de pression sur les joueurs, les médias rappelaient régulièrement les difficultés du club et les risques de descente.

J’ai conscience de ne pas être tombé la meilleure année pour jouer à Sainté. J’ai malgré tout apprécié les supporters qui venaient à la maison comme à l’extérieur pour nous soutenir. Malgré nos résultats très en-deçà de leurs attentes, certains venaient tous les jours à l’entraînement. Ce que je retiens, c’est qu’à Saint-Etienne les gens ont le club dans la peau. Ils vivent avec les Verts, ça fait partie de leur vie, de leur identité. C’est fort. On voit que cette passion des Verts se transmet de génération en génération. On voit aujourd’hui de jeunes supporters et ceux qui sont devenus un peu plus âgés sont toujours Stéphanois dans le cœur. Cette ferveur et cette transmission m’ont vraiment marqué, il n’y en a pas autant dans les autres clubs.

Dans cette saison très difficile, tu as quand même eu le bonheur de marquer trois buts, tous dans le Chaudron, dont un doublé rarissime pour un défenseur toutes époques confondues !



Je me souviens bien de ce doublé contre Caen. C’était la 13e journée, on n’avait pas encore gagné le moindre match, on avait perdu 6 fois et fait 6 matches nuls. Je me souviens que ce soir d’octobre 1997 mes parents et ma femme étaient là dans les tribunes. On avait gagné 3-0 contre Caen. Didier Thimothée avait ouvert le score en début de match, j’avais marqué le but du break sur coup franc direct en fin de première période et en deuxième j’ai marqué en contre-attaque. Trois mois plus tard j’ai marqué le but de la victoire contre Amiens sur coup franc.



On t’a poussé à quitter le club au bout d’une saison ?

En fait j’avais signé un contrat de trois ans. En fin de saison, j’ai rencontré Gérard Soler. Je devais repartir avec les Verts, j’avais toujours l’ambition de monter en première division avec l’ASSE. Mais la direction a changé et Robert Nouzaret est arrivé avec Rudi Garcia comme préparateur physique. Ils ont recruté Gilles Leclerc et misé sur Lucien Mettomo, on m’a fait comprendre que je ne jouerais pas. Je leur ai dit que j’étais là et que j’allais me battre pour gagner ma place. Robert Nouzaret m’a dit : « Ce n’est pas moi qui ai fait le recrutement, si tu es bon tu joueras. » J’étais parti pour rester à Sainté mais Nice avec Victor Zvunka cherchait un défenseur donc j’ai été prêté aux Aiglons.

Là-bas, tu as joué aux côtés de Dominique Aulanier, décédé fin juillet à l’âge de 46 ans.

Oui, cette nouvelle m’a évidemment attristé. C’était un très bon joueur, techniquement il était très doué. Je garde aussi le souvenir d’un garçon très agréable. Comme j’arrivais de Saint-Etienne et qu’il avait gardé des attaches là-bas, il m’a aidé à m’intégrer. J’avais de très bons rapports avec lui, c’était un garçon fort sympathique. C’était un garçon ouvert, je ne garde que des bons souvenirs de lui. Heureusement qu’il était là car pour le reste j’ai passé une très mauvaise année à Nice.

Tu as quitté la Côte d’Azur pour le Morhiban. As-tu vécu tes meilleures années de footballeur lors de tes cinq ans à Lorient ?

Oui, certainement. Lorient venait de descendre en Ligue 2, Christian Gourcuff voulait partir sur un nouveau cycle. C’est lui qui m’a fait venir. Je me souviendrai toujours de son premier discours. Il m’avait dit : "Écoute, je te fais signer trois ans, je te laisse le temps qu’il faudra pour que tu retrouves ton niveau". Après quelques semaines de préparation, j’ai retrouvé la confiance et mon niveau. Pendant mes deux premières années chez les Merlus, j’ai énormément progressé avec lui. Christian Gourcuff m’a apporté beaucoup. Cela correspondait aussi à ma philosophie de jeu. Je suis tombé dans un club familial, qui me convenait certainement mieux que mes deux clubs précédents. On avait un groupe extraordinaire à Lorient, j’ai toujours des amis en dehors du foot là-bas, mes enfants sont nés à Lorient… J’ai énormément de souvenirs liés à cette ville-là et à ce club-là. On a remporté la Coupe de France en 2002, j’ai vécu de grands moments d’émotion et j’ai rencontré des Bretons formidables.

C’est sous la houlette d’un ancien milieu de terrain stéphanois, Yvon Pouliquen, que tu as remporté cette Coupe de France. Quelle image gardes-tu de celui qui exerce depuis plusieurs années comme agent de joueurs (dont le gardien stéphanois Lenny Montfort) ?

J’ai le souvenir d’un entraîneur très dynamique, qui transmettait à ses joueurs son énorme envie de bien faire. Il était entraîneur un peu comme il était joueur, il nous inculquait cette volonté de gagner, de nous dépasser. Il avait un style qui changeait de ce que j’avais connu avec Christian Gourcuff, Yvon Pouliquen avait cette volonté d’apporter vraiment de l’énergie au groupe. C’était un entraîneur qui était très proche de ses joueurs.

Tu as soulevé ce trophée en 2002 avec un joueur qui avait fait le bonheur de Sainté deux ans plus tôt et un autre qui le fera quelques années plus tard. Tu vois de qui je parle ?

Bien sûr ! Le premier était Tchiressoua Guel, qui était un international ivoirien. Il avait des qualités individuelles hors normes. Dans la vie de groupe, il était très important, c’était un boute-en-train dans le vestiaire, un p’tit bonhomme qui aimait bien rigoler et faire des petites blagues. J’appréciais beaucoup son tempérament. Il apportait beaucoup sur le terrain et aussi en dehors par sa convivialité. Il donnait une bonne ambiance au groupe.

Et que dire du second, Pascal Feindouno ! C’est le joueur qui m’a le plus impressionné dans ma carrière. Lui, c’était un phénomène ! Il avait la technique, la vitesse gestuelle, l’adresse à la finition. Pascal avait d’énormes qualités. Il aurait pu faire une meilleure carrière. Je connais un paquet de joueurs bien moins doués que lui qui ont évolué dans des plus grands clubs que lui. Maintenant, c’était Pascal ! Il croquait la vie à pleines dents, il se satisfaisait de ce qu’il avait. C’était un sacré ambianceur. Il aurait pu en faire son métier tellement il avait ça en lui.

Peux-tu nous rappeler quel a été ton parcours après ton départ de Lorient en 2004 ?

J’ai joué trois saisons au Havre où j’ai côtoyé des garçons comme Steve Mandanda et Guillaume Hoarau avant de finir ma carrière professionnelle à Brest. J’ai ensuite joué en amateur en CFA à Fontenay-le-Comte, au sud-est de la Vendée. J’ai entraîné ce club une dizaine d’année. Depuis deux ans, j’entraîne le club de Chauray, une petite commune de 7 000 habitants qui jouxte Niort. J’habitais déjà Niort quand j’entraînais à Fontenay car il n’y que trente kilomètres entre les deux. Pour l’anecdote, Damien Bridonneau dont on parlait tout à l’heure a joué quelques saisons de DH à Chauray après sa carrière professionnelle et je crois que son fils va signer chez nous cette année.

Dimanche, ton cœur sera plus merlu que vert ?

Oui, j’aime bien les deux clubs mais ma période lorientaise a été plus longue et plus concluante que ma période stéphanoise. Je suis ravi que les Merlus soient revenus en Ligue 1. C’est un club qui a pas mal évolué depuis mon départ, il y a eu pas mal de changements notamment au niveau de la direction. Je suis heureux que le FC Lorient retrouve l’élite et je suis content que Christophe Pélissier en soit l’entraîneur, je trouve que c’est un très bon choix, il correspond tout à fait aux valeurs de ce club.

Après, Saint-Etienne, c’est autre chose. C’est quand même un club mythique. On a toujours envie de revoir les Verts au plus haut. On sait que c’est devenu très difficile de rester dans le premier tiers de ce championnat de Ligue 1, il y a beaucoup de concurrence avec des clubs puissants financièrement. L’ASSE a amorcé un nouveau cycle. Les Verts sortent d’une saison très difficile en championnat mais ils ont fait un bon parcours en Coupe de France.

J’ai apprécié la performance de l’ASSE contre Paris, j’ai aimé l’énergie des Stéphanois. Quand je vois Puel, ça me fait un peu penser à Pouliquen, ce sont à peu près les mêmes personnages. Il y a cette volonté d’apporter un souffle nouveau à son équipe, de l’abnégation, de la combativité. Il y a aussi cette capacité à lancer des jeunes et à les faire progresser. En finale, les Verts ont été en infériorité numérique pendant près d’une heure contre Paris mais ça ne s’est pas trop vu.

Je suis déçu que la carrière de Loïc Perrin se soit achevée sur cette expulsion car c’est un joueur que j’apprécie beaucoup. Il est tellement attaché à ce club, l’a tellement bien représenté pendant toutes ces années. Son comportement était exemplaire, sa communication était à la fois simple et claire. Il a apporté ses valeurs et son grand sens du professionnalisme. On ne peut qu’apprécier Loïc Perrin !

Ton prono pour le match de dimanche ?

Depuis la finale, Saint-Etienne n’a pas fait de match officiel du fait du report de son match à Marseille. De son côté Lorient a réussi ses retrouvailles avec la Ligue 1 en dominant Strasbourg. Ils sont dans une dynamique un peu plus positive et viendront sans pression à Sainté avec une affluence hélas réduite à 5 000 spectateurs. Je vois un match nul 1-1. Je ne m’avancerai pas sur le nom des buteurs mais je suis content qu’un de mes anciens joueurs, Franklin Wadja, soit dans le groupe lorientais. J’ai vu qu’il a remplacé Fabien Lemoine hier à vingt minutes de la fin. C’est un milieu de terrain camerounais que je connais bien car je l’ai entraîné à Fontenay-le-Comte.

 

Merci à Antony pour sa disponibilité