La Coupe d’Europe, c’est bien gentil, mais ça s’enchaîne trop vite pour proposer des chroniques. Et, en plus, on y découvre que les arbitres y font aussi parfois des boulettes. Session de rattrapage avec tous les événements arbitraux intéressants lors de la dizaine de matchs des Verts version 2015-2016, à partir de remarques lues et entendues. Attention aux idées reçues !
1) « D’accord, le but de Targu Mures est hors-jeu, mais de toute façon, il y avait péno de Sall ».
Eeeeeeet non ! Une notion est extrêmement importante dans la gestion d’un match de football : celle de la chronologie d’une action. Reprenons le fil de l’action : le ballon est envoyé dans l’axe à l’avant-centre dont le contrôle est un peu long. Celui-ci tente de se débarrasser des 90kg de Bayal sur son dos, sans succès. Finalement, le ballon profite à l’ailier gauche qui marque de près, alors que l’avant-centre s’écroule, fauché par le vert défenseur central.
Problème, le buteur était légèrement en position de hors-jeu au moment du contrôle de son partenaire. Dès lors, que doit siffler l’arbitre ? On serait tenté de penser qu’un pénalty est plus grave qu’un hors-jeu et que l’attaque devrait être privilégiée. Ce serait commettre une erreur dans le cas qui nous occupe : en effet, l’arbitre doit avant tout tenir compte de la chronologie. Or, la position de hors-jeu est antérieure à la faute du géant sénégalais et celle-ci est bien sanctionnable, le ballon étant reçu directement d’un partenaire (la loi XI ne distingue pas une passe d’un contrôle raté).
Si l’arbitre-assistant avait levé son drapeau, le but aurait été refusé pour hors-jeu et le pénalty n’aurait pu être accordé. Néanmoins, Sall aurait tout à fait pu être averti sur l’action, les cartons étant indépendants des reprises du jeu. Un cas très rare (et très difficile à juger) qui aurait eu de quoi mettre l’équipe roumaine de bonne humeur face à l’arbitrage.
2) « Il fallait tenter quelque chose pour ne pas prendre de coup franc direct. Ça aurait pu marcher » Bayal Sall après ASSE-Bordeaux
Il est toujours surprenant de voir à quel point des joueurs professionnels peuvent méconnaître les règles du sport qu’ils pratiquent quotidiennement depuis leur plus jeune âge. Une tactique défensive assez souvent utilisée face à un coup franc bien placé pour l’adversaire est celle dite du « voltigeur » : un ou des joueurs sortent du mur le plus vite possible pour tenter de contrer le ballon. Et c’est bien ce que Mouss semble faire à la dernière minute du match contre Bordeaux.
Problème : non seulement sa tentative non coordonnée avec ses équipiers échoue lamentablement, le ballon passant par le trou laissé béant au centre du mur, mais en plus, elle était en l’espèce totalement interdite ! En effet, la Loi XII compte parmi ses cas d’avertissement : « ne pas respecter la distance requise lors de l’exécution d’un coup franc ». En clair, on n’est pas censé se trouver à moins de 9,15m du ballon tant que celui-ci n’est pas en mouvement ! Le « voltigeur », en principe, n’est utilisable que dans un cas où le coup franc est joué indirectement.
Bref, le but est évidemment accordé par application de l’avantage, mais s’il n’avait pas été marqué, une autre chance aurait été offerte aux Bordelais et Sall aurait été averti…
3) « Les Verts se sont mis en danger tous seuls à l’aller contre Milsami »
Oui et non. En effet, rien n’obligeait Romain Hamouma à rater le pénalty puis à se faire exclure. Et l’équipe aurait pu s’épargner ce but sur coup de pied arrêté. Néanmoins, un point important est passé à la trappe, justement sur l’action menant au pénalty : la faute commise sur Corgnet aurait dû être considérée comme l’anéantissement d’une occasion manifeste de but et entraîner l’exclusion de son auteur. Rappelons que, dans la règle, la notion « d’anéantissement » ne distingue pas des cas selon l’endroit où la faute est commise. L’interprétation de l’arbitre doit uniquement se focaliser sur la question : « le joueur victime de la faute avait-il une chance sérieuse de marquer si l’action s’était poursuivie »? Or, après son contrôle réussi, le meneur de jeu n’avait plus qu’à fusiller le gardien à sept mètres du but !
Peut-être l’arbitre n’a-t-il pas justement évalué la situation ou peut-être n’a-t-il pas souhaité prendre le risque de « tuer » le match. Pourtant, après une période de flou au lancement de cette règle de l’anéantissement, il est désormais clair qu’elle existe avant tout pour son effet dissuasif et qu’il n’y a pas lieu de traiter les actions différemment selon qu’elles tiennent lieu dans la surface de réparation ou en dehors. De même, l’arbitre des années 2010 n’hésite plus à exclure précocement un joueur qui lui semble le mériter. Il s’en suit un débat sur la « double peine », ressorti à chaque fois qu’une exclusion - surtout d’un gardien - est assortie d’un pénalty. Pourtant, ce match illustre bien une évidence trop peu souvent rappelée : un pénalty ne signifie pas d’office un but marqué ! Dès lors, quel avantage a finalement tiré l’ASSE de cette action en l’absence d’exclusion et alors qu’elle remplace un but qui allait très probablement être marqué. Aucun !
4) « Après le cafouillage entre Lemoine et KTC, Danic est en position de hors-jeu et tire avantage d’une passe involontaire pour marquer »
Il n’y avait pas lieu de sanctionner la position de hors-jeu de Danic et le faire serait confondre plusieurs notions différentes du jugement du hors-jeu. Sur cette action, après une belle remontée de balle, un Bastiais plein axe tente de transmettre le ballon à Danic sur le côté gauche de la surface de réparation. Le ballon est contré une première fois par Perrin et atterrit dans les pieds de Lemoine qui, cherchant à dégager loin, shoote sur Théophile-Catherine. Ce rebond renvoie le ballon dans les pieds de Danic qui marque de près.
À plusieurs reprises, nous avons pu aborder dans cette rubrique des cas de transmissions du ballon volontairement ou involontairement d’un défenseur à un attaquant en position de hors-jeu et entraînant que celui-ci soit sanctionné ou pas selon les cas. Attention néanmoins à ce qu'on appelle « involontaire ». Cela désignera plutôt une déviation "incontrôlée" du ballon (venir le contrer, au sens de se mettre en opposition, par exemple), pas un geste technique raté. Quand Lemoine dégage, même s'il shoote KTC, il a le temps de réaliser un "geste technique", certes raté et entre en possession du ballon. On considère donc que Danic a reçu le ballon d'un adversaire, ce qui exclut de fait sa position des hors-jeux sanctionnables.
De plus, Danic n’était pas en position de hors-jeu au moment de la tentative de passe de son coéquipier, il l'est seulement au moment du cafouillage de Lemoine et KTC. Du coup, ça n'entre pas dans la catégorie "tirer avantage de sa position », ou une situation dans laquelle il n’avait pas le droit de disputer le ballon. Au final, il ne pouvait « doublement » pas y avoir hors-jeu sur cette action.
5) « L’exclusion de Kamano lors de Sainté-Bastia était justifiée »
Évidemment ! Sur cette action, l’attaquant bastiais n’a pas la moindre chance de jouer le ballon sans mettre en danger l’intégrité physique des deux adversaires qui le devancent. Ça tombe bien : il s’agit de la définition de la faute grossière. Anthony Gautier avait donc tout à fait raison d’exclure Kamano.
Cependant, une petite erreur a été commise par l’arbitre dans le mode de délivrance de ce carton, tout simplement car le Bastiais se blesse lui aussi sur l’action et doit être évacué sur la civière.
La circulaire 5.16 précise les modalités de délivrance des sanctions disciplinaires. Dans ses cas particuliers, il est indiqué :
2.2 Joueur blessé évacué ou amené à quitter le terrain
Dans cette situation il convient de procéder de la sorte :
- l'arbitre appelle le capitaine partenaire du fautif
- il lui signifie qu'il va adresser une sanction disciplinaire au joueur blessé en indiquant la nature de cette
sanction.
- il présente le carton approprié en indiquant de la main la direction du joueur blessé.
Sauf erreur de ma part lié à la réalisation télévisuelle, on ne voit à aucun moment l’arbitre appeler le capitaine du joueur exclu. Petit détail, mais il peut être important dans la gestion du match : en terme d’image, cela peut renvoyer celle d’une autorité s’acharnant sur un joueur déjà à terre ou sur une civière.
6) « Où avez-vous vu que l’attaquant n’a pas le droit de gêner le gardien qui dégage » ? (lu sur le forum)
En fin de première mi-temps contre Nantes, Robert Beric passe devant Rudy Riou qui souhaite dégager le ballon rapidement. L’arbitre attend de laisser jouer un éventuel avantage qui n’intervient pas, revient à la faute, puis adresse un avertissement à l’avant-centre des Verts.
Sur le forum, la légitimité de sanctionner cette action a été discutée, notamment parce que Bob ne touche à aucun moment le gardien nantais. Pourtant, la faute ne laisse place à aucun débat. L’un des cas de fautes entraînant un coup franc indirect est justement : « empêcher le gardien de but de lâcher le ballon des mains ». La règle ne parle donc pas de contact nécessaire pour sanctionner.
Ceci dit, un avertissement n’est pas automatique sur une telle action. L’arbitre a estimé, sans doute à raison, que le Slovène, en passant « l’air de rien » devant le gardien a cherché à l’empêcher de jouer rapidement une contre-attaque. C’est un cas de comportement antisportif et donc un motif d’avertissement valable, même s’il était probablement un peu sévère.