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Il ne faut jamais défier le meilleur joueur du monde quand il est dans la forme de sa vie. Hambourg l'a appris à ses dépens...


La feuille de match
Mercredi 26 novembre 1980 - Coupe de l'UEFA - VolksparkStadion (Hambourg, RFA)
8e de finale aller: Hambourg 0-5 ASSE
Spectateurs: 37.000 - Arbitre: M. Hunting (Angleterre)

Buteurs : Hartwig (9e csc), Platini (26e et 87e), Larios (39e), Zimako (85e)

Hambourg: Koitka - Kaltz, Jacobs, Hieronymus, Hidien - Hartwig, Groh, Memmering - Milewski (Wehmeyer 46e), Hrubesch, Reimann. Entraîneur: Branko Zebec
ASSE: Castaneda - Battiston, Gardon, Lopez, Zanon - Janvion, Larios, Platini - Rep, Paganelli, Zimako. Entraîneur: Robert Herbin


Le film du match
Ce 26 novembre, il est 17h à Hambourg. Dans le salon d'un motel aux normes standard, Robert Herbin, silhouette gracile, oeil métallique et cheveux mousseux, ouvre sa conférence d'avant-match. Ce n'est pas un match comme les autres pour l'ASSE. Huit jours avant la Coupe d'Europe, l'équipe de France de football a perdu jusqu'à son titre symbolique de "championne du monde de matches amicaux".
Battue 4-1 sur le terrain de Hanovre par l'équipe d'Allemagne, elle ne figure plus qu'une "Septième Compagnie au Clair de Lune" selon la presse de l'époque.

Des Stéphanois ont joué ce match, Platini en tête. Moqueur, M. Jupp Derwall, la cinquantaire prospère et des allures de petit prof, lui a décoché le coup de pied de l'âne: "Platini ! C'est un général qui conduit ses troupes à l'assaut et les surveille, de l'arrière, aux jumelles". Ce jugement sentencieux n'est pas nouveau. Le sélectionneur allemand l'avait porté, une première fois, après France-Pays-Bas (0-0), qu'il avait suivi en observateur.
A Hambourg, Platini n'a que cette petite phrase en tête. Et qu'une ambition: faire mentir pour de bon le petit prof aux cheveux blancs. Il n'est pas le seul à mûrir sa revanche. Tout Sainté a fait de la victoire contre Hambourg, la priorité des priorités. Une idée fixe.


Le programme du match

Trois jours plus tôt, en effet, alors que l'équipe portuaire passait 11 buts comme une formalité, à son modeste challenger en Coupe d'Allemagne, l'ASSE, elle, subissait un revers extravagant (1-2), face aux aimables "promotionnels" du FC Tours. Sur son propre terrain. Un échec stigmatisé, telle une marque honteuse à grands grincements de plumes...
Enfin, la "mémoire verte" n'a pas digéré la flétrissure laissée, un an plus tôt, par ces autres Allemands de M'Gladbach au stade Geoffroy-Guichard... 1-4 !

Hambourg, 20h30. Le "VolksparkStadion", immense vaisseau de 60.000 places, est aux trois quarts plein.
La foule est réservée et goguenarde, sûre de son équipe. Le premier but n'entame même pas sa confiance. Il est l'oeuvre de Hartwig, le demi-défensif du pays, qui souffle un ballon brûlant sur le pied de Johnny Rep, et se prête, bien malgré lui, au double jeu du 12e homme providentiel pour les Verts.


Et d'un pour les Verts, merci Hartwig !

Il reste 82 minutes à jouer: Hambourg, récent finaliste de la Coupe d'Europe des Clubs Champions, a les moyens de renverser le sort contraire. Mais quand Platini (26e), d'une frappe brossée, transforme un coup franc en coup bas, une colère froide saisit les spectateurs et l'on amène le drapeau bleu, blanc et noir du HSV dans les gradins populaires.


Et de deux pour les Verts, merci Platoche !

L'orgueil est déjà en berne à 20 minutes de la pause. Si seulement ces pauvres supporters germaniques se doutaient de ce qu'ils allaient subir ensuite... Il y aura trois autres buts, plantés comme des épées.
En premier lieu, le football allemand, avec ses stratégies carrées et ses grosses certitudes, vacille tout entier dans cette percée rageuse de Larios (39e), achevée d'un tir victorieux à balle réelle.


Et de trois ! Personne n'arrête Larios

Par colonnes désordonnées, des spectateurs dépités désertent le stade à la mi-temps. C'est le reflux des inconditionnels qui ne peuvent en supporter plus. D'autres, en revanche, partagent leurs sentiments en acclamations pour l'adversaire et sifflets ironiques contre leurs favoris. Tous les rats n'ont pas quitté le navire.
Jacques Zimako (84e) obtient sa minute de gloire pour un but d'instinct marqué tardivement. Et c'est Platini, d'un but-assommoir, au terme d'une longue course rectiligne et majestueuse, qui sonne le glas des Hambourgeois (87e).


Platini, majestueux, parachève le succès stéphanois en solitaire

Déjà, les journaux roulent avec cette incroyable manchette: "HSV 0-5 !". Bild Zitung tire: "La honte pour Hambourg". Commentaire cinglant d'une feuille du soir: "Les joueurs du HSV avaient sous-estimé Saint-Etienne. Grossière erreur. Cette équipe n'a rien à voir avec la sélection française".
En France, bien sûr, même titres mais commentaires bien différents, les superlatifs pleuvent: "Renversant", "Irréel", "Formidable", "Kolossal" L'Équipe résume finalement en une phrase toute simple: "Fantastiques, les Verts: 5-0"

Et surtout cette répartie mordante de Michel Platini, savourant toutes ses revanches à la fois: "Dites bien à M. Derwall, que cette fois, j'avais laissé mes jumelles à la maison..."

Le Saviez-Vous ?
- Il s'agit du 60e match européen de l'ASSE. Forcément, l'ASSE passera sans encombre le match retour (remporté 1-0, but de Paganelli) mais le quart de finale sera une amère et brutale déception face aux modestes anglais d'Ipswich Town, futurs vainqueurs de l'épreuve, devant l'AZ Alkmaar.

- L'ASSE se consolera de cette élimination en décrochant son 10e et dernier titre de champion au terme d'une lutte au couteau avec le FC Nantes, l'AS Monaco et les Girondins de Bordeaux. Hambourg de son côté ne saura aller chercher son 5e titre national et finira dauphin du Bayern Munich. Le club de l'Elbe devra attendre quelques années pour être sacré au niveau national et même européen !

- En effet, le HSV sera finaliste de la C3 en 1982 (défait par l'IFK Göteborg) puis vainqueur de la C1 l'année suivante (victoire 1-0 en finale face à la Juventus Turin). Parmi ces joueurs qui se vengeront de Michel Platini, on retrouve Kaltz, Wehmeyer, Jakobs, Milewski (futur Stéphanois), Groh, Hrubesch...

- Malgré la cinglante défaite des Allemands, ce match ne voit pas le record de buts marqué par l'ASSE en Coupe d'Europe: un an plus tôt, le PSV Eindhoven explosait littéralement 6-0 à Geoffroy-Guichard en 16e de finale de C3. Mieux: au premier tour de la compétition, l'ASSE avait atomisé les Finlandais du Kuopio Palloseura 7-0... à domicile comme à l'extérieur ! 

- Pendant que les Verts passaient 14 buts à ces pauvres Scandinaves (7-0, 7-0), les Hambourgeois s'étaient débarrassés de justesse du FK Sarajevo au premier tour (4-2, 3-3). En 16e de finale, l'ASSE battait les Écossais de St Mirren (0-0, 2-0) et Hambourg le PSV Eindhoven (1-1, 2-1). Les Hollandais du PSV ne voulaient peut-être pas subir une 4e élimination de suite face aux Stéphanois ? 

- Le VolksparkStadion (littéralement le Stade du Parc Populaire) s'appelle successivement le Bahrenfelder Stadion puis l'Altonaer Stadion après son inauguration en 1925. Reconstruit après la guerre et attribué au HSV en 1963, il est rénové pour la World Cup 1974 et porté à 60.000 places, faisant de lui l'un des plus grands du pays. Cédant aux sirènes du naming, ce stade pourtant historique prendra des noms divers à partir des années 2000: AOL Arena, HSH Nordbank Arena puis Imtech Arena...


La Une de l'Équipe du lendemain

Sources
- Coupes d'Europe Story - Les Verts 1957/1981 - Patrick Mahé, Dominique Grimault
- Blog Sur la route des Verts
- Blog Up and Down