Nicolas Marin, qui fêtera ce samedi ses 40 ans, affiche clairement sa préférence pour le match qui opposera le lendemain à Geoffroy-Guichard ses deux anciens clubs.


Toi qui as défendu les couleurs des Verts (de 2003 à 2005) et des Merlus (en 2007-2008), pour qui battra ton cœur ce dimanche ?

Oh, ce n’est pas même pas une question à me poser, je serai stéphanois, c’est évident ! Même si tu me dis Marseille, ça restera Saint-Etienne. Mes deux années chez les Verts sont les deux meilleures de toute ma carrière, tout le monde le sait ! Certes, c’est avec Auxerre que j’ai joué mes premiers matches en pro mais c’est à Saint-Etienne que je me suis révélé. J’ai adoré cette période stéphanoise. Le club, le public, la ville… J’ai vécu tellement de moments forts là-bas. La montée la première année, la qualification pour l’Intertoto la seconde.

Je garde d’excellents souvenirs de cette époque, ça a été un vrai bonheur de porter le maillot vert et de connaître cette ambiance incroyable. Cela fait 15 ans que j’ai quitté le club mais je n’ai rien oublié. Mon départ en 2005, j’ai été mal conseillé. Je ne dois jamais partir. J’aurais dû ronger mon frein, travailler, rester à Sainté. Mais au final j’en ai fait qu’à ma tête. Je suis parti mais jamais de ma vie je dois partir ! C’est le plus gros regret de ma carrière, carrément ! C’est l’une des plus grosses erreurs de ma vie.

Quelles images reviennent spontanément à ton esprit quand tu te remémores tes vertes années ?

Franchement, il y en a tellement ! Je me souviens de mon premier but contre l’Estac à Geoffroy-Guichard. Après une combinaison avec Lilian Compan, j’avais marqué le but du break en fin de première mi-temps, c’était Stéphane Cassard dans les buts de Troyes. Il y avait mon petit qui était dans les tribunes, il avait six ou huit mois. Un autre moment fort, c’est notre victoire à Niort synonyme de montée grâce à un but de Fred Mendy.

Et bien sûr, il y a le titre de champion arraché dans les dernières minutes de la dernière journée devant notre public contre Châteauroux avec ce but incroyable de Damien Bridonneau. Il y avait une ambiance de dingues, tout le stade avait chaviré. C’est un moment inoubliable, j’en ai encore des frissons rien que de t’en reparler ! C’était le dénouement magnifique d’une grande saison.

Tu as marqué 11 buts en 69 matches disputés sous le maillot vert. Lequel a ta préférence ?

J’en citerai trois. J’ai déjà évoqué le premier, contre Troyes dans le Chaudron. C’était mon premier but à Geoffroy. Une première fois, ça ne s’oublie pas ! Le deuxième but marquant qui me revient à l’esprit, c’était contre Rouen. Là encore, je crois que c’est Lilian qui me fait la passe et je mets une mine sous la barre. Le troisième but qui m’a marqué, c’est celui que j’ai mis à Bollaert en quart de finale de Coupe de la Ligue lors de ma seconde saison. On avait gagné 3-0, j’avais mis le dernier but en pleine lucarne.



Es-tu resté en contact avec d’anciens coéquipiers stéphanois ?

J’ai gardé des bons souvenirs de quasiment tout le monde. Je me suis lié d’amitié avec Alaeddine Yahia, on est resté en contact. Il était arrivé à Sainté en janvier 2005, je l’ai aidé à s’acclimater à Sainté, je souhaitais qu’il se sente bien au club. On est resté proche depuis cette période. J’ai toujours des contacts avec mon ancien capitaine Ju Sablé.

Juju, tu le connais depuis très longtemps, comme l'atteste ce sympathique reportage dégoté par l'excellent ASSE Memories.

Oui, ça a été un vrai plaisir de le retrouver à Sainté et de jouer à ses côtés. J'ai également gardé contact avec Fred Piquionne. J’ai revu aussi Loïc Perrin et j’en profite pour le féliciter pour sa remarquable carrière.

Quels souvenirs gardes-tu de lui ?

J’ai une immense estime pour ce joueur. Je me souviens d’un gamin qui est arrivé sur la pointe des pieds avec nous, très poli, toujours respectueux, travailleur. Loïc a toujours eu cette humilité et cet amour pour l’ASSE, il en incarnait parfaitement les valeurs. Il faut le féliciter pour son excellent état d’esprit et pour son amour du maillot vert. C’était non seulement un super joueur mais aussi un super coéquipier. Je l’ai connu deux ans, il est resté le même. Je lui souhaite de réussir son après-carrière. Je l’ai vu sur Téléfoot, je l’ai trouvé très classe, il présente bien et il est très à l’aise. C’est un garçon posé, réfléchi, qui s’exprime très bien et qui a une très bonne connaissance du football.

Les deux saisons où j’ai évolué avec lui à Sainté, on sentait qu’il était stéphanois non pas à 100% mais à 10 000%. De là à penser qu’il allait faire toute sa carrière en vert... Ce serait facile de dire ça maintenant mais à l’époque on pouvait difficilement le deviner. Je sentais qu’il avait le potentiel pour faire une très belle carrière et attirer les convoitises. Il a été approché par des grands clubs européens, il a été convoqué en équipe de France. Il aurait pu partir de Sainté mais il est resté. Personne ne pourra enlever à Loïc l’amour qu’il a pour les Verts.

Humainement, Loïc est un gars extra et j’en ai eu de nouvelles preuves quand j’ai été amené à le recroiser. Je me souviens que lorsque j’étais vers la fin de ma carrière à Boulogne-sur-Mer, il était là. Je m’étais fait les croisés dès mon arrivée dans ce club, et à peine remis je m’étais fait une entorse du genou qui m’avait privé du quart de finale de Coupe contre les Verts au Stade de la Libération. Loïc avait été l’un des seuls à venir me voir, il avait vraiment pris le temps de venir discuter avec moi, ce que j’avais beaucoup apprécié. Il y a deux ans, on s’est revu à l’Etrat. J’étais retourné discrètement là-bas, j’avais croisé Ju, Rémy Cabella, Paul-Georges Ntep. Loïc part du centre d’entraînement et il ne me voit pas. Juste au moment de sortir il m’aperçoit. Il a freiné, il a arrêté sa voiture, il est sorti, il est venu me dire bonjour et a passé quelques minutes avec moi. Il a pris de mes nouvelles. J’ai été extrêmement touché.

Quel est le coéquipier qui t’a le plus impressionné à Sainté ?

J’ai bien sûr été impressionné comme tout le monde par le talent de Pascal Feindouno. C’était un top joueur, il avait un talent fou. Un autre joueur m’avait fait forte impression, c’est Didier Zokora. Il avait toute la panoplie du milieu défensif voire relayeur. Maestro avait la technique, la vision du jeu.

C’est sur une action amorcée par Didier et relayée par Pascal que tu as réalisé un doublé contre Auxerre en septembre 2004 dans le Chaudron.

Présente dans le kop lors de ce match, notre fidèle potonaute fofie a donc décidé ce soir-là de prénommer son fils Nicolas, né quatre mois plus tard. Est-ce qu’elle l’aurait appelé Bafetimbi si Gomis avait réalisé ce doublé ?

Je ne sais pas (rires). Mais cette anecdote m’a profondément marqué. Cette supportrice, Sophie, m’avait écrit, elle m’avait adressé un faire-part en expliquant pourquoi elle avait prénommé son enfant Nicolas. J’ai été à la fois surpris et ému. Cette anecdote-là, toute ma famille la connaît, mes amis aussi. Elle restera dans ma mémoire à tout jamais. Ce n’est pas anodin, c’est super touchant. Cela montre à quel point les supporters sont à fond derrière Sainté. Et ça, crois-moi, ça n’a pas de prix !

Quel bilan fais-tu de ta saison lorientaise (2007-2008) qui a succédé à tes deux saisons sedanaises ?

Je retiens que j’ai fait là-bas la découverte d’un grand ami, Mehdi Benatia. On est resté proches. Il a fait ensuite une sacrée carrière après notre expérience commune à Lorient car après quelques saisons à Clermont il a joué successivement à l’Udinese, à la Roma, au Bayern et à la Juve ! Sur le plan footballistique, j’ai super bien commencé à Lorient mais le fait que je ne sois pas efficace… Mon fichu caractère m’a encore joué des tours. J’ai eu un coup de moins bien, je suis sorti de l’équipe, je suis revenu. Mon expérience à Lorient reste mitigée. Je n’ai mis qu’un but contre Metz en une trentaine de matches dont la moitié en tant que titulaire. C’est insuffisant, j’avais été plus efficace et décisif sous le maillot vert. Mais cette expérience à Lorient m’a beaucoup appris. C’était intéressant d’évoluer sous les ordres de Christian Gourcuff, il nous faisait faire des entraînements très poussés. Cette saison-là je me souviens que j’ai été très bien accueilli par le public stéphanois lors de mon retour à Geoffroy. On avait perdu 1-0, Christophe Jallet avait marqué contre son camp.



On se souvient en effet qu’il a été gentil avant de devenir vilain… Dans le quotidieen Ouest-France, le prometteur milieu de terrain lorientais Enzo Le Fée a récemment déclaré : « Enfant, quand j'allais au Moustoir, il y avait un joueur que j’aimais bien, c’est Nicolas Marin. Plus pour sa coupe de cheveux je crois, car il avait une couleur argentée. » As-tu gardé la même coiffure ?

Non, je te rassure, j’ai changé de look capillaire ! J’ai des enfants, je vais bientôt avoir 40 ans, ce serait gravissime de rester sur la période de mes 20 ans ! De toute façon j’ai maintenant avec l'âge des cheveux blancs naturels ! (rires)

Après avoir quitté la Bretagne, tu as beaucoup bourlingué : Plymouth, Bastia, Sion, Lausanne, Dubaï, Xanthi, Boulogne-sur-Mer, Toulon et Magenta. Que deviens-tu depuis ta pige de quelques mois en 2017 en Nouvelle-Calédonie ?

Je n’ai passé que quelques mois à Magenta pour disputer la Ligue des champions d’Océanie. C’était le dernier challenge de ma carrière, j’allais sur mes 37 ans. J’ai arrêté là-dessus, à un moment donné il faut dire stop. Je suis rentré à Marseille et je suis resté dans le foot. Je suis beaucoup de matches, je repère les jeunes talents, j’essaye de les conseiller du mieux possible. J’essaie de donner les meilleurs conseils à des gamins qui peuvent oublier d’où ils viennent. Le monde professionnel, c’est autre chose, j’essaye d’accompagner les jeunes. Je collabore avec des personnes qui sont dans le foot, je fais vraiment du conseil sportif. Je suis basé à Marseille, je fais toute la région PACA : Monaco, Nice, Marseille, Montpellier… J’espère revenir à Sainté rapidement car il y a de très bons joueurs.

Depuis que tu as quitté l’ASSE il y a 15 ans, restes-tu attentif au parcours des Verts ?

Je suis les Verts en temps et en heure, et ce n’est pas forcé. Je vois certains joueurs qui sont tous marseillais maintenant et qui sont contents parce que le PSG a perdu en finale contre le Bayern... Moi je ne fais pas de bruit mais je le dis : comme l’a déclaré Julien Sablé, "nous on a le cœur vert." Je n’ai pas besoin de crier sur tous les toits que j’aime l’ASSE mais ce club est ancré en moi, c’est une certitude.

Bien évidemment je suis avec beaucoup d’intérêt le club. Cette dernière saison a été compliquée avec le changement d’entraîneur. J’espère de tout cœur que les Verts vont faire une superbe saison. Après, c’est vrai que cette équipe est en pleine reconstruction. Plusieurs joueurs cadres en fin de cycle sont sur le départ, mis sur le côté. Ce sont les choix du coach, il ne m’appartient pas de les commenter. Il faut se montrer patient, laisser le temps au temps. Claude Puel donne sa chance aux jeunes, c’est une bonne chose.

Après, attention, il faut trouver le juste milieu. Ne mettre que des jeunes, ça peut être compliqué. Dans une équipe, tu dois aussi avoir quelques joueurs qui ont de la bouteille. Même si des joueurs expérimentés sont en partance, il en restera dans l’effectif. On sait très bien comment Claude Puel travaille. On a vu notamment à Lille et à Nice qu’il a réussi. Il faut lui laisser le temps de bâtir. Avec les compétences qu’il a, avec la pédagogie et la méthodologie qu’il met en œuvre avec les jeunes, il n’y a pas de raison que ça se passe mal.

Dans l’effectif actuel de l’ASSE, affectionnes-tu un joueur en particulier ?

Il y a un joueur que j’aime beaucoup, que je connais et que j’apprécie depuis longtemps. Je pense qu’il aurait pu faire une meilleure carrière. C’est Romain Hamouma. Je trouve que c’est un très bon joueur. Il n’a hélas pas été épargné par les blessures. J’estime qu’il n’a pas la reconnaissance qu’il aurait dû avoir. Chaque fois qu’on fait appel à lui, il répond toujours présent. Il met des buts, des passes décisives, il est toujours virevoltant.

L’ASSE compte d’autres joueurs talentueux, notamment un né comme toi à Marseille et attaché à la cité phocéenne...

Wesley Fofana est un excellent joueur. Il est issu d’un bon petit club marseillais, le SC Air Bel. Il y a pas mal de bons clubs de jeunes à Marseille. Personnellement j’avais joué au Burel FC, dont est issu également le milieu de terrain 2005 Jebryl Sarhaoui, qui joue actuellement à l’ASSE. La réussite de Wesley est valorisante pour les quartiers de Marseille et pour la formation stéphanoise. Ce qu’il est en train de faire, c’est magnifique, c’est fabuleux. Le seul conseil que je peux lui donner, c’est de rester vraiment focalisé sur son football et de continuer à travailler. Avec les qualités qu’il a, je lui prédis une très grande carrière. J’espère qu’il continuera d’être à l’écoute de ses proches, du coach et du staff.

Que t’inspire le retour des Merlus dans l’élite ?

La dernière saison est particulière, elle s’est arrêtée prématurément à cause de la crise sanitaire mais Lorient a amplement mérité sa montée. Ce club a toujours fait la course en tête. Je suis content de revoir les Merlus dans l’élite et je leur souhaite une bonne saison c’est-à-dire le maintien. Le problème de ces clubs, c’est d’arriver à se stabiliser en Ligue 1 dans la durée sans faire le yo-yo. J’aimerais aussi que des clubs comme l’AJA et le HAC puissent remonter parce que ça reste le patrimoine de la Ligue 1. Je suis ravi que le RC Lens retrouve la L1, j’espère que les Sang et Or se sauveront.

Quel est ton pronostic pour le match de dimanche ?

Un petit 3-0 pour les Verts, ce serait pas mal, ça lancerait bien leur saison. Cette affiche me parle car j’ai joué mon premier match à Geoffroy également contre Lorient lors de la deuxième journée ! Je m’en souviens bien, j’avais fait une bonne prestation. Lilian Compan avait ouvert le score, Jérémy Morel avait égalisé.

Morel était jeune à l’époque, et j’ai vu qu’il était revenu à Lorient. Il va sans doute jouer ce week-end dans le Chaudron… 17 ans après, c’est beau ! Je me rappelle qu’on avait arraché la victoire en toute fin de match grâce à Mickaël Dogbe. Je t’annonce qu’il ne marquera pas dimanche ! (rires) Je vois un doublé de Romain Hamouma et un petit but d’Adil Aouchiche, ça lancerait idéalement la saison de ce jeune joueur prometteur.

As-tu un mot à adresser aux supporters stéphanois pour clôturer cet entretien ?

Je veux juste leur dire que je ne les oublie pas. Je ne les oublierai jamais. Je leur souhaite une bonne saison. Je sais qu’ils continueront à être derrière leur club au quotidien. J’espère les revoir très bientôt car je pense que je vais remonter sur Saint-Etienne. J’ai le cœur vert, je suis de tout cœur avec eux !

 

Merci à Nicolas pour sa disponibilité