Avant de retrouver Geoffroy-Guichard samedi soir, le fidèle adjoint de Frédéric Antonetti a accepté de répondre à nos questions. Merci à lui !
Quels souvenirs marquants gardez-vous de votre carrière de joueur ?
Je compte une vingtaine de sélections en équipe de France juniors, et mes meilleurs souvenirs remontent au début de ma carrière : âgé de 17 ans et demi, j'ai été appelé en équipe première suite à une cascade de blessures des joueurs professionnels. A l'époque, je jouais à Bastia en équipe réserve et j'étais encore au lycée, en terminale. J'ai fait mes débuts avec les pros contre Metz en octobre 1977 : ça reste un bon souvenir car on avait gagné 2-0.
Mais cette saison-là, c'est surtout la Coupe d'Europe qui m'a permis de vivre de grands moments. En coupe UEFA, j'ai joué les deux matches des seixièmes de finale contre Newcastle : au match aller à Furiani, on avait gagné 2-1 en fin de match grâce à Claude Papi. Au retour, j'ai marqué dès la troisième minute suite à une superbe action de Félix Lacuesta. Johnny Rep a réalisé un doublé ce soir-là, et on a battu les Anglais 3-1 ! Le tour suivant m'a laissé également de grands souvenirs car on a réussi à éliminer le grand Torino, qui comptait plusieurs internationaux à l'époque. Là encore, on avait gagné chez nous 2-1 à l'aller. Au retour, on a fait un grand match en gagnant 3-2. L'ambiance à Turin était impressionnante : il y avait 70.000 spectateurs, dont 20.000 Corses ! On a vraiment vécu une belle aventure, car on a ensuite éliminé Iéna et Zurich avant de s'incliner en finale contre Eindhoven. Jouer une finale de coupe d'Europe à 18 ans, c'était assez incroyable !
C'était vraiment inattendu pour moi, je me suis retrouvé là un peu par accident, rien n'était calculé. Ensuite, j'ai joué plusieurs saisons à Bastia avant de finir ma carrière à Tours et d'anticiper ma retraite sportive. Je n'avais sans doute pas les qualités requises pour m'imposer au plus niveau sur la durée, même si j'ai disputé 90 matches en première division.
Avez-vous gardé des contacts avec les joueurs de la fameuse épopée bastiaise?
Pas vraiment. J'ai gardé très peu de contacts avec mes anciens coéquipiers, même s'il m'arrive parfois de revoir certains d'entre eux ponctuellement. En fait, je n'ai pas tellement l'esprit d'un ancien combattant. Evidemment, je renie pas mon passé. Ce que j'ai vécu à Bastia reste gravé à vie dans ma mémoire mais je ne vis pas dans le culte du passé. C'est sans doute dû au fait que j'ai une vie active intense. Peut-être que certains anciens joueurs moins occupés voient les choses différemment et ont la nostalgie de cette épopée bastiaise.
A Bastia, vous avez eu comme partenaires de nombreux « futurs Verts » : Lacuesta, Larios, Rep, Krimau, Milla. Lequel vous a le plus impressionné ?
Je garde de bons souvenirs de tous ces joueurs. Celui qui m'a le plus impressionné est incontestablement Johnny Rep. C'est sans doute le meilleur coéquipier que j'ai connu lors de ma carrière. Ses performances étaient vraiment exceptionnelles, et son palmarès plaide pour lui : vainqueur de la coupe d'Europe des clubs champions avec l'Ajax, il a été deux fois de suite en finale de Coupe du monde ! Ce n'est pas rien ! Vraiment un super joueur ce Johnny...
Quels souvenirs gardez-vous en tant que joueur à Geoffroy-Guichard ?
Je me souviens très bien du match qu'on a joué à Geoffroy-Guichard entre le match aller et le match retour de notre finale de coupe UEFA contre Eindhoven. On avait gagné 4-0 à Saint-Etienne. J'avais marqué le deuxième but après avoir éliminé Gérard Janvion côté gauche. Les supporters des Verts nous avaient applaudis pendant le match. A vrai dire, ça m'avait un peu surpris et j'avais trouvé que la réaction du public était un peu dure envers les joueurs stéphanois. Mais à l'époque, l'ASSE n'allait pas au mieux, le club était légèrement sur le déclin après avoir dominé longtemps le football français.
En quoi le Chaudron se distingue-t-il d'autres stades comme Furiani ou le stade du Ray ?
A Geoffroy-Guichard, on ne s'entend pas. Le bruit qu'il y a dans ce stade est phénoménal. Ce qui me frappe à Saint-Etienne, et qu'on ne retrouve pas dans les autres stades, c'est que le public chante constamment. Selon moi, ce sont les bonnes équipes qui font les bons publics. Par leur comportement sur le terrain, leur combativité, leur solidarité, les joueurs stéphanois poussent le public à les encourager.
A quelle date remonte votre collaboration avec Frédéric Antonetti ?
Au mois de septembre 1992. J'avais déjà côtoyé Frédéric du temps où nous étions joueurs à Bastia, la saison 1982-1983. Mais nous avons rarement joué ensemble. Nous nous sommes retrouvés en mai 1992, suite à la catastrophe de Furiani. A l'époque, Frédéric Antonetti entraînait l'équipe 3 de Bastia. L'entraîneur de l'équipe CFA a décidé de prendre du recul, donc Frédéric Antonetti est devenu le responsable du centre de formation, et il m'a sollicité pour prendre en charge l'équipe 3, qui jouait en DH. A l'époque, je bossais également à mi-temps dans l'agence d'assurance de mon père. En octobre 1994, Frédéric Antonetti a remplacé Léonce Lavagne au poste d'entraîneur de l'équipe professionnelle. Comme il avait sous sa direction un groupe très étoffé (une trentaine de joueurs), il m'a demandé de l'épauler pour entraîner le groupe.
Quelles sont les principales qualités de Frédéric Antonetti ?
Je n'oublierai jamais qu'il est venu me chercher alors que j'étais en retrait du monde professionnel. Je n'étais pas prédisposé à faire ce que je fais aujourd'hui : j'étais plus impliqué dans le foot amateur, j'entraînais des gamins chaque semaine. Frédéric Antonetti m'a accordé sa confiance, et je lui en serai toujours reconnaissant. Comme vous vous en doutez, je ne pense que du bien de lui. Il a de nombreuses qualités, connues de tous : la loyauté, la franchise, l'honnêteté. Mais j'aimerais insister sur une qualité que certains ont tendance à oublier alors que pour moi c'est vraiment ce qui le caractérise : sa grande compétence.
Ses principaux défauts ?
Son enthousiasme a pour corollaire une certaine impulsivité. Mais je trouve qu'avec le temps Frédéric Antonetti est devenu moins impulsif. Je le trouve plus apaisé.
Quelles sont les images les plus fortes que vous gardez de votre passage à l'ASSE ?
Je suis fier du travail accompli aux côtés de Frédéric Antonetti. Lorsque le club a fait appel à nous, l'équipe était mal en point et faisait partie des dernières équipes de Ligue 2 au classement. En moins de trois ans, on a permis au club de progresser et de retrouver le première division. Que de chemin parcouru par rapport à notre premier match. Je me souviens fort bien de notre premier match, perdu à domicile face au Havre. La sortie du stade avait été mouvementée, le club était en crise. Après un baptême du feu aussi difficile, croyez-moi, ce n'était pas évident de remonter la pente. Mais on a réussi à surmonter les épreuves, et le travail a payé.
Malgré les circonstances de notre départ, je retiens également la communion qu'on a su instaurer entre l'équipe et le public. Nous n'avons hélas pas pu poursuivre l'aventure à Saint-Etienne, mais je me réjouis très sincèrement de voir que les Verts font bonne figure en Ligue 1 car je sais que c'est en bonne partie grâce au travail effectué par Frédéric Antonetti et son équipe.
Je garde également de bons souvenirs de nos performances en coupe de la Ligue. Pour un club de Ligue 2, c'est quand même pas mal d'avoir disputé un quart de finale et l'année suivante une demi-finale !
Comment avez-vous vécu votre départ de l'ASSE ? Etiez-vous attaché à ce club comme l'était Antonetti ?
A votre avis ? Comme Frédéric Antonetti, j'ai été très déçu de devoir quitter Saint-Etienne. Ce départ avait quelque chose d'illogique, compte tenu de la qualité du travail accompli et de la remontée en première division. Je préfère ne pas en dire plus sur les circonstances de notre départ du club, car je ne veux pas polémiquer. J'ai gardé des contacts avec certains joueurs stéphanois, mais je ne tiens pas à révéler leur identité pour ne pas avoir de problèmes. A Saint-Etienne, j'ai laissé un fils, qui suit des cours à la fac. Suite à son départ du club, Frédéric Antonetti est resté à Saint-Etienne du fait de la scolarité de ses enfants. La situation a été difficile à vivre pour lui car il était profondément attaché à ce club. Pour moi aussi ça a été dur, mais j'ai vite regagné la Corse pour oublier cette mésaventure et me replonger dans le football corse : la saison dernière, j'ai assisté quasiment à tous les matches à domicile d'Ajaccio et de Bastia. En revanche, je n'ai pas vu un seul match des Verts la saison dernière.
Vous êtes resté un an sans emploi comme Antonetti. N'est-ce pas trop pesant de mener sa vie professionnelle en dépendant finalement du destin d'un autre ? Etes-vous définitivement lié à Antonetti ou pourriez-vous travailler avec un autre entraîneur ?
Je tiens à préciser que j'ai déjà été amené à travailler avec d'autres entraîneurs que lui. Lorsque Frédéric Antonetti est parti au Japon, il a été remplacé par Henri Kasperczak. J'ai travaillé avec cet autre ancien entraîneur des Verts. J'avais de bons rapports avec Kasperczak, l'intéressé pourra vous le confirmer. En revanche je n'ai pas pris mon pied lorsque Laurent Fournier est devenu entraîneur au cours de la saison 1998-1999 : à l'époque, Laurent n'était pas prêt pour prendre la direction d'une équipe de première division. Il n'avait pas la fibre d'un entraîneur et raisonnait plus comme un joueur. Mais cette année j'ai eu l'occasion de l'observer et de discuter avec lui lors du match qu'on joué avec Nice au Parc des Princes. J'ai senti qu'il avait mûri, qu'il était plus réfléchi, plus posé, bref, qu'il était devenu un vrai entraîneur.
Mais l'entraîneur avec qui j'ai le plus d'affinités est bien sûr Frédéric Antonetti, et j'espère que j'aurai la chance de travailler encore longtemps à ses côtés. Avec lui, on est sur la même longueur d'onde, on se comprend vite : on a l'habitude de travailler ensemble et je partage totalement sa façon d'appréhender le football.
Ambitionnez-vous de devenir entraîneur en chef dans un club ?
Non, je pense que le poste d'entraîneur adjoint que j'occupe actuellement correspond le mieux à ma personnalité et à mes aptitudes. Pour être entraîneur d'une équipe professionnelle, il faut avoir beaucoups de qualités et de compétences. Honnêtement, je ne pense pas avoir les capacités requises, notamment en termes de gestion humaine.
Dans quel état d'esprit abordez-vous les retrouvailles avec l'ASSE ?
Avec sérénité et sans rancoeur. Evidemment, ça va me faire drôle de retrouver un stade dans lequel je n'ai plus remis les pieds depuis un an et demi. J'ai vécu de grands moments à Saint-Etienne, et comme pour ma carrière de joueur à Bastia ça reste gravé à jamais dans un coin de ma tête. Mais ça ne sert à rien de regarder en arrière, la page stéphanoise est tournée. Depuis le début de saison, je me consacre pleinement à mon nouveau club et le match face à Saint-Etienne est un match comme les autres pour l'équipe : il faudra essayer de ramener au minimum un point de notre déplacement à Geoffroy Guichard.
Quel jugement portez-vous sur la première partie de saison de l'OGC Nice?
Le bilan est correct mais pas vraiment satisfaisant. A la trêve, j'estime qu'on était à un classement ne correspondant pas à nos capacités et à notre potentiel. Depuis le reprise, nous sommes sur une bonne dynamique : après avoir battu Toulouse à domicile, nous avons enchaîné deux matches nuls à l'extérieur (contre Sochaux et Nantes). Et nous avons battu Paris au stade du Ray lors de la dernière journée. Actuellement, nous sommes à la 14ème place du classement. Mais je considère que notre place dans ce championnat devrait être située entre la huitième et la douzième place. Compte tenu de nos prestations depuis le début de la saison, il n'y aurait rien à redire si on avait quatre ou cinq points de plus. On a perdu certains matches qu'on méritait de gagner : je pense notamment au match aller contre Sochaux, mais aussi à d'autres rencontres. Contre Marseille et Saint-Etienne, on méritait sans doute de l'emporter. Ceci étant, il faut reconnaître qu'il nous est arrivé de gagner avec une certaine réusssite, contre Paris par exemple.
Avec 30 points à l'heure actuelle, quelles sont les ambitions de Nice en championnat ?
Notre objectif est de recoller au peloton des équipes situées en première partie de tableau. Je pense qu'on a les moyens de le faire, car nous ne sommes qu'à trois points du dizième.
Votre équipe va se rendre à Monaco pour jouer une demi-finale de Coupe de la Ligue. Sentez-vous mieux cette demi-finale que le Saint-Etienne-Sochaux de 2004 ?
En tout cas, on a de vrais chances de se qualifier. Bien sûr, on aurait préféré recevoir notre adversaire, comme c'était le cas lors des trois tours précédents (victoires contre Châteauroux, Sedan et Bordeaux). Mais quitte à se déplacer, autant aller à Monaco. Ce sera un vrai derby, et on sait déjà que nos supporters seront très nombreux et plus bruyants que les supporters monégasques. Un déplacement au Mans ou à Nancy aurait sans doute été plus difficile à négocier. Monaco a une grosse équipe mais nous avons également des atouts : dotés d'une bonne assise défensive, nous sommes solidaires et performants à l'extérieur. Cette saison, on a perdu que trois fois en onze déplacements.
Nice reste sur deux nuls à l'extérieur et une victoire sur Paris, tandis que Saint-Etienne a mal démarré l'année et reste sur une lourde défaite. Etes vous optimiste avant le match à Saint-Etienne ?
Je suis par nature toujours optimiste avant un match. On essaiera de poursuivre notre bonne série actuelle. Si on maintient notre solidité défensive et qu'on joue les coups à fond en attaque, on peut ramener quelque chose de notre déplacement à Saint-Etienne. Mais il faudra bien sûr se méfier de la réaction des Verts après leur lourde défaite à Sochaux. A mon avis, il s'agit d'un accident comme ça peut arriver à n'importe quelle équipe dans ce championnat. N'importe quel club peut avoir un jour sans, y compris Lyon. Nous aussi on en avait pris quatre à Lille, mais on a remporté le match suivant contre Le Mans.
A quel type de match vous attendez-vous ? Aurez-vous un esprit de revanche compte tenu de la victoire des Verts à l'aller ? On se souvient que Frédéric Antonetti avait critiqué le jeu dur des Stéphanois...
Non, je ne pense pas qu'on puisse parler d'esprit de revanche. Vous savez, il y a eu 18 rencontres depuis ce match aller ! Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis cette rencontre de septembre dernier. Ce sera un match comme un autre, il y a trois points en jeu.
Que pensez-vous du parcours des Stéphanois depuis leur retour en Ligue 1 ?
Sincèrement, je n'ai pas vu un seul match des Verts la saison dernière. Vu les circonstances de mon départ, je n'y tenais pas en fait. Mais cette saison en revanche le temps a fait son oeuvre et du fait de mes nouvelles fonctions, j'ai replongé. J'ai étudié avec attention les performances des Stéphanois. Très honnêtement, je me réjouis de voir qu'ils obtiennenent de bons résultats. Je n'ai pas de rancoeur envers l'ASSE : il ne faut pas confondre les hommes et le club. Je me réjouis pour le public stéphanois car l'équipe mène bien sa barque en Ligue 1. Et ça fait plaisir de voir le niveau actuel de garçons qui ont progressé sous la houlette de Frédéric Antoneti. Je suis content de voir que Jérémie Janot est l'un des meilleurs du championnat, je suis heureux de voir que David Hellebuyck est l'un des meilleurs en France à son poste, je me réjouis de voir que Vincent Hognon est l'un des meilleurs défenseurs centraux de Ligue 1, qu'Hérita Ilunga fait partie des meilleurs latéraux de notre championnat. Et bien sûr ça me fait plaisir de voir l'importance de Juju à la fois sur et en dehors du terrain.
Que pensez-vous de la génération Gomis-Perrin-Houri-Dabo que vous avez vu apparaître dans le groupe pro ?
Ah, ça me fait plaisir de vous entendre dire ça car j'ai l'impression que beaucoup de personnes ont oublié ce point là. Evidemment, je suis heureux de voir les performances de Loïc, Bafé et Samy. En effet, c'est nous qui les avons fait débuter en équipe première. Dabo étant né en 1986, il était encore un peu jeune pour faire son apparition dans l'équipe de Frédéric Antonetti, mais je me doutais bien qu'il percerait à son tour. C'est un motif de satisfaction de voir tous ces jeunes éclore au plus haut niveau, car c'est la preuve que la politique de formation qu'on a développée au sein du club a porté ses fruits. Je tiens d'ailleurs à saluer le gros boulot qui a été effectué par l'ancien entraîneur de l'équipe réserve, Gérard Fernandez.
Pour finir l'entretien, je vous propose de répondre au questionnaire de Proust revu et corrigé par poteaux-carrés. votre équipe préférée?
Bastia
L'équipe que vous détestez?
Aucune
Votre geste technique préféré ?
Une bonne passe
Le son, le bruit du stade que vous aimez ?
L'ambiance de Geoffroy Guichard
Le son, le bruit du stade que vous détestez ?
L'ambiance du Parc des Princes
Votre juron, gros mot ou blasphème favori lors d'un match ?
Merde !
Un footballeur pour ilustrer un nouveau billet de banque ?
Zidane.
Le métier du foot que vous n'auriez pas aimé faire ?
Agent de joueur
Le joueur, l'entraîneur ou l'arbitre dans lequel vous aimeriez être réincarné ?
Aucun
Si le Dieu du foot existe (on aurait entraperçu sa main lors d'un Angleterre-argentine resté célèbre), qu'aimeriez-vous après votre mort l'entendre vous dire ?
T'as été un bon mec