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On a présenté son histoire comme un conte de fées. Mais il y a bien plus derrière Banel Nicolita: un homme attachant, et un footballeur vaillant...


Banel Nicolita est un footballeur atypique. Seul Roumain à avoir porté les couleurs vertes, il est de surcroît le premier Rom à avoir évolué en France. Et ce, avec des standards aux antipodes du footballeur professionnel moyen...

L'enfant Rom
Né le 7 janvier 1985 à Faurei, à l'est de la Roumanie, dans une famille nombreuse appartenant à la minorité Rom. Sa mère est femme de ménage et lui et ses 6 frères et soeurs vivent de revenus modestes. Banel apprend le football dans la rue puis au sein de son petit club communal. Plus puissant et rapide que les autres enfants, il se fait rapidement repérer par le club du coin, le CF Braila, qui le recrute et le fait évoluer dans ses équipes de jeunes, jusqu'à le lancer en professionnel lors de la saison 2001-02 en D2 roumaine. Il n'a alors que 16 ans et demi.


Nicolita en 2000 dans son club de Braila (croyez-nous sur parole)

Titulaire indiscutable pendant trois saisons, le jeune milieu de terrain inscrit 23 buts et ne tarde pas à monter à l'échelon supérieur en traversant tout le pays pour rejoindre le Politehnica Timisoara, modeste club de l'élite roumaine, à l'aube de la saison 2004-05. A 19 ans, il est plus compliqué pour le jeune Banel de s'imposer mais sous le maillot violet des Banatenii, celui que l'on surnomme "Jardel" dispute quand mêmela plupart des rencontres et marque à deux reprises. C'est suffisant pour que le club de ses rêves le contacte au bout de seulement 6 mois: le Steaua Bucarest veut recruter Nicolita. L'affaire est réglée en deux temps trois mouvements, Banel ne sera même pas resté une saison complète à Timisoara...


Nicolita impressionne à Timisoara malgré un passage éclair

L'idole du Steaua
Quand il signe en janvier 2005 dans la capitale, Nicolita rejoint le club de son coeur. Le Steaua est le club le plus puissant, le plus connu mais aussi le plus détesté de Roumanie. Qu'importe ! C'est ce club qui le fait vibrer. Et en participant d'emblée à son 22e titre, il est rapidement intégré par ses partenaires et les supporters.
Titulaire systématique chez les Ros-Albastrii, Nicolita fait preuve d'une vaillance et d'une détermination qui force l'admiration de son public. Il marque régulièrement (35 buts en 259 matches), fait beaucoup marquer et surtout rentre dans l'histoire du club roumain lors de la campagne européenne de 2005-06: après un 0-0 au match aller des 8e de finale de Coupe UEFA face au Bétis Séville, il inscrit deux des trois buts de la victoire roumaine au retour. Mieux, opposé en quart de finale aux frères ennemis du Rapid Bucarest, il inscrit le but à l'extérieur qui qualifiera son club pour le dernier carré. Plus qu'il n'en faut pour devenir la coqueluche de Ghencea, l'enceinte du Steaua.


Banel sous le maillot de son club de coeur,
le Steaua Bucarest (ici en 2009)

Ses saisons à Bucarest se suivent et se ressemblent: Banel reste l'idole de son public, le qualifie régulièrement en Coupe d'Europe et il devient même le capitaine de l'équipe en 2010 mais il a fait le tour de la question et à 26 ans, il a des envies d'ailleurs. L'arrivée d'un nouvel entraîneur, Ilie Dimitrescu, est le déclic. Il cède alors son brassard et demande à être transféré.

Le Stéphanois

Banel Nicolita arrive à Sainté in extremis, le dernier jour de la période des tranferts. En cet été 2011, il n’est pas le premier choix du club mais Steed Malbranque, à peine arrivé, vient de jouer la fille de l'air. Il faut un spécialiste du côté droit, pour pouvoir monter ce 4-4-2 voulu par Christophe Galtier: l'ASSE prend donc ce qu'elle trouve, Max-Alain Gradel et Banel Nicolita. Elle n'aura pas à regretter ces choix...


Nicolita, une recrue de dernière minute qui vaut son pesant de lei

Recruté en catastrophe, pas cher (700K€) et quasi inconnu: les doutes sont grands au sujet du Roumain. Pourtant, à 26 ans, il a pour lui une expérience européenne conséquente (64 matches) et le statut d’international. Il faut dire que ses performances au Steaua Bucarest, pour lequel il avait signé en 2004 à 19 ans, ont été très remarquées dans son pays. Si Banel n’est pas le joueur le plus technique que l’on connaisse, son goût de l’effort, sa détermination et son fighting spirit font de lui un joueur apprécié, même par les anti-Steaua (et ils sont nombreux !).


Nicolita fait forte impression face à la France en 2011
lors des éliminatoires de l'Euro 2012

Il lui faudra pourtant deux mois pour convaincre Christophe Galtier. L’adaptation n’est en effet pas aisée, la langue est une barrière solide: "Je m’adapte assez vite. J’ai trouvé ici un groupe très uni. Mes partenaires me connaissaient. Ils savaient que je venais du plus grand club roumain et ils m’avaient déjà vu sur le terrain lors des matches entre la France et la Roumanie". Le 6 septembre, en match éliminatoire de l'Euro 2012, Nicolita impressionne l'assistance en muselant Patrice Evra et Franck Ribéry sur son côté droit. Pendant ce temps, la presse française parle surtout du Rom devenu footballeur malgré la pauvreté et le racisme, ce qui est vrai mais réducteur.

Le guerrier
Car lorsqu’enfin Galette donne sa chance à Nicolita, ce dernier va la saisir. Sa première titularisation a lieu à Gerland, le 29 octobre. A la 52e minute, Mouhammadou Dabo le tacle: le ballon explose, sa chaussette est déchirée. Dabo est renvoyé aux vestiaires mais Nicolita reprend le match, l’air de rien: le guerrier s’est révélé. Certes, Sainté perd le match mais Nicolita gagne sa place. Il marque une semaine plus tard lors de sa première titularisation dans le Chaudron et récidivera lors des deux réceptions suivantes. Il se montre aussi décisif sur corner: grâce à sa qualité de centre, l’ASSE se retrouve, en février 2012, meilleure équipe de France sur CPA, pourtant l’une de ses sempiternelles faiblesses !


Aly Cissokho ne peut pas s'imposer devant Nicolita
lors du derby 2011 à Gerland

La forme de Nicolita coïncide alors avec celle de l’ASSE, qui compense un début de saison poussif et se place dans la course à l’Europe. Son agent veut l’envoyer en Angleterre dès le mercato d’hiver. Peu importe: Banel continue d’apporter sa rage et son envie aux Verts. Les Green Angels l’acclament: "Au prix du sans plomb, on préfère le charbon. Au prix de l’Argentin, on préfère le Roumain", banderolent-ils. Lui n'est pas indifférent aux charmes du public stéphanois: "L’ambiance me rappelle la Roumanie. Le stade est toujours plein. Ici, les supporters vivent vraiment le football"

Lorsqu’il se blesse fin février, l’équipe boîte. Il revient plus tôt que prévu mais les choses ont changé. Galtier a abandonné le 4-4-2. En 4-3-3, Banel n’a plus le profil idéal.

Nicolita ouvre le score face à Alexis Thebaut
lors d'un succès face à Caen (2-0)

Les difficultés
Au début de la saison 2012-13, son statut de deuxième, voire troisième choix sur l’aile droite aux yeux de Galtier fait réflechir ce dernier à reculer Banel d’un cran. Avec les départs conjugués de Loris Néry et Albin Ebondo, la blessure de François Clerc et le recentrage de Loïc Perrin, le poste de latéral droit est déserté. Le Roumain va-t-il pouvoir regagner sa place ? La réponse est négative: les blessures à répétition éloignent Nicolita des terrains. Lui qui jusqu'alors était toujours rétabli avant le terme, va faire une saison 2012-13 blanche à cause de pépins physiques. Il ne dispute qu'une seule rencontre de toute la saison face à Evian-Thonon-Gaillard, en avril 2013...

La saison 2013-14 sera-t'elle celle du renouveau ? Aligné d'entrée en Europa League face au Milsami Orhei (Moldavie), il est acclamé par la foule à son entrée en jeu et encore plus lorsqu'il parachève la victoire des siens pour le 3-0. Mais les Verts se font rapidement éliminer de la Coupe d'Europe et l'un des seuls tableaux qui pouvait permettre à Nicolita de briller se referme brusquement. Il n'entre plus vraiment dans les plans de Galtier. Un départ est alors à l'étude.


Dernier but de Nicolita en Vert face à Milsami Orhei à l'été 2013

La vie en Jaune
Lui qui a pris l'habitude d'évoluer sous un maillot international jaune, est soudainement contacté par le FC Nantes et leur maillot Canari. Comme lors de son arrivée dans le Forez, un accord est conclu dans les dernières heures du mercato: un prêt d'un an à Nantes.
Il y jouera peu, sans jamais décevoir néanmoins lors de ses entrées en jeu, distillant même quelques passes décisives comme lors de cette défaite 3-1 contre... l'ASSE en mai 2014 !


Nicolita aux prises avec son ancien compère de
mercato Gradel lors de Nantes-ASSE 2013-14

Avec un seul but sous les couleurs nantaises, Banel participe certes au maintien des Canaris mais se doute bien que son avenir à Nantes est incertain. Toutefois, il ne s'attendait pas à être littéralement mis au placard: non seulement le FC Nantes ne donne pas suite à son prêt mais il doit de plus composer avec une plainte du milieu de terrain roumain à l'été 2014 concernant des impayés de salaire: "J’ai honte qu’un club de la stature de Nantes traite ses joueurs de cette façon. Je ne m’attendais pas à devoir me battre pour défendre mes droits dans un tel club. Mais c’est comme ça, je vais porter l’affaire devant la FIFA. Ils me doivent encore de l’argent lié à mon contrat. Ils font tout pour se venger du fait que je n’ai pas prolongé mon contrat en acceptant un salaire plus faible".

Littéralement viré par Nantes et non désiré par l'ASSE, Banel se retrouve libre et sans club pour la saison 2014-15. Ce n'est qu'au printemps 2015 qu'il trouvera chaussure à son pied: lui qui était courtisé par le Rubin Kazan, Krasnodar ou le Chievo signe finalement au Viitorul Constanta, en D1 roumaine où il se découvre une seconde jeunesse, inscrivant quelques buts décisifs comme seul un attaquant vétéran sait en mettre.


Banel, toujours droit et vaillant à Constanta en 2015

Mais son destin reste cahotique et à 31 ans à peine, voilà Banel contraint de repartir de zéro: de moins en moins utilisé au Viitorul, Nicolita résilie son contrat et se retrouve sans club. De retour au bercail, il joue la première partie de saison 2016-17 dans le club de ses débuts, au CS Faurei (4e division roumaine) puis s'engage au mercato d'hiver avec Targu Mures, club de l'élite que l'ASSE avait éliminé en tour préliminaire d'Europa League en 2015. Ce passage ne sera qu'un coup de vent puisque le club est relégué en D2: Nicolita résilie son contrat à cause des difficultés financières du club transylvanien et file à l'Aris à Limassol (Chypre) durant une saison avant de retourner à Faurei y mettre un terme à sa carrière en 2019.

Mais revenons à l’homme: modeste et travailleur, Banel est un homme fidèle envers son club de coeur. Lors de son départ de Bucarest, il s’est déclaré "Stelist" à vie. Il assume, en allant voir jouer le Steaua en simple supporter, ou en déclarant vouloir y terminer sa carrière. Et il n’oublie pas ses origines. Très proche de sa famille, il s'affiche sans honte avec sa mère, il ne rate pas une occasion de déclarer son soutien aux Roumains dans la difficulté et passe parfois à l’acte, en distribuant par exemple des maillots aux enfants de sa ville natale: "Je suis fier d’être Rom et ce qui me connaissent ont probablement de bons souvenirs de moi. Bien sûr, ma communauté est pointée du doigt, mais ça a toujours été comme ça et je n’y pense plus. Je serai toujours fier d’être Rom et fier de représenter mon pays"
Et puis, il ne cachait pas sa joie de voir son salaire doublé en signant chez les Verts, salaire qui ne s'élevait pourtant qu'à... 35.000€ par mois, le plus faible de l'effectif pro !


Cet homme est footballeur professionnel

De Faurei au Forez, la route fut longue mais la sienne n’est pas encore terminée: un conte de fées, ça se finit toujours bien...