Recordman des finales gagnées en Coupe de France (3 avec l'ASSE, 2 avec le PSG), Dominique Bathenay s'est confié à Poteaux Carrés avant la finale qui opposera ce vendredi ses deux anciens clubs au Stade de France.


Quelles images gardes-tu de la Coupe de France remportée avec l’ASSE en 1974 ?



La finale de 1974, c’est ma première Coupe. Le match en lui-même ne m’a pas laissé de souvenirs impérissables. Je me souviens quand même des buts. Christian Synaeghel avait ouvert le score de la tête sur un centre de Patrick Revelli. Christian, c’était le talent, un pied gauche extraordinaire, à l’état pur. Il avait une main à la place du pied. C’était un bon partenaire. Patrick était moins talentueux mais très accrocheur, il était capable de se surpasser dans toutes les occasions et d’être toujours présent.

Alain Merchadier avait mis le deuxième but. C’était quelqu’un qui fédérait un peu tout le monde autour de lui par sa gentillesse et son humour. Il avait aussi les qualités de footballeur que l’on connaît. Il répondait toujours présent quand on avait besoin de lui. Alain a également marqué le but de la victoire lors de la finale de Coupe de France contre Reims trois ans plus tard. Je crois que c’est le seul joueur stéphanois avoir marqué dans deux finales de Coupe de France.

Je retiens surtout le fait d’avoir su clore cette saison par cette victoire 2-1 contre Monaco et la fête qui s’en est suivie à Paris. J’ai davantage apprécié l’après-match que le match. On voulait monter à Paris, jouer au Parc des Princes et avoir la nuit parisienne, faire la fête tous ensemble. C’est ce qu’on a fait et bien fait. On a notamment fait une virée sur les Champs-Elysées avec la Coupe. C’était bien.

J’avais tout juste vingt ans. A cette finale il y avait mes parents, ma future épouse. On était plein de jeunes joueurs, c’était un bon moment. J’avais rejoint cette escouade de jeunes qui avaient démarré un peu avant moi. Il y avait également des joueurs plus expérimentés qui avaient gagné la Coupe de France 1970 comme Georges Bereta et Jean-Michel Larqué. C’était ma première saison en pro et elle s’achevait par un doublé championnat-Coupe de France. Il y a pire comme début de carrière !

Et t’as remis ça la saison suivante !



La finale de 1975, c’est la plus aboutie en terme de préparation, de mental. Au-delà du match, c’est l’ambiance dans le stade que je retiens. Le Racing Club de Lens est un club un peu comparable à l’ASSE en termes de public. Ce sont des clubs de région minière. On était assez sûr de notre force, on savait qu’on allait gagner. On mettait le pied sur le terrain, on avait déjà gagné. On a eu beaucoup de difficultés, le succès a été assez long à se dessiner. En 1975, on avait une force collective. On sortait d’une saison européenne relativement réussie avec une demi-finale contre le Bayern.

C’est Osvaldo Piazza qui a ouvert le score suite à un une-deux avec Hervé Revelli. Hervé, c’est un joueur avec qui on aimait jouer parce c’était un joueur intelligent, il savait mettre les autres en valeur indépendamment de ses qualités de buteur. Osvaldo, c’était la joie, la bonne humeur, la fougue, l’enthousiasme. Il transportait les autres joueurs dans son allure et dans sa façon d’être. Il emmenait tout le monde avec lui.

Et bien sûr personne n’a oublié qu’on a fait le break d’une magnifique reprise de volée de Jean-Michel sur un centre de Gérard Janvion.

Il a réussi un centre dans sa vie, c’est celui-là ! Je plaisante bien sûr. Il est arrivé à l’ASSE comme attaquant mais il était extraordinaire en tant que défenseur latéral. Il avait des qualités de dribble et de vitesse. Il était capable de bien défendre et d’attaquer.

Quant à Jean-Michel, on connaît tous ses qualités techniques. C’était toujours propre, il savait donner des bons ballons. Il savait les rendre meilleurs qu’on ne les lui avait donnés. On savait que si on était en difficulté, on pouvait lui donner le ballon, on courait et le ballon nous revenait toujours. Il avait une aisance et un équilibre parfait dans tout ce qu’il faisait.

Quels souvenirs gardes-tu de ta dernière finale remportée avec Sainté, en 1977 contre Reims ?



La finale de 1977 a été la plus compliquée. On était un peu à la fin d’un cycle. On avait été éliminé de la Coupe d’Europe par Liverpool, Jean-Michel était pratiquement parti. On sentait qu’il y avait une petite usure de tout le monde. Mais on avait encore cette volonté de renverser les choses. En demi-finale, on avait éliminé Nantes après prolongation alors qu’on avait perdu 3-0 le match aller à Marcel-Saupin. En finale, Reims nous a posé de grosses difficultés et a réussi à ouvrir le score peu après l’heure de jeu. Mais encore une fois on a su revenir et arracher la victoire, peut-être pas par le talent mais par la force mentale.

Tu as égalisé à la 83e minute sur un penalty obtenu par Gérard Farison.

Tu me donnes l’occasion de lui rendre hommage. C’est le joueur le moins mis en avant quand les gens reparlent de cette époque mais il était toujours présent sur son flanc gauche, il multipliait les allers-retours. Il avait la capacité de proposer toujours des solutions. C’était un véritable plaisir de jouer avec lui. Moi je jouais un petit peu plus de son côté, je compensais souvent car je savais qu’il montait beaucoup. C’est quelqu’un dont on parle rarement mais il était très important pour nous. Et lors de cette finale il a été décisif non seulement sur mon penalty mais en tirant le corner repris victorieusement de la tête par Alain Merchadier.

Sur les 32 buts que tu as marqués sous le maillot vert, tu n’en as mis qu’un sur penalty, lors de cette finale.

Il me semble que personne ne voulait le tirer. Personne se s’est vraiment proposé pour y aller, les joueurs se sont tournés vers moi en me disant «à toi, vas-y ! ». On perdait 1-0, il ne fallait pas que je me rate. Je n’étais pas un spécialiste de cet exercice mais il fallait bien que je m’y mette un jour. Je l’ai transformé en force.

Tu as encore fait apprécier à cette occasion la puissance de ta frappe, trois mois après ton pion mythique à Anfield. Considères-tu ce dernier comme le plus beau de ceux que tu as inscrits avec l’ASSE ?



Je ne sais pas. Le tout premier que j’ai mis avec Saint-Etienne, contre l’OM le dernier match du championnat de la saison 1973-1974 était pas mal non plus. J’avais mis une belle frappe dans la lucarne du pied droit !

On me parle surtout du but que j’ai marqué à Liverpool mais j’aime bien celui que j’ai marqué à l’aller contre les Reds. C’est un geste un peu différent mais il fait partie de ce qu’on peut faire. Sur un ballon en l’air, j’ai marqué d’un revers du pied gauche. Celui-là me plaît aussi beaucoup.



Dès le plus jeune âge, t’as senti que ta frappe de balle était un don ?

Oui, bien sûr. J’avais une bonne frappe de balle, tant sur les transversales que sur les tirs au but. Mais l’important, ce n’est pas tant la frappe de balle que le fait de cadrer le plus souvent possible. C’est à l’entraînement, en répétant les gestes, que tu apprends à régler la mire. Un peu comme un joueur de tennis remet la balle sans arrêt parce que c’est un petit peu automatique. Il faut trouver le cadre. Il y en a qui ont un super jeu de tête, il y en a qui sont très forts dans les dribbles, moi mon atout c’était cette grosse frappe de balle.

C’est sous la houlette de Robert Herbin que tu as remporté tes trois Coupes de France stéphanoises. Comment définirais-tu Roby ?

C’est compliqué de définir Roby. C’était quelqu’un de "secret". Il a apporté à Saint-Etienne cette façon de s’entraîner, cette façon de pousser les joueurs à aller eu bout d’eux-mêmes. Il nous a inculqué ce dépassement de soi, cette envie de donner le meilleur de nous-mêmes. Il nous a transmis ça tout en restant calme, posé. En gros son discours c’était « vous vous êtes bien entraînés, vous êtes bien préparés, j'ai demandé beaucoup de vous, maintenant à vous de jouer. » Ce n’était pas le genre d’entraîneur à s’agiter au bord de la touche pour dire « fais-ci, fais-ça. » Il nous a fait confiance et il a su nous faire jouer ensemble. Chacun avait ses qualités, son caractère. Roby a su tirer la quintessence de ses joueurs.

Robert Herbin avait eu comme entraîneur Albert Batteux, qui était un conteur magnifique. Quand je suis arrivé, j’ai ouvert grand mes oreilles et mes yeux quand Albert Batteux s’exprimait. Mais eux peut-être qu’à la longue ça commençait à leur peser. Roby avait un style différent. Ce n’était pas un grand causeur mais il savait transmettre ses messages par petites touches. Il n’expliquait pas tout le football mais en quelques mots bien sentis il nous faisait comprendre qu’on avait fait ça bien, ça mal. Il insistait beaucoup sur le positif.

C’est hélas aux dépens des Verts que tu as gagné ta quatrième finale de Coupe de France en 1982.



Pour moi, c’est la plus belle. J’étais parti de Saint-Etienne en 1978 et quatre ans après je remporte mon premier titre avec Paris, le premier titre de Paris. En plus j’étais capitaine. J’ai eu la joie, le bonheur de soulever la Coupe de France. Et là, c’est vrai que j’ai eu beaucoup d’émotions parce qu’enfin je gagnais quelque chose avec Paris. C’était quand même important.

Le match est resté dans les mémoires. C’est la plus longue finale de l’histoire de la Coupe de France. On aime le foot parce qu’il fait vivre des émotions, ce match a été riches en émotions. Il y a l’égalisation de Dominique Rocheteau dans les dernières secondes de la prolongation, l’envahissement du terrain, le président Borelli qui embrasse la pelouse. Il y a une joie indescriptible.

Avec Dominique Rocheteau, on a une longue histoire commune. Avant de passer de longues années ensemble à Sainté puis à Paris, on s’était affronté en cadets. Lui jouait attaquant, moi défenseur. On est venu tous les deux faire un essai à Saint-Etienne. Dominique dribblait avec une facilité déconcertante. Le ballon lui collait au pied, et il savait marquer des buts.

Cette finale est restée aussi dans les mémoires car Michel Platini a réalisé un doublé à l’occasion de son dernier match avec les Verts. Michel, moi je l’ai connu en Espoirs, il jouait avec insouciance et avec un talent phénoménal. Il voyait avant les autres, plus loin que les autres. Il s’amusait sur le terrain, il prenait du plaisir sur le terrain.

Michel n’a pas fait une première mi-temps exceptionnelle car il jouait en centre-avant relativement seul. Mais après dès qu’il est redescendu un petit peu on a vu qu’il était Michel Platini. Michel est parti de la France après ce match. C’était l’un des meilleurs joueurs du monde, tout simplement. Il savait faire des différences, donner des ballons. Moi je l’ai vu faire des matches à Saint-Etienne en Coupe d’Europe comme centre-avant d’une intelligence et d’une propreté exceptionnelle.

La saison suivante, tu as remporté ta cinquième et dernière finale de Coupe de France contre Nantes.



C’était une finale avec des beaux buts, notamment celui de José Touré côté nantais. On a gagné 3-2 mais je ne garde pas un souvenir énorme. Cette finale m’a procuré beaucoup moins d’émotions que la précédente. Je m’étais blessé, j’ai dû céder ma place en début de seconde période.

Champion de France avec l’ASSE en 1957, Georges Peyroche était ton entraîneur lors de tes deux finales remportées sous le maillot du PSG.

Je l’appréciais beaucoup. Il était dans le dialogue, toujours dans l’échange. C’est un entraîneur qui savait prendre des risques. En 1982, on a joué avec cinq attaquants la finale contre Saint-Etienne ! Il a marqué l’histoire du PSG par ses titres mais aussi par sa façon d’être. Je n’oublie pas que c’est lui qui m’a confié le brassard. J’ai apprécié ce rôle de capitaine.

Ce vendredi, ton cœur sera plutôt vert ou parisien ?

J’ai été président de la Coupe de France donc j’ai appris la neutralité. Mais bon, j’aimerais bien que Saint-Etienne remporte la Coupe. Je ne connais plus grand monde à Saint-Etienne, à Paris non plus d’ailleurs. Mais j’ai un peu plus d’accointances avec l’ASSE. J’aimerais que les Verts fassent un bon match mais il faut reconnaître que ça va être compliqué face à Paris. Sur un match, on ne sait jamais ce qui peut se passer. Maintenant, on ne va pas se raconter beaucoup d’histoires. Paris est très largement favori avec tous les talents qu'ils ont sur le terrain. Et en plus, les Stéphanois n’auront pas leur public pour les faire monter d’un cran. L’absence des supporters est un vrai handicap pour les Verts. Pour Paris, je ne pense pas. A vrai dire, je ne connais pas trop l’équipe actuelle de Saint-Etienne. Pour que les Verts aient une chance, il faudrait que Paris soit vraiment dans un très, très, très mauvais jour. Ça peut arriver.

 

Merci à Dominique pour sa disponibilité.