C'est un derby que les Verts auraient pu gagner, mais qu'ils ont finalement perdu au bout du temps additionnel, laissant ainsi leurs vilains adversaires leur passer devant au classement.


Il y a 11 mois, l'ASSE arrachait un match nul lors du Derby avec un but de Debuchy en tout fin de match. Et si c'est beau quand on marque un but à la 90e, c'est tellement cruel d'en encaisser au bout du temps additionnel. Ça fait mal à la tête, et comme le dit Gasset, c'est "un petit KO". Ce sentiment est en plus accentué par les occasions que les Stéphanois n'ont pas su concrétiser. Et c'est toujours leur coach qui le décrit le mieux (relayé par M'Vila) : "quand on a le pistolet, il faut tuer. On n’a pas su le faire. On leur a laissé le pistolet et ils nous ont tués".

Si on laisse de côté le scénario très cruel et les actions litigieuses (comme souvent contre ce club), si on s'intéresse seulement à l'opposition tactique, le plan de jeu stéphanois a été celui d'une petite équipe, qui se considère inférieure à son adversaire du jour, même si elle évolue à domicile, dans un stade à guichets fermés. Jamais deux sans trois, la meilleure analyse appartient à l'entraîneur de l'ASSE : "On a fait le match que l’on voulait faire (...) Face à une équipe qui joue comme ça avec quatre attaquants, il faut savoir subir et contrer. On l’a fait très bien". Voici donc plusieurs exemples de ce que les Verts ont subi lors des offensives adverses et quelques-uns de leurs contres.
 
 

Subir et contrer

 
A la 10e minute, les Vilains attaquent côté droit :


Les Verts alignent une défense à 5, même si Gabriel Silva se trouve plus haut. Il y a une forte densité de joueurs sur ce côté, Hamouma et Cabella étant venus aider. Il faut noter le positionnement de l'avant-centre adverse, entre Perrin et KMP, loin de l'action. Le ballon est écarté avec un milieu axial et un surnombre est créé :


Selnaes coulisse pour attaquer le milieu qui a le ballon. L'avant-centre décroche, Perrin doit le suivre. KMP a l'ailier à surveiller... et le défenseur gauche adverse, qui monte, sans être suivi par Khazri. Fort heureusement, KMP intercepte la passe et joue avec son avant-centre...


... qui remet en arrière pour Selnaes, qui lance en profondeur KMP, qui s'était projeté de suite, dès qu'il avait fait la passe. Au duel avec un défenseur central sur ce contre, le piston droit stéphanois obtient seulement une touche.
 
 


Tout au long du match, la zone de KMP a été la cible principale des attaques adverses. Sans milieu excentré pour l'aider, il s'est souvent retrouvé seul contre un ailier très excentré et un latéral offensif. Le positionnement de l'avant-centre et des milieux adverses venait rajouter du surnombre et empêcher Perrin ou Selnaes de compenser. Comme par exemple à la 14e :


La défense à 5 des Verts est bien visible, tout comme son trop grand surnombre, ils n'ont que 3 attaquants à surveiller, le milieu offensif ayant décroché. S'il y a trop de défenseurs, ça veut dire qu'il y a une infériorité numérique ailleurs : dans ce cas, au milieu, où M'Vila est au marquage d'un adversaire et Selnaes monte sur le milieu offensif, laissant le 3e milieu complètement libre. C'est bien lui qui reçoit la balle...


... et le jeu se déplace vers le côté opposé à celui où les Stéphanois ont été attirés. Aucun des trois offensifs de l'ASSE (Hamouma - Cabella - Khazri) n'avait fait l'effort de venir aider, c'est à M'Vila de courir compenser ce déséquilibre :


Et il y avait vraiment besoin, parce que le défenseur latéral était monté (sans être suivi par Khazri, qui était pourtant à côté dans la première image de cette action). Pour ne pas laisser KMP seul contre deux, Perrin coulisse vers ce côté et le milieu axial se projette dans l'espace libéré, heureusement suivi par M'Vila. Si on compte les joueurs présents sur cette image, l'ASSE défend à 7-contre-7, ce qui n'est pas l'idéal quand en face il y a plusieurs joueurs capables d'éliminer un adversaire par un dribble.




Un autre exemple commence à la 26e, avec une parfaite image des deux dispositifs tactiques :


5-2-3 pour l'ASSE, contre un 4-3-3 pour les Vilains, ce qui signifie qu'il y a de nouveau trop de défenseurs.


Un milieu se projette, suivi par Selnaes, un autre décroche, suivi par M'Vila, et le 3e devient libre, Cabella préférant indiquer du bras qu'il faut suivre les adversaires dans leurs courses. La contribution défensive de Khazri est inexistante aussi et le latéral gauche est de nouveau trouvé, KMP se retrouve de nouveau seul contre 2 :


C'est donc à Selnaes de courir pour aider le côté droit de la défense, toujours en difficulté. Il aurait pu prendre le milieu axial et laisser Perrin monter sur le latéral, ça aurait été la même chose, les Verts défendent toujours à 7 contre 7, sans aucune marge.




Ce genre de situation a été très fréquent en 1MT. Les Stéphanois ont ouvert le score après un ballon récupéré dans leur moitié et une projection rapide vers l'avant - comme prévu, mais ils ont subi les offensives adverses - comme prévu aussi, surtout sur le côté droit. Les milieux ont dépensé beaucoup d'énergie pour compenser, tout le bloc défensif a souffert, étant parfois à la limite de la rupture. L'approche défensive a été donc légèrement ajustée à la pause et en 2MT Hamouma (à droite) et Khazri (à gauche) ont commencé à défendre dans les couloirs. Par exemple, à la 61e :


Si on ne regarde pas attentivement, on dirait un bloc bas en 5-2-3 pour les Verts, mais en réalité Selnaes se trouve plus haut (il suit un milieu axial) et Hamouma plus bas (il suit le latéral gauche). Le milieu offensif est placé comme le 4e attaquant, dans la défense (ce qui justifie les 5 derrière), il est trouvé, mais vite dépossédé par Kolo et Gabriel Silva :


Le ballon arrive à M'Vila, qui ne peut pas sortir proprement et la possession est perdue de nouveau. Après une combinaison sur ce côté, le jeu est envoyé à l'opposé :


Défense à 5 toujours en place, au marquage des 4 attaquants, mais aussi 5 autres Verts au milieu. L'ailier gauche est recherché, mais KMP dégage de la tête - malheureusement, les Vilains récupèrent le ballon :


Après une combinaison sur le côté droit, il n'y aucun déséquilibre dans le bloc stéphanois. Hamouma défend sur l'ailier et KMP sur le latéral, Selnaes peut monter sur le milieu axial, tout en laissant Perrin en couverture. Le capitaine intercepte la passe, ce qui donne le signal pour un contre :


Les trois offensifs de l'ASSE se projettent vite vers l'avant, même s'ils partaient de très bas. Perrin monte un peu avec le ballon, le donne à Selnaes, qui le porte aussi un peu...


... avant de le donner à Cabella, qui attend un peu avant de servir Khazri en profondeur. Ce contre en 3-contre-3 est un peu gâché par l'attaquant stéphanois, qui tergiverse et s'enferme dans un coin du terrain, mais qui fini par dribbler son adversaire :


Il combine ensuite avec Cabella en pleine surface et tire deux fois au but, à chaque fois repoussé par le gardien adverse et Hamouma commet une faute en essayant de frapper à son tour. Défense solidaire, contre rapide : les problèmes de la première période ont été gommés, tout en gardant les points forts. Malheureusement, deux minutes plus tard, l'arbitre reproche à Perrin de ne pas être un manchot et les Vilains égalisent.

 
 
 
Pour la suite du match, les Stéphanois ont de plus en plus de mal physiquement, ils continuent de souffrir lors des offensives adverses (13 tirs subis dans la demi-heure après le penalty), les remplaçants (poste pour poste) n'arrivent pas à changer la donne. Mais le mental et la volonté de faire un bon résultat sont là, comme dans cet exemple à la 88e :


Sur l'action précédente, la défense stéphanoise avait eu chaud : Perrin et Diousse étaient dans les 30m adverses, perte de balle, contre rapide, tir de l'attaquant dans un angle fermé, capté par Ruffier. Qui relance vite et pas trop loin, avec Cabella, excentré à droite. Malgré une forte concentration d'adversaires dans cette zone, les Verts combinent sereinement et le jeu à 3 avec Perrin et KMP lance Cabella dans le couloir. Il monte balle au pied...


... et c'est tellement rapide, que même si ce n'est pas un contre, le bloc adverse n'est pas en place. Khazri et Diony écartent la défense avec leurs appels, le premier reçoit le ballon à droite. En duel avec un défenseur, il garde la balle et arrive aux abord de la surface...


... avant de centrer fort pour Diony. Tirs de Cabella et Diony, repoussés par le gardien et un défenseur respectivement, et les Verts ratent l'occasion de repasser devant suite à ce presque-contre. Quelques minutes plus tard, une autre relance osée ne passe pas et ils sont crucifiés à la fin du temps additionnel. Parfois, ça ne tient pas à grand chose...
 
 
 

Conclusions

 
Cette analyse ne contient pas d'exemple d'attaque placée, construite patiemment et tout en maîtrise par les Stéphanois. Parce qu'il n'y en a pas trop eu, le plan de jeu était différent, la possession était adverse (65% !) et le très grand nombre d'erreurs individuelles n'a pas aidé non plus. Ainsi, les Verts ont fini le match avec un pourcentage de passe réussies de seulement 67%, loin en-dessous de leur moyenne habituelle (80%). Bref, l'ASSE n'a pas développé et imposé son jeu, n'a pas montré son visage tactique habituel. Le plan a été de montrer le visage "de petite équipe", qui s'intéresse plutôt à comment moins subir qu'à faire souffrir son adversaire. Ce qui reste surprenant pour un match à domicile...

Malgré tout, ça a failli marcher - malheureusement ça n'a pas été le cas. Ça arrive, et même si c'était un match important, un derby entre la 3e et la 4e place, il reste encore plein de journées de championnat et beaucoup de points à prendre. Dans le sport, c'est impossible de ne jamais être KO, le plus important est de vite se relever ensuite. Et c'est maintenant qu'on pourra vérifier la force mentale de ce groupe, qui a la chance de pouvoir enchaîner très vite, avec une autre compétition.