Nul autre joueur que lui n’aura, durant la grosse demi douzaine d’années passée dans le chaudron, endossé avec autant de régularité le rôle de bouc émissaire.
Qu’a donc fait Fouss pour mériter tout cela ? Un mélange malheureux de don pour la bourde fatale (celle qui coûte un but et un match) et de bonne éducation confinant à l’excès de gentillesse ont toujours fait de Fouss la cible première de la colère du peuple vert et la victime privilégiée des choix de ses entraineurs respectifs.
Retour en arrière, le siècle démarre sur un dérapage incontrôllé. Faux passeport déterrés, vraies illusion enterrées. Clin d’œil de l’histoire, au moment où la Pravda et le foot français font de l’ASSE le bouc émissaire local d’une gruge d’ampleur internationale, Fouss qui donc enfilera plus tard le costume, apparaît comme une lueur dans le ciel plombé des Verts. Mis au banc du foot français comme s’il avait la gâle alors qu’il n’a que le gallois, le club donne du temps de jeu à un petit jeune né sous une mauvaise étoile, rouge, Fousseni Diawara. Quelques apparitions sous l’ère Toschak, deux buts, Fouss est alors un jeune demi-défensif prometteur et malgré cette descente déchirante, les Verts ont avec lui, mais aussi Sablé, Huart, Mettomo and co des réserves pour vite remonter. Enfin le croit-on….
Nul autre club que le nôtre sait combien être relégué est une vraie descente aux enfers. Nous avions fauté, nous devions expier. Je copierai 1000 fois à tous les mauvais temps des 3 saisons passées en d2 « je ne dois pas contourner les règlements sportifs (ou alors sans que ça se sache, comme le voisin) ». Alors vive le tour de France des stades de campagne, pierre brisson, moulonguet et dominique duvauchelle se parent de leur plus beaux atours pour fesser l’ancienne gloire qu’ils ont, comme toute la France du foot, jadis tant aimée. Fouss positionné en défense centrale avec un Italien doté lui d’un vrai passeport mais hélas d’un faux talent sombre avec l’équipe tout en étant utilisé à 27 reprises par Michel puis Antonetti.
Passée cette terrible première saison en enfer, notre berger corse reconstruit tant bien que mal le groupe dont il écarte le bouc Fouss au profit d’Oliveira associé à Hognon en défense centrale. L’ASSE reprend des couleurs et finit la 2e saison en L2 sur une belle série et à une (presque, ça reste de la L2) honorable 9è place.
Après cette saison blanche et sèche, Fouss hors des petits papiers et des grosses gueulantes d’Antonetti fait moins le Malien. L’entraineur ne le ressort du placard qu’une fois, sous la contrainte (absence d’Hognon et Hernandez) contre Troyes le 23 août 2003. Il compose une charnière Morestin-Diawara. Les Verts, 8èmes avant le match mènent 2/0 à l’orée du dernier ¼ d’heure. Le podium est en vue… Mais dénué de confiance, Fouss nous fait le coup de la coupable relance qui … relance les Aubois aux abois. Trois buts plus tard, les Verts voient ressurgir leurs vieux démons et Fouss est jeté aux oubliettes. Il ne connaîtra donc pas l’ivresse de la remontée. Maudit qu’on vous dit !
Prêté à Laval, Fouss retrouve la confiance d’un entraineur et sa place en défense centrale. Il joue -et bien selon les échos en provenance de la Mayenne- nous bat 2/0 en championnat et claque 3 pions en 20 matchs,
De retour de prêt, même sans Anto, l’ASSE désormais en L1 ne croit toujours pas en Fouss. La saison ressemble à une impasse, elle sera finalement son seul bonheur en 6 ans de contrat. Comme le veut la tradition (déjà bien installée par Potillon) le poste de latéral voit débarquer un supposé cador venu de loin, Garrido (digne successeur d’autres perles étrangères comme Bia ou Molnar), qui, après quelques apparitions navrantes, finit par laisser sa place au remplaçant supposé. L’homme de l’ombre chasse donc l’hombre. Garrido laisse sa place à Diawara qui cèdera la sienne à Diatta qui s’inclinera devant Dabo. Latéral remplaçant est définitivement un poste d’avenir à Sainté.
Fouss vit donc son premier et dernier bonheur à Sainté. Il forme associé à Camara, Hognon et Ilunga l’une des défenses les plus hermétiques de France. Janot en profitera pour rentrer dans l’Histoire en étirant une invincibilité longue de 1534 minutes (plus de 17 matchs) à domicile et les Verts, fringants promus, vont, même si c’est par la porte de derrière, savourer un retour mérité sur la scène européenne.
Chacun connaît la suite, la série verte ne passe pas l’automne, l’ASSE pêche par la CAN et plonge dans le ventre mou. La fin de saison est baclée par un groupe peu concerné dans son ensemble, entraineur compris et Fouss, sans doute déjà convaincu qu’il n’aura plus l’occasion de se parer de vert, fait une erreur de bleu en oubliant son maillot au vestiaire un soir de mistral perdant.
A défaut du maillot, Fouss endosse de nouveau le costume du bouc émissaire, responsable de la défaite et, soyons fous, de la plongée du club en cette fin de saison qui voient ressurgir les si nauséabondes et éternelles querelles intestines. Etrangement les nombreux maux stéphanois ne semblent devoir être gueris que par la résolution de la si cruciale question du latéral. Fouss, pour qui les mois d’août son meurtriers, est donc envoyé à la mine à l’issue d’une terrible relance contre Sochaux. En sacrifiant Fouss, le staff pense enterrer la frustration du peuple vert né de la fin de saison précédente. Quant au « vrai bon latéral » espéré pour remplacer le désigné maillon faible, Diatta, il a juste eu le temps de passer chez le coiffeur, pour se faire enlever sa teinture rouge et bleue avant d’être accueilli à bras ouverts. En clair on remplace l’un des plus fidèles serviteurs de la cause verte par un joueur de l’écurie honnie… Rigolez pas c’est avec votre pognon dirait l’homme à la salopette.
L’ex-vilain convainc plus le public stéphanois dans son rôle de Spartacus exhortant l’esclave à s’affranchir que dans son rôle de latégronde, alors GG râle (ou l’inverse). Malgré le piteux bilan de son successeur, Fouss n’a droit qu’à quelques rares (mais à chaque fois accomplies) apparitions en équipe première avec à la clé un but que ses supporters ont cru rédempteur contre Marseille en Coupe Moustache. Mais son heure est passée, son crédit définitivement épuisé et sans vague Fouss choisit l’exil hivernal à Sochaux. Hélas, dans le Doubs, il aurait dû s’abstenir, car il n’aura droit en une demi saison quà deux apparitions en équipe une.
Juin 2007, retour à la case départ pour Fouss qui entame sans illusion sa dernière année de contrat chez les Verts. Il devient un pilier de l’équipe réserve et ne joue que quatre bouts de matchs seulement en Pro avec une ultime apparition pour entretenir la légende d’un joueur au sommet de la poisse, son dégagement raté contribuant au but victorieux de Bordeaux début 2008.
Même l’espoir que les trois points laissés aux Girondins ce soir là leur permettent de devancer les Vilains en fin de saison, et offrent ainsi une inattendue rédemption à Fouss, semble devoir s’envoler…
Dans les derniers jours du mercato, laissé libre par le club, Fouss signe au Panionios d’Athènes, actuel 6e du championnat grec.
La dernière page est donc tournée. A l’heure des comptes, il n’est pas interdit de regretter qu’un club à l’ambition sportive aussi mesurée que ne l’est l’AS Saint-Etienne entre 2001 et 2008, n’ait pas su garder une place pour un joueur aussi exemplaire, certes pas génial mais toujours solide quand il a été en confiance, et parfait pour rendre service à un poste où personne ne s’est réellement imposé depuis 4 ans.
En d’autres temps, dans d’autres clubs, les Erik Sikora ou autres Gary Neville, anonymes latéraux ont été respectés et conservés au-delà de leur valeur sportive pour le supplément d’âme qu’ils conféraient au groupe, et plus largement à l’institution dont ils portaient les couleurs. Si l’ASSE a la prétention de rester une exception, un club à part dans le foot français, il devra sans doute mieux respecter les Fousseni Diawara de demain.
Fousseni Diawara a joué 83 matchs de L1 (3 buts) et 34 matchs de L2 à l’ASSE entre 2001 et 2008.