Dylan Saint-Louis nous raconte le terrible tremblement de terre qu'il a vécu dans le sud de la Turquie dans la nuit du 5 au 6 février avant d'évoquer un éventuel retour dans son club formateur, victorieux sous ses yeux contre Dijon dans le Chaudron samedi dernier.


Je viens de vivre en Turquie une expérience très difficile car à Hatay on a été une des villes les plus frappées par les tremblements de terre, une de celles où il y a le plus de décès. J’ai vécu de gros, gros moments de frayeur. Tout le monde était chez soi, ça a eu lieu en pleine nuit, il était 04h20. Moi j’avais la chance de ne pas dormir, j’étais éveillé à ce moment-là. J’ai pu essayer de me protéger comme je pouvais. Ça a été une sacrée secousse. Personnellement, j’habitais une villa de trois étages. J’étais à deux doigts qu’elle tombe sur moi.

Ça a été asse rude, assez choquant. Mais le plus important c’est qu’aujourd’hui j’ai encore mes deux bras, mes deux jambes et je n’ai pas de proches touchés car j’avais la chance que ma femme et mon fils étaient à Saint-Etienne quand j’ai vécu à Hatay ce séisme de 7,8 sur l’échelle de Richter. Dans la journée, ça a continué de bouger mais c’était moins puissant. La nuit d’après, ça a encore bougé… C’était très compliqué ! C’est tellement soudain, tellement puissant.

Comme tout me monde, j’ai été surpris et dans des cas comme ça t’as pas le temps de tergiverser. Il faut fuir la maison, il faut se cacher. Il faut survivre, quoi ! J’étais dans mon lit quand ça s’est produit, je ne dormais pas, je venais tout juste de raccrocher avec ma femme. J’habite un petit peu en hauteur et il y a énormément d’animaux aux alentours. Je les ai entendus hurler de peur, j’ai trouvé ça un peu bizarre. C’est eux qui m’ont prévenu que quelque chose allait se passer.

Et derrière, boum ! Le premier tremblement a été d’une violence assez incroyable, ça a duré 45 secondes. J’ai été secoué dans toute la chambre et tout le bordel, il m’a fallu 20 secondes avant de reprendre mes esprits. J’ai alors compris que c’était un tremblement de terre. Les vitres ont explosé, j’entendais dehors des bâtiments tomber, j’entendais des femmes et des hommes hurler. J’ai compris qu’il venait d’y avoir un sacré séisme et qu’il fallait que je sorte le plus vite possible de la maison car le plafond commençait à se fissurer au-dessus.

A vrai dire, je me suis vu mourir. Mon premier réflexe, ça a été d’appeler ma femme pour lui dire qu’il se passait quelque chose de fou et que j’allais peut-être y rester. Je voulais prévenir tout le monde. Dans ces moments-là, tu dis un peu au revoir. Ma femme m’a dit : « Mais cours, sors de la maison ! » Je me suis dépêché, j’ai pris, les premiers trucs que j’avais sur moi, les premières chaussures et je suis sorti.

Ensuite, bon ben pas de chance, à peine sorti ça retape et je suis dans le noir. Toute la ville était plongée dans l’obscurité car il n’y avait plus d’électricité. Je suis resté une heure et demi tout seul dans le noir, ça m’a paru une éternité. Heureusement mes amis et compatriotes français de l’équipe ont réussi à me retrouver et à venir me chercher. Moi j’habitais un peu seul, eux étaient de l’autre côté de la ville. Quand ils se sont rejoints et qu’ils ont vu que je ne répondais plus, ils sont venus en catastrophe chez moi. J’étais bien vivant, j’essayais d’appeler mais il n’y avait plus de réseau.

Après, on a vécu deux jours comme à la guerre. On était au club, on s’occupait des femmes, des enfants. On sortait du club, on prenait des risques mais on était bien obligé, il fallait nourrir les femmes et les enfants. Tout le monde était sorti en catastrophe donc il n’y avait pas de couche, rien du tout. On fait le maximum. Notre coach a été très grand dans cette situation, il a réussi à avoir un vol privé pour l’équipe et pour les familles, du coup on est allé à Istanbul. Et de là je suis rentré en France.

Le directeur technique de Hatayspor et mon coéquipier ghanéen Atsu n’ont toujours pas été retrouvés, huit jours après le séisme. Ça commence à être vraiment critique…J’ai beaucoup d’amis sur Hatay qui ont perdu des membres de leur famille. C’est terrible, beaucoup de gens sont frappés. Un intendant du club est décédé, ça nous a été confirmé. Ça fait mal à tout le monde. C’est effarant de constater qu’en quelques secondes t’as des milliers de vies qui sont anéanties.

Je mesure la chance d’en être sort indemne et depuis que je suis rentré en France je profite de mes proches, à Sainté comme à Paris. Je n’oublierai jamais ce que je viens de vivre mais Dieu merci, j’en suis sorti vivant. Il va falloir continuer à avancer. Quand un truc pareil se produit, ça te fait réfléchir sur pas mal de choses. Bien évidemment le championnat turc a été suspendu et reprendra le 6 mars. Mais pour Hatayspor et un autre club, la saison est terminée. La ville est décimée, c’est impossible d’y jouer et d’y dormir. Hatayspor ne jouera plus cette saison et sera toujours en Super Lig la saison prochaine.

Les joueurs qui sont sous contrat la saison prochaine ont la possibilité d’être uniquement prêtés pour ensuite revenir. Pour les joueurs dans mon cas, en fin de contrat cette saison, ils vont prendre une décision sans doute dans les prochains jours. Logiquement, on devrait être libérés directement et en mesure de nous engager n’importe où et sur plusieurs années. Je pense que le FIFA va acter ça sans trop tarder vu la situation.

Le meilleur moyen d’oublier un peu ce qui vient de se passer, c’est de se replonger dans le boulot. J’en ai discuté avec d’autres joueurs amis dans le même cas que moi, on cherche tous une porte de sortie assez intéressante mais on est obligé d’attendre les décisions de la fédération. J’espère retrouver le plus vite possible les terrains et la vie normale. J’espère retrouver sans tarder un projet, le rectangle vert me manque d’autant plus que j’ai peu joué cette saison.

Alors que j’avais joué 35 matches de Süper Lig la saison passée, je n’en aurai disputé que 8 cette saison. Je paye un peu les pots cassés de ma situation contractuelle. En fin de saison dernière, je devais quitter le club, j’avais des offres en Arabie qui m’intéressaient vraiment. Le club était au courant de ça, attendait que ça se concrétise mais au final ça n’a pas abouti. Cela a refroidi nos relations. Il y a eu des retards de paiement, j’ai eu une petite embrouille avec le club.

On m’a fait comprendre qu’on ne comptait plus trop sur moi ma dernière année de contrat. Alors que ça se passait très mal pour l’équipe sur le terrain et qu’on était en bas de tableau, on ne m’a quasiment jamais donné ma chance. On ne m’a pas dit les choses en pleine face mais je ne suis pas dupe. Si les joueurs devant moi avaient été très performants, à la limite j’aurais pu comprendre que je me retrouve sur le banc ou hors du groupe. Mais là…

Depuis que je suis rentré en France après les tremblements de terre en Turquie, j’ai eu plusieurs sollicitations de types différents : des trucs plutôt axés sur le projet sportif, d’autres axés sur le financier. Quand tu mets le pied en Turquie, ça ouvre certaines autres portes. Pour l’instant, j’ai un peu de tout, des sollicitations émanant de nombreux pays. Pour ce qui est de la France, on n’a pas fait le tour, tout le monde ne m’a pas appelé. Mais ce qui est sûr, c’est que Saint-Etienne et Metz m’ont manifesté leur intérêt.

Ce week-end, j’étais à Sainté donc j’en ai profité pour voir le club et j’ai assisté à la victoire contre Dijon. De fil en aiguille, forcément, on a eu des discussions, des trucs. Forcément, c’est quelque chose qui peut arriver. On verra ce qui va se passer. Metz a aussi appelé. Il y a d’autres clubs français qui sont sur moi mais je n’en pas encore bien discuté avec mes agents. Après, il y a aussi des sollicitations de l’étranger. Très franchement, je ne sais pas encore où je vais aller.

Bien sûr, je reçois beaucoup de messages et de supporters par rapport à Saint-Etienne. On verra comment ça se passe mais oui, il y a le petit côté du cœur du côté de Saint-Etienne. Je ne vais pas m’avancer, on ne sait jamais ce qui peut arriver, mais dans ma tête, si je reviens en Ligue 2, ce sera plutôt à Saint-Etienne. Même si à l’heure actuelle, ce n’est hélas pas un club qui joue la montée. L’objectif des Verts présentement est tout autre, mais ça reste mon club formateur, ma ville donc… A voir !

Avec Saint-Etienne, ça n’a pas encore discuté chiffres mais ça ne saurait tarder je pense. Dans les prochains jours, ça devrait arriver et surtout, on attend que la fédération turque parle des joueurs dans mon cas qui sont en fin de contrat. C’est un micmac, c’est un peu un schmilblick mais au final tout devrait s’emboiter assez rapidement. Vu la situation, je pense que j’aurai incessamment sous peu la possibilité de m’engager avec n’importe quel club dès cette saison.

C’est vrai que je n’ai pas le même profil que Gaëtan Charbonnier, j’aurais préféré jouer avec lui que sans lui. C’est un mec que j’ai souvent croisé et affronté, il adore les combinaisons et tout. Moi, c’est exactement ça aussi. Je pense que ça aurait matché. Avec le coach Batlles, on n’a pas encore discuté du rôle que j’aurai ou que je n’aurai pas. Mais ce qui est sûr, c’est que la Ligue 2, moi je la connais sur le bout des doigts. Je peux bien sûr apporter à cette équipe car j’ai joué à un niveau beaucoup plus haut. En arrivant, c’est sûr que je vais apporter quelque chose.

Maintenant, c’est vrai que j’ai un profil différent de celui de Gaëtan. Il faut voir où t’es positionné et déjà si ça signe au club ou pas. Très franchement, de ce que j’ai vu, ça m’a l’air d’être un groupe qui vit plutôt pas mal. Après, de la tribune, j’ai quand même perçu un petit manque de confiance. On voit qu’il y a encore un peu d’hésitation dans le fond de jeu collectif.  Mais ça commence à sentir bon. En plus t’as le public qui revient, qui commence à pousser. Il y a vraiment tout pour se maintenir. Après, on verra ce qui se passera et on verra surtout si j’en ferai partie ou pas !

Ce match contre Dijon m’a permis aussi de revoir mes anciens coéquipiers troyens qui défendent aujourd’hui les couleurs de l’ASSE. J’ai discuté un peu avec Dylou [Chambost, ndp2] de sa situation. C’est sûr que ce n’est pas évident pour lui et pour Jimmy car en début de saison il avait pas mal de temps et depuis quelques matches ils n’en ont plus. C’est le foot, parfois tu traverses des périodes un peu compliquées. Il ne faut pas oublier que Jimmy et Dylan font partie du onze qui a font monter Troyes. Ça reste des bons joueurs, je pense qu’on aura besoin de tout le monde pour se maintenir.

J’aimerais retravailler avec le coach Batlles, c’est une réalité. Ça fait partie de mes envies, et ça ne date pas d’aujourd’hui. A la base, je ne voulais pas partir de Troyes quand on est monté. Mais parfois, pour certaines raisons, t’es obligé de partir. Derrière, signer à Sainté quand il y est revenu cet été, même s’il y a l’envie, il y a une réalité financière qui rendait les choses impossibles. Aujourd’hui, par la force des choses, on voit que la donne a sans doute changé, ça devient peut-être possible de collaborer à nouveau. Il faut qu’on s’assoit, qu’on discute de plusieurs choses. Avec des efforts de chaque côté, ça peut le faire sans doute.

On verra mais après ce qui vient de se passer, tu réfléchis. Tu vois peut-être les choses d’une manière différente. Tu ne vas peut-être pas aller n’importe où, tu veux peut-être privilégier les endroits où tu te sens en sécurité, dans des pays stables. A voir… Je pense que l’ASSE a des possibilités de faire des efforts financiers pour faire signer des joueurs, on l’a vu lors de ce mercato d’hiver. Bien sûr, je n’aurai pas ce que je touchais en Turquie car c’est énorme, c’est complètement démesuré pour de la Ligue 2. Sainté peut faire des efforts, moi aussi car j’ai conscience que le club ne peut quand même pas dépasser certains plafonds.

Il y aura une discussion, le truc c’est que ça va être un petit la guerre entre tous ces petits clubs comme Metz et tous les autres qui vont rentrer dans la danse. Mais quitte à retourner en France, autant que ce soit à Sainté. C’est logique, j’ai quasiment la moitié de ma famille à Sainté, j’ai été formé à l’ASSE et en plus de ça les Verts ont un coach avec qui j’ai déjà travaillé et avec lequel ça a super bien marché. Tous les voyants sont au vert mais les autres clubs le savent donc ils vont jouer sur d’autres points : le classement, la monté en Ligue 1, etc.

Merci à Dylan pour sa disponibilité