Olivier Lagarde, qui a entraîné Matthieu Dreyer les quatre dernières saisons, nous présente le nouveau gardien des Verts.


Olivier, tu connais très bien le nouveau gardien des Verts…

En effet, on a travaillé les quatre dernières saisons ensemble. Avec l’accord de Christophe Pélissier, je l’ai fait venir à Amiens puis je l’ai fait venir à Lorient. Je l’ai fait venir car c’est un très bon gardien de team, moi j’appelle ça la "team gardiens". Matthieu n’a pas joué en L1 lors de ses deux saisons à Amiens mais il a fait de bons matches en Coupe. A Amiens, Régis Gurtner était numéro un en championnat. Avec Christophe Pélissier, on avait fait venir Matthieu car on voulait un gardien d’expérience pour accompagner Régis. Ils se connaissaient déjà car ils sont tous les deux de Strasbourg. Ça a été une super team, ils s’entendaient super bien et sont devenus très amis. A Lorient on l’a fait venir car Paul Nardi allait découvrir la Ligue 1 en tant que numéro un après sa montée. Matthieu accompagné les deux jeunes de notre team gardiens.

Matthieu, c’est quelqu’un qui aide le numéro un à s’épanouir et surtout qui répond présent quand on en a besoin. C’est un gardien qui "ne fera pas lever les foules" comme on dit dans le jargon car il est sobre, il ne cherche pas le geste pour les caméras, pour la photo. C’est quelqu’un de très humble, de très intelligent. Il fait des études en parallèle de sa carrière de footballeur et les mène très bien d’ailleurs. Il passe une licence pro en marketing sportif. Matthieu ne cherche pas à briller, il cherche vraiment à remplir l’esprit collectif et répond présent à chaque fois qu’on fait appel à lui que ce soit à Amiens et à Lorient, où il aura d’ailleurs largement contribué au maintien. Il a d’abord suppléé Paul Nardi quand ce dernier a été malade et a eu le Covid. Et la saison dernière, il lui a succédé en début février quand le coach a décidé de le mettre en numéro un. Il a alors fait 7 clean sheets en 16 matches, ce qui est vraiment énorme pour une doublure, qui plus est dans un club qui joue le maintien. Seule la doublure de Rennes a fait aussi bien que lui en termes de statistiques.

Comme je l’ai dit à Jef Bédénik, pour moi Matthieu est le gardien idéal pour Saint-Etienne pour cette période-là de l’histoire de l’A.S. Saint-Etienne pour aider les deux jeunes gardiens à grandir. Il y a de la qualité à ce poste à Saint-Etienne, il y a deux excellents jeunes gardiens. Matthieu est le garçon idéal pour le projet actuel de Saint-Etienne, que ce soit pour les gardiens comme pour le groupe. Matthieu est en effet quelqu’un de très mature, il connaît très bien le football. Il a souvent été dans des clubs qui ont joué le maintien ou des montées. A chaque fois, il a répondu présent.

Que peux-tu nous dire sur son état d’esprit, sur sa personnalité ?

Sous des dehors un peu tranquilles, c’est quelqu’un de très compétiteur. Il a très bon état d’esprit car il prend à cœur sa mission d’accompagnement des jeunes. Il leur donne de bons conseils, tant sur un plan sportif que sur le reste comme la gestion de l’environnement, des medias, etc. C’est pour ça qu’il est vraiment l’homme qui tombe à pic pour accompagner les deux autres gardiens de Saint-Etienne, qui sont très bons mais jeunes. Moi j’aime beaucoup Etienne Green et j’apprécie aussi le tout jeune Noah Raveyre, qui a fait son baptême du feu samedi dernier à Geoffroy-Guichard. L’arrivée de Matthieu va les aider à poursuivre leur progression. Je pense qu’ils vont se régaler avec lui tant humainement que sportivement.

Matthieu Dreyer portera le numéro 1 à l’ASSE. Est-ce à dire qu’il a vocation à être titularisé dans les cages stéphanoises une fois qu’Etienne Green aura purgé sa suspension ?

Déjà, ce n’est pas à moi de décider, c’est à Laurent Batlles après concertation avec Jef Bédénik. A Lorient, il avait également le numéro 1 car Paul avait choisi un autre numéro. A Sainté, Etienne a pris le 42. Quand tu t’appelles Etienne Green et que tu joues à Saint-Etienne, tu vas au bout du truc, tu prends forcément le 42 ! (rires) C’est vrai que Matthieu a souvent eu le numéro 1, il l’a eu aussi à Troyes mais je crois que c’est Vercoutre qui portait ce numéro quand Matthieu était à Caen. Peu importe le numéro que tu as sur le maillot finalement.

Ce qui est sûr, c’est que Matthieu n’arrive pas dans l’inconnu. Il a quand même joué les 16 derniers matches de la saison dernière en L1. Cette saison il n’y a que 3 journées déjà passées en L1, 4 en L2. Je sais que Matthieu a fait une bonne préparation avec Lorient, il a eu un petit peu de temps de jeu lors des matches de préparation. Il n’arrive pas sans repère si Laurent et Jef décident de le faire jouer dès samedi à Valenciennes. Je sais que Matthieu répondra s’il joue. Je me répète, Matthieu est surtout quelqu’un de bien pour l’ASSE dans le projet actuel. Je pense que Jef Soucasse et ses équipes ont fait un bon choix.

A quand remonte tes échanges avec Jef Bédénik au sujet de Matthieu ?

Je ne te dévoilerai pas la date de nos premiers échanges par respect pour tout le monde mais bien sûr on a discuté avec Jef. Je suppose que mes dires ont dû lui plaire ! (rires) Jef s’est renseigné, c’est normal, il a fait son boulot. J’ai dit en toute franchise ce que je pensais de Matthieu et c’était ensuite aux décideurs stéphanois de faire un choix. Je suis content aussi bien pour le joueur que pour Jef et sa team. Comme j’ai dit à Jef, "je ne vais pas te dire des choses pour quand dans deux mois tu m’appelles pour me dire que je me suis trompé !" (rires)

Tu sais, on se connait un peu tous dans le monde des entraîneurs de gardiens. J’ai par exemple de très bonnes relations avec Jérémie Janot qui m’avait longuement parlé d’Etienne Green depuis longtemps. Je ne suis pas du tout surpris de ce que j’ai vu de son début de carrière, maintenant c’est à lui de poursuivre son développement, de continuer à grandir et à progresser sous la houlette de Jef et avec l’aide de Matthieu. Je pense qu’Etienne est un gardien d’avenir et que pas mal de gardiens français ont dû être soulagés quand ils l’ont vu choisir la sélection anglaise ! (rires) Avant même qu’Etienne fasse ses débuts en pro, Jérémie m’avait dit : « Suis Etienne, on ne sait jamais ! »

Quelles sont les caractéristiques fortes de Matthieu Dreyer à ce poste de gardien ?

Déjà c’est son grand calme, sa grande expérience. Matthieu, c’est surtout quelqu’un qui supporte grandement la pression. Il a un jeu au pied très bon, largement au-dessus de ce qui se fait en Ligue 1. Après, la valorisation de cette qualité dépend des attentes des coaches avec qui il joue, des demandes tactiques. La grosse force de Matthieu, franchement, c’est son mental. Comme il n’a pas la pression, Matthieu est souvent décisif à des moments importants pour un club et pour une équipe.

Avec Amiens, on l’a vu faire de bons matches en coupe alors qu’il ne jouait pas en championnat. J’ai notamment en souvenir un match à Rennes où il n’avait pas pris de but en 120 minutes face à une très belle équipe. Il nous a permis de gagner des matches importants la saison dernière. Plus on joue à ce poste, plus on gagne de certitudes dans le jeu aérien et dans sa position avancée sur le terrain. On le voit avec Etienne qui s’’est fait expulser comme ça contre Le Havre, dans la gestion de la profondeur. Matthieu est un gardien intelligent et expérimenté donc peut-être qu’il ne prendra pas les risques que prennent certains gardiens aujourd’hui pour éviter l’expulsion.

Je trouve que Matthieu a bien progressé. Les supporters stéphanois ne doivent pas s’attendre à voir un Jérémie Janot bondissant et tout ça comme il y a souvent eu de très bons gardiens à Saint-Etienne. Ce serait quand même prendre un gros exemple mais dans son style de jeu il se rapproche plus d’un Stéphane Ruffier que d’un Jérémie Janot ou d’un Greg Coupet. En fait Matthieu a son propre style. Les gens pensent qu’il est nonchalant mais il ne l’est pas du tout car c’est un gros compétiteur. Mais il dégage de la tranquillité et de la sérénité, ça lui permet d’être imperméable à la pression.

Matthieu fait une très, très bonne analyse de ses matches. A la fin du match on analysait rapidement sa prestation et on faisait un montage le lundi, il était souvent d’accord avec moi. On dialoguait beaucoup. C’est quelqu’un qui aime savoir pourquoi on lui demande de jouer comme ci, pourquoi on lui demande d’être comme ça. Après, une fois qu’il a compris, Matthieu répond aux attentes. S’il doit rentrer à la 60e sans échauffement, il est de suite dans le match.

Sa capacité à résister à la pression sera appréciée à l’ASSE, qui est actuellement dans une situation hyper compliquée au grand dam de ses nombreux supporters partagés entre colère et tristesse.

Elle est hyper compliquée mais il n’y a eu que quatre journées. Y’a la perception de l’extérieur et ce qui se passe à l’intérieur. J’ai lu ce mardi l’interview de Jef Soucasse que je connais bien, on a été à l’école ensemble. Pour bien connaître Jef, je ne pense pas qu’il raconte de fadaises. Il contextualise les choses, il explique bien que le club est sain financièrement. Après, on sait que c’est Saint-Etienne. C’est une pression populaire, une pression médiatique. L’ASSE, c’est un peu comme l’OM et le PSG, ça fait vendre. C’est pour ça que je pense sincèrement connaissant Matthieu que c’est le gardien qu’il fallait à ce moment à Saint-Etienne pour aider l’équipe et le club.

S’il joue à Valenciennes, il ne va pas penser à ça, il va jouer comme quand il jouait à Sochaux, Troyes, Caen, Amiens ou Lorient. Il va jouer pour aider l’équipe, le projet du club. Les gens qui auront l’occasion de côtoyer Matthieu s’apercevront en outre que c’est quelqu’un qui s’intéresse à beaucoup de choses, qui n’est pas focus football, et ça l’aide aussi. Matthieu aime la vie, il se renseigne beaucoup sur le vin, sur la région qu’il va découvrir. Le fait de ne pas penser qu’au ballon l’aide beaucoup avant les matches à pression et ça lui permet aussi d’aider les jeunes à s’aguerrir. C’est bien d’avoir d’autres centres d’intérêt que le football, c’est salutaire parfois de s’en échapper un peu, surtout à Saint-Etienne ! (rires)

Matthieu a 33 ans. Penses-tu qu’à cet âge-là on peut encore apprendre et progresser on qu’on joue plutôt sur ses acquis et son expérience ?

Sous ses airs nonchalants, Matthieu est quelqu’un qui cherche à progresser. On s’est bien régalé lors de notre collaboration pour satisfaire son envie de progresser. On a fait du yoga, on a fait du neurotracker. Matthieu a toujours cherché à progresser. Il ne m’a jamais dit : « coach, j’ai 33 ans, c’est bon ! » Non, justement. Je vais te donner une anecdote tout con. Il a gagné 8 mètres sur sa position du terrain en match la saison dernière. Matthieu était trop bas et à force de lui expliquer l’importance de la gestion de la profondeur, il a gagné 8 mètres, ce qui est énorme. Avec le coach Christophe Pélissier, on lui avait demandé de jouer plus haut. Il l’a très bien fait alors qu’il n’avait pas cette habitude auparavant.

Elle est loin d’être con ton anecdote !

Merci (rires). Matthieu, c’est quelqu’un qui cherche constamment à progresser. Il suffit de lui expliquer, de faire œuvre de pédagogie. « On fait ça, ça va amener ça au groupe, ça va t’amener ça à toi, ça te permets d’enrichir ta palette. » Matthieu est quelqu’un de réceptif. Je ne dis pas qu’il va forcément réussir du premier coup, il faut être honnête, mais il fait tout ce qu’il faut une fois qu’il a compris pour mettre en place ça en match et pour aider.

Il a encore des axes de progression ? Si oui, lesquels ?

On a toujours des axes de progression. A tout âge et quel que soit ton niveau. J’ai lu récemment une interview de Hugo lloris, il le disait aussi. Le foot va tellement vite, notre poste évolue tellement vite… C’est le poste qui a évolué le plus ces dernières années et c’est le poste qui doit s’habitier le plus aux nouvelles envies des coaches. Le gardien qui se repose sur ses lauriers, qui s’endort sur ce qu’il sait faire, il va vite être rattrapé par la patrouille. Je ne te dirai pas quels sont les axes de progression de Matthieu. Il les connaît, il en est conscient. Je ne vais pas t’en dire plus car ça aiderait les futurs adversaires des Verts. Comme je connais bien Poteaux Carrés et que je sais que le site est très lu, ce serait dommage d'en dire plus, non? (rires) Ton intérêt, c’est que le club remonte en Ligue 1 et que les gardiens y contribuent, je me trompe ? (rires)

Non ! (rires)

Par contre je peux t’assurer que c’est un gardien assez complet. Il fait de bons arrêts sur sa ligne, je trouve qu’il est très dans la vivacité des pieds, c'est-à-dire la vitesse des membres inférieurs dans notre langage des gardiens. Il a surtout une faculté rapide à adapter ses membres à la situation qui se présente à lui. Je t’explique. Ce que je dis à mes gardiens, c’est qu’un arrêt du pied compte comme un arrêt de la main. Matthieu à cette capacité à vite prendre l’information pour adapter son intervention, soit d’un arrêt du pied, soit s’il a le temps de descendre d’un arrêt de la main. Contre Monaco il nous sort deux supers arrêts du pied, contre Marseille pareil. C’est quelqu’un qui a drôlement progressé là-dessus, dans la prise d’information du déroulement de l’action.

Plus globalement, je trouve que Matthieu est devenu plus exigeant avec lui-même et avec ses coéquipiers. Auparavant, je lui reprochais d’être top gentil avec ses coéquipiers. C’est pour ça qu’il ne faut pas se fier aux apparences. On ne dirait pas ça comme de prime abord quand on regarde Matthieu mais c’est un gros compétiteur.

Sans faire offense aux clubs qu’il a connus jusqu’alors dans sa carrière, Matthieu va découvrir un club très populaire qui génère beaucoup de passion. Tu le vois s’imposer dans ce nouvel environnement ?

Je pense vraiment qu’il va répondre présent. Comme je le lui ai dit encore hier, je crois qu’on fait ce sport pour jouer dans de telles ambiances tous les quinze jours, que ce soit à Saint-Etienne, Lens Marseille ou Dortmund. Bien sur la période actuelle est un peu particulière à Geoffroy-Guichard avec ces matches à huis clos mais d’ici quelques semaines le Chaudron redeviendra un Chaudron. Qu’on soit joueur ou entraîneur, on rêve tous de vivre tous les quinze jours cette ferveur, cette ambiance. Je sais que Matthieu aime particulièrement ce stade et que cette ambiance va le transcender mais dans son style à lui, sobre et pas explosif.
Je sais que Matthieu va aimer Sainté et il a bien raison !

Je suis vraiment très heureux qu’il vive cette nouvelle aventure chez les Verts, il le mérite amplement ! Matthieu est vraiment très content. Même s’il arrive sur sa fin de carrière, c’est beau de signer à Saint-Etienne. Certes les Verts sont derniers de Ligue 2 actuellement. Mais Saint-Etienne ça fait toujours rêver, Saint-Etienne ça reste Saint-Etienne. C’est comme quand l’OM était descendu en Ligue 2, comme quand le Racing Club de Strasbourg jouait en National. Ces clubs-là dégagent quelque chose, même quand ils ne sont pas dans l’élite ils ne laissent personne insensible. Les Verts, tu ne peux pas ne pas les aimer. Matthieu aura à cœur d’aider le club à remonter la pente. Je vais encore plus regarder les Verts du coup, même si j’ai déjà vu en entier leurs quatre premiers matches de la saison.

 

Merci à Olivier pour sa disponibilité