Consultant pour le diffuseur de la L2 BeIN Sports, Robert Malm est chaque semaine au micro pour commenter les prestations des hommes d'Eirik Horneland. Et malgré la dynamique récente, l'ancien goleador voit les Verts dans le duo de tête en mai prochain.


Poteaux-Carrés : Robert, tu passes quasiment ta vie avec les Verts depuis un peu plus de 3 ans ?

Robert Malm : Oui ! On fait quasiment tous les matchs des Verts ! Il y a pire comme destination ! Etre à Geoffroy-Guichard un week-end sur deux est un grand plaisir !

P2 : Quelle version de Sainté te plaît le plus entre celles de Laurent Batlles, d'Olivier Dall'Oglio ou d'Eirik Horneland ?

RM : Je dirais qu'aujourd'hui, avec Eirik Horneland, l'équipe est plus armée pour faire face à ce championnat de Ligue 2. La première année avec Laurent Batlles, il avait fallu digérer la descente, le départ avait été très mauvais avec notamment ce match invraisemblable perdu face au Havre, dans un stade à huis clos. Il y a eu du mieux sur la fin de saison, mais ce fut trop tardif. Laurent a ensuite bien commencé la deuxième saison mais on se rappelle de ces 5 défaites qui ont plongé les Verts hors du top 5. Olivier Dall'Oglio est arrivé pour connaître la fin heureuse qu'on connaît. Avec Laurent il a manqué un petit quelque chose. Olivier a pu bénéficier aussi de l'arrivée d'Irvin Cardona. Individuellement, il a été monstrueux. On avait un Larsonneur impérial, un Nadé retrouvé ... ça leur a permis de retourner des situations comme face à Bordeaux avec ce doublé de Cardona.

Ou encore le match en barrages à Metz avec ce but de Wadji, qui a été absent les trois quarts de la saison et qui te marque le but de la montée.

P2 : Un parcours qui montre que ce n'est jamais facile de s'extirper de cette Ligue 2.

RM : Disons que ça a été le cheminement "normal" pour un club comme Saint-Etienne. Le début raté de la première saison a fait capoter les chances de remonter directement. Ensuite, je ne dirai pas que Sainté a bien fait de se séparer de Laurent Batlles, mais il fallait faire quelque chose et généralement la première chose qu'on fait c'est de virer l'entraîneur. Et Olivier Dall'Oglio a apporté autre chose, une autre façon de faire. Mais en même temps, est-ce que Sainté était prêt à monter à ce moment-là ?

P2 : Vu la saison en L1 derrière, la question se pose en effet. Une saison où Eirik Horneland n'a pas permis aux Verts de se maintenir. Comment juges-tu le coach des Verts, son adaptation à ce championnat inconnu pour lui ?

RM : Je trouve qu'il s'adapte très bien. On sent un effectif plus armé pour la L2 que ceux qu'ont pu avoir Laurent et Olivier. Tous les deux n'avaient pas la profondeur de banc d'Horneland. Les joueurs savent ce qu'il faut faire, mettent de l'intensité. Techniquement, c'est très fort. Même si face au Mans, ça a été une catastrophe avec beaucoup de déchet, on voit que quand les Verts font les choses bien, ils sont dangereux. Je ne vais pas dire inarrêtables, mais presque.

Eirik Horneland a une méthode de travail, des principes de jeu. J'ai l'impression que les joueurs adhèrent à 100%. La saison dernière, paradoxalement, je pense que l'effectif était moins armé que celui de cette année. Après, je me trompe peut-être, mais est-ce que cette descente n'est pas un mal pour un bien ? Repartir en L2 avec des résultats, un stade plein, une ambiance, une atmosphère ... plutôt que d'avoir un peu de moins de monde en L1, des résultats en dents de scie. Entamer un nouveau projet, un nouveau cycle ... peut-être que cette descente devait avoir lieu.

P2 : Faut-il encore remonter maintenant !

RM : Alors oui, Saint-Etienne n'est pas en tête à la 10e journée. Mais le championnat n'est pas fini. Oui, Saint-Etienne a perdu deux matchs de suite à la maison, c'est vrai. Maintenant, il faut juste être patient, pas non plus faire n'importe quoi. Moi, je reste persuadé que Saint-Etienne sera dans les deux premiers à la fin, parce qu'il y a de la qualité, tout simplement. Regarde face au Mans, si Davitashvili met son but après 40 secondes, ce n'est plus le même match. Il faut analyser cela, ne pas tout jeter par la fenêtre sous prétexte que Saint-Etienne a la meilleure équipe, le plus gros budget ... Les Verts ont montré à plusieurs reprises qu'ils étaient capables de dominer et gagner des matchs.

P2 : Donc, pas de panique pour toi ?

RM : Non, laissez le coach bien bosser ! Il faut aussi que les blessés importants reviennent, parce que Chico Lamba a quand même manqué ce week-end, sans faire offense à Ferreira ou aux autres. Encore une fois, il faut prendre le temps.

P2 : Tu n'as pas l'impression que les Verts deviennent prévisibles, attendus ?

RM : Mais chaque adversaire est lisible pour chaque adversaire. Aujourd'hui, on diffuse tous les matchs. Les équipes ont des logiciels pour pouvoir voir les matchs de toutes les équipes. Evidemment que les adversaires n'ont pas envie de se faire marcher dessus. Et oui, quand les joueurs viennent à Geoffroy-Guichard et jouent devant plus de 35 000 personnes, il y a le petit supplément d'âme qui peut apparaître. En Ligue 2, pour certains, c'est leur match de Champions League. Donc oui, Saint-Etienne est peut-être plus lisible, mais il faut trouver le petit truc pour surprendre l'adversaire. Et si Saint-Etienne doit connaître un petit trou d'air sur la saison, peut-être vaut-il mieux l'avoir là que de l'avoir dans le money time, quand il va falloir batailler pour aller chercher la montée.

P2 : Tu évoques la pression de Geoffroy-Guichard, elle fonctionne aussi à double sens, pour ceux qui portent le maillot Vert.

RM : Quel joueur n'aimerait pas jouer dans ces ambiances-là ? Et si en plus, tu portes le maillot vert, alors ça ne doit pas être une peur, ça ne doit pas être un frein, ça doit être une force. C'est quelque chose qui doit vous transporter. Quand l'adversaire vient à Saint-Etienne, il doit être inquiet, se demander à quelle sauce il va être mangé. Maintenant, chacun vient aussi avec sa force pour poser des problèmes aux Verts. A eux de trouver les solutions. Saint-Etienne doit être sûr de sa force. Et quand ça fonctionne, quand les joueurs atteignent le niveau requis, ça donne de très beaux matchs comme face à Reims, qui a été pour moi une rencontre de qualité Ligue 1, ou comme face à Rodez.

P2 : Il faut dire en effet que les Verts possèdent une attaque de feu, avec des joueurs dont le potentiel est au-dessus de la L2.

RM : Oui j'apprécie beaucoup Lucas Stassin. Je lui ai parlé l'autre jour en lui disant que j'aimais sa manière dont il se déplace, se créé des espaces. Alors parfois, il n'est pas servi et ça donne l'impression qu'il ne fait pas un bon match. Dans certaines rencontres comme à Boulogne, il n'a pas été avare d'efforts. Mais il ne faut pas regarder que le plan comptable, je regarde aussi les appels, les décrochages, sa participation au jeu, en permettant à d'autres de marquer ...

P2 : Lucas qui semble un peu en dedans depuis deux matchs. Tu penses que le transfert avorté de cet été tourne toujours dans la tête ?

RM : Non, il est passé à autre chose. Il est revenu, a changé de numéro histoire de rentrer à 200% dans le projet ASSE. Le club a besoin de lui. Oui, peut-être qu'il est un peu moins bien ces 2 derniers matchs, mais ça reste un top joueur. Toutefois, il faut que derrière lui ça fonctionne aussi. Il faut créer des automatismes. A ce jeu-là, Eirik Horneland a des problèmes de riches car il peut tester tellement de combinaisons. On peut voyager avec un groupe comme celui de l'ASSE ! Alors, oui, il peut y avoir des coups de moins bien, mais c'est quelque chose qu'il faut savoir assumer.

P2 : Je m'inquiète de te voir parler à Lucas Stassin, Robert. Toi qui as connu 14 clubs différents, je n'ai pas envie que tu lui donnes le goût du voyage !

RM : (rires) Pas d'inquiétude ! Je ne vais pas lui demander de partir ! Tu sais, bouger toutes les années, ça n'a pas toujours été de ma volonté !

P2 : Tu n'as jamais envisagé de poser tes valises à Sainté ?

RM : Si bien sûr ! J'aurais dû signer ! L'occasion s'est présentée lors de la saison 2002-2003. Il y avait même eu ma photo en Une de But Saint-Etienne à l'époque. C'était vrai, je devais venir et signer à Sainté. J'étais OK. Pour te dire, lors de la remise des Oscars du Foot, j'étais dans la chambre des Stéphanois ! Avec Pat' Guillou et toute la clique. Tout le monde était au courant, ils m'avaient souhaité la bienvenue ! Et finalement, je ne sais pas pourquoi mais je n'ai plus eu de nouvelles et c'est finalement mon cousin, Mickaël Dogbé qui a signé à Sainté. Et moi je fais le chemin inverse, je vais à Grenoble.

P2 : La tuile ... parce que sans faire offense à ton cousin, il a été un peu moins prolifique que toi face au but !

RM : Je pense que ça aurait été un joli mariage entre les Verts et moi. J'ai souvent joué face aux Verts ...

P2 : Et tu as marqué 4 fois !

RM : Il y en a deux avec Lorient ... Un avec Wasquehal. Et le dernier ?

P2 : Juste avant Lorient. En octobre 1996.

RM : Ah, avec Saint-Brieuc !

P2 : Tu avais égalisé à la 83e minute

RM : Oui, Sainté menait 2-0 chez nous avec un doublé de Samba Ndiaye. Et c'est moi qui égalise face à Greg Coupet, avant qu'il ne parte pour Lyon. Il y avait Sagnol et Papus Camara aussi chez les Verts. Je me souviens bien de ce match, j'entre en cours de jeu et on fait basculer la rencontre. Je touche le poteau de la tête juste avant et j'égalise ensuite. Et avec Lorient, c'était juste avant la trève non ?

P2 : En décembre 1997 en effet, avec un très beau but d'ailleurs.

RM : Oui je lobe Jérôme Alonzo sur un ballon d'Ali Bouafia, qui me fait encore la passe sur le 4e but. 

P2 : Et tu tapes la barre sur un ciseau !

RM : Ah oui, c'est vrai ! Je me demande si ce n'était pas l'un des premiers matchs de Pierre Repellini ?

P2 : Il avait fait son retour sur le banc en début de saison. Et ce match à Lorient marque le rachat du club par Alain Bompard quelques jours avant. Dans ton équipe lorientaise, on retrouve Stéphane Pédron qui fera le bonheur de l'ASSE peu de temps après.

RM : Et qui avait marqué sur coup-franc !

P2 : Et avec Wasquehal, c'était un peu plus tard, en août 2001

RM : Je marque d'une volée du pied gauche face à Dominique Casagrande.

Dans l'équipe, il y avait Gilles Leclerc, passé par l'ASSE, et Geoffrey Dernis, qui allait passer par Saint-Etienne. Je me souviens bien de ce but.

P2 : Tu devances Giovanni Bia, qui n'a pas laissé de grands souvenirs chez nous !

RM : J'ai souvent marqué du pied gauche face aux Verts !

P2 : Mais t'es droitier ou gaucher Robert, tu es comme Dembélé, tu ne sais pas trop ?

RM : (rires) Non non, je suis droitier mais mon pied gauche ne me servait pas qu'à appuyer sur la pédale d'embrayage !

P2 : Avec 100 buts en L2 au total, tu restes parmi les meilleurs buteurs de la division ! (16e meilleur buteur de l'histoire selon Transfermarkt)

RM : Oui avec des Cédric Fauré (101 buts), Samuel Michel (135 buts), Guilherme Mauricio (118 buts), Didier Monczuk (119 buts), Laurent Dufresne (96 buts) ... faire partie de ces garçons-là, c'est pas mal !

P2 : Tu as laissé de bons souvenirs sur le terrain et tu en laisses de bons aussi au micro. On a récemment discuté de tes performances avec Clément Grèzes sur le forum. Tu fais quasiment l'unanimité !

RM : Merci ! Mais Clément est très juste et très pertinent aussi ! On n'est pas d'accord sur tout, ça nous vaut des débats à l'antenne. Je pense qu'on forme un super duo ! Avec Clément et Florian, on fonctionne les yeux fermés ! Clément a son oeil journalistique et celui du passionné de football. Et moi j'apporte aussi mon passé de joueur, je dis les choses de façon différente, j'essaie de voir les choses avec l'état d'esprit d'un joueur. Il faut expliquer pourquoi on ressent et on dit ces choses-là. Il faut faire comprendre cela à nos télespectateurs.

P2 : Et puis faire passer des émotions ! Tu évoquais la victoire contre Bordeaux il y a un an et demi. Tout le monde se souvient du commentaire de Clément Grèzes et de ta réaction sur le but !

RM : Ah bah, le geste est fou ! En direct, j'ai dit que plus d'un joueur aurait frappé fort, moi le premier. Pour faire comprendre sa lucidité, son sang-froid, sa qualité technique ... Tenter cela, à ce moment-là de la partie, à dix, dans un match que tu dois absolument gagner pour rester au contact ... il faut beaucoup de choses pour tenter ce geste-là. On s'y attend pas, il le masque bien. Je me dis "il va pas faire ça" ... et si ! Donc on explose parce que le geste est extraordinaire et l'ambiance du stade vous embarque. On fait passer des émotions aux supporters qui ne sont pas au stade, on essaie de faire sentir ça de la meilleure façon possible. Et ça prend d'autant plus d'ampleur dans certains clubs comme Sainté. Ca reste dans les mémoires de tout le monde.

P2 : Comme le but de Wadji à Metz !

RM : Et puis c'est pas comme si on le sentait venir ! On se dit "et si c'était lui" ? Il a subi tellement de galères, on le voyait revenir, rechuter, c'était terrible. La plus belle fin c'était ce but à Metz. Tout le monde s'en souviendra et lui aussi je pense qu'il s'en souviendra toute sa carrière !

Merci à Robert pour sa disponibilité !