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Pour réchauffer un Chaudron bien fade, prenez une équipe locale amputée de nombreux titulaires, confrontez-là à une équipe composée des futurs tauliers de l'équipe de France et qui joue les places européennes, saupoudrez de plusieurs caractères bien trempés et finissez le tout avec le but offert par le petit jeune qui ne devait pas jouer. Mélangez le tout et obtenez une victoire de panache pour nos Verts !
La fiche du match
Samedi 21 janvier 1995 - Championnat de France de D1 - Stade Geoffroy-Guichard
23e journée: ASSE 2-1 Bordeaux
Spectateurs: 11.973 - Arbitre: Didier Pauchard
Buteurs: L. Blanc (71e) et F. Ziadi (80e) pour l’ASSE. A. Bancarel (67e) pour Bordeaux.
Expulsions: P. Swierczewki (55e) à l’ASSE. F. Histilloles (75e) à Bordeaux
ASSE: G. Coupet - L. Potillon, C. Deguerville, P. Moreau, L. Blanc - F. Mannucci, P. Swierczewki, S. Santini, D. Aulanier (S. Harchèche 85e), P. Bastou - F. Priou (F. Ziadi 18e). Entraîneur: Elie Baup.
Bordeaux: G. Huard - JL. Dogon, W. Prunier, D. Sénac, B. Lizarazu – D. Dutuel, Z. Zidane, R. Witschge - A. Bancarel, C. Dugarry (F. Histilloles 72e), L. Fournier (Valdeir 46e). Entraîneur: António José Conceição Oliveira (dit Toni)
Les faits du match
Cette saison 1994-1995 avait tout pour être belle. Après 9 journée et une succession de victoires probantes, l’ASSE pointe à une belle 4e place au début de l'automne 94. Cependant, cette embellie est trompeuse: la situation financière du club s’est nettement dégradée, les tensions tant dans l’équipe dirigeante que dans l’effectif professionnel commencent à gangréner le club et la belle série s’enraye au point de conduire à une seconde partie de saison cataclysmique (3 victoire, 6 nuls, 10 défaites).
Au moment d’affronter Bordeaux pour ce match retour, la situation n’est déjà pas reluisante, mais en étant dans le ventre mou à distance encore respectable de la relégation l’ASSE ne sent pas (à tort) encore en danger. De son côté, Bordeaux joue les places européennes et c'est lui qui occupe la 4e place en arrivant dans le Chaudron avec son effectif composé des futurs champions du monde 98 (Lizarazu, Dugarry, Zidane), tous alignés sur la pelouse d’un Geoffroy-Guichard qui sonne alors bien creux, comme trop souvent à cette époque.
Pour ne rien arranger, l’ASSE doit déplorer les absences de ses deux attaquants vedettes: Titi Camara et Roland Wohlfarth (ce dernier ayant quitté le club durant le mercato d'hiver pour retourner en Allemagne) mais aussi de son stratège slovaque Lubomir Moravcik, blessé.
D’autres titulaires de l’équipe manquent également à l’appel, comme Pascal Despeyroux ou Sébastien Perez. Elie Baup aligne donc au coup d’envoi une équipe assez jeune et inexpérimentée pour alimenter le seul Franck Priou, buteur recruté lors de la trêve hivernale. La classe biberon est donc de sortie et on ne donne pas cher de la peau des Verts contre cette équipe bordelaise logiquement favorite.
Christophe Deguerville pourchassé par Richard Witschge
La première mi-temps est engagée mais plutôt équilibrée dans le jeu et les occasions. Déjà fortement affaiblie, l’ASSE va perdre son unique leader d’attaque dès la 16e minute, Priou laissant sa place sur blessure au jeune Fouzi Ziadi, qu’Elie Baup avait appelé sur le banc pour pallier une cascade d’absents. Face aux redoutables Bordelais, la jeune garde stéphanoise fait toutefois mieux que se défendre et parvient à la mi-temps sur un score nul et vierge qui pourrait presque laisser des regrets. Mais au retour des vestiaires, le match va rapidement dégénérer suite à une altercation entre Zinédine Zidane et Piotr Swierczewki à la 51e minute.
Exaspéré par le marquage musclé du Polonais, le futur stratège des Bleus lui assène un coup dans le dos. En réaction, Swierczewki se fait justice lui-même en frappant le Bordelais, ce qui déclenche immédiatement une bagarre générale d'une rare violence.
Lynché par Didier Sénac et Christophe Dugarry, Piotr Swierczewki est pourtant le seul à être expulsé par l'arbitre M. Pauchard et doit sortir le visage en sang. Malgré la réserve posée par le capitaine Laurent Blanc dans la foulée, les Verts sont sortis de leur match et ils concèdent même rapidement l’ouverture du score par Anthony Bancarel, qui profite d’une énorme erreur défensive de Blanc pour tromper Grégory Coupet de près. Pas mérité pour cette jeune équipe stéphanoise vaillante qui va donc aussitôt réagir: sur un ballon centré de volée par le regretté Dominique Aulanier, Laurent Blanc se rattrape et bat Gaëtan Huard d’une tête plongeante pour égaliser.
Fabrice Mannucci félicite Laurent Blanc pour son but égalisateur
Dans la foulée, le Bordelais Franck Histilloles expulsé à son tour pour s’être fait justice lui-même après un tacle appuyé de Stéphane Santini. À 10 contre 10, les Verts vont reprendre l’ascendant et prendre l’avantage à 10 minutes de la fin: Laurent Blanc , décidément en mission rattrapage, adresse une merveille de passe longue dans la surface pour Ziadi, qui trompe Huard d’une tête croisée sous la barre. Sous les vivas de ses supporters, l’ASSE remporte ainsi une victoire héroïque et quasi inespérée qui la repositionne en 12e position.
Ils ont dit
Laurent Blanc: "Je vais me faire engueuler par le magasinier parce que normalement, les maillots ne sont pas à nous et j'ai lancé le mien dans le public. Mais s'il le faut, j'en achèterai un autre et je le remplacerai"
Fouzi Ziadi: "On avait envie de prouver au public qu'il y a quelque chose à Saint-Étienne. Je suis sûr que la nouvelle génération qui arrive, elle va faire mal"
Piotr Swierczewski: "Sénac m'a provoqué tout le match. Je suis énervé. Regardez mon nez, il n'est plus droit. Pourquoi l'arbitre m'expulse mais ne donne pas de carton rouge au joueur de Bordeaux ?"
Didier Sénac (Bordeaux): "Swierczewski, le Polonais de Saint-Étienne est un provocateur, un vicieux. On le connait en première division. Il n'a pas arrêté de provoquer Zinédine Zidane (...) Je ne dirais pas qu'il méritait çà mais ça devait arriver"
Christophe Deguerville, 24 ans plus tard: "Je me demande si ce jour-là on a joué au ballon !"
Alain Afflelou (président de Bordeaux): "Je me sens humilié personnellement car je ne m'attendais pas à ce genre de choses de la part de mes joueurs, même s'ils ont été victimes d'une provocation. Ce sont des professionnels et ils n'ont pas le droit de régler des comptes personnels sur le dos du club"
Patrick Moreau aura eu fort à faire devant Lizarazu et Dogon
Le Saviez-vous ?
- Après ce renversant et héroïque succès, les Verts vont malheureusement s’effondrer et terminer à une 18e place normalement synonyme de relégation en Division 2, ne remportant qu'un seul autre match (!) jusqu'à la fin de la saison. Les Verts seront finalement repêchés suite à la décision administrative maintenant l’Olympique de Marseille en D2 malgré sa promotion obtenue sur le terrain.
- Cette défaite aura des conséquences pour les Girondins de Bordeaux qui vont progressivement marquer le pas jusqu'à manquer l'accession directe aux places européennes en fin de saison. Septièmes, les Bordelais devront en passer par la Coupe Intertoto, le début d'un parcours épique qui les emmènera jusqu'en finale de la Coupe UEFA !
- Suite aux incidents survenus lors de ce match, la commission de discipline de la Ligue Nationale de Football sanctionnera durement les joueurs bordelais étrangement épargnés par l’arbitre. Si Christophe Dugarry (4 matchs) et Bixente Lizarazu (3 matchs) s’en sortent plutôt bien, Didier Sénac écope quant à lui de 2 mois de suspension. Une sanction plus lourde que celle de Piotr Swierczewki (6 semaines) qui lui vaudra d'être remercié par son club.
- Le jeune Fouzi Ziadi, qui marque ici son unique but sous le maillot vert, est la belle histoire de ce match. Pour sa quatrième apparition en pro, le jeune attaquant de Montreynaud devient le héros de Geoffroy-Guichard. Malheureusement, malgré quelques titularisations lors de cette fin de saison, il ne trouvera plus jamais le chemin des filets et quittera le club un an plus tard après une saison blanche.
- Autre grand artisan du succès stéphanois, Laurent Blanc est bien le seul joueur à véritablement surnager lors de cette saison 1994-95. En début de saison face au Havre, il avait déjà rattrapé une bourde précoce en inscrivant un triplé pour se rattraper ! Malgré son poste de libéro, il finira meilleur buteur du club avec 13 buts (dont 9 pénalties certes) mais le quittera à l'issue de la saison pour rejoindre l’AJ Auxerre, avec il sera champion de France un an plus tard.