Formé chez les Verts où il a connu la Coupe d'Europe, Yoann Andreu a terminé (tôt) sa carrière à Angers avant de devenir formateur avec les U17. Il est revenu sur son parcours après la rencontre entre ses deux clubs.


As-tu regardé cette belle victoire stéphanoise en terre angevine, Yoann ?

Non, je n'ai pas vu le match car on disputait une opposition avec mes U17 à ce moment-là. Entre centres de formation, on a le droit à des oppositions amicales. Mais j'ai regardé un résumé, j'ai vu le but de Wahbi Khazri. J'y ai jeté un rapide coup d'oeil.

C'est une victoire qui te fait plaisir ?

(Rires) Non, pas trop car je suis à Angers maintenant ! J'aurais préféré qu'on gagne. Mais ça me fait plaisir pour Sainté car ils en avaient plus besoin que nous, ils sont dans une mauvaise période. C'est bien que les Verts puissent rester dans l'élite, s'ils peuvent assurer ce maintien le plus rapidement possible, tant mieux pour eux.

Ce n'est pas fait encore !

Oui, c'est sûr, ce n'est pas terminé mais ces trois points vont faire du bien. J'espère que ça le fera pour rester en L1.

Tu regardes un peu les résultats des Verts ou tu suis plutôt tout cela de loin ?

Je les regarde de loin. Je suis assez occupé par mes fonctions. J'ai vu que c'était assez irrégulier. Il y a des saisons comme ça, j'en ai vécu avec Alain Perrin et Christophe Galtier. Il faut être capable de se battre jusqu'au bout et se dire dans la tête que si on doit se sauver à la dernière journée, on le fera. 

C'est exactement ce qui s'est passé pour toi à Sainté en 2008-2009 avec cette victoire 4-0 contre Valenciennes à la dernière journée.

Ouais ! C'était une saison avec la Coupe d'Europe. On avait fait un beau parcours en UEFA, et en même temps on galérait en championnat. Ce phénomène, je ne saurai pas l'expliquer. On devait se tenir prêts à se sauver à la dernière journée, c'était paradoxal. On avait pourtant un groupe de qualité avec Payet, Matuidi, Gomis ... peut-être qu'on manquait de profondeur pour jouer sur les deux tableaux, à cause des blessures. Mais il nous fallait surtout un état d'esprit de combativité, de persévérance, d'abnégation ... Et parfois, dans ces périodes difficiles, on a tendance à demander un peu moins le ballon, presque à se cacher. On a moins de prise d'initiative.

On dit souvent que les équipes un peu plus fortes sur le papier ont du mal à jouer le maintien car elles ne sont pas préparées à cela, comment tu l'expliques ?

Oui parce que tu démarres la saison avec certains objectifs et si tu ne les atteins pas, c'est un peu un cercle vicieux. Tu te bats pour quelque chose qui n'était pas prévu. Il faut avoir l'état d'esprit ! Regarde Lens et Metz, ils ont commencé la saison avec un fort état d'esprit, ils devaient jouer le maintien et ils vont finir par jouer l'Europe ! C'est un truc qui se gagne au fil de la saison, avec la solidarité les uns pour les autres, il ne faut pas lâcher.

Tu peux nous rappeler comment tu fais ton apparition dans l'équipe première dans cette saison 2008-2009 ?

J'ai eu l'opportunité grâce aux blessures de certains coéquipiers. Disons que le malheur des uns fait le bonheur des autres. De toute façon, à mon poste, pour débuter il fallait soit que ce soit un match de coupe soit à cause d'une succession de blessures. Alain Perrin m'a fait confiance. Contre Nice, à domicile, le stade était rempli, c'était une grosse émotion pour moi et ma famille. On avait perdu ce match non ?

1-0 en effet, sous la neige

Ca aurait été mieux de débuter par une victoire. Mais ça annonçait la couleur de mes débuts en professionnel !

Et dans la foulée, tu découvres la C3 !

Oui, trois jours après, on va à Bruges en Coupe d'Europe. Il a fallu apprendre à gérer les émotions. Je commençais en L1 puis après en UEFA, il fallait assumer ! Emotionnellement, ça m'a pris pas mal de jus. Heureusement, au niveau du contenu, ça s'était plutôt bien passé.

Tes débuts en L1, ils étaient programmés en début de saison ou bien c'était une surprise totale ?

A l'époque, Laurent Roussey me prenait à l'entraînement de façon ponctuelle. A l'intersaison, je redémarre avec les pros donc je me dis que je vais m'entraîner plus souvent avec eux, jouer en réserve et puis éventuellement faire quelques bancs et grapiller du temps de jeu en Coupe de la Ligue ou Coupe de France. Mais jouer en L1 directement et en UEFA, non, ce n'était pas prévu. Mais j'ai saisi l'opportunité !

Et d'ailleurs, lors de tes débuts contre Nice, tu n'as pas encore signé ton contrat pro ?

Non, je suis encore stagiaire ! On ne verrait plus ça aujourd'hui ! Avant, il fallait jouer en pro, faire tes preuves et tu pouvais signer ton contrat. On misait moins sur les jeunes.

A quoi tu t'attendais la saison suivante ? Collectivement une saison moins galère et individuellement continuer sur ta lancée ?

Ouais, et puis en décembre c'est Christophe qui reprend les rênes. On sentait que c'était un meneur d'hommes. Les dirigeants et les joueurs ont eu confiance en lui. On était prêts à souffrir ensemble, jusqu'au bout. Encore une fois, on était prêts à se sauver à la dernière journée. Mais on pensait quand même qu'on allait grapiller des points avant. Heureusement, on s'en tire bien (l'ASSE se sauvera à la 36e journée après une victoire à Boulogne sur Mer 1-0, ndp2). D'un côté, vivre des moments difficiles comme ça, je pense que ça a construit un groupe. Ca nous a solidifié, ça a créé du lien entre tout le monde.

La première saison pleine de Galette débute d'ailleurs sur les chapeaux de roues avec l'ASSE leader, qui va gagner le 100eme derby. Paradoxalement, toi tu vis une moins bonne période ?

Les blessures ... Elles m'ont freiné. J'ai d'abord eu une pubalgie, je me repose dans un premier temps sans me faire opérer. Puis finalement, je passe par l'opération. Quand je reviens, je me fais le ménisque. Ensuite, les croisés. C'est presque une descente aux enfers ! Tu passes de la L1, l'UEFA aux blessures où tu ne joues plus. J'ai connu l'euphorie et puis le sentiment totalement inverse. J'ai dû me forger un mental pour pouvoir rebondir.

Comment es-tu suivi par le club, le coach, tes coéquipiers ? Tu n'es pas trop coupé d'eux ?

La grande force de Galtier, c'est justement qu'il se préoccupe autant de ceux qui jouent que de ceux qui ne jouent pas. Il y avait un suivi. Et puis le staff médical était aux petits soins, je n'avais pas de problème. Forcément, le joueur blessé ne partage pas les mêmes sentiments, les mêmes émotions que les mecs qui jouent. Donc, forcément t'es isolé. Un joueur blessé, ce n'est pas un joueur mort mais on n'a pas besoin de lui tout de suite, donc il est mis sur le côté.

Ce que vis Galette avec Lille aujourd'hui, ca t'étonne ?

Non, c'est un gros bosseur donc sa réussite ne m'étonne pas. Il a acquis de nouvelles compétences humaines et techniques qui font de lui un expert dans notre L1. 

Tu seras toi-même proche de Lille lors de ton départ de Sainté, puisque tu pars dans un de leur club "partenaire", Mouscron, en D2 belge, comment tu atterris là-bas ?

Avec ma femme, on venait d'avoir un enfant, on partait totalement à l'aventure. A l'époque, c'est François Vitali qui était directeur sportif du LOSC qui vient me chercher. Il me fait part du projet sportif entre Mouscron et Lille. Ca me permet de me relancer une saison. Il y avait Fernando Da Cruz et Arnaud Dos Santos aux manettes. Je me suis remis sur pied, j'ai pris du temps de jeu. On bénéficiait des installations du domaine de Luchin, donc c'était vraiment bien. Tout était au top pour me remettre à 100%. 

Et tu fais le grand écart géographique pour filer en Corse !

Oui au Gazelec Ajaccio. Je connais le Nord et le Sud ! C'était une super aventure humaine. Et sportivement, c'était génial avec deux montées de National en L1. Je retrouve Thierry Laurey que j'avais connu à Saint-Etienne. Il y avait une équipe très soudée, avec de la valeur. On était des bonhommes sur le terrain, on donnait tout ce qu'on avait. Et ça a fini par une montée dans l'élite.

Pourquoi tu n'as pas voulu disputer la saison en L1 avec le Gaz ?

L'été de la montée, je décide de partir à Angers, qui était également promu en L1 cette saison-là. Me retrouver à Angers avec un projet de péréniser le club en L1, j'ai sauté sur l'occasion. Le temps m'a donné raison parce qu'Angers est toujours dans l'élite, et le Gaz est en N2. Si c'était à refaire, je ferai pareil. 

Angers, c'est là où tu mettras fin à ta carrière après 4 saisons. Quels souvenirs gardes-tu de ton expérience angevine sur le terrain ?

Au début, je suis le joueur le plus utilisé par Stéphane Moulin. J'enchaîne les matchs, je me sens bien. Et puis, à nouveau, les blessures ... Je me remets une seconde fois des croisés. Et après, encore une grave blessure au genou à l'entraînement. Celle-là m'a contraint à mettre fin à ma carrière. Donc, bilan mitigé parce que je reviens au plus haut niveau mais je dois arrêter brutalement. Deux émotions différentes.

A Angers, tu mettras quand même un but - ton seul - en L1 ! Et quel but !

(Rires) A Guingamp ouais ! Je frappe de loin et ça rentre ! Il y a deux lectures : soit on va dire que j'étais un joueur très altruiste ou bien que je n'étais pas très habile devant le but ! Je vous laisse en débattre (rires)

Il y a aussi la finale de Coupe de France, perdue contre le PSG

Ouais mais là-aussi, les blessures m'ont empêché d'y prendre part. J'ai fait le parcours mais pas la finale, c'est un petit regret. J'avais un oeil extérieur sur tout cela.

Quels sont tes plus beaux souvenirs dans ta carrière ?

Entre les matchs de Coupe d'Europe avec Sainté, les montées avec le Gaz ... je pense que c'est un peu un mix de tout cela. Ces moments font ma personnalité, comme mes débuts en pro, mes expériences en Belgique ou en Corse. Ca m'a forgé un caractère, et ça m'a permis aussi de rebondir après les échecs. Et puis il y a eu cette fraicheur à Angers, on redécouvre la L1, on bat Marseille, Lyon, Lille, Bordeaux ... ça m'a fait du bien, ça m'a redonné goût au haut niveau, aux performances. Une très belle expérience.

Tu pointes cette capacité à te relever après chaque blessure, est-ce que tu as bénéficié d'un accompagnement avec un préparateur mental pour cela ?

Non, ce n'était pas vraiment courant à l'époque. Même si ce sont des aides qui arrivent aujourd'hui, on ne travaillait pas forcément là-dessus. Tu te forges par tes expériences. Ces leçons de vie te forment mais je n'ai pas eu d'aide particulière. D'un côté, j'aurais bien aimé ! Pour la fixation d'objectifs, ou pour aborder tel ou tel match dans les meilleures dispositions. Surtout quand tu es jeune, l'aspect médiatique joue beaucoup. Quand tu regardes la TV, ou que tu lis L'Equipe, ça peut être très valorisant pour toi mais ça peut être un désastre si tu n'as pas été bon. Si tu manques de confiance en toi, que tu te revois à la TV ou que tu es pris pour cible dans les médias, ça peut être dévastateur.

C'est un point que tu travailles avec tes U17 ?

Oui on l'aborde à l'entraînement, en contextualisant avec des petits scénarios. Cela doit leur permettre d'apprendre à gérer leurs émotions et être prêts le jour J. Abdel Bouhazama, qui était mon formateur à Sainté et est aujourd'hui mon responsable à Angers, nous préparait beaucoup à cet aspect mental quand on était jeunes. C'est quelque chose que peu d'entraîneurs parviennent à inclure dans leurs séances, c'est assez subtil.

C'est Abdel qui te permet de rester à Angers après la fin de ta carrière ?

Quand j'étais à Sainté, j'avais déjà passé les diplômes Initiateur 1 et 2 vers 18 ans. Ensuite, ma carrière de joueur a pris le dessus. Quand je suis arrivé à Angers, j'ai retrouvé Abdel que je connaissais bien. Il m'a donné cette opportunité, le président Chabane était d'accord. Ils m'ont tendu la main. C'est un rôle qui me plaît, je vois l'autre côté ! On n'imagine pas tout le travail abattu pour mettre les joueurs dans les meilleures dispositions individuellement et collectivement. Ca me permet de transmettre ma passion et de contribuer à l'épanouissement des jeunes sur le terrain et en dehors. C'est important pour eux.

D'autant que tu gères des gamins de 16-17 ans, seulement quelques uns termineront professionnels.

Environ 1 ou 2% dans un centre de formation. Tous les autres, il faut savoir les accompagner. Avoir cette capacité à rebondir. S'ils ne deviennent pas pro, il faut qu'ils aient une bonne éducation, un bagage scolaire ...

Et comment on gère cette saison si particulière avec le Covid ?

C'est dur car on n'a pas de matchs officiels. Les jeunes jouent donc très peu, et ça freine leur progression. On essaie de l'intégrer dans nos séances, de fixer d'autres objectifs. Il faut quand même qu'on arrive à mettre de l'enjeu pour qu'ils progressent. On s'intéresse toujours au contenu donc on essaie d'individualiser au maximum, on décloisonne les catégories. Ce sont des astuces pour continuer à travailler presque normalement.

Tu vois un vrai changement entre ta formation quand tu étais à Sainté et les jeunes que tu gères aujourd'hui ?

On signait moins facilement professionnel à mon époque je pense. Ensuite, tout l'aspect médiatique a changé. Les réseaux sociaux sont omniprésents, la gestion de l'image, c'est un truc qu'on n'avait pas à l'époque même si ça commençait. Evidemment, le foot va plus vite. On voit de plus en plus de gamins de 17 ans capables de jouer avec les pros. Le niveau d'exigence a donc grimpé. Et je pense que les agents sont de plus en plus présents, bien plus qu'avant. L'environnement a pris beaucoup plus d'ampleur qu'à l'époque. 

Tu te vois rester à la formation ou passer vers les pros ?

Non, c'est vraiment la formation qui m'intéresse. J'en suis au diplôme d'Etat supérieur et j'aimerais m'orienter vers le diplôme formateur. Le but c'est de devenir expert de ce public jeune mais pas les pros !

 

Merci à Yoann pour sa disponibilité.