Chateaubriand a dit un jour : il faut être économe de son mépris, il y a beaucoup de nécessiteux.


Peut-être Monsieur Briand pensait-il à l’époque à son demeuré de descendant, le (très) vilain Jimmy. Mais peut-être songeait il aussi un peu à Niels Nkounkou. En tout cas, vous je ne sais pas, mais moi, notre ex-piston, tout l’été j’y ai pensé fort, et je vous rassure tout de suite, mes draps ne s’en souviennent pas.

Et pour cause… Nkounkou aura en effet rejoint cet été l’esclave Piniok dans la triste cons-frérie des retourneurs de veste et de vestiaire en rejouant le film du gars qui, au premier zeste de gloriole, se sent soudainement prisonnier et défèque sans vergogne sur le club. Bon à mon âge que d’aucuns jugent canonique ta mère, je ne peux pas jouer les mecs surpris : les mœurs du foot en général et de ses starlettes en particulier, je n’ai pas attendu les caprices de Niels, pour les vomir.

Nkounkou, c’est un cas d’école, maternelle peut-être mais n’empêche, il incarne parfaitement ce foot sans foi ni loi, sinon celle de l’argent et de l’opportunisme.

N’ayant pas établi le contact avec la taupe de l’Etrat et n’étant pas doté du gabarit d’une petite souris, j’ignore - comme on dit dans les Deux Sèvres - ce qui s’est dit au moment de la signature du prêt du joueur. Les seules choses que tout un chacun et toute une chacune (cette année je fais un effort d’inclusivité à la menthe) peut vérifier, c’est d’abord que Nkounkou a déclaré vouloir se poser, se fixer, s’établir, s’installer, limite même se figer, dans un club français (parce que c’est important de parler la langue qu’il a dit), et ensuite qu’il a signé un prêt avec option d’achat.

Même un mec qu’aurait séché les cours, beaucoup de cours, il doit avoir une idée de ce que ces termes option et achat veulent dire, non ? Niels quand même ? Hein ? Non ? Vraiment ? Bon …

Alors partant du principe que soit Niels est bête à manger du foin et de la saucisse (de Francfort), soit il n’a pas de parole, parole, parole et encore des paroles (inclusif dans la citation aussi, vous l’aurez noté au jasmin), se pose donc la question de la pertinence de ce recrutement de janvier dernier. Les plus pragmatiques d’entre vous me rétorqueront du tac au tac qu’on s’est fait une belle marge avec un joueur qui a grandement participé à l’opération maintien de ce début d’année.

Véridique comme disait Rivers (pas Kees, non l’autre, le bananophile en cuir). Oui, incontestable même. Mais moi qui, en matière de football, ne crois qu’en Dieu et aux vertus de la stabilité, j’ai du mal à adhérer au mouvement perpétuel surtout quand le départ de l’impatient s’éternise et nous plombe tout l’été.

A propos de Dieu, auquel je crois toujours, s’il est dispo, j’lui passerais bien un coup de bigo : allo la cellule ? T’es là la data ? V’l’avez vraiment étudié le profilounet du Zig avant la fameuse signature du prêt avec option d’achat ?

Nan parce que, moi, sans data, en mode bricolage avec un bête moteur de recherche j’ai vérifié, le parcours de Nkounkou c’est un coup à vous éjecter des tablettes tous les Gravelaine de l’histoire du foot.

Y a du lourd, jugez plutôt l’instabilité du Dingo : dans ses premières années, celles des catégories en U, il galope sur l’aile gauche de son club de Cergy Pontoise. Déjà ambitieux, le petit file à 15 ans chez les voisins du FC Rouen, où il ne reste que quelques mois car la greffe ne prend pas. Il rentre chez lui à Cergy, mais pas vacciné contre les changements, file aussi vite à Sannois Saint Gratien en U17 "pour aller toucher le haut niveau de mon âge". Sannois c’est sympa, mais ça fait pas triper longtemps le garçon, alors il se fait la malle après 1 an de bons et déloyaux services, direction Brest. Enfin l’aboutissement : club pro, centre de formation, Niels est sur la voie royale non ? Oui. Mais non. L’aventure se termine brutalement ("j’ai été viré au bout de six mois pour un bizutage qui avait mal tourné"). Si le passage de teub au cirage, ça ne passe chez les Bretons, sur la Canebière, on tolère, alors il refait ses valises, direction le vieux port à Marseille où il démarre avec les U19, puis monte rapidement en CFA. Jugé prometteur, Nkounkou intègre l’entraînements des Pros et fait même quelques bancs. Il a 19 ans, et cela ne lui suffit pas. Mis au chômage technique pour cause de suspension de 10 matchs suite à une bagarre générale avec la réserve, il en profite pour répondre aux sollicitations du scout d’Everton et décide de filer à l’anglaise ("j’ai préféré partir parce qu’il y avait beaucoup de joueurs qui pouvaient évoluer au poste de latéral gauche, j’avais besoin de temps de jeu, et Everton pouvait m’en donner").

De ces deux affirmations une seule relève du bon sens, sauras-tu deviner laquelle ?

Après Brest, puis Marseille, nouveau port donc, celui de Liverpool. Mais ses rêves de matchs sous les ordres d’Ancelotti restent en rade (jeu de mots estampillé La pravda, période SC Toulon en D1), et après une saison à 25 bancs mais seulement 2 bouts de match en championnat, il est prêté le dernier jour du mercato d’été 2021 à Liège. Au Standard, il n’a que la Meuse comme ersatz de mer, mais il bénéficie pour la première fois d’un temps de jeu digne de ce nom en Pro avec 23 matchs dont 18 titularisations. Hélas il ne convainc guère au poste de latéral gauche et retourne à l’issue de la saison à Everton qui n’a toujours pas envie de lui donner sa chance.

Alors rebelote avec un nouveau prêt en fin de mercato, en Championship à Cardiff. Nouveau port (le quatrième !), nouveau départ, et 15 titularisations, mais pas plus qu’à Liège, Niels ne fait la diff à Cardiff (aucun but marqué). Résultat : nouvelle fin en queue de poisson qu’il explique laborieusement : "après six mois où ça allait, en décembre, tout a changé j’ai plus été considéré comme la personne que j’étais au début."

Le manque de considération. Le cancer du football, c’est bien connu… La suite, vous la connaissez. La fuite, il la connaît. Elle le mène cette fois-ci en Allemagne, pour son sixième club Pro à 22 ans, et un CV tellement significatif des dérives du foot moderne : Nkounkou, avant Francfort, en championnat, c’est 2 bancs à Marseille, puis 1 titularisation à Everton, 18 au Standard, 15 à Cardiff, et enfin 19 à Sainté.

Les supporters de l’Eintracht sont prévenus, et probablement sans illusion puisque vaccinés récemment par le cas Kolo Muani. Ils n’ont pas besoin de data pour savoir qu’il ne faut pas s’attacher à Nkounkou, son départ pour d’autres cieux à l’été 2024 étant déjà programmé : soit parce qu’il aura échoué, et ne s’imaginera pas patienter et se réfugier dans le travail pour convaincre son coach, soit parce qu’il aura brillé, et jugera Francfort indigne de son talent.

Dans son bel hommage à la panthère, la pravda rapportait dimanche les propos tenus par Salif Keita après sa carrière : « Après cinq années fantastiques avec Saint-Etienne (…) je suis parti pour Marseille alors que je ne voulais pas forcément y aller. Si ça s’était bien passé avec le président Rocher, j’aurais été prêt à rester à Saint-Etienne toute ma carrière (…) Marseille je n’y suis resté qu’une saison. Je me suis senti moins à mon aise dans un club qui plaçait les individualités au-dessus du collectif, alors que c’était l’inverse à Saint-Etienne ».

Avec la panthère c’est une certaine idée du foot, aux antipodes du modèle incarné par Nkounkou qui s’en est allée.

Chateaubriand en intro, Salif en conclusion, et au milieu du sandwich, Nkounkou. Dis donc Niels, être pris pour un jambon, ça serait pas ça le manque de considération ?