Il était à Geoffroy samedi soir, il sera au Matmut Atlantique demain après-midi. Entretien avec l'artiste guinéen Pascal Feindouno.


Comment ça va Pasky ?

Ça va fort, j’enchaîne les matches ! (rires) J’étais à Geoffroy-Guichard le week-end dernier pour le match contre Pau et présentement je suis en pleine récupération avant d'aller au Matmut Atlantique samedi. J'étais à Sainté, je serai à Bordeaux, c'est magnifique ! (rires)

Avant le match contre Pau, t’as fait une séance de dédicaces au musée des Verts.

Oh oui, c’était magnifique ! Les supporters étaient très nombreux, j’ai pris du plaisir à échanger avec eux. Ils m’ont applaudi. C’était sympa, en plus on a diffusé sur l’écran géant quelques buts que j’ai marqués sous le maillot vert. Ils ont pu me revoir dans mes œuvres ! (rires)

Quel est à tes yeux ton plus beau but ?

Déjà contre Ajaccio, ma frappe de loin sur le côté qui finit directement en lucarne. Il est pas mal celui-là, non ?



Pas mal, en effet !

J’aime bien aussi ma reprise de volée contre Troyes.



Sur une passe décisive de Blaise Matuidi, qui était dans le camp d’en face ce soir-là !

C’est vrai. C’était déjà un bon gars à l'époque mon Blaise ! (rires) Je me rappelle également le lob que j’ai mis contre Metz à la dernière minute. J’avais aussi lobé Barthez au Vélodrome. Ça aurait dû être le but victorieux mais on s’est fait voler car l’arbitre a sifflé 6 minutes d’arrêt de jeu, on n’avait jamais vu ça, comme par hasard les Marseillais ont égalisé à la 96e. Après, il y a d’autres jolis buts. Contre Valenciennes par exemple. En fait quand j’y réfléchis tous mes buts sont beaux (rires). Je ne marque pas souvent mais je marque des jolis buts.

Pas souvent, pas souvent... T’as quand même claqué 37 pions en 150 matches officiels sous le maillot vert ! Les potonautes Danish et Yvanmamia, qui gèrent l'excellent ASSE Memories, les ont d'ailleurs compilés.



Oui, j'ai vu ça. C'est magnifique ! Merci à eux.

Cette vidéo prouve qu'en plus que ta virtuosité balle au pied, tu avais aussi un bon jeu de tête. C’est grâce à ça que tu as scoré contre les vilains lors de ton premier derby, mais aussi contre le PSG, contre l’OM.

Oui, j’avais un très bon timing. Magnifique ! La clé, c’est qu’il faut toujours bouger. Si t’es statique et que t’es à côté d’un grand, il prendra toujours le ballon. Mais si tu passes devant lui, c’est fini pour lui ! (rires)

Que retiens-tu de tes quatre années à l’ASSE ?

Je ne retiens que de beaux souvenirs. Mais bon, je n’oublie pas que les supporters avaient mis en 2006 ou en 2007 une banderole sur moi.

Tu fais référence à la banderole des Magic Fans : « Feindouno, les bars de Sainté te regretteront, pas nous ! » ?

Voilà ! Franchement ça m’a fait mal mais après je me suis dit « c’est comme ça, c’est les supporters. » De l’eau a coulé sous les ponts depuis, je ne suis plus fâché envers eux. Les supporters des Verts, ça reste une force pour le club. J’ai encore pu le mesurer samedi dernier. Même si les Verts sont en Ligue 2 et mal classés, il y avait encore plus de 20 000 supporters pour ce match contre Pau. C'est beau !

Tu vis toujours dans les environs de Sainté alors que ça fait bientôt 15 ans que tu as quitté l'ASSE.

Oui, J'habite Saint-Etienne même. J’ai eu deux filles lors mes saisons chez les Verts. La première est née en 2005, la seconde en 2008. Après il y avait l’école donc j’étais "obligé" de rester. Même quand je suis parti au Qatar en 2008, j’avais toujours la maison, la famille à Sainté donc je revenais toujours. J’y suis resté, je me sens bien ici. Avec les Stéphanois, tout se passe bien avec moi jusqu’à présent.

Avec le recul, c’était pas une connerie ce départ au Qatar fin septembre 2008 ? T’avais 27 ans, Sainté était en Coupe d’Europe, t’as d’ailleurs claqué le dernier de tes 37 pions contre Tel Aviv. Tu ne pouvais pas attendre quelques années avant de privilégier l'argent au projet sportif

Je ne veux pas trop rentrer dans le détail mais cette année-là ça n’allait pas trop dans le club. Même moi, j’ai été un peu surpris mais il y a eu beaucoup de discussions et ça a débouché sur mon départ. C’est comme ça, c’était écrit. Je ne dirais pas que c’est une connerie ou un regret, c’est le football ! Ce qui devait arriver arriva, il ne faut pas avoir de regrets dans la vie. C’était le moment, je suis parti, c’est tout !

Tu viens de fêter tes 42 ans, le plus bel âge assurément. Quand t’en avais 33, t’as eu un problème au cœur avec Lausanne Sport. Tes problèmes cardiaques sont entièrement derrière toi ou tu continues de faire attention ?

Il faut toujours faire attention. T’es malade, t’es pas malade... Mais pour le moment tout va bien ! Si j’étais resté en Suisse, je pense que j’aurais continué à jouer. Là-bas, les médecins m’avaient dit que je pouvais continuer le football. Mais c’était la dernière journée du championnat, après c’étaient les vacances. Du coup je suis rentré à Sainté pour me soigner là-bas. La fille de Roland Romeyer, Cécile, est cardiologue. C’est elle qui m’a suivie et qui continue de me suivre. Je dois passer de temps en temps des examens de contrôle à l’Hôpital Nord. On me fait faire des tests d'effort. Jusqu'ici ils sont concluants !

Mais on m’a dit que je ne pouvais pas jouer en France avec ce souci au cœur. Mais je peux jouer à l’étranger, dans un certain nombre de pays en tout cas. En Allemagne je peux jouer. Enfin, je pouvais jouer. Dans certains pays, il fallait que je signe une décharge. C’est pour ça que je suis parti en Lituanie en 2016. Ma carrière de footballeur professionnelle est finie mais tout va bien. J’ai eu l’occasion de jouer quelques matches à onze avec les anciens Verts. Mais je joue surtout au soccer five, c’est intense.

Tu ’y joues régulièrement ?

J’y joue deux fois par semaine avec les amis, dans l’équipe de Jean-Luc Desjoyaux. On joue tantôt derrière Geoffroy-Guichard, tantôt à Andrézieux, au Club 42 de Loïc Perrin et Pascal Noailly. J’ai eu l’occasion de jouer au soccer avec d’autres anciens pros comme Loïc Perrin, Julien Sablé, Roudolphe Douala, Patrick Guillou et même Laurent Batlles. Bon, Julien est à Nice maintenant et Laurent ne vient plus car il n’a pas beaucoup de temps avec tout ce qu’il a à faire en tant qu’entraîneur des Verts.

On est content que ça aille mieux pour lui car ça commençait à devenir chaud quand même. Dieu merci les Verts sont sur une très bonne dynamique en ce moment, ils viennent d’enchaîner quatre victoires et ils ont sept points d’avance sur la zone rouge, on respire mieux ! Je pense que Laurent est un bon entraîneur. C’était un très bon joueur, j’ai évolué deux années à ses côtés aux Girondins de Bordeaux. On le surnommait Zizou car ils ont la même tête en fait (rires)

Toi on t’a surnommé le Zidane black !

Non mais là je te parle de la tête, pas du jeu ! (rires) Même si Laurent était un bon joueur, hein, attention ! Quant à mon surnom de Zidane black, ça me fait sourire et en même temps ça me fait plaisir. Zizou est un immense joueur. Zizou, c’est Zizou, il n’y en a pas deux !

De quel joueur actuel dans le monde du foot te sens-tu proche en termes de style de jeu ?

Oh la la, tu me poses une question difficile là ! Ah, c’est chaud. Dis-moi un nom et peut-être que comme ça je pourrai répondre ! (rires)

Restons verts : Jean-Philippe Krasso !

Oui, un peu. Il y a quelque chose. Ce joueur me parle. Dans ses contrôles, tout ça.

Il est aussi efficace que toi sur penalty et presque encore plus décontracté que toi quand il tire !

Il a le sang froid lui aussi, c’est vrai. Mais pas plus que moi par contre ! (rires) Moi, je reculais seulement à deux pas du ballon. C’est dangereux, hein ! Si t’as pas confiance, si tu ne te sens pas bien, tu ne tires pas ! Au début les supporters devaient se dire « mais qu’est-ce qu’il fait, il est à deux pas du ballon, il ne fait pas de course d’élan ! » Mais j’avais mon truc à moi. Je n’avais pas peur, j’étais confiant et je marquais à chaque fois. C’était une de mes forces, je n’ai jamais eu de pression sur un terrain.

Quelle(s) autre(s) force(s) revendiques-tu ?

Mon autre force, c’est que j’avais un jeu collectif. Même quand je pouvais marquer, je préférais faire la passe si un de mes coéquipiers avait plus de chance de la mettre au fond. J’ai pris beaucoup de plaisir à donner des passes décisives à mes attaquants, que ce soit Fred Piquionne, Bafé Gomis, Ilan…

Tu suis de près les matches des Verts ? Que penses-tu de leur saison ?

Quand j’ai l’occasion, je viens voir les Verts, y’a pas de souci. Mais parfois je suis en voyage. Le début de saison a été un peu difficile pour Sainté. Mais là, heureusement, ça commence à aller. Les Verts ont quitté la zone rouge, ils occupent maintenant la 15e et j’ai bon espoir qu’ils finissent plus haut. Je suis confiant pour le maintien, ça va le faire. On est sur une bonne lancée. Bien sûr les Verts ne vont pas gagner tous les matches qu’il reste à jouer cette saison mais je pense qu’ils vont encore décrocher sans problème plusieurs victoires qui les mettront définitivement à l’abri. La base, c’est d’assurer le maintien. Ensuite, ce serait bien de finir en milieu de tableau.

Dans l’effectif actuel de l’ASSE, quels joueurs te plaisent ?

Il y a beaucoup de bons joueurs dans cet effectif. Ils le sont tous pratiquement. Collectivement, on l’a vu encore samedi dernier, il y a quand même des lacunes. Contre Pau, il y a eu des séquences où Sainté a manqué de maîtrise. Il y a parfois quelques approximations techniques dans le jeu des Verts, des pertes de balle évitables. Le petit Bouchouari au milieu, il est très fort mais il garde un peu trop le ballon. Sinon c’est un joueur magnifique. Normalement, lui, il ne devrait même pas perdre un ballon. Krasso a aussi beaucoup de qualités, il n’est pas meilleur buteur et meilleur passeur de la Ligue 2 par hasard. J’aime ses couvertures de balle. Bon, c’est vrai qu’il est un peu nonchalant, il faudra qu’il change ça un peu, c’est tout. S’il y arrive, il deviendra grand.

Que penses-tu de ton compatriote Saïdou Sow ?

C’est un très bon joueur, que j’ai appris à mieux connaître lorsque j’étais dans le staff de  Diawara il y a un an à la CAN. On se voit maintenant souvent. Je lui dis à chaque fois : « quand tu joues, tu ne connais pas comment t’es taillé, comment t’es costaud. Quand il y a corner, monte et tu vas nous marquer des buts ! Toi, avec ta taille, un attaquant il ne devrait même pas être à côté de toi car il aura peur. Fais peur, t’es trop genti ! »

Saidou c’est pas dur ? Saidou est trop doux ?

(Rires) Oui, voilà ! Des fois, il faut être dur. C’est un gamin, c’est vrai, il a juste 20 ans. Mais il faut s’imposer. Je pense qu’il pourrait apporter davantage offensivement. En tout cas je suis content qu’il ait retrouvé beaucoup de temps jeu depuis la Coupe du monde car il n’avait plus joué en L2 après le match de l’été dernier à Valenciennes où il avait concédé un péno dans les arrêts de jeu. C’est un très bon défenseur, il a le physique, la force. C’est un beau bébé. Je pense qu’il pourrait marquer plus de buts. L’an dernier il en a quand même mis deux, contre Lille et Clermont.

A la CAN, tu as été entraîneur des attaquants du Syli National. Ça t’aurait intéressé d’exercer de telles missions à l’ASSE, dans le staff des pros ou au centre de formation ? A une époque Lilian Compan avait fait du spécifique attaquant avec les jeunes Verts !

Bien sûr que ça m’intéresserait ! Par contre, je n’ai pas mes diplômes. Il faut que je travaille avec quelqu’un qui a des diplômes. C’est ce que j’ai fait en Guinée avec Kaba, il a ses diplômes et j’étais à côté de lui. Il faut être prêt à passer des diplômes. Je ne sais pas si je suis prêt. Une fois que tu rentres dedans, ben t’es dedans ! C’est l’école après ! (rires) Les invitations, les trucs comme ça, tu dois tout laisser. Passer des diplômes, c’est pas l’histoire d’une ou deux semaines. C’est long !

Tu nous as dit que tu seras à Bordeaux samedi. Les Girondins, c’est un club qui te tient à cœur !

Bien sûr. Ce club occupera toujours une place à part dans mon cœur. A chaque fois que je reviens là-bas, on me reparle du but du titre que j’ai marqué en 1999 quand j’avais 18 ans. On me dit « merci encore Pasky, on ne va jamais t’oublier ! ». Cela fait 24 ans maintenant mais ça reste dans l’esprit des gens et dans le mien, forcément (rires). Ça fait plaisir d’être encore dans le cœur des supporters girondins. Samedi je serai au match, on m’a dit que je passerai une interview avec Rio Mavuba. Je ne sais pas si c’est à la mi-temps ou au début, je verrai là-bas.

Comment tu vois ce match et quel est ton prono ?

Sur le papier, on peut s’attendre à un match serré. Bordeaux est dans la course pour monter, Sainté est beaucoup moins bien classé mais reste sur quatre victoires consécutives, ce n’est pas rien ! Je m’attends à un bon match dans une belle ambiance car 30 000 supporters sont attendus je crois. C’est difficile de faire un pronostic, ce sont mes deux clubs de cœur. Je vais être vraiment fair-play, un petit match nul (rires). Je suis plus Bordelais que Stéphanois mais j’ai passé de belles années avec les deux clubs. Je dis match nul, comme ça je ne serai pas agressé ! (rires)

Pour quelles raisons te sens-tu plus Bordelais que Stéphanois ?

Je suis resté plus longtemps à Bordeaux qu’à Sainté. J’ai passé six ans chez les Girondins, à peine plus de quatre ans chez les Verts. J’ai fini ma formation à Bordeaux, j’avais été repéré suite à un tournoi que j’avais joué au Portugal avec les U17 de la Guinée. Et à Bordeaux, j’ai été sacré champion de France en L1.

Tu n’as hélas pas remporté de titre à Sainté, c’est un de tes regrets ?

C’est sûr que j’aurais bien aimé soulever un trophée avec les Verts. On avait une belle équipe et parfois on se dit que si on était tous restés… J’ai joué avec plein de bons joueurs comme Zoumana Camara, Didier Zokora, Blaise Matuidi, Dimitri Payet, Bafé Gomis, etc… Si tout le monde était resté, on allait faire feu ! On avait vraiment une bonne équipe. Mais dès que t’as deux ou trois joueurs qui commencent à sortir du lot, on les vend. C’est difficile mais c’est le football.

 

Merci à Pasky pour sa disponibilité