séléctionnez une date pour un autre éphéméride
Jean-François Larios, une vie comme un clochard de luxe, sans regret ni remord...
C’est le 27 août 1956 que naît Jean-François Larios à Sidi Bel-Abbes en Algérie Française.
Peu après l’indépendance, la famille Larios, dont le fils a 6 ans, est rapatriée d’Algérie. Ils arrivent dans le Béarn où Jean-François grandit et découvre le football. Son premier club est la Bourbaki de Pau puis la Jeanne d’Arc de Béarn (JAB) à Pau. Il y est sélectionné plusieurs fois en équipe cadets du Sud-Ouest puis en équipe de France juniors. Formé par le patriarche et président Jean Larqué, père de Jean-Michel, Jean-François est lui aussi repéré par Pierre Garonnaire qui l'emmène à Saint-Étienne en 1973, . Il a alors un peu plus de 17 ans mais à peine un mois après son arrivée, il part avec l’équipe 1 à Tunis pour y effectuer un match amical, Robert Herbin le fait jouer titulaire... sur l’aile gauche.
Avec Janvion, Vésir et Modeste, Larios (au centre) découvre une
nouvelle vie au centre de formation de l'ASSE (photo le Progrès)
Larios participe à quelques matchs lors des saisons 1974-75 et 1975-76 remportées par l'ASSE. A 20 ans, il est déjà le capitaine de l'équipe réserve stéphanoise mais l’accès à l'équipe première reste trop souvent sporadique, sa forte personnalité ne trouvant gère d'atomes crochus avec celle, plus placide, de Robert Herbin. Il remporte toutefois deux titres de champion de France de D1 en 1975 (1 match) et 1976 (5 matchs et 2 buts). Lors de la saison 1976-77, il joue 13 matchs mais ne marque qu’un seul but. Il a toutefois le bonheur de découvrir la Coupe d’Europe des Clubs Champions (face au PSV Eindhoven) et d'ajouter la Coupe de France 1977 à son palmarès !
Âgé de seulement 21 ans, Larios fait ses grand débuts
en Coupe d'Europe face au PSV Eindhoven en octobre 1976
Au début de la saison 1977-78, Robert Herbin, qui croit en lui, envoie Jean-François Larios en prêt à Bastia. Un excellent timing puisque l'ailier y effectue une très belle saison, sa taille et sa puissance sur le terrain étant déterminantes en championnat comme en Coupe de l’UEFA. En D1, Larios dispute 34 rencontres et marque 5 buts mais c'est à l'Europe entière qu’il va se révéler en contribuant pleinement au parcours surprise des Corses en Coupe de l’ UEFA avec 2 buts en 12 recontres. L'une des images fortes de cette épopée européenne est le but que Larios inscrit au Stadio Communale de Turin, lors de la victoire 3-2 contre le Torino en décembre 1977: une frappe en demi-volée après une action de 80 mètres et une double passe en retrait de Rep puis de Lacuesta.
Mais la belle histoire se termine en finale lorsque le SC Bastia s'incline face... au PSV Eindhoven contre qui Larios avait étrenné ses galons européens à peine deux ans plus tôt. Durant cette parenthèse bastiaise, il avouera plus tard avoir joué avec le feu en prenant des amphétamines (Captagon) lors des matches de Coupe d'Europe. Johnny Rep lui avait en effet conseillé de prendre des petites pastilles pour être au niveau des autres joueurs européens.
Avec le Sporting Bastia, c'est une autre épopée que vit Larios
A la fin de son prêt à Bastia, Larios ne s’attend pas à revenir à Saint-Étienne mais Herbin, qui a suivi de près sa saison corse, souhaite profiter de sa technique et de son impressionnante puissance physique qui ont fait de lui un milieu de terrain redoutable. La saison 1978-79 se fera donc avec Larios.
Cherchant à oublier la déception de la finale 1976, l'équipe des Verts a entamé un nouveau cycle et Larios s'y fait rapidement une place de titulaire au cours d'une saison à 35 matchs et 10 buts. Sainté ne décroche aucun titre mais retrouve le haut du classement et Jean-François n’y est pas étranger. Cette bonne saison lui ouvre d'ailleurs les portes de l’équipe de France en octobre 1978.
Larios en Bleu (et blanc) face au Luxembourg en 1978
Et l'ASSE est désormais ambitieuse ! Pour entamer la saison 1979-80, Rocher Rocher dégaine le portefeuille et s'offre deux recrues de poids: Johnny Rep, transfuge de Bastia et Michel Platini, meneur de jeu de Nancy et des Bleus. Lui et Jean-François Larios formeront très vite l'un des plus redoutables milieux de terrain de France. En 1980, notre pied-noir est élu Meilleur joueur de l’année par ses pairs et France Football titre même “Larios Roi de France”.
C’est à ce moment qu’il attire l'attention du Real Madrid mais Roger Rocher ne lui transmettra jamais sa proposition et la gardera discrètement dans son bureau malgré une belle offre de 7 millions de Francs. Grand bien lui fasse: en 1981, Larios est l’un des principaux artisans du dixième titre de champion de France de l’AS Saint-Étienne, son troisième à titre personnel.
Tout se passe donc pour le mieux pour notre héros du jour mais c'est à partir de ce moment-là que les ennuis vont commencer. En effet, l'année 1982 marque pour lui le début de la fin, sa descente aux enfers.
Tout d'abord éclate en avril le scandale de la caisse noire, système bien huilé de rémunération occulte via laquelle Larios a touché beaucoup d’argent: "J'étais jeune et sans agent… Qui aurait refusé ?". Avec plus d'1.1M de Francs, il est en tête des joueurs ayant le plus profité de ce système.
Vins raffinés, voitures de luxe, Larios flambe dans le Forez...
Puis un second scandale éclate durant l'été. Peu avant la Coupe du Monde 82, à laquelle il est prévu qu'il participe, Larios appelle le sélectionneur Michel Hidalgo pour lui avouer sa liaison avec Christelle Platini, la femme de son illustre coéquipier, une relation qui dure depuis deux ans. Deux ans d'un amour fou et dévastateur: "J'ai fait des dégâts mais je ne regrette rien. On a tenté de résister, on n'a pas pu".
Il faut dire qu'en plus d’être devenu un excellent joueur de football, Jean-François a une gueule d’ange. Lorsque Platini le découvre, les deux joueurs ne s’adressent plus la parole, ni à Sainté ni en équipe de France mais sont contraints de continuer à jouer ensemble: "Quand on a un contrat on ferme sa gueule".
Follement amoureux de la femme de son coéquipier, Larios souhaite alors prétexter une blessure pour échapper au Mondial et éviter un mélodrame en équipe de France mais Hidalgo refuse de se priver d’un de ses joueurs-clés.
Lorsque son histoire d'amour sera dévoilée, les gens lui reprocheront non pas d’avoir touché à une femme mariée mais d’avoir touché à un homme intouchable. En mai 1982, Christelle décide de rester avec Michel. Jean-François dira plus tard de ce jour-là qu'il est mort pour la première fois.
En attendant, la Coupe du Monde commence et Platini demande à son sélectionneur de choisir entre lui et Larios. Un choix loin d'être cornélien, malheureusement pour Jean-François.
Après une première apparition en ouverture contre l'Angleterre (défaite 3-1), Larios ne reviendra sur le terrain que lors de la petite finale contre la Pologne, un match des coiffeurs à nouveau perdu 3-2. Ce triste épisode digéré, il décide de quitter une équipe de France où l’ambiance est devenue impossible à vivre pour lui, achevant sa carrière internationale avec 5 buts en 17 matches.
Larios poursuivi par Kupcewicz lors de sa dernière en Bleu
contre la Pologne pour la 3e place du Mondial 82
Retour à Saint-Étienne où rien ne va plus. En janvier 1983, un séisme secoue le club: Robert Herbin est licencié. Jean-François Larios, dont il est très proche, ne se sent plus désiré. Il quitte alors son club formateur et signe à l'Atlético Madrid, à une époque où les footballeurs français s'exilent rarement dans les grands clubs étrangers. Mais l'expérience dans la capitale ibérique va tourner (vraiment) court. A peine arrivé, Larios se blesse au genou durant un entraînement et revient se faire soigner en France, ce qui ne plaît pas du tout aux dirigeants espagnols. Mis au placard, son contrat est rapidement résilié.
Âgé de 27 ans, il sait désormais que sa carrière au plus haut niveau est derrière lui. Alors une fois rétabli, il décide de s'exiler le plus loin possible, au Canada.
Son passage au Manic Montréal est bref car le championnat nord-américain vit ses dernières heures. Il est le premier professionnel français à jouer au Canada mais les stars du genre Pelé, Beckenbauer ou Cruyff boudent désormais la NASL et il est de plus rapidement rattrapé par des affaires de salaires occultes. Le couperet tombe et Larios devient “persona non grata” du côté du Saint-Laurent. Sa pige quebécoise n’aura duré que quelque mois mais le briscard a de la ressource.
En effet, anticipant la courte durée de son intermède canadien, Larios avait préparé ses arrières en convenant d'une signature avec le Neuchâtel Xamax en Suisse et ce, avant le 20 juillet, date à laquelle il doit subir une nouvelle opération. Avec son quatrième (!) club de l'année 83, Larios se refait enfin une petite santé avec un nouveau genou, 13 matches et 5 buts. Pas assez pour profiter d'une retraite paisible au bord du lac de Neuchatel.
Une année 1983 plus que mouvementée pour Larios
Alors c'est le retour au bercail, dès l'été 84, en France où il a encore une belle côte pour des clubs de seconde zone. Il retrouve d'abord Robert Herbin à l'OL, descendu en deuxième division, mais ne parvient ni à y briller ni à faire remonter le club, étant même particulièrement mauvaois lors d'un Derby de triste souvenir (pour les Lyonnais). Il prend ensuite la direction de Strasbourg, avec qui il connaît la relégation en fin de saison puis enchaîne à Nice et termine sa carrière à Montpellier. Quatre clubs en quatre ans pour un nombre décroissant de matches joués et de buts marqués. Une fin de carrière en en forme de longue agonie.
Mais sa descente aux enfers passe aussi par les casinos d'où il finit par se faire interdire d'accès: "Un soir, j'ai pris 1,7 million de francs. On m'a conseillé de m'arrêter et je suis reparti en leur faisant un chèque de 250.000 francs".
Fin de carrière en demi-teinte dans le ventre mou français
Après quelques années à digérer sa retraite sportive, Larios refait surface en 1995 en devenant agent de joueurs, se vantant même d’avoir inventé ce métier. Il aura sous sa coupe des noms prestigieux tels que David Ginola, Thierry Henry, Patrick Vieira ou encore Sylvain Wiltord ... Mais cette reconversion ne rime pas avec rédemption: associé au célèbre agent (et escroc) Marc Roger, Larios se fait rattraper par la brigade financière et pour avoir trempé dans le scandale des transferts frauduleux de l'OM entre 1997 et 1999, le tribunal correctionnel de Marseille le condamne en 2007 à deux ans de prison avec sursis, à une amende de 200.000€ et à une interdiction d'exercer la profession d'agent de joueurs pendant cinq ans. Larios déclarera que si la justice s'était intéressé à son métier d’agent, ce n'était que par la volonté du président Nicolas Sarkozy... grand ami de Michel Platini .
Jean-François Larios en 2023
Depuis, Jean-François Larios se définit comme "un clochard de luxe". Durant ses belles années, il fut selon lui très généreux auprès de ses proches, répondant à toutes leurs demandes et s'en retrouva ruiné. Aujourd’hui, ses tempes ont blanchi, les traits de son visage ont vieilli mais sa coupe de cheveux, cette tignasse qui le rendit reconnaissable entre mille est restée la même. Comme à l’époque où les Espagnols l’avaient surnommé “Le Gitan”.
Il vit avec une petite retraite, roule dans une vieille Citroën et c’est son fils qui l’héberge. Aujourd’hui, Jean-François est diminué. L'alcool, c’est fini, il s’est fait désintoxiquer. La santé va mieux mais il doit composer avec un grave accident cardiaque survenu en 2016. Malgré le pontage qui lui sauva la vie, il a perdu la sensibilité de son pied: “Lui, c'est une catastrophe."
Ce pied, aujourd'hui enserré dans une chaussure orthopédique, avait pourtant fait de lui l'un des plus grands espoirs du foot français quand, dans la parenthèse enchantée de la fin des années 70, il menait a grande vie avec Saint-Étienne, sortant, buvant, épousant Miss Suède, divorçant, consommant la vie par les deux bouts: "Je partais à Lyon en claquettes et je revenais avec une Mercedes".
A son apogée, Larios était le beau gosse du football français. Il avait même été élu parmi les 25 Français les plus beaux des années 80. Mais tout s'est effondré pour des raisons finalement aussi romantiques que sa trajectoire de talent maudit: en 2001 à l’Ile Maurice, pendant un footing sur la plage, Larios croise Platini sortant d'une baignade dans la mer. En le voyant, l'ancien prodige des Bleus se cache les yeux et détourne la tête. Aucun mot ne sera échangé entre ces deux amis brouillés, a vie. C’est la dernière fois que les deux hommes se reverront: "J'ai osé toucher à l'icône Platini, je suis devenu un paria"
Robby1976