Passé par l'ASSE (de 2007 à 2016), ancien joueur de Laurent Batlles et ex-coéquipier de Dylan Chambost et Jimmy Giraudon, l'attaquant de Hatayspor (L1 turque) Dylan Saint-Louis s'est confié à Poteaux Carrés.


L’été dernier, tu as quitté l’Estac pour Hatayspor. Quel bilan fais-tu de cette première saison en Turquie ?

On va dire que le bilan est assez bon. C’est assez intéressant d’un point de vue collectif même si on a moins bien fini la saison qu’on ne l’a démarrée. On a terminé en milieu de tableau avec un bilan équilibré. Sur le plan individuel, ça va. J’aurais aimé jouer encore un peu plus mais j’ai quand même eu du temps de jeu. La saison d’avant, j’avais joué les 38 matches de L2 et j’avais été titulaire près d’une trentaine de fois. Cette saison j’ai participé à 35 matches de Süper Lig dont une quinzaine comme titulaire. Pour une première saison dans une première division, c’est plutôt intéressant. On va essayer d’améliorer ça cette année.

Et au niveau de tes stats ça donne quoi ? T’as été souvent décisif ?

Sur plan statistique c’est pas mal mais c’est perfectible. J’ai mis cinq buts dont un en Coupe de Turquie et en cumulant les deux compétitions j’ai mis sept passes décisives.

On s’attendait à te voir rester à Troyes à l’issue de ta balle saison dans l’Aube ponctuée d’une montée en L1.

C’était mon souhait, je pense que tout le monde le sait. Ça paraissait logique. On fait une super saison en Ligue 2, on monte en Ligue 1. Il n’y a pas de raison de vouloir partir. A la base je ne voulais pas partir, le coach Batlles était au courant, je voulais rester. Après, on ne va pas se mentir, j’ai reçu une proposition de Hatayspor qui ne se refusait pas. J’ai quand même pris le temps de réfléchir, j’ai discuté avec le coach. Mais même en voulant rester, il y avait vraiment un trop gros écart entre les deux offres. Les dirigeants troyens ont légèrement revu leur offre mais ça restait trop insuffisant. Et ça a été aussi un choix de vivre à 26 ans une première expérience à l’étranger en première division dans un championnat de bon niveau avec souvent de grosses ambiances dans les stades.

Laurent Batlles a donc dû se résoudre à te voir partir. C’est un coach que tu as connu lors de vertes années avant d’évoluer sous ses ordres à l’Estac.

Tout à fait. Je l’ai côtoyé quand j’étais avec les pros et qu’il était dans le staff de Christophe Galtier. Et j’ai aussi travaillé quelques semaines avec lui l’été 2017, entre mon retour de prêt du Stade Lavallois et mon départ fin août au Paris FC. Laurent Batlles attaquait alors sa deuxième saison en tant qu’entraîneur de la réserve stéphanoise. Dès la première, il avait failli la faire monter en N2 mais Sainté avait fini deuxième derrière Saint-Priest. C’est au terme de sa deuxième saison que le coach Batlles y est parvenu. A un autre échelon, il a vécu la même chose à l’Estac. Sa première saison, le championnat a été arrêté à cause du Covid alors que son équipe était quatrième à deux points de Lens. Et la saison d’après, où j’ai eu le plaisir d’évoluer sous ses ordres, on a fini champion de L2.

T’es en train de nous dire qu’on va devoir attendre 2024 pour remonter, c’est ça ?

Ce n’est pas ce que j’ai dit (rires), si ça ne tenait qu’à moi j’aimerais que Sainté remonte dès cette saison, tu le sais bien…

Mine de rien, t’as connu pas mal d’entraîneurs depuis que tu joues en pro car après tes débuts à Sainté t’as joué à Evian, Laval, au Paris FC, à Beershot, à Troyes et à Hataysor. Qu’est-ce qui caractérise Laurent Batlles ?

C’est vrai que j’ai connu beaucoup de coaches, avec différents profils. Mais pour être honnête Laurent Batlles est le meilleur coach que j’ai eu depuis le début de ma carrière. Et je dis ça en faisant abstraction du côté affectif car on s’apprécie tous les deux en tant que personnes. Moi j’ai un amour pour le football, le beau football. Le coach, c’est exactement ça. Il n’essaye pas juste de gagner. Il essaye de gagner avec la manière. C’est un compétiteur bien sûr mais c’est aussi un amoureux du jeu. Il a réussi à imposer son style à Troyes. Je pense que c’est la petite touche qui fait un peu la différence avec les autres coaches. Laurent Batlles prône un jeu offensif, plaisant.

Outre le style de jeu qu’il met en avant, c’est un coach qui sait aussi fédérer et manager. Quand on est coach, il faut gérer plusieurs caractères différents, plusieurs styles de joueur. Je pense qu’il a aussi été bon dans ça. On n’est pas champion de L2 par hasard. Oui il y avait de très bons joueurs, oui il y avait un très bon coach mais il faut que les deux se marient bien. Laurent Batlles a réussi à amener le groupe, là où il voulait. Et le groupe aussi se battait pour lui. C’était vraiment une famille. Il a réussi à amener cette ambiance avec des mecs unis et qui travaillent.

C’est un coach je trouve très bon dans le relationnel en plus d’être très bon tactiquement. Et ça, c’est important ! C’est un coach qui sait s’adapter à ses joueurs et en tirer la quintessence. On sent tout simplement que Laurent Batlles a été joueur, qu’il a vécu beaucoup de situations. Il sait à quel moment dire les choses, à quel moment ne pas les dire. A quel moment être dur, à quel moment l’être moins. Et c’est ça en fait qui fait la différence.

Laurent Batlles a fait venir à Sainté Romain Brottes. Leur collaboration avait fructueuse à Troyes. Que t’a apporté cet analyste vidéo ?

Romain m’a notamment apporté dans mes courses dans les derniers mètres, dans le timing de mes appels. On avait un style de jeu très particulier avec le coach Batlles. On démarrait de très loin sur les côtés nous les excentrés. En fait on faisait des courses intérieures mais naturellement on les faisait avec cinq mètres d’écart avec le bon endroit où il fallait le faire par exemple. Je me souviens de plusieurs discussions qu’on a eues avec Romain à ce sujet, même à la mi-temps des matches. Il me montrait des vidéos : « Regarde Dylan, si tu fais des appels là, à cinq mètres plus dans l’axe, et bien tu vas au but directement. » Tu vois, c’est des petits détails en vrai.

C’est peut-être des petits détails pour nous mais pour toi ça veut dire beaucoup !

Oui, car le haut niveau est une histoire de petits détails. C’est ce qui fait toute la différence sur un terrain. C’est bien qu’on parle de Romain car dans le foot d’aujourd’hui l’analyse vidéo est assez pointue et prise en considération par l’entraîneur comme par les joueurs. Romain est quelqu’un d’investi et de passionné, à l’image du coach. Si Laurent Batlles l’a pris, c’est qu’ils ont un peu la même vision en termes de football. Romain était très impliqué, très attentif. Il avait très envie comme le coach et les joueurs de faire cette montée en L1 et a soigné tous les petits détails. On voit qu’il sait de quoi il parle et qu’il a des qualités dans son travail.

C’est toi qui lui demandais des montages ciblés ou c’est lui qui te les proposait en fonction de ce que lui demandait le coach et de ce qu’il avait détecté te concernant ?

Il nous arrivait d’être demandeur mais c’est surtout lui qui nous mâchait le travail ! On va dire la vérité, à chaque match, il avait décortiqué pour nous certaines actions. Je me souviens que sur tous nos adversaires, on avait un espèce de site où il nous mettait tous les points forts et tous les points faibles des adversaires. Quand j’étais susceptible de jouer à droite, j’allais recevoir une vidéo du latéral gauche. Après, on avait une certaine liberté. Soit tu regardes, soit tu ne regardes pas. On te propose des services. Les montages de Romain m’ont été utiles, inconsciemment ou pas tu peux exploiter en match ce que t’as repéré sur les images.

Tu évoquais tout à l’heure les qualités de tacticien de Laurent Batlles. Comment as-tu vécu de l’intérieur cette période charnière où il a mis en place ce couillu 3-4-3 avec ce milieu en losange qui a tant réussi à l’Estac ?

Ce changement tactique a été clairement le tournant de notre saison. Je vais être honnête, nous on était en 4-3-3 en début de saison. Sur le papier, pour moi en tout cas, on avait l’un des meilleurs effectifs de la Ligue 2. Inconsciemment, on se dit qu’on est déjà assez bon comme ça même si on n’a pas fait un super début de saison. Sur les premiers matches je te parle. Mais on pensait que le 4-3-3 marchait assez bien, qu’on avait deux ou trois solutions quasiment à chaque poste. A aucun moment on se dit qu’on va changer de schéma tactique et qu’ensuite on va marcher sur tout le monde.

Mais en fait, un jour, on s’entraîne et le coach met en place ce 3-4-3 losange. Sur le moment on se regarde, sur le terrain on s’en souvient. Avec Dylan (Chambost) et Flo Tardieu, on se regarde en se disant « c’est quoi cette cette compo ? Vous êtes là au milieu, nous on est collé à la ligne sur les côtés, on est hyper devant. On n’a que trois défenseurs. On ne va quand même pas défendre à trois tous les week-ends ! » Bon, on s’entraîne dans ce dispositif inédit. Comme le coach avait l’air sûr de lui et déterminé dans ce qu’il voulait proposer, du coup on s’entraîne comme ça et on le fait à fond. Et on se rend compte que ça marche plutôt pas mal !

On joue à Ajaccio, c’est le premier match où on met ce système en place. On gagne 4-0 et de là c’est parti. On a fait une série incroyable de 12 matches sans défaite. C’est l’élément déclencheur qui a fait qu’on a été champion car on a accumulé beaucoup de confiance. On prend la possession à toutes les équipes. Ça déroule en fait ! Tous les week-ends, on sait qu’on a de grandes chances de gagner, qu’on est les plus forts, avec humilité bien sûr.

Cette réussite tient au fait que Laurent Batlles avait dans son effectif les profils de joueur adaptés à ce système audacieux ?

En tout cas le coach a su mettre ses joueurs dans les meilleures conditions à chaque poste. Je pense que Laurent Batlles savait qu’à chaque poste son joueur était dans les meilleures dispositions. Nous les excentrés, Alimani Gory et moi par exemple, on aimait mordre la ligne et jouer le un contre un. Donc le coach nous mettait dans cette disposition-là. Yoann Touzghar avait besoin d’espace pour soit décrocher, soir repartir dans la profondeur. Dylan Chambost, c’était un espèce de 8-10 donc être dans le cœur du jeu, ça lui plaisait. Ensuite t’avais Florian Tardieu, c’est un métronome. Un 6 qui peut monter, descendre. Au milieu t’avais des joueurs qui avaient la même philosophie : Rominigue Kouamé, Flo Tardieu, Dylan Chambost, Tristan Dingomé. Le mariage a été rapide. En vrai, on a dû le bosser deux jours et c’était maîtrisé. Je pense que le coach Batlles avait anticipé le fait que chaque joueur se sentirait bien.

Pour ne rien te cacher, au début nous on avait juste peur défensivement. Parce que moi par exemple, je suis milieu droit. Si je perds la balle, il n’y a personne derrière moi. S’il faut faire 60 mètres pour revenir, comment je fais pour attaquer ? Mais en fait on a compris qu’à chaque perte de balle, il y avait une solution, le coach expliquait quel joueur devait aller dans quelle zone. Au final, en fait, tu ne courais pas tant que ça ! Le coach avait tout anticipé, ça nous a rassurés, du coup on a très vite assimilé son nouveau système. On ne va pas se mentir, c’est ce qui nous a fait gagner le championnat.

La première recrue du coach Batlles a été Dylan Chambost. Que peux-tu nous dire sur lui ?

Dylan, déjà, c’est une très bonne patte gauche. Ça, c’est clair, net et précis ! Après, c’est un joueur intelligent, tout simplement ! Il se place toujours au bon endroit, il anticipe ce qu’il va faire, il joue très rapidement. Ce n’est pas quelqu’un qui va porter cent fois la balle. Il a une bonne vision du jeu. Avant de le retrouver à Troyes, je l’ai connu très jeune. On a grandi ensemble limite même si je suis de deux ans son aîné car c’est un 97 et moi un 95. Mais bon, on était au lycée ensemble, on a tout vécu quoi ! Je l’ai vu jeune, je le vois aujourd’hui… J’ai pu mesurer sa progression, elle est énorme. Dylan a beaucoup progressé.

Dans quels domaines ?

Son développement physique notamment. Dans les équipes de jeunes, il était vraiment petit. Dylan a grandi sur le tard, à la fin de son adolescence. Il a pris pas mal de centimètres en peu de temps, il fait plus d’1m75 en fait. Mais en équipe réserve, il avait encore un côté un peu chétif, pas très costaud. Depuis, il s’est rempli physiquement, il s’est étoffé. En général de base on a soit le physique, soit la technique. Il faut travailler le côté qu’on n’a pas naturellement. Je sais personnellement que Dylan a beaucoup travaillé. Dylan a travaillé avec un préparateur que l’on connaît bien, avec qui j’ai bossé aussi : Raph Darch. Il est assez connu, il travaille avec beaucoup de joueurs, en France comme à l’étranger. Il travaille très bien, c’est du travail ciblé. Avec Dylan, ils ont très bien bossé et bossent toujours ensemble d’ailleurs.

Beaucoup de joueurs ont un préparateur physique perso en plus de celui du club ?

C’est propre à chacun en fait. Moi, de base, je suis un fainéant de nature, je te le dis clairement. Mais je sais qu’à partir du moment où je me suis mis à travailler réellement, j’ai explosé dans beaucoup de domaines. Je pense que certains ont besoin d’un préparateur physique perso, d’autres non. Mais en réalité en y réfléchissant je considère que tout le monde en a besoin. Même quand on est très fort, il faut travailler si on veut être encore plus fort. Je pense que c’est quelque chose que tu peux placer un peu avant ta saison. Après, c’est libre à chacun si tu veux continuer pendant la saison, il n’y a pas beaucoup de joueurs qui le font. Avant la saison, j’ai envie de te dire que quasiment tout le monde le fait. C’est devenu un peu une routine de tous les joueurs car ils voient que tous les grands joueurs font ça. Il y a une part de mimétisme.

Dans quels autres domaines Dylan a progressé ?

Cela rejoint un peu le physique mais il a gagné en rapidité dans ses appuis. Dylan a acquis plus de puissance, il gagné en rapidité dans sa prise de décision. Dylan a gagné en confiance. Ça a toujours été un bon joueur mais parfois tu pouvais sentir qu’il n’était pas toujours sûr de lui sur le terrain. Quand je suis arrivé à Troyes, je n’ai pas senti ça. Après il avait grandi aussi, il venait de faire sa première saison en pro alors que je ne l’avais vu à l’œuvre qu’en jeunes. A Troyes, j’ai vu un homme, ce n’est plus la même chose. Il avait progressé dans sa tonicité, dans sa puissance. Tout ce qui était technique, il l’avait déjà, et il a bonifié ça avec les bons conseils de Lolo.

Quel est son meilleur positionnement ? C’est un 8 ou un 10 ?

Pour moi son meilleur positionnement ce serait 8. Il peut jouer 10, ce n’est pas un problème. C’est ce qu’il a fait à Troyes toute la saison. Mais je considère que son meilleur poste, c’est 8. Parce qu’à mon sens, un 10 a une certaine folie. En tous cas tous les 10 que je connais et qui sont vraiment très forts et au-dessus ont une part de folie dans leur jeu. Je pense par exemple à Saïd Benrahma [meneur de jeu de West Ham, ndp2]. Entre les lignes il peut faire tout et n’importe quoi à n’importe quel moment. Dylan est trop propre dans son jeu. Un 10 tel que je le perçois, il doit être un peu fou. Dylan, même quand il est 10, il va décrocher dans cette zone de 8 et il va être beaucoup plus à l’aise pour distiller des bons ballons, pour partir balle au pied ou sinon tirer car il a une bonne frappe.

Quand on pense à un 8, on a parfois l’image d’un joueur qui va un peu plus au charbon, qui met de l’impact dans les duels et gratte des ballons. S’il s’est étoffé physiquement, Dylan n’est pas Mahdi, et n’est pas dans ce registre-là. Tu penses que Dylan doit encore s’étoffer et être un peu plus "rentre-dedans" au risque de perdre un peu ses qualités ? Ou tu considère que Dylan doit jouer avant tout sur ses qualités et les développer ?

Je pense qu’il doit plutôt jouer sur ses qualités et les accentuer. Tu sais, le poste de 8, c’est l’un des rares où t’as différents styles. Tu peux avoir effectivement des joueurs comme Mahdi. Sur le plan technique, il est a des années-lumière de Dylan mais par contre, il va chercher les ballons. Sur 15 ballons, il va peut-être aller t’en récupérer 13. Parce que Mahdi a des aptitudes physiques, c’est un guerrier, il a faim et il défend peut-être mieux. Je pense que Dylan doit garder son style. Regarde Modric, il joue en 8. Il récupère des ballons par son placement mais ce n’est pas le mec qui va tacler, aller au charbon. Je pense que Dylan doit rester lui-même, cultiver ses points forts. De toute façon Dylan ne deviendra jamais Mahdi. Chacun joue avec ses qualités, avec ses armes.

Dylan a été comme toi l’un des artisans de la montée de l’Estac mais il n’a pas des stats de ouf. Votre saison commune en L2, il a claqué un seul pion et délivré 3 passes dé en 36 matches dont 32 en tant que titu. En L1, cette dernière saison, il n’a pas scoré en ne compte qu’un assist à son actif en 19 rencontres et 9 titularisations. T’expliques ça comment ?

Dylan a fait partie des joueurs importants de la montée dans la maîtrise. Dans notre schéma, ce n’est pas facile de jouer numéro 10. Il faut contextualiser les choses aussi. C’est un jeune joueur, c’était l’un des moins âgés de notre équipe sur le terrain. Jouer numéro à 10 à ce moment-là, on ne va pas te demander de faire la différence, de faire des passes décisives, de mettre des buts. Mais par contre, dans la tenue de balle, il faut que t’aide ton équipe. En fait, c’est dans ce domaine-là qu’il a excellé. Il perdait très peu de ballons par match.

Il n’a pas été dans les dernières passes et dans beaucoup de buts mais le but qu’il a marqué contre le Paris FC a été important. C’est lui qui a ouvert le score, j’ai mis le but du break et on a gagné 2-1 contre une belle équipe du Paris FC. Ce qu’il faut savoir, c’est que Dylan a été dans beaucoup de décalages. Nous de l’intérieur on sait ce qu’il nous a apporté. Il a participé à la montée et de bonne manière. Dans le foot de maintenant, si tu ne fais pas stats, on croit que t’as fait une mauvaise saison. Je trouve que les clubs et les observateurs se basent trop sur les stats, c’est dommage.

Que t’inspire le retour de Dylan à Sainté ? Il n’avait fait que deux entrées en jeu en pro avec l’ASSE, dans la très jeune équipe que Galette avait aligné au Parc en Coupe de la Ligue et lors d'un match de Coupe de France perdu aux tirs au but à Troyes à l'époque de Jean-Louis Gasset. Penses-tu qu’aujourd’hui Dylan est mûr pour s’imposer ?

Via les réseaux, j’ai su que Dylan allait revenir bien avant que ce soit officialisé. Dès que le coach a signé, ça commençait déjà un petit peu à s’annoncer. Quand Dylan annonce qu’il quitte Troyes, nous on sait qu’il va à Sainté. On se charrie un peu sur les réseaux donc je lui ai dit : « t’es attendu à la maison ! » Je suis content pour lui bien sûr. En vrai, qu’est-ce qui pouvait lui arriver de mieux ? Il sort d’une saison un peu compliquée. Déjà ce n’est pas le même championnat. Avec le départ du coach Batlles à mi-saison, la situation de Dylan était délicate. Le coach, c’était aussi son appui dans le club. Troyes a mis en place un autre style de jeu qui lui convenait moins, ce n’était pas à son avantage. La donne change maintenant que le coach est rentré à Sainté.

Dylan, c’est un Stéphanois pure souche. Il a rejoint l’ASSE très jeune, il a été formé au club. Il aime profondément le club. C’est génial pour lui ! Sa famille aussi est fan des Verts. Le fait de pouvoir jouer devant ses proches tous les week-ends, je pense qu’il n’y a rien de mieux ! Franchement, je pense qu’il a tout pour s’épanouir cette année. J’espère que Dylan et le coach Batlles vont essayer d’aller chercher une autre montée, de réussir avec Sainté ce qu’ils ont su faire avec Troyes.

Laurent Batlles a aussi fait venir son ancien capitaine troyen Jimmy Giraudon. Quelles sont les caractéristiques de ce joueur ?

C’est simple, il y a une qualité qui ressort directement dans son jeu, ça se voit tout de suite. Balle au pied, pour un défenseur central, il a une relance… J’ai rarement vu un défenseur central relancer aussi bien que Jim ne le fait. Pourtant j’ai joué dans beaucoup d’équipes et j’ai vu à l’œuvre beaucoup de centraux. Jimmy a de telles facilités à relancer la balle... Peut-être que le fait qu’il ait été numéro 6 explique en partie cette qualité très forte de Jim. Ça fait vraiment du bien à une équipe d’avoir un gars comme ça. Quand t’es un peu pressé par l’équipe adverse, lui il va te faire une passe qui te casse deux ou trois lignes. T’as le temps de repartir sur une attaque placée ou rapide, ça fait vraiment du bien. C’était notre capitaine, lui aussi évidemment a joué un rôle dans la montée. N’ayons pas peur des mots, sa relance est exceptionnelle.

C’était quel type de capitaine ?

Déjà il faut préciser que cela faisait déjà un moment qu’il était le capitaine de l’Estac quand j’ai joué avec lui à Troyes. Après, je vais être honnête, ce n’est pas quelqu’un qui s’exprime beaucoup. Mais quand il s’exprime, il est très écouté bien sûr. De par son statut de capitaine bien sûr mais aussi car c’est un ancien. Il n’est pas très vieux, hein, je crois qu’il a fêté ses 30 ans il y a quelques mois. Mais c’est un défenseur expérimenté donc un des tauliers de l’équipe.

Ce n’est pas forcément le capitaine qui va crier dans tous les sens. Non, il était très calme, un peu comme l’était Loïc. Quand il pétait, ça pétait, même parfois avec certains joueurs mais ça fait partie du truc. C’est tout à fait normal, justement il faut ça dans un vestiaire. Si t’as pas parfois ce type d’échanges un peu vifs, tu ne peux pas aller chercher les objectifs du groupe. A Troyes, ce qui était bien, c’est que t’avais un peu l’impression que tous les joueurs étaient un peu des leaders. Certes il y avait des leaders techniques comme Dylou.

Dylan Chambost je présume ?

Oui. Tu sais, comme on a le même prénom, on l’appelait Dylou et moi Dylan. C’est sûr que Dylou n’allait pas prendre la parole devant tout le monde tout le temps parce qu’il savait qu’il y avait des plus grands que lui, des joueurs plus expérimentés comme Jimmy. Je trouve que Jim a été un bon capitaine. Il a su gueuler certaines fois quand il fallait gueuler. Il y a d’autres joueurs aussi qui l’ont fait, plus de fois que lui. Jim n’est pas un gueulard, il n’est pas dans la représentation, dans le spectacle. Son truc, ce n’est pas de parler juste pour parler. Il ne prend la parole que lorsqu’il sent qu’il a quelque chose à dire.

A Troyes, c’est vrai qu’on avait des mecs avec un peu beaucoup de sang chaud. Du coup dans les mi-temps quand ça se passait mal ça sortait tout seul. On avait notre objectif, on ne voulait pas passer à côté. C’est vrai qu’il y avait souvent trois ou quatre gars, ça pétait entre nous parce que l’on n’y arrivait pas sur certains moments. Mais en fait c’est qui nous aidait à nous motiver, à nous remettre dedans. Quand ça allait trop loin, Jimmy intervenait : « Les gars, taisez-vous, on s’assoit, on récupère. Le coach va donner ses consignes, réajuster les choses. Il y a une deuxième mi-temps qui arrive. Au lieu de gueuler comme des cons, on n’a qu’à jouer ! » Après, on est respectueux, c’était un bon groupe.

Pour avoir vu quelques matches de l’Estac la saison de votre montée, j’ai le sentiment que Jimmy n’est pas très rapide mais qu’il compense par sa lecture du jeu et son placement. T’as un peu le même ressenti ?

C’est exactement ça. C’est même pas « un peu », c’est complètement ça, je te le confirme. En fait Jim anticipe tout. C’était un lecteur DVD le mec. Dès qu’il y avait un ballon, il anticipait. C’est vrai qu’il n’est pas très rapide mais il compense par sa lecture du jeu, son sens de l’anticipation et bien sûr sa technique. Ça en fait un excellent défenseur dans une défense à trois car il compense les erreurs des autres et brille par ses relances. Il maîtrisait très bien ce système mis en place par le coach Batlles.

Physiquement, il semble moins impressionnant que bon nombre de joueurs évoluant à son poste. Ça reste néanmoins un défenseur dans l’âme ?

C’est vrai qu’il est beaucoup moins costaud que la plupart des centraux, surtout en Ligue 2. En L2, t’as toujours le costaud et le relanceur, c’est obligatoire ! Parfois dans ce championnat t’as deux costauds.

A Sainté t’auras deux relanceurs car Anthony Briançon est lui aussi un ancien 6 plutôt habile techniquement.

Laurent Batlles attend de ses défenseurs des qualités techniques, c’est certain. Avec ses premières recrues, on voit déjà l’identité de jeu se dessiner je pense. Anthony Briançon a lui aussi joué milieu défensif avant d’être repositionné dans l’axe. C’est vrai qu’il se débrouille bien dans les relances mais il est quand même moins fort que Jim dans ce domaine. Je le répète, la qualité de relance de Jimmy est exceptionnelle. Je pense que Briançon jouera plutôt le rôle de celui qui va au charbon, qui va faire un peu le ménage. Jim et lui sont complémentaires.

Clairement, ce sont des recrutements réfléchis. A mon avis ça fait un bon moment que le coach pense à cette association. Non seulement ce sont des joueurs complémentaires mais ils ont une grande expérience de la L2. L’un comme l’autre a été capitaine de son équipe et a l’expérience d’une montée. Je trouve ça judicieux aussi de vite avoir récupéré Dylan avant qu’il n’ait des propositions à droite ou à gauche. Après, il va falloir s’appuyer sur le secteur offensif aussi. C’est important de bien défendre mais il faut gagner les matches. Et Sainté devra en gagner un de plus avec son handicap de départ de trois points.

Comme l’autre Dylan, t’as envisagé de revenir dans ton club formateur ?

J’y ai pensé. Enfin, j’y ai pensé… Non, on va dire que beaucoup de personnes m’ont taquiné avec ça parce qu’ils connaissent mon entente avec le coach. Ma femme est stéphanoise en plus donc forcément tout le monde m’a dit « reviens, patati, patata. » Mais il y a un petit problème qui fait que ce ne serait pas possible en tout cas actuellement. Bon, je pense que tout le monde le sait.

Un problème d’ordre financier je suppose…

Ouais, forcément. Si on a eu un problème avec Troyes qui était en Ligue 1 et même d’autres qui cette année sont intéressés, c’est sûr qu’en Ligue 2 c’est encore plus compliqué. Mais voilà, comme je le dis souvent, on ne sait pas de quoi demain est fait. Aujourd’hui je te dis ça et si ça se trouve dans trois semaines on me voit à Saint-Etienne. Il y a des choses incompréhensibles parfois qui arrivent. On ne sait pas. En tout cas je n’ai pas eu de… J’ai quand même discuté récemment avec le coach, pas pour ce genre de choses-là mais pour le féliciter.

Il n’a pas essayé de te récupérer comme il l’a fait avec Dylan Chambost et Jimmy Giraudon ?

Mmm… oui, mais après c’est logique. J’ai encore deux années de contrat en Turquie, je suis dans une première division. Ce serait quand même un peu reculer. Mais bon, tu peux être parfois dans une réflexion évolutive. Ce qui est sûr, c’est que je m’entends bien avec ce coach-là. Se dire « je préfère aller en deuxième division, me battre pour un projet et monter », ça se tient aussi. Faire remonter son club formateur, ça ferait plaisir. C’est vrai que tu peux être dans cette optique-là.

Même si aujourd’hui ce n’est pas d’actualité, je ne peux pas dire que c’est impossible que je revienne à Sainté. Je m’entends très bien avec le coach, je l’apprécie beaucoup, il y a beaucoup de points qui font que j’ai des envies. Après, il y a aussi la réalité financière. On ne va pas se le cacher, ça rentre en ligne de compte. C’est très compliqué de refuser certaines choses, c’est forcément un des points qui a pesé dans mon choix de rejoindre Hatayspor.

Comment as-tu vécu à distance la relégation de ton club formateur ?

Lors du barrage contre Auxerre j’étais en sélection nationale car je suis international congolais. La descente de Sainté, tu ne la vis pas bien. Quand je dis pas bien, c’est sûr que je ne suis pas sur le terrain donc je ne vais pas dire « je suis celui qui l’a mal vécue, patati patata, j’ai fait une dépression et tout. » Non, ce serait mentir. Mais ça me fait quand même quelque chose. Ça reste ton club formateur. Comme tu le sais on se charrie dans tous les sens entre joueurs. Dans la sélection congolaise, il y avait deux joueurs formés à l’AJA, ils attendaient qu’on perde et moi j’espérais qu’on se maintienne.

En fait, quand t’as un club formateur, ça te colle toute ta vie. Moi quand on me voit, on dit : « Ah oui, c’est Dylan Saint-Louis de Saint-Etienne. J'ai joué en vert 8 ou 9 ans. J'ai été formé à l'ASSE, c'est là-bas que j'ai signé mon premier contrat pro, que j'ai marqué mon premier but en pro contre Montpellier dans le Chaudron. Quelques jours après j'ai un peu goûté à l'Europe quand Christophe Galtier m'a titularisé contre le Beitar Jérusalem à Geoffroy. Les années vertes, ça ne s'oublie pas donc oui ça fait chier quand même cette descente. Après, je me dis que c’est peut-être reculer pour mieux sauter. Ça fait quand même un bon moment que le club était sur la corde raide, on voyait bien qu’il y avait des soucis à plusieurs niveaux. J’ai continué malgré tout à regarder certains matches des Verts. En fait j’aime trop le foot donc je regarde des matches de Sainté.

T’aimes le foot et tu t’es quand même acharné à regarder Sainté ces dernières années ? En fait t’es comme nous, t’es un vrai malade, complètement maso !

(Rires) Nan mais j’aime bien regarder les matches des clubs où j’ai joué. Je regarde pas mal de matches de l’Estac. J’aime bien regarder surtout là où j’ai des potes en vrai. A Sainté, je suis très proche d’Yvan Neyou, que j’ai connu au Stade Lavallois. On a joué six mois ensemble. On a sympathisé de suite, on est devenu amis et on est resté en contact. Je suis très proche aussi d’Arnaud Nordin, qui est maintenant à Montpellier. Même si je suis un petit peu moins proche d’eux, je connais bien des joueurs comme Mahdi Camara, Mickaël Nadé. Le fait que le coach Batlles et Dylan soient revenus à l’ASSE, ça donne encore plus envie de voir les matches des Verts.

Le cas d’Yvan Neyou nous intrigue. Quasiment personne ne le connaissait avant qu’il ne signe chez nous, il a fait des débuts fracassants, plaisait beaucoup à Claude Puel mais depuis il a un peu disparu de la circulation.

Moi je pense que Sainté devrait vraiment se batte pour le conserver. S’il s’en va, il va réussir ailleurs et ce serait con. Ce serait con ! On a vu ses qualités, à ses débuts il était en pleine bourre. A mon avis c’est juste une question de confiance. Je pense qu’avec le coach Batlles, ça devrait aller. Perso j’aimerais voir Yvan rester à Sainté. Après, c’est une question de feeling. On va voir comment ça se passe pendant la prépa. Il va bien sentir si ça se passe bien avec le coach. Laurent Batlles va pouvoir se faire une opinion du style de joueur qu’il est et voir si ça peut coller avec le projet qu’il veut mettre en place. Pour bien connaître les deux, je pense que ça peut matcher. Ils aiment bien le jeu, ils devraient réussir à s’entendre.

Qu’Yvan Netou reste ou pas, caresses-tu l’espoir que Sainté retrouve l’élite dès cette saison ?

Franchement, il faut être honnête, il n’y a que deux solutions dans ces moments-là. Soit tu remontes direct, soit ça met du temps. Si on regarde pour l’instant les personnes qui sont arrivées au club, que ce soit le coach et les joueurs, ils font des bons choix. Pour moi, faire revenir le coach Batlles, c’est un choix parfait. Il connaît la Ligue 2 par cœur et il impose un bon style de jeu. Tu prends des joueurs intéressants comme Dylan, Jimmy et Briançon donc pour l’instant tout va bien. Je pense que le coach a pensé à récupérer un peu son ossature de Troyes. Le problème, c’est que c’est un peu compliqué. Dylan était en fin de contrat, Jimmy a sans doute été libéré pour services rendus, en tout cas tous les deux ne semblaient plus trop rentrer dans les plans de Bruno Irles donc leur départ à Sainté a pu se faire assez facilement.

Pour les autres joueurs troyens susceptibles d’intéresser le coach Batlles, ça risque d’être plus difficile. Il y a des joueurs de l’Estac qui étaient vraiment très importants mais dont la venue semble compromise par le statut qu’ils ont maintenant. Je pense par exemple à Gauthier Gallon. Tu ne peux pas récupérer un gardien qui a fait une top saison en L1. Comment le convaincre pour revenir en Ligue 2 ?

Pareil pour Flo Tardieu. Un bon numéro 6 qui a vraiment le niveau pour poursuivre son aventure dans l’élite. Pour le comparer à un joueur ayant évolué en vert, il a un peu le même profil que Clément sauf que Jé était gaucher tandis que Flo est droitier. Florian a été l’un des grands artisans de la montée, je peux te le dire ! Je pense que le coach aimerait le récupérer car il l’appréciait particulièrement.

Le problème c’est que des joueurs comme ça ont passé des caps et sont compliqués à atteindre maintenant pour des clubs de L2. Et puis forcément ça risque de tiquer du côté de l’Estac si l’ASSE tente de faire venir des joueurs sur lesquels Bruno Irles compte. Je pense malgré tout que l’ASSE pourrait encore prendre un Troyen si elle le veut vraiment, si elle s'en donne les moyens. Et pour se faire il faut sortir un peu de sous. Ce serait pour la bonne cause si ça peut contribuer à faire remonter le club sans tarder. Je ne sais pas si le club a en l’état les moyens financiers de faire ça. C’est sûr que le rachat du club pourrait changer la donne car il impacterait sans doute l’enveloppe dédiée au recrutement. Mais bon, on n'en est pas encore là.

 

Merci beaucoup à Dylan pour sa disponibilité