Ancien défenseur de l'ASSE et de l'ESTAC, Mouhamadou Dabo s'est confié à Poteaux Carrés avant le match qui opposera les deux clubs ce vendredi soir à Geoffroy-Guichard en ouverture de la 29e journée de L1.


Que deviens-tu depuis que tu as raccroché les crampons il y a trois ans ?

À la fin de mon contrat à Caen, je suis retourné dans ma maison à Lyon mais je suis allé aussi à Toulouse où réside ma belle-famille. On avait un projet avec un ami dans l’agriculture. Très jeune on avait réfléchi à un projet au Sénégal. On avait constaté que le pays importait beaucoup, on voulait œuvrer à son autosuffisance aimentaire. A l’âge de 8 ans, mon ami est venu au Sénégal. Quand il a eu 18 ans, il est retourné en France pour y faire ses études d’entreprenariat. Je l’ai encouragé à poursuivre ses études et de mon côté via mon métier je me suis créé mon réseau. On a fait des formations, on a créé une start-up, Eautours et créé une tour verticale, une tour végétale.

Le projet c’est de végétaliser les villes et de développer l’agriculture urbaine. Je suis toujours impliqué la-dedans. On est cinq associés, trois basés à Toulouse et deux à Dakar, ma femme et moi. On a lancé notre campagne de crowdfunding. On remplit toutes les cases de la RSE, la responsabilité sociale et environnementale. On a constaté que les gens, les entreprises, les clubs commencent à être sensibles aux probèmes environnementaux. Notre produit est ludique et pédagogique. Pour avoir une bonne société, il faut avoir une bonne éducation. L’éducation, ce sont les jeunes d’aujourd’hui qui seront responsables de demain. On veut sensibiliser les écoles avec notre produit.

Tu as également retrouvé depuis quelques mois une activité dans le domaine du football...

Oui. Vincent Ponsot, qui est directeur du football à l’Olympique Lyonnais, m’a appelé. On s’est eu au téléphone. Il ignorait que j’étais retourné vivre au Sénégal. Il m’a mis en rapport avec le président de l’AS Dakar Sacré Cœur, club partenaire de l’OL depuis 2015. J’ai discuté avec ce dernier, il m’a dit qu’il aimerait bien que j’intègre son académie. On a déterminé ensemble mes missions. J’ai vu que les jeunes africains, quand ils partent en Europe, sont un peu livrés à eux-mêmes. Ils ont beson d’un accompagnement, d’un suivi. C’est très important. Je suis donc le conseiller du directeur sportif qui est en même temps entraîneur. J’interviens deux ou trois séances dans la semaine. Je suis également le conseiller du Président, on essaye de faire une jonction B to B entre les entreprises sénégalaises et celle de l’Auvergne Rhône-Alpes. Je suis l’ambassadeur de ce projet.

C’est à Yeggo que l’ASSE t’a repéré et fait venir. Le partenariat entre les deux clubs a mal fini mais tu as vu que Sainté a noué un partenariat avec un nouveau club de Dakar il y a quatre mois ?

Bien sûr, cette info ne m’a pas échappé. J’ai su que l’ASSE avait désormais comme partenaire les Espoirs de Guédiawaye. J’ai vu que deux joueurs formés là-bas ont signé pro à l’ASSE, le gardien Boubacar Fall et l’ailier El Hadji Dieye. Ils jouent en réserve et j’ai noté que le second a déjà fait quelques apparitions en Ligue 1. Je ne sais pas si ce partenariat est bien solide, on n’en entend pas trop parler mais il faut dire qu'il est récent. Sainté était pionnier à l’époque, tous les joueurs du Sénégal partaient à l’ASSE. Comme tu l’as dit, le partenariat avec Yeggo ne s’est pas bien terminé. D’autres clubs se sont bien implantés au Sénégal, ils sont installés confortablement. Je pense notamment au parneriat entre le FC Metz et Génération Foot.Du coup ça va être un peu difficile pour les Verts. Après, rien n’est perdu.

Deux de tes anciens clubs s’affronteront ce vendredi soir au stade Geoffroy-Guichard en ouverture de la 29e journée de L1. Pour qui battra ton cœur ?

Je n’oublie pas que j’ai été formé à Sainté et que j’y ai joué les premières saisons de ma carrière professionnelle. J’ai défendu les couleurs de Troyes une saison quelques années plus tard mais je souhaite une victoire des Verts. Les Stéphanois ont deux points de moins que les Troyens, ils ont encore plus besoin d’un succès que l’Estac. L’ASSE doit vraiment rester dans l’élite, je veux encore revivre des derbys. Je préfère que Sainté gagne ce week-end mais je souhaite que les deux clubs se maintienne aussi.

Peux-tu nous rappeler le contexte de ton arrivée à Sainté ?

J’ai débarqué à l’ASSE en provenance de Yeggo à l’âge de 14 ans. J’avais fait des essais en mai 2000 et je suis revenu le 5 décembre 2000. Je me souviens précisément de la date car ça a été un sacré changement dans ma vie. J’ai été saisi par le froid. Je pensais qu’en décembre il allait faire le même temps que j’avais eu sept mois plus tôt en venant à Sainté (rires). Je n’étais pas bien couvert, heureusement le coach qui est venu me chercher avait prévu une doudoune. C’était Sébastien Degrange, qui dirige depuis des années le centre de formation du DFCO.

J’ai été vite surclassé dans l’équipe de Gilles Rodriguez, qui lui aussi m’a pris sous son aile. J’ai eu la chance d’avoir de bons éducateurs à l’ASSE, tous différents mais ils m’ont apporté beaucoup, en particulier le goût du travail bien fait. Né en 1986, j’étais surclassé donc je jouais avec les 1985 comme Bafé et Loïc. On ne s’est plus quitté. Il y avait d’autres bons joueurs dans cette génération Samy Houri, Carl Medjani, Idriss Ech Chergui. Dans les 1986 il y avait Jessy Moulin, Stephen Vincent, Akim Orinel, Alexandre Barthe et aussi Anthony Losilla.

Je me souviens qu’avec les 15 ans nationaux, sous la houlette de Gilles Rodriguez, on avait été jusqu’en finale du championnat. On avait perdu aux tirs au but contre l’INF Clairefontaine de Yoann Folly et Jimmy Briand. J’ai beaucoup appris aussi avec Jean-Philippe Primard, notamment au niveau mental. Pour avoir gardé quelques contacts au club, je sais qu’il est toujours à l’ASSE et qu’il entraîne depuis 4 ou 5 ans les U15. Il aura connu toutes les catégories car à mon époque il a eu successivement en charge les 17 ans, les 18 ans puis la réserve.

Cela fait très longtemps que Jean-Philippe Primard travaille au centre de formation de l’ASSE. Gérard Fernandez aussi, qui a œuvré pour me faire venir à Sainté. Lui aussi m’a pris sous son aile. Je l’ai côtoyé en CFA, avec le président actuel de l’ASSE d’ailleurs ! Roland Romeyer était à l’époque notre dirigeant, il connaissait bien les jeunes. La formation a toujours été importante à ses yeux. J’ai vu qu’il s’appuie désormais sur Jean-François Soucasse, que je connais aussi. J’avais d’ailleurs failli signer au TFC quand il y était et qu’Elie Baup entraînait Toulouse.

J’ai encore quelques contacts avec Loïc. Je suis content qu’il poursuive son parcours à l’ASSE après avoir raccroché les crampons. Je ne suis pas surpris de le voir s’impliquer à ce nouveau poste de coordinateur sportif. Je ne sais pas comment ça s’est décidé mais ils ont eu du flair de le nommer à ce poste. Loïc, c’est même le noyau, le socle du club. Il a joué toute sa vie dans ce club, il en connaît tous les coins et les recoins. Il est remarquable et exemplaire, aimé par tous les supporters. Je suis convaincu qu’il joue déjà un rôle important.

Loïc n’est sûrement pas étranger à la renaissance du groupe et à la bonne dynamique actuelle de l’ASSE. C’est de bon augure pour la suite. Il découvre de nouvelles missions, il est sorti de sa zone de confort et va continuer de rendre de fiers services au club, comme il le faisait quand il était sur le terrain. Loïc est posé, réfléchi, lucide. C’est quelqu’un de solide. Apparemment il s’est beaucoup investi lors du dernier mercato hivernal. Je pense que sa présence rassure tout le monde. Il inspire le respect. Même quand le club tangue, il est comme un phare dans la tempête.

Quel est l’ancien coéquipier stéphanois avec lequel tu es entretiens les liens les plus forts, aujourd’hui encore ?

Bafé Gomis. On est inséparable. C’est plus qu’un ami, c’est un frère. Je suis le parrain de son fils, nos parents se connaissent. Il vient souvent au Sénégal, on se voit tout le temps. J’ai également des contacts réguliers de Yohan Benalouane. J’ai souvent Jody Viviani qui vient régulièrement au Sénégal. J’ai aussi de temps en temps des nouvelles de Cédric Varrault. Mais c’est vrai que j’ai une relation un peu à part avec Bafé. Il a un an de plus que moi et quand je suis arrivé, je me suis rendu compte qu’on avait un peu les mêmes valeurs et les mêmes ambitions. C’était d’un jour devenir pro.

On a signé la même année notre premier contrat professionnel. Bafé vient souvent au Sénégal donc on se voit tout le temps. Avec Bafé, on a connu les mêmes galères donc on se comprenait. On se soutenait mutuellement. Quand je traversais des périodes où j’étais moins bien, il était là. Quand Bafé n’était pas bien, j’étais là. On se couvait et on se couvrait l’un l’autre. On a tissé des liens très forts chez les jeunes puis chez les pros et on est vraiment restés très proches.

Quel est l’ancien coéquipier stéphanois qui t’a le plus impressionné ?

Pascal Feindouno est le premier nom qui me vient à l’esprit. Il sortait du lot par ses qualités techniques. C’était un phénomène ! Il a grandement contribué à notre qualification pour la Coupe d’Europe. Il a fait marquer beaucoup de buts à Bafé. Dans un autre registre, j’ai bien aimé Stathis Tavlaridis. Je l’ai d’ailleurs eu tout à l’heure au téléphone. Il est scout à l’AEK Athènes. Dimitri Payet et Blaise Matuidi étaient très forts. Didier Zokora aussi était assez impressionnant. Mestro ! Je l’ai d’ailleurs retrouvé par la suite au FC Séville.

Quel a été ton match le plus marquant sous le maillot vert ?

Je ne veux pas être égoïste mais mon match le plus marquant a été celui où j’ai marqué (rires), quand on a gagné 1-0 contre le PSG. C’est mon seul but.

Bon, c’est vrai que j’ai aussi marqué contre Cluj en Coupe Intertoto mais ça n’a pas la même valeur car j’avais égalisé à 2-2 dans le temps additionnel du match retour mais on a quand même été éliminé.

Le but contre Paris, il est beau et en plus il est important car il a été synonyme de victoire. Je crois d’ailleurs que Sainté n’a plus battu le PSG à Geoffroy-Guichard depuis ce match. Les Verts ont battu une fois le PSG depuis mais c’était au Parc des Princes à l’époque d’Aubameyang. À l’époque ils avaient éliminé les Parisiens à Geoffroy en Coupe de la Ligue mais c’était aux tirs au but.

Un autre grand moment, c’est quand on s’est qualifié pour la Coupe d’Europe en battant Monaco 4-0 à Geoffroy-Guichard lors de la dernière journée de la saison 2007-2008. Bafé avait mis un doublé à Stéphane Ruffier, avant de faire une passe décisive à Geoffrey Dernis. Pascal Feindouno avait parachevé notre succès dans un stade Geoffroy-Guichard en liesse. Cela faisait 26 ans que le club ne s’était plus qualifié pour la Coupe d’Europe.

Tu as quitté le club en 2010 en fin de contrat. Des supporters t’ont reproché de ne pas avoir prolongé à l’ASSE alors que tu y as été formé. Encore aujourd’hui, certains l’ont en travers et te reprochent un manque de reconnaissance. Ils ont exprimé plus tard les mêmes griefs envers Jonathan Bamba, parti libre pour rejoindre les Dogues. Qu’as-tu à leur répondre ?

Ecoute, chacun a son point de vue. J’avais des raisons de ne pas prolonger. Je comprends les supporters, ils aiment bien leur club. Mais il y a beaucoup de détails qu’ils ne connaissent pas. Je ne tiens pas à rentrer dans les détails de ces détails (rires). Je ne veux pas revenir là-dessus, je ne veux pas citer des noms. Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai toujours respecté le maillot vert et que je l’ai fait jusqu’au bout, même en jouant blessé lors de ma dernière saison pour aider le club à se maintenir. J’ai donné toute ma vie pour qu’on se sauve. Cela fait près de 12 ans maintenant que j’ai quitté le club et on est en bons termes. J’entretiens des relations cordiales avec le président, il n’y aucune rancœur, aucune animosité. Même quand j’étais à Lyon et que je suis revenu à Sainté pour le derby, on m’a bien accueilli. J’ai bien sûr eu l’occasion de croiser des supporters stéphanois mais il n’y a jamais eu de mots déplacés.

Alors qu’Arsenal, Tottenham, l’OM et les vilains te convoitaient, tu as signé pour 4 ans au FC Séville. Là-bas tu n’auras joué qu’une saison. Malgré ton temps de jeu très honorable (37 matches toutes compétitions confondues), le club andalou en proie à des difficultés financières t’a donné un bon de sortie. Tu es alors revenu en France pour signer un contrat de 4 ans chez l’ennemi. Tu n’auras pas laissé de souvenirs impérissables dans la banlieue du football. Mais ça t’aura permis de vivre le derby des deux côtés. Que retiens-tu de cette expérience ?

C’est une expérience très riche. J’ai ressenti d’un côté comme de l’autre la grosse rivalité entre les deux clubs. La suprématie régionale est en jeu. J’aime la ferveur que génère le derby sauf quand elle donne lieu à des débordements. Je pense qu’il faudrait prendre exemple sur le rugby, c’est convivial. Bien sûr, tous les supporters veulent que leur club gagne le derby mais le rapport humain est le plus important que tout. Une fois que le match est fini, on peut se serrer la main. Il y a des gens pour Saint-Etienne qui travaillent à Lyon et inversement. Le derby, ça reste un match de foot. Certes un match extraordinaire en termes d’engouement mais il faut savoir faire la part des choses.

Au final, ta carrière post-Sainté aura été très mitigée. Te laisse-t-elle des regrets ?

Non, je n’ai aucun regret. J’ai fait une bonne saison en Espagne. À Lyon, ça été compliqué au début car je suis arrivé alors que l’équipe était déjà faite. Je n’avais pas fait la préparation avec le groupe. Malgré ça, j’ai pas mal joué la seconde partie de saison. La saison suivante, en 2012-2013, j’ai fait une saison pleine. C’est à partir de ma troisième saison lyonnaise que j’ai commencé à avoir des pépins physiques. J’ai eu des soucis musculaires, j’ai dû faire une arthroscopie du genou. Ces blessures m’ont freiné et au final m’ont conduit à raccrocher les crampons il y a cinq ans.

J’aurais aimé jouer plus longtemps. Certains joueurs de ma génération jouent encore, je pense à Bafé bien sûr mais aussi à Toto Losilla. Je suis content de voir Toto titulaire en Bundesliga. C’est quelqu’un que j’appréciais beaucoup. C’était un bosseur avec une super mentalité, il me fait penser à Loïc. Mais il faut avoir une très bonne condition physique pour jouer au plus haut niveau à 36 ans. Il faut être épargné les blessures. Gelson Fernandes a arrêté il y a deux ans, il n’avait que 32 ans mais son genou lui faisait mal. J’avais également des soucis au genou et lors de mon dernier club, à Caen, je me suis fait une déchirure de 15 centimètres à la cuisse.

Ton temps de jeu chez les Malherbistes aura été proche du néant. C’est avec l’Estac, attendue ce vendredi soir à Geoffroy-Guichard, que tu auras fait ta dernière saison relativement pleine (20 matches) en 2015-2016.

Oui, après mon aventure à Lyon j’ai rejoint Troyes à la mi-octobre. J’avais d’autre pistes à l’étranger mais ça ne s’est pas fait et en plus ma fille ainée venait de naître. J’ai eu un très bon feeling avec Jean-Marc Furlan, je me suis dit que sa manière de manager allait le plaire. Hélas ça a été une saison très compliquée. Notre effectif était pléthorique, il y avait trop de joueurs qui ne jouaient pas et ce n’est jamais bon, ça peut déséquilibrer et pourrir un peu le groupe.  Jean-Marc Furlan est parti, Claude Robin a pris sa suite.

J’ai appris d’ailleurs via Poteaux Carrés que Claude Robin est revenu à l’Estac cette année en tant qu’adjoint de Bruno Irles. J’avais connu Claude à l’époque où il entraînait l’équipe réserve de l’ASSE et ça m’avait fait plaisir de le retrouver à Troyes. J’ai le souvenir d’un très bon coach, impliqué, qui aime faire jouer et faire émerger les jeunes. Je trouve que c’est une bonne chose qu’il soit retourné à l’Estac, qui a un bon centre de formation. J’ai vu que les Troyens joueront en demi-finale de Coupe Gambardella contre les Lyonnais qui ont gagné à Sainté au premier tour.

Lorsque Claude Robin a repris l’équipe troyenne à mon époque, on a gagné quelques matches mais il a été contraint de partir. On est ensuite reparti dans une spirale négative et c’était devenu quasiment mission impossible de sauver les meubles. On a enchaîné les mauvais résultats et on s’est retrouvé condamné à six journées de la fin de la saison. On a fini bon derniers avec seulement 18 points. Cette saison a été pénible à vivre. Je n’avais jamais connu une descente dans ma carrière, ça fait mal.

Cette très pénible saison aura permis à un certain Paul Bernardoni de faire ses débuts dans l’élite !

Je me souviens bien de Paul. Je le voyais souvent en salle de muscu en train de faire du tennis ballon avec Corentin Jean. Paul n’avait que 18 ans. Si ma mémoire est bonne, c’est Denis Petric qui était titulaires les premiers matches de la saison, mais il est ensuite parti à Angers. Paul a dû jouer une quinzaine de matches, comme Matthieu Dreyer, qui est aujourd’hui à Lorient.

Paul a performé dès ses débuts en Ligue 1. Je le trouvais déjà très mature pour son âge. Il était très fort sur sa ligne, assez explosif, déterminé dans ses sorties. Il faisait de nombreux arrêts. J’aimais bien sa personnalité. Aujourd’hui il garde les cages de l’ASSE. Comme on dit, nul n’est prophète en son pays. Nous autres footballeurs, nous sommes souvent de grands voyageurs. Le destin fait que tu peux te retrouver partout. On passe partout.

Je vois d’un bon œil son arrivée à Sainté. Le club était dans une spirale négative mais des gens comme Paul ont apporté quelque chose de positif, ont redynamisé ce groupe. Paul avait réussi à se maintenir avec une équipe de Nîmes que beaucoup croyaient condamnée à l’époque. Pascal Dupraz aussi avait réussi une opération maintien restée dans les mémoires avec le TFC. Leurs expériences montrent qu’on peut toujours trouver des solutions à tout.

Même s’il a moins joué que Paul depuis son retour à Sainté, Bakary Sako apporte certainement à ce groupe stéphanois. J’avais joué avec lui lors de son premier passage à l’ASSE et j’avais apprécié aussi bien le joueur que l’homme. Lui aussi a l’expérience d’un maintien réussi, lors de sa première saison chez les Verts. Il faut en effet se souvenir qu’on avait fini à la 17e place lors de la saison 2009-2010. Je pense que Loïc a joué un rôle prépondérant dans sa venue cet hiver. J’ai un bon souvenir de mon  association avec Baky dans le couloir gauche. Il a un bon état d’esprit, il est jovial et amène du sang neuf. Sa bonne humeur est contagieuse et doit faire beaucoup de bien au vestiaire stéphanois.

Tu as joué avec un autre renfort offensif arrivé cet hiver à la fin du mercato hivernal.

Eh oui ! J’ai côtoyé Enzo Crivelli au Stade Malherbe de Caen. Il n’a pas encore fait ses débuts en vert mais j’espère que c’est pour très bientôt. C’est un très bon coéquipier. Enzo est quelqu’un qui ne ménage pas ses efforts. Que ce soit offensivement ou défensivement, il travaille beaucoup pour l’équipe. Il est tout le temps en rupture à faire des appels, des courses. Il pèse sur les défenses adverses. S’il a retrouvé la plénitude de ses moyens physiques, je pense qu’il va faire énormément bien aux Verts. Sa mentalité et son style de jeu vont plaire au Chaudron.

Contre toute attente, l’ASSE se retrouve à jouer le maintien pour la troisième saison consécutive. Ça t’inspire quoi  de voir les Verts aussi durablement dans les bas-fonds de l’élite ?

Ça m’attriste un peu et ça m’inspire qu’il faut des bases solides déjà. Pour qu’un mur tienne debout, il faut que les fondations soient bien solides. Il faut garder l’identité d’un club, la cultiver, accepter ce que les autres clubs ont et prendre tout ce qu’il y a de meilleur chez eux. Il faut éviter qu’un club s’éparpille et perde ses valeurs. Tous les grands clubs s’appuient sur d’anciens joueurs exemplaires. C’est pour ça que je salue la décision d’avoir nommé Loïc coordinateur sportif. Par tout ce qu’il représente, son arrivée a apporté une bouffée d’oxygène à tout un club.

Loïc apporte à Sainté ce que des anciens grands joueurs du Bayern apportent à Munich. La figure marquante d’un club connait mieux que quiconque son identité et peut transmettre ce message aux joueurs pour que ces derniers s’en imprègnent et la véhiculent sur le terrain comme en dehors.  Pour moi c’est très important. Si on fait venir des gens qui ne connaissent pas l’identité d’un club, c’est compliqué. Il faut mélanger. Il faut des gens qui connaissent bien le club et ouvrir aussi aux autres, ça permet d’avoir quelque chose de nouveau qui peut coller au projet, le revivifier.

En tant qu’ancien joueur formé au club, que penses-tu de l’accent mis ces dernières années sur le centre de formation ?

L’ASSE dispose d’un bon centre de formation, le club a su investir pour en améliorer les infrastructures. Je trouve que c’est une bonne chose. La formation est un pilier sur lequel il faut s’appuyer. À notre époque, on avait aussi une équipe très jeune. Je me souviens que ça a été très difficile au début mais quand la mayonnaise a pris je pense qu’on était une équipe redoutable et difficile à battre. Après, c’est bien de s’appuyer sur les jeunes mais il ne faut pas brûler les étapes.

Maintenant, c’est vrai que la valeur marchande est sur les jeunes. Mais il ne faut pas oublier que ça reste des jeunes. À notre époque, et c’est ce qui a fait notre force, on n’a pas brûlé les étapes. On nous a inculqué des valeurs, on a souffert, on ne partageait pas le même vestiaire avec les pros. Tout ça faisait partie de l’apprentissage, on a acquis un bagage de telle sorte que lorsqu’on est monté en équipe première, on avait tout emmagasiné. Quand on nous a donné notre chance, on l’a saisie et n’a plus rien lâché, jusqu’au bout. De nos jours, on tendance à faire monter vite les jeunes. Parfois un peu trop vite…

Même si tu t’es à nouveau acoquiné avec les vilains via ton implication à Dakar sacré Coeur, continues-tu de suivre depuis le Sénégal le parcours des Verts ? Quel regard portes-tu sur leur bonne dynamique ?

Je suis bien sûr le parcours des Verts. L’ASSE, c’est presque dix ans de ma vie, ce club ne peut pas me laisser insensible. J’ai le sentiment que les Verts vont mieux depuis qu’ils sont revenus à des choses simples. Ils ont retrouvé le goût à jouer, pourvu que ça dure. Je souhaite évidemment qu’ils se maintiennent. C’est le plus important. Rien n’est fait bien sûr ! À l’heure où on se parle, malgré leur bonne dynamique, les Verts sont encore barragistes. Mais sur ce que je vois, je suis plutôt optimiste. Il faut toujours être optimiste. Un optimiste voit en chaque difficulté une opportunité.

Je ne regardais pas trop leurs matches pendant la pandémie car c’était un triste de voir Geoffroy-Guichard sans public. Depuis que les huis clos et les jauges ont disparu, je reprends du plaisir à voir les matches des Verts. J’ai par exemple regardé le match contre Metz, avec le but victorieux de Denis Bouanga. J’ai aussi vu le match nul à Lille. Je pense que les joueurs ont tous conscience que c’est important de sauver, quand bien même beaucoup d’entre eux ne seront sans doute plus stéphanois la saison prochaine. C’est de l’intérêt de tous que le club se maintienne, aucun joueur ne souhaite voir son nom accolé à une relégation.

J’ai noté avec plaisir que le public stéphanois répond présent pour pousser son équipe à aller chercher le maintien. Ils étaient presque 36 000 contre Metz, ils seront a priori 30 000 ce vendredi soir contre Troyes pour cet autre match contre un concurrent direct. Tout supporter doit se comporter comme ça : supporter son club contre vents et marées. On en revient toujours aux rapports humains. Qu’un joueur soit bon ou mauvais, la personne ne change pas. Quand on traverse des périodes difficiles, on a besoin de se sentir soutenu et de recevoir de la force.

Aucun joueur qui rentre sur le terrain ne part pas dans l’optique de perdre un match. Il rentre pour donner le meilleur de lui-même. Parfois tout lui sourit, parfois il se retrouve dans une spirale où tout va mal et dans ce cas il a l’impression d’avoir été coupé en deux. Il faut avoir du mental pour casser cette spirale et inverser ça. L’arrivée d’un nouvel entraîneur et de nouveaux joueurs a reboosté toute l’équipe. T’as l’impression que des joueurs comme Bouanga n’arrivaient pas à courir et maintenant on se demanderait presque quelle mouche les a piqués, ils courent partout !

C’est la mouche du coach ?

(Rires) En tout cas Pascal Dupraz n’est pas étranger à cette dynamique. On sent que l’équipe et le public donnent tout pour l’entretenir. Par leur comportement et leurs bonnes performances, les joueurs donnent envie aux supporters de les pousser encore plus et les joueurs donnent encore plus car ils sont portés par ce public. Ça marche dans les deux sens en fait !  Je parle en connaissance de cause, j’ai vécu ça, en particulier à Saint-Etienne. Tu sais que ça sert d’avoir le public avec toi. Tu puises de la force dans les encouragements des suppporters, ça t’incite à te transcender.

 

Merci à Mouhamadou pour sa disponibilité