Le contrepied de L'Express

15/07/2018
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A l'heure où tous les regards sont braqués sur les Bleus, L'Express met aujourd'hui à l'honneur l'épopée des Verts, "équipe de légende qui, à force de travail et de cohésion, s'est hissée jusqu'aux sommets". Replongeant dans ses archives, l'hebdomadaire met notamment en exergue l'importance du Sphinx. Extraits.

 

"Cette sérénité de l'équipe, la conscience que la présence aux sommets est l'aboutissement normal d'un plan de marche, programmé, élaboré, portent un nom. Celui de Robert Herbin.  C'est lui qui, avec l'aide de dirigeants intelligents, efficaces, a imposé sa personnalité, ses idées, ses méthodes. Pendant quinze ans, il avait été le demi-centre froid, tranchant et efficace de Saint-Etienne. Devenu entraîneur, il y a quatre ans, il a imposé à ses joueurs des conceptions, une rigueur, un volume de travail inconnus à ce jour dans le football français.  

 

Lèvres minces, retroussées en un sourire un peu sarcastique, oeil vert bouteille, tignasse rousse bouclant à l'afro, visage taché de son, il fume gitane sur gitane. Ce Méridional au physique irlandais est, malgré son flegme, un passionné, un sensible. Tant de ténacité, de robustesse aussi, sous une silhouette qui semble presque frêle. Il a grappillé ici et là, au hasard des déplacements, des lectures, les éléments de sa méthode d'entraînement. Les sprints courts à travers des arceaux pour briser la monotonie, c'est dans un magazine brésilien qu'il les a trouvés. Telle autre action est "empruntée" à un club hollandais. Telle autre, aux Britanniques, aux Allemands. Sans parler de la part de son expérience personnelle. Seul, le gardien Ivan Curkovic est arrivé de Yougoslavie avec sa propre méthode. Révolutionnaire, d'ailleurs.  

 

Pour imposer à des Français - fussent-ils stéphanois - qui disputent pratiquement deux matches par semaine douze heures d'entraînement menées tambour battant, d'une densité, d'une intensité inconnues jusque-là dans leur football, Herbin a dû violer bien des habitudes. Changer les mentalités, bousculer les nonchalances. Tordre le cou à l'idée selon laquelle "les Français, avec leurs qualités naturelles, leur débrouillardise, leur talent, leur inspiration, n'ont que faire du hard labour que l'on s'impose ailleurs et qu'ils ne supporteraient d'ailleurs pas". Non seulement les Stéphanois le supportent. Mais ils en redemandent. Ils sont les premiers à reconnaître que "la technique individuelle, si brillante soit-elle, est impuissante si elle ne s'appuie pas sur une condition physique irréprochable".  

 

Mais on ne modifie pas en un jour de profondes habitudes. Certains ont parfois tenté de tirer au flanc. De traîner les pieds. Lors de l'entraînement au "jeu de tête", des joueurs reprennent la balle de la main. D'autres ralentissent le rythme de leurs mouvements de mise en train. Parfois, Herbin se fâche. Exige, lors des matches à six contre six, qu'après six passes on tire au but. Car des joueurs multiplient les passes et les dribbles pour se reposer. Et finissent par réduire les autres au rôle décourageant de figurants. Le plus difficile a été de modifier les habitudes psychologiques et alimentaires. Il y a trois ans, à Bordeaux, les Stéphanois déjeunent, avant d'affronter l'équipe locale. Au menu, le classique potage-steak-riz-compote d'avant match. Sur la table, de l'eau minérale. Quelques joueurs grognent. "Alors, quoi, on boit pas aujourd'hui ?  

- Si l'on tentait un coup ? demande Herbin. Supprimons le vin pour voir si cela aura un effet."  

Supprimer le vin ! Et à Bordeaux ! Les joueurs, finalement, acceptent. En râlant. Et gagnent pas 5 buts à 0. Depuis, il n'y a plus jamais eu de vin à la table stéphanoise. Avant le match aller contre Eindhoven, il y a quelques semaines, Herbin, qui fête ses 37 ans, propose "une petite goutte de champagne" à ses joueurs. "Pas question ! lui répondent ceux-ci. Arrosons ça à l'eau minérale !"  

 

L'an dernier, l'arrière Gérard Janvion - surnommé le Léopard - un Martiniquais rugueux, vif et accrocheur, se relâche. Un peu grisé peut-être par sa réussite, il glisse sur une pente dangereuse, s'attardant volontiers avec les supporters, laissant au vestiaire sa rigueur habituelle. Herbin le convoque à son bureau, le sermonne, l'élimine de l'équipe qui ira affronter le Bayern à Munich. Cette saison, Janvion, face à Eindhoven, joue encore avec un peu trop de facilité. Nouveau savon - à voix basse, mais c'est plus impressionnant que les coups de gueule de l'entraîneur. "Si tu ne prends pas le football plus au sérieux, tu feras une brève carrière. En tout cas, tu la poursuivras ailleurs". La leçon porte. A Eindhoven, Janvion est éblouissant.  

 

Avant, avoue le capitaine Jean-Michel Larqué, nous étions de faux professionnels. Depuis quatre ans, je n'ai plus honte d'inscrire mon métier sur ma carte de visite. Tout le monde sait qu'à Saint-Etienne être footballeur c'est faire un vrai métier." 

 

Pendant la trêve hivernale, les Stéphanois avaient l'habitude de remplacer les austères séances d'entraînement par des randonnées à ski. Ce sont les joueurs qui exigeront d'Herbin "la reprise de l'entraînement, au moins le matin". En 1970, l'avant-centre Hervé Revelli, 25 ans, une découverte de Pierre Garonnaire, le talent-scout, avait quitté pour Nice le club où il jouait depuis sept ans. Deux ans après, déçu, il retourne au bercail.  

 

"Je n'ai pas reconnu Saint-Etienne, raconte Revelli à L'Express. J'ai eu l'impression de revenir d'un long voyage touristique. A Nice, nous nous entraînions deux heures le matin, de 7 à 9 heures. Après, plage, farniente. Soleil. Relaxe. Si j'avais été plus âgé d'un an, à mon retour, je n'aurais pas recollé au peloton. J'aurais craqué. L'entraînement aurait été trop dur pour moi. D'ailleurs, de nombreux joueurs qui viennent accomplir un stage repartent quinze jours plus tard, incapables de suivre". Cette préparation physique implacable, parfois fastidieuse, moins dure, pourtant, que celle de l'Ajax d'Amsterdam à l'époque des Michels et Kovacs, a contribué à créer cet esprit de solidarité, de sacrifices qui fait la force de l'équipe.  

 

"Grâce aux résultats, dit Hervé Revelli, les joueurs reconnaissent la nécessité et l'efficacité de la méthode Herbin. Pour ne pas en perdre les bienfaits, pour ne pas réduire à néant tous les sacrifices, ils évitent les abus, les sorties. On ne les voit jamais dans les endroits à la mode, au milieu des supporters. Saint-Etienne, c'est une équipe française au moral britannique et à la rigueur hollandaise." 

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