Dans "La Légende des Verts par ceux qui l'ont écrite", ouvrage de Bernard Lions paru en novembre dernier aux éditions Hugo & Cie, l'entraîneur du QSG Laurent Blanc revient sur ses vertes années. Extraits.

"J'ai signé à l'ASSE en 1993 à la suite d'un concours de circonstances. Au départ, je ne devais pas arriver à Saint-Etienne. Je devais déjà aller à Marseille, mais Sainté s'est présenté et a constitué une solution. Inconsciemment, il y avait cette foi et une admiration mesurée pour les Verts en moi. Saint-Etienne a été ma première "équipe de télévision". Cela peut paraître difficile à imaginer aujourd'hui, mais il n'y avait alors pas beaucoup de matches télédiffusés. Ni de télé couleur dans mon patelin de quelques âmes dans le Gard. Sauf celle du voisin. Tout le monde allait chez lui le mercredi soir pour les matches de Coupe d'Europe des Verts. Des matches de folie contre le Dynamo Kiev, le PSV Eindhoven... Beaucoup de gens se sont identifiés aux Verts, à commencer par moi. J'avais dix ans et forcément ça marque, au point de devenir supporter des Verts. Gamin je collectionnais les figurines Panini des joueurs stéphanois.

A Saint-Etienne, j'ai vécu une super première saison avec un stade magnifique. Il y a eu aussi un petit truc personnel me concernant : la naissance de mon premier fils. Mon aîné est Stéphanois et ça reste quelque chose d'important à mes yeux. Côté football, une nouvelle équipe dirigeante est arrivée, elle nourrissait beaucoup d'ambitions car nous avions une très belle équipe sur le papier. L'Allemand Roland Wohlfarth arrivait, en même temps que moi, d'un très grand club, le Bayern Munich. Il y avait déjà Lubomir Moravcik, doté d'une qualité technique incroyable, et Gérald Passi, que je connaissais déjà de Montpellier. Vraiment, le projet était beau. Le problème c'est qu'il n'a pas duré longtemps. On s'est retrouvé dans la difficulté dès le quatrième ou cinquième mois. On a terminé cette première année à la onzième place et tout le monde a laissé tomber et quitté le navire ensuite...

Ma seconde saison stéphanoise a été une souffrance. Elie Baup a repris l'équipe avec des jeunes. On s'est retrouvé à quatre ou cinq anciens, comme Gérald, Lubo, Pascal Despeyroux et moi. Un personnage et un grand professionnel comme Roland a rencontré d'énormes difficultés, il a d'ailleurs dû partir. C'est dommage car il a laissé de très bons souvenirs dans le vestiaire et on a partagé de bons moments ensemble. Après s'être régalé lors de notre première saison, Lubo s'est moins amusé lors de la seconde car il appartenait aux cadres de l'équipe. Résultat, on a frôlé la correctionnelle. Le club se trouvait dans une situation très difficile sportivement et financièrement et ça l'arrangeait bien de se séparer de gros salaires comme le mien. A cause de ses ennuis financiers, il a fallu que je parte. Alors que j'avais signé pour trois ans, j'ai été prêté à Auxerre.

J'ai quand même terminé meilleur buteur du club la saison 1994-1995. Je marquais déjà beaucoup de buts à Montpellier où j'ai débuté milieu offensif. Même après avoir reculé, j'ai continué à en mettre. A Saint-Etienne j'étais libéro mais je tirais souvent les coups de pied arrêtés, notamment les penaltys. Mais mon meilleur souvenir dans le Forez, ce n'est pas mes buts mais le stade. Geoffroy-Guichard, le Chaudron, c'est myhtique. C'est le stade que je voyais, gamin, le soir, à la télévision, après avoir joué toute la journée au foot dans les champs. Porter le maillot vert ne m'a pas offert un retour vers l'enfance, on ne va pas aller jusque-là, mais ça a été une fierté pour moi. J'ai essayé de l'honorer du mieux possible pendant deux ans. La légende des Verts a permis au club de demeurer en vie et dans le coeur des Français. Personne ne peut effacer ça, c'est impossible !"