Nouzaret et Janot, entre rires et sanglots

01/06/2019
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Dans sa sympathique autobiographie "Sans filet" parue le 22 mai dernier aux éditions MaraboutJérémie Janot évoque ses relations avec Robert Nouzaret. Extraits.

"Avec Robert Nouzaret, notre quotidien change du tout au tout : nouvel état d’esprit, nouvelle façon de s’entraîner, nouvelle philosophie… Il donne un coup de fouet incroyable au club. Un vrai personnage, charismatique, avec une gueule à la Lino Ventura ! On l’imite parfois dans le vestiaire et ça nous fait rire. A l’entraînement, lorsque je me livre à une facétie, je l’entends dire de sa voix caverneuse : « Mais il est débile, ce gardien… » Avec lui, Jérôme Alonzo reste numéro un mais sa blessure sérieuse au Stade de France me donne l’opportunité de jouer les neuf derniers matches.

Cette chance, je dois la saisir. A moi de montrer au coach que je peux tenir les cages de l’ASSE dans l’habit d’un titulaire à part entière. Seulement voilà, je fais exactement le contraire. Du haut de mes 21 ans, je commets la plus grosse erreur de jugement et d’investissement de ma carrière. Comme l’équipe est quasiment assurée de remonter, la concentration du groupe se relâche et je suis le mouvement. C’est la fête dans le vestiaire, on part une semaine en Martinique et on revient plein de coups de soleil. Je participe au délire collectif sans me rendre compte de ce qui se joue à titre personnel.

A l’image de mes partenaires, je ne suis pas performant, je prends but sur but. A ce moment-là, je ne vois pas que je suis en train de décevoir Robert Nouzaret. On termine en roue libre sur une défaite 3-0 à Sedan. Mais on est champions, Saint-Etienne remonte en Ligue 1. Dans la ville, c’est la liesse générale mais pour moi, la joie sera de courte durée. A la reprise, Nouzaret m’annonce que le club va recruter Philippe Montanier, vieux briscard, en qualité de doublure d’Alonzo. Je ne comprends pas. Il me rétorque du tac au tac : « Jérémie, tu m’as déçu, il faut que tu sois prêté. »

Que mon coach me montre la sortie est dur à avaler, mon orgueil en prend un sacré coup. Je ressens un mélange de colère et de honte car je me sais en partie fautif. Pas question de rendre les armes, je ne lâcherai pas. Jamais. Lorsque je reçois un coup de fil de l’ancien portier des Verts, Jean Castaneda, alors coach d’Istres en National, je décline sa proposition et j’en fais part à Gilbert Ceccarelli, devenu entraîneur des gardiens à l’ASSE : « Cette saison, je ne veux pas être prêté en National, je veux m’imposer en Ligue 1. »

Robert Nouzaret m’écarte du groupe. Avec David Grondin, Mickaël Pontal et Sylvain Meslien, nous sommes relégués dans un groupe à part encadré par Yves Brécheteau. A mes partenaires d’infortune, je répète inlassablement que mon objectif demeure inchangé : prendre la place d’Alonzo (…) J’en parle à certains coéquipiers et amis, Patrick Guillou en tête, ils me répètent : « C’est toi le plus fort, Jé, alors accroche-toi, ça va finir par payer ! » Ils m’exhortent à aller de l’avant. Trop peut-être.

Un matin, après la séance, chauffé à blanc par ces encouragements, je m’enflamme et déboule dans le bureau de Robert Nouzaret : « Coach, je ne comprends pas, vous ne voyez pas que c’est moi le meilleur ? » Sur le coup, j’espère naïvement que ma détermination et mon franc-parler vont lui plaire et provoquer chez lui une prise de conscience. Grossière erreur. La scène est digne de figurer dans les Tontons Flingueurs, il me lance un regard noir et me renvoie illico dans mes 22 : « Mais pour qui tu te prends, toi ? Va donc continuer à t’entraîner et m’emmerde pas, j’ai du boulot ! »

Il peut tout faire, m’obliger à m’entraîner seul s’il le souhaite, je continuerai à me battre pour retrouver une place dans l’équipe. Ma place. Surtout qu’un stage de préparation se profile après les fêtes de fin d’année. Je me fixe comme objectif de tout casser durant ce stage afin de retrouver au moins une place de numéro deux en janvier. Mais le 31 décembre, j’apprends que je ne suis pas convié. Tout s’écroule. Je fonds en larmes. Je suis inconsolable. Je pleure comme un gamin. Le soir, c’est le réveillon de l’an 2000. Le pire de ma vie ! Je me couche à 22 heures, je suis au fond du trou.

Mais mon tour est venu. Avant d’affronter Lorient en Coupe de France, le coach prend la parole devant tout le groupe en me pointant du doigt : « Toi, je vais te faire jouer dans la cage. Mais écoute-moi bien, t’as pas intérêt de te louper parce que moi, derrière, je ne te louperai pas ! » Message reçu cinq sur cinq, je ne suis jamais aussi performant que lorsque je suis challengé. Il ne sera pas déçu cette fois. Malgré l’élimination aux tirs au but, je rends une très bonne copie et trois jours plus tard je suis titularisé pour ma grande première en L1, un match complètement fou remporté 5-4 contre Montpellier.

L’éviction de Robert Nouzaret a été un coup dur pour le groupe qui l’appréciait. On ne compte plus ses phrases culte, que l’on s’amusait à répéter dans le vestiaire, en imitant sa voix, pour détendre l’atmosphère. Et notamment celle-ci, énoncée maladroitement lors d’une causerie : « Les gars, le plus important dans le premier quart d’heure, ce sont les 20 premières minutes. » Qu’est-ce qu’elle nous a fait rire ! Nouzaret n’en était pas moins un excellent coach, qui a beaucoup apporté à l’ASSE.

A titre personnel, même s’il ne m’a pas fait de cadeau, je peux affirmer qu’il s’est au final montré assez juste et a su à un moment donné me récompenser de mes efforts. Il y a quelques années, je l’ai croisé et il m’a confié : « La seule chose que je regrette avec cette équipe de Saint-Etienne, c’est de ne pas t’avoir fait confiance plus tôt. » Cette confidence m’a beaucoup touché."

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