Breitner à vif (2)

29/05/2018
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Spécialiste du foot allemand, le potonaute Polo Breitner parle encore de l'échec des négociations sur la vente de l'ASSE dans un entretien paru aujourd'hui sur le blog du Figaro L'Observatoire du Sport Business. Extraits.

 

"Je me suis intéressé à ce rachat, qui a depuis capoté, seulement parce que j’ai lu "projet Red Bull". Derrière un projet RB, il y a tout le professionnalisme inhérent au football du XXIème siècle, à tous les niveaux. Ce n'est pas neutre. Un projet RB c’est quoi ? Ce peut-être plusieurs choses. En premier lieu, différents clubs qui appartiennent à un même propriétaire mais qui ont la particularité d’avoir des synergies entre eux. Dans le cas de Red Bull, il y a un showroom à New-York, un club de 2Liga autrichienne, le FC Liefering, composé uniquement de jeunes talents et alimenté, notamment, par une académie brésilienne. Il n'y a que des joueurs entre 17 et 21 ans. Ce même club autrichien procure des joueurs au RB Salzbourg lequel truste les titres nationaux. Depuis trois ans maintenant, la « Maison-mère » est celle du RB Leipzig, plus le RBS.

 

Mais ce qu’on oublie de dire, c’est que la mise en place d’une telle stratégie nécessite des investissements structurels colossaux au départ qui peuvent entrer en conflit avec des objectifs sportifs à court terme. D’ailleurs, le projet RB (comme le TSG 1899 Hoffenheim avant) s’est construit en commençant dans les divisions inférieures et pas directement dans l’élite. Les jeunes joueurs sélectionnés sont "programmés" pour évoluer dans un style de jeu offensif destiné à plaire au public. Red Bull développe donc "une marque de fabrique" sur le terrain. La conséquence étant un trading-joueur très lucratif une fois le projet achevé. Donc, lorsqu’on s’interroge, aujourd’hui, sur les investissements de Peak6, encore faut-il savoir de quels investissements il s’agit.

 

La façon dont on me présente la chose c'est "Peak6, ce sont des sagouins" 24h ou 48h après les avoir encensés. Permettez-moi de m'interroger. Dans les affaires, il n'y a que des gentlemen, n'est-ce pas ? Maintenant, revenons un an en arrière svp. Oscar Garcia ne provenait pas de RB Salzbourg par hasard ? La greffe a pris ? A cause de qui ? Pourquoi ? Quand est ce qu’on se pose les bonnes questions dans le football français ? Autre thématique : j'ai lu qu’un projet « La mine verte » avait été lancé à l’ASSE. Je subodore que l’idée fut inspirée de la Knappenschmiede" (la forge des mineurs) de Schalke 04. Donc, ok on a la pancarte "marketing" ! Maintenant, sur ces derniers exercices, Neuer, Höwedes, Özil, Draxler, Sané, Matip... sont sortis du centre de formation du club allemand. Quels sont les outils de mesure de performance de l’ASSE ?

 

Idem pour les plus-values réalisées sur le trading-joueurs. Je rajoute un élément important. Compte tenu des rachats de clubs, la logique actuelle aurait été que le groupe Casino investisse dans l'ASSE. Je sais que ce n'est pas d'actualité, discuté avec différentes personnes, attention je ne le réclame pas, mais il est toujours étonnant de constater que les investisseurs français ne soient pas plus présents et surtout sont à rebours des tendances mondiales. On aurait là un fabuleux exemple de ce qui se fait en Allemagne où l'identité culturelle, économique et sportive, est un formidable vecteur de communication et d'adhésion populaire.

 

L’ASSE est à la France ce que le Borussia Mönchengladbch est à l’Allemagne. C’est à dire "des perdants magnifiques" en Europe, chacun ayant sa bête noire qu’elle soit bavaroise ou de Liverpool. On retrouve dans ses deux clubs des épopées merveilleuses et une fascination qui traverse les générations. Le club germanique génère aujourd’hui près de trois fois le CA de son homologue français. Depuis 2011, ses recettes ont été multipliées par quatre, passant de 50M à près de 200M d’euros, le tout facilité par deux qualifications pour la lucrative CL par exemple. Les "Poulains" ont réussi sportivement à dépasser leur paradigme de l’époque, ce qui en a engendré un nouveau, économique, aidé par une identité culturelle extraordinaire. Lucien Favre demandant même à la population de se calmer compte tenu des nouvelles attentes : "je suis bien conscient que Mönchengladbach et Liverpool ont été à un moment les deux meilleures équipes d'Europe".

 

On peut remercier les  deux co-présidents de l'ASSE d’avoir remis Sainté à sa place en L1 mais jamais ce club n’a surperformé, jamais il n’a produit un jeu permettant de dire "ça, c’est Saint-Etienne !" Comme il n’y a plus de "football à la Nantaise" ou de "football Champagne" pour Reims. Or ce devrait être le leitmotiv de ces clubs, pas les titres ou le maintien, pas la religion du résultat mais bel et bien un style de jeu identitaire et identifié adapté au beau jeu. Au niveau d'une "carte d'identité club", le FC Barcelone et le FC Bayern, tout comme l’ASSE et le Borussia Mönchengladbach sont des binômes. Liverpool et Dortmund idem. Lors de l’élimination contre le FC Bâle en 1/16ème de finale de L'Europa League 2015-2016, tout le monde s’arrête sur le scénario mais nous oublions que c’était la plus mauvaise génération du club suisse depuis des lustres. La France du football s’arrête toujours au Tome 1, elle ne regarde jamais le Tome 2. Il s’est passé la même chose cette saison avec l’OM : finale de Coupe d’Europe, tout le monde est content mais les gamins de Salzbourg ont dominé Marseille. En termes de prestation, je préfère regarder le RBS car je comprends le projet.

 

Il semble que le Président Caiazzo ait envisagé la possibilité d'émission d'obligations. En Allemagne, le principe d'une "Fan-Anleihe" est très développé, c'est aussi pour les supporters une façon supplémentaire de soutenir leur club. Dans certains cas, c'est même considéré comme plus important que l'abonnement ou le merchandising. Des fans acceptent même de ne jamais se faire rembourser, même la valeur nominale de l'obligation, ils gardent ad vitam aeternam le papier estimant qu'ils ont aidé au développement du club. Mais je rappelle aussi que ces derniers peuvent être membres de l'Association laquelle détient la société commerciale. Le Président de l'Association est souvent le Président du conseil de surveillance et donc peut contrôler les agissements du Président-délégué. Cela ne signifie nullement qu'il n'y a pas de scandales. Par exemple, lever une "Fan-Anleihe" afin de construire un nouveau centre de formation ou d'acquérir des terrains, ne doit pas être utilisé pour l'achat de joueurs, sans oublier la capacité de remboursement. Le risque ultime étant la liquidation de la société commerciale. Mais lorsqu'on arrive à soulever des fonds importants, c'est aussi une mesure de popularité d'un club. Si le Président Caïazzo avait cette idée, je trouverais cela ingénieux mais, je répète, la gouvernance des clubs est différente. Lancer un emprunt obligataire, pourquoi pas. Et surtout dans quel but ? Si c'est pour augmenter l'actif-joueurs, nous rentrons dans des logiques possibles mais spéculatives. C'est un autre débat."

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