Première victoire à l'extérieur pour les Verts cette saison, marquée par une bonne dose de réussite, mais aussi une approche tactique inhabituelle.


Si le choix du staff stéphanois de faire tourner un peu l'effectif lors d'une semaine à trois matchs et de faire appel à des jeunes peut facilement se comprendre, le choix du système tactique est beaucoup plus surprenant. Pour la première fois sous Gasset, les Verts ont été disposés dans un 4-3-2-1 aussi appelé "Sapin de Noël" :
 
 
KMP n'a pas joué ailier, comme d'habitude, mais milieux axial dans une ligne de trois avec M'Vila et Assane Diousse (puis Selnaes). Devant eux, Nordin et Cabella, et en pointe, Diony.
 
Ce système a été rendu célèbre par Ancelotti et une description de ses caractéristiques peut être lue sur les cahiersdufootball.net. Pour faire simple, ce système nécessite une bonne possession de balle pour construire patiemment en attendant les décalages trouvés grâce à un meneur de jeu reculé (M'Vila pour nous) et deux électrons libres qui offrent des solutions entre les lignes (Nordin et Cabella). L'équipe est très axiale - en phase de possession les latéraux doivent prendre les couloirs, sans le ballon il est difficile de défendre contre un adversaire qui écarte bien le jeu.
 
Le choix de ce système devient encore plus surprenant si on prend en compte que l'ASSE n'a pas cherché à avoir et n'a pas eu la possession à Toulouse et que les latéraux ont peu pesé sur le jeu. Ces éléments et quelques avantages et inconvénients de ce sapin de Noël seront visibles dans les exemples suivants.
 
 

Les côtés

 
Le point faible de ce système vient du nombre réduit de joueurs dans la ligne des milieux - à 3 c'est plus difficile de couvrir toute la largeur du terrain, surtout si l'adversaire change de côté. Par exemple, à la 12e minute, le TFC commence une attaque sur la gauche :
 
 
Le 4-3-2-1 de l'ASSE est visible, ainsi que le 4-3-3 adverse, avec deux latéraux assez haut sur le terrain. Le ballon circule d'abord à gauche, ensuite dans l'axe...
 
 
... et le jeu est écarté à droite. Cabella et Assane Diousse sont assez loin du latéral droit toulousain, mais dans une ligne à 4, ça ne devrait pas poser de problème. Par contre, dans ce système, ce n'est pas forcément à Cabella de surveiller le couloir, mais à son coéquipier du milieu :
 
 
Assane Diousse va donc bloquer le latéral, ouvrant ainsi un angle de passe vers un milieu axial. Ceci oblige Kolo à sortir - ce n'est pas grave, son ailier avait dézoné en se mettant entre les lignes. Mais comme M'Vila doit sortir sur l'autre milieu...
 
 
... le décalage est créé. Il n'y a personne pour prendre l'attaquant placé entre les lignes, qui lance le latéral dans l'espace libéré. Heureusement sur son centre au 2e poteau, Gabriel Silva est poussé dans le dos par un adversaire et les Verts récupèrent la faute. Ça ne devrait pas être facile de trouver un joueur entre les lignes, surtout dans un bloc bas et compact, mais les Toulousains y sont parvenus deux fois dans cet exemple. Avec trois milieux, si un doit couvrir le couloir, il y a tout simplement plus d'espace pour les passes, soit dans l'axe, soit vers le côté.  
 

L'axe et les contres

 
Par contre, si le bloc en 4-3-2-1 a du mal à couvrir tous les espaces en coulissant de gauche à droite, il a l'avantage d'être dense dans l'axe et avoir trois joueurs offensifs prêts à partir en contre. Par exemple, peu après la pause, le TFC lance une attaque :
 
 
Il y a peu d'espace entre les trois milieux stéphanois, mais ils doivent coulisser vers la droite, où le ballon est envoyé. La circulation du ballon est classique, le latéral adverse monte haut...
 
 
... et donc KMP le suit. L'espace entre les milieux stéphanois est beaucoup plus important maintenant. Le ballon revient vers l'axe :
 
 
Les lignes de 4 et 3 Verts sont bien en place, l'espace entre les milieux se resserre, et Nordin vient couper les passes aussi. L'idée serait d'écarter vers l'autre côté, vu la position d'Assane Diousse, mais le milieu adverse essaye de passer dans l'axe, et il perd le ballon. Les Verts peuvent partir en contre :
 
 
Diousse trouve Diony, dos au but, qui remet dans la course de Nordin, pendant que Cabella sprinte de l'autre côté. Le jeune Stéphanois monte avec le ballon et a deux options devant lui :
 
 
Malgré l'appel de Cabella à gauche, il préfère Diony à droite et finalement le ballon est perdu dans le duel contre le défenseur. Même si aucun des trois buts de l'ASSE n'a été marqué suite à un contre, la présence et le positionnement de ces trois joueurs offensifs laissent penser que c'était le plan de jeu envisagé par le staff stéphanois.
 
 

4-3-2-1 ou 4-2-3-1 ?

 
En phase de possession du ballon, le 4-3-2-1 peut facilement se transformer dans un système plus traditionnel, avec deux milieux axiaux, deux ailiers, un 10 et un avant-centre. Il suffit pour cela d'avoir un des trois milieux monter plus haut. Et avec la contribution des latéraux on peut mettre en place une animation offensive classique. Est-ce que c'était le cas de l'ASSE ? Trop rarement avant l'heure de jeu. Si on considère cet exemple à la 32e :
 
 
Un dégagement adverse est gagné de la tête par Assane Diousse et le ballon parvient à Cabella, excentré à gauche. KMP se trouve sur la même ligne, à droite, et Nordin dans l'axe, en position de "10". Ça ressemble donc à un 4-2-3-1 : 
 
 
Nordin fait un appel dans l'espace libéré par le latéral droit adverse qui était allé après Cabella. Ce dernier remet en arrière à Diousse avant de faire le même appel. On retrouve ainsi les deux électrons libres stéphanois dans la même zone du terrain :
 
 
Ça oblige les défenseurs à les suivre, laissant Diony en un-contre-un dans l'axe. Mais il n'y a aucun autre Stéphanois présent dans les 30 derniers mètres ! KMP n'avait pas suivi...
 
 
... et les autres milieux ou les latéraux non plus. Bref, Nordin-Cabella-Diony se retrouvent tous seuls contre la défense (et les milieux défensifs) adverses, comme souvent lors de cette rencontre. Même comme ça, le danger est présent - il y a un bel espace entre deux défenseurs, Diony fait l'appel qu'il faut, mais c'est Nordin qui est servi par Cabella. Malheureusement, il perd le duel contre le défenseur.
 

Le pressing et la réussite

 
Si les Verts n'ont pas été très dangereux sur attaques placées et si leurs contres n'ont pas fait mouche, comment ça se fait qu'ils ont marqué trois buts ? Avec de la réussite, mais aussi grâce à un pressing haut impitoyable. Et dans les deux cas, l'ingrédient principal a été l'envie, la hargne, la détermination. Comme celle de Diony ou Salibur sur leurs buts, mais aussi celle de Selnaes :
 
 
Avant même que le gardien adverse arme sa passe, il démarre un sprint en partant de quelques mètres derrière le milieu axial qu'il était censé surveiller (comme M'Vila à côté de lui) pour mettre la pression sur un autre milieu. Et comme Cabella l'accompagne, ils sont récompensés - la réussite et les erreurs adverses, ça se provoque.
 
 
 

Conclusions

 
Même si la victoire a été au rendez-vous, elle n'est pas forcément une conséquence directe de l'innovation tactique de Gasset. Même si le système en 4-3-2-1 est intéressant et a du potentiel, son utilisation n'a pas été parfaite. Il faudrait le revoir sur plusieurs matchs, avec des vraies animations offensives, non seulement un jeu sans ballon et des contres. Mais à l'heure actuelle, difficile de savoir si c'est une vraie volonté de basculer vers ce système régulièrement ou si ce n'était qu'une improvisation tactique, adaptée à l'adversaire et à l'effectif disponible. Le futur nous le dira, mais pour l'instant il faut tout simplement avouer que c'était osé de sortir une telle innovation en pleine semaine à trois matchs - et la réussir en plus ! Mais à la fin, la fortune sourit aux audacieux...