Troisième match nul d'affilée, deuxième 0-0 consécutif, les Verts restent invaincus, mais ils n'arrivent plus à trouver le chemin des filets. Dans le secteur offensif les pièces sont là, mais pour l'instant elles ne collent pas ensemble.


Le mercato d'été est terminé et le staff stéphanois connaît enfin les joueurs à sa disposition jusqu'à janvier prochain. Il s'agit donc maintenant de trouver le meilleur moyen de les faire jouer ensemble, de trouver la meilleure complémentarité entre les profils dans le groupe. Pour le secteur défensif il n'y a pas trop de changements par rapport aux derniers mois, mais l'animation offensive a du mal à se mettre en place, les arrivées apportant des profils différents. Khazri, Diony et Salibur sont venus pour remplacer Bamba (et éventuellement Ntep avec son faible temps de jeu) - non seulement il faut faire la place à tout le monde, mais il faut créer des automatismes avec le reste de l'équipe.

Le staff technique des Verts a donc plusieurs bons joueurs à sa disposition et un problème à résoudre, assembler les pièces de ce puzzle tactique : quel système utiliser, quel positionnement sur le terrain pour chacun d'entre eux et comment s'assurer qu'ils jouent ensemble. Le match contre Amiens n'est pas forcément révélateur, vu le faible temps de préparation à effectif complet, mais il nous offre quelques éléments de réponse.


Devinette


On commence par une petite devinette. Sur les trois captures de whoscored.com ci-dessous, on voit en orange les endroits du terrain où un joueur stéphanois (attaquant de gauche vers la droite) a touché le ballon. Sauriez-vous dire à quel joueur correspond chacune des images ?

 


La 1e semble correspondre à un milieu axial, la 2e à un ailier gauche (qui a permuté à droite à un moment donné) et la 3e à un milieu droit attiré par l'axe... La réponse ?



C'est Cabella ! Toujours et seulement lui. Les trois images correspondent aux premières 23 minutes, à l'intervalle entre la 23e et la 65e (l'entrée de Beric) et finalement au reste du temps réglementaire. En effet, vers la moitié de la 1MT, le jeu de l'ASSE a changé. Cabella, qui agissait auparavant comme un véritable meneur de jeu, a arrêté de chercher le ballon dans l'axe - il s'est contenté de rester cantonné dans son couloir gauche. Quand Beric est entré à la place de Salibur à la 65e, c'est Khazri qui a pris ce couloir gauche et Cabella est allé à droite, recommençant d'aller vers l'axe du terrain, comme en début de match. Au delà des endroits du terrain où Cabella a touché le ballon, c'est le nombre de fois qu'il l'a fait qui est aussi intéressant. Ainsi :
 
- les 23 premières minutes, l'ASSE a eu 66,8% de possession, dont 9,7% pour Cabella (plus que Khazri et Salibur réunis)
- les 42 minutes suivantes, l'ASSE a eu 68% de possession, dont 5,9% pour Cabella (moins que Khazri - 6,4%)
- les 25 minutes restantes, l'ASSE a eu 53,5% de possession, dont 8,8% pour Cabella (plus que Khazri, Diony et Beric réunis)
 
Pour faire simple, pendant la moitié du match Cabella est resté enfermé sur son côté, touchant rarement le ballon, jouant comme un vrai attaquant de couloir. Pendant le reste du match, il a quitté son couloir pour l'axe, cherchant et monopolisant le ballon, jouant comme un vrai meneur de jeu.

Mais l'animation offensive des Verts ne dépend pas entièrement du rôle et positionnement de Cabella. Deux exemples nous permettront d'avoir une idée de ce que le staff technique a voulu mettre en place.


 

4-2-4 en 1MT


Les meilleurs situations pour comprendre les intentions initiales des entraîneurs se trouvent en début de période, quand les consignes sont fraîches. Le premier exemple commence avec une touche à hauteur de la ligne médiane à la 7e minute :


Kolo trouve Cabella, qui lui remet le ballon et le jeu est écarté vers Perrin. Le capitaine s'appuie sur Selnaes...


... qui lui le redonne. Perrin s'appuie sur Salibur qui décroche de son position d'ailier droit (et Khazri se projette dans l'espace laissé vide). La nouvelle recrue des Verts combine avec Debuchy dans le couloir...


... et comme le jeu penche à droite, l'idée est de changer de côté. Ça se fait via Selnaes et M'Vila :


Kolo est trouvé dans le couloir gauche et sur cette image on voit mieux les dispositions tactiques des deux équipes. Amiens joue avec 4 défenseurs et 5 milieux (4 alignés et un sorti en marquage sur Cabella). Les deux avant-centres stéphanois sont écartés (sur les latéraux adverses) et les deux "ailiers" (Cabella et Salibur) sont plus axiaux. Le latéral gauche de l'ASSE redonne le ballon à M'Vila ...


... et il s'appuie sur Cabella, qui avait décroché. Salibur fait la même chose et il reçoit le ballon à droite - les deux "excentrés" jouent clairement dans l'axe et n'hésitent pas à chercher le ballon bas. Khazri et Diony se déplacent dans la défense, le premier allant vers l'axe, laissant Debuchy monter haut aussi. Sans solution, Salibur se retourne et rejoue avec M'Vila, véritable plaque tournante pour les Verts :


À droite on trouve la paire Debuchy-Salibur, à gauche la paire Kolo-Diony, dans l'axe la paire Cabella-Khazri, qui font des appels complémentaires, un en profondeur, l'autre qui décroche. Il n'y a aucun espace entre les lignes de 4 et 5 Amiénois et M'Vila joue à gauche :


Un des milieux était sorti vers M'Vila, Cabella se place dans l'espace libéré. Il est trouvé par son latéral gauche, se tourne et ne combine pas avec Khazri et Salibur dans la défense, mais préfère une passe en retrait pour M'Vila - sa frappe est déviée en corner.
 


4-2-4 en 2MT


Comme les tableaux whoscored.com le montrent, pendant une bonne période Cabella a rarement décroché de son aile gauche pour chercher le ballon au milieu comme dans l'exemple précédent. Perrin l'annonçait à la pause, les Verts allaient passer plus sur les côtés que dans l'axe, ce qu'on peut voir dans cet exemple pris en début de la 2MT - le jeu reprend après un hors-jeu d'Amiens :


M'Vila joue avec Cabella, qui lui redonne le ballon - on aperçoit clairement le (4-)1-4-1 d'Amiens, avec une sentinelle entre les lignes, au marquage de Khazri, le "10" stéphanois. La circulation du ballon est très simple pour les Verts :


Selnaes et Cabella relayent le ballon parti de M'Vila pour lancer Kolo à gauche. Le latéral n'ose pas s'engouffrer et redonne le ballon à M'Vila, qui le garde un peu sur la ligne médiane en attendant une solution :


Khazri est allé se positionné dans la défense, comme Diony, Cabella et Salibur se trouvent sur la même ligne, très excentrés. Il ne reste aucun stéphanois entre les lignes adverses, la sentinelle adverse est au marquage... de l'arbitre. C'est Salibur qui décroche pour proposer une solution et il est trouvé par la belle passe de M'Vila :


Son appel attire le latéral et le milieu de ce côté, libérant le couloir pour Debuchy. Malheureusement, il met du temps avant de faire la passe (en plus en peu dans le dos du latéral) et donc le décalage n'est pas exploitable :


Debuchy joue en arrière avec Perrin, pendant que les 4 attaquants Verts se placent tous sur la même ligne, dans la défense adverse. Diony fait un appel vers le côté pendant que Salibur prend sa place et les deux sont visés par la passe du capitaine :


Le jeu est parfait, la passe casse la ligne des milieux, il ne reste plus que la défense, en 4-contre-4 avec les attaquants stéphanois. Salibur met un peu de temps à se retourner, il élimine son défenseur...


... et se trouve en position de centrer. Sauf que dans la surface il y a seulement Khazri. Diony s'était excentré pour combiner et Cabella n'a pas eu le réflexe d'un ailier ou l'envie de venir de son côté pour être à la réception du centre venant du côté opposé. D'ailleurs, le ballon va au deuxième poteau, d'où le défenseur peut le dégager tranquillement, sans être sous pression.


 

Conclusions


Peut-être que l'arbitrage (assisté par la vidéo ou pas) a failli lors de ce match, mais l'animation offensive des Verts n'a pas été au top non plus. A travers le rôle joué par Cabella, les Stéphanois ont alterné les approches tactiques : utilisation d'un meneur de jeu "unique" qui porte le ballon et cherche à orienter le jeu ou système avec plusieurs offensifs qui jouent ce rôle (des excentrés qui repiquent vers l'axe, des avant-centres qui décrochent). Peu importe l'approche, la clé du succès réside dans la coordination des courses et des appels, dans la fluidité des transmissions entre ces joueurs. Et c'est là où le jeu offensif de l'ASSE a failli, mais ce n'est pas surprenant, les automatismes entre ces joueurs ne pouvaient pas être en place à ce moment de la saison. Comment bien faire jouer ensemble les quatre joueurs à vocation offensive sera LE puzzle que le staff stéphanois devra résoudre pour bien réussir cette saison. Et le plus tôt sera le mieux pour éviter de laisser trop de points en route. Comme le match à Paris ne sera pas relevant tactiquement pour le reste de la saison, c'est lors du prochain match à domicile, dans moins de trois semaines, qu'on pourra mieux comprendre l'approche tactique envisagée par le staff et estimer les progrès effectués concernant l'animation offensive. D'ici là, place aux entraînements et à la création de ces automatismes offensifs...