"Aholou va tomber amoureux de Sainté" nous avait confié avant-hier Ronaël Pierre-Gabriel. Cet amour sera partagé si l'on se fie à Thierry Laurey, qui a entraîné 18 mois le nouveau numéro 17 des Verts à Strasbourg.


Aholou est-il le meilleur Jean-Eudes que tu aies entraîné dans ta carrière ?

Oui ! (rires) Mais tu sais que j’ai failli en avoir un autre ! A l’époque où j’étais à Amiens, on avait contacté Jean-Eudes Maurice, un attaquant haïtien du Paris Saint-Germain. Il a joué un petit peu à Lens et au Mans mais il n’a pas réussi à s’imposer en France. Il me semble qu’il a été à Chypre et que maintenant il est au Kazakhstan.

Quelles sont les principales qualités de Jean-Eudes Aholou ?

C’est un garçon qui est très puissant, qui a une très bonne technique. Il est capable de casser les lignes. Il a un très bon pied gauche. C’est un garçon qui a le sens du collectif, il a un état d’esprit irréprochable. On garde de très bons souvenirs de lui à Strasbourg. On a tous eu un très bon feeling avec lui. Il a montré des choses de qualités chez nous, on le regrettait. Mais il nous a quittés pour aller dans un grand club, à Monaco. C’est logique que ce garçon fasse son chemin. Il a beaucoup apporté au club lors de son année et demi en Alsace. C’est un garçon formé à Lille qu’on est allé chercher à Orléans. Il a joué 18 mois là-bas, d’abord en National 1 puis en L2. On l’a recruté au mercato hivernal et il s’est vite intégré chez nous et il nous a aidé à monter en L1. Sa première saison pleine dans l’élite, il a été performant. Il a été l’un des artisans de notre maintien. Forcément, je garde un excellent souvenir de ce joueur !

Jean-Eudes a-t-il des défauts, des points perfectibles ?

Je ne lui vois pas spécialement de défauts. Chez nous, il jouait souvent seul devant la défense. Il peut jouer aussi à deux. Je l’ai trouvé très performant seul devant la défense. Mais il peut jouer dans les deux qui sont un peu plus haut quand il y a une sentinelle devant la défense. Il est meilleur quand il est face au jeu, ça c’est clair ! Mais il n’a pas de défaut majeur dans son jeu. Il a un pied droit très correct pour un gaucher, c’est d’ailleurs du droit qu’il nous avait mis un joli but contre Troyes. On a tous des défauts mais lui n’a pas un défaut majeur qui viendrait plomber ses performances.

Dans la dernière édition du Progrès, son ancien entraîneur Olivier Frapolli le trouve perfectible dans devant le but et dans le jeu de tête offensif. Partages-tu ce point de vue ?

Oui, il est perfectible mais ça ne veut pas dire pour autant qu’il est mauvais dans ces domaines. En une seule de saison de L1 avec nous, il a marqué cinq buts. Certes il n’a pas marqué de la tête mais ce ne n’est pas donné à tous les numéros 6 ou numéros 8 de marquer cinq buts sur une saison. Je trouve vraiment que c’est un milieu de terrain assez complet. Il n’a pas de lacune rédhibitoire. Il n’est pas lent, il n’a pas un mauvais jeu de tête, il n’a pas une mauvaise frappe de balle. Il est capable de frapper de 20 ou 25 mètres sans problème. Je le trouve assez à l’aise dans les conduites de balle, il n’est pas fâché avec le ballon. Il est même assez élégant balle au pied, il est beau à voir jouer. Après, c’est sur l’aspect mental des choses qu’il y a parfois une petite part d’inconnu quand un garçon change de club. On ne sait pas comment il va réagir. Chez nous il rejoint un club dans lequel une dynamique s’est créé avec la montée. Il s’était parfaitement adapté à notre équipe, il était avec ses potes à chaque fois. Tout roulait pour lui. Il s’était fait sa place et tout le monde le respectait dans le vestiaire. Quand t’es en confiance, c’est toujours plus facile ! Quand tu changes de club, les cartes sont redistribuées, tout est remis à zéro et il faut refaire son trou.

Tu l’as surtout utilisé en sentinelle parce que ce poste est le plus adapté à ses qualités intrinsèques ou c'était pour tenir compte des autres profils que tu avais dans ton effectif au milieu de terrain ?

Pour les deux raisons en fait. En tout cas, pour nous, à notre niveau et compte tenu des autres joueurs que j’alignais dans l’entrejeu, c’est le positionnement qui me paraissait le plus adapté pour Jean-Eudes. C’est un garçon qui a progressé, y compris à Monaco où il a comme tous ses coéquipiers connu une saison très compliquée l’an dernier. Je l’ai vu faire des performances intéressantes avec Monaco. Comme Jean-Eudes a aussi cette faculté à bien se projeter, je pense qu’il est capable de jouer sans problème milieu relayeur. Le seul truc c’est qu’il a besoin d’être face au jeu pour exprimer pleinement son potentiel. Il a une faculté à casser la ligne du milieu qui est intéressante. C’est un garçon qui aime bien se projeter. Il faut qu’il ait un peu d’espace devant lui. Dos au jeu, il est un peu moins à l’aise.

Peut-on comparer Jean-Eudes Aholou à Ole Selnaes ? Il a récupéré son numéro 17, ce sont tous les deux des gauchers de 25 ans et d’1m86…

Ouais… On peut les comparer si tu veux, il y a des ressemblances. Après, je pense que Jean-Eudes a plus la capacité à se projeter et Selnaes à organiser. Je trouvais que Selnaes avait cette faculté à mettre posément le jeu en place qui était assez intéressante. Je pense que Jean-Eudes se déplace un peu plus quand même. Mais je n’ai pas suffisamment décortiqué le jeu de Selnaes pour être affirmatif à 100%.

Tu as surtout utilisé Jean-Eudes comme numéro 6, on en a déjà un très bon en la personne de Yann M’Vila. Penses-tu que ces deux joueurs peuvent être complémentaires ?

Oui je le pense. Quand t’as deux bons joueurs, ils savent toujours s’organiser et se déplacer l’un par rapport à l’autre pour donner le meilleur. Jean-Eudes à cette faculté à se projeter vers l’avant qui contrebalancera parfaitement le jeu de Yann M’Vila, qui lui est vraiment la rampe de lancement du jeu stéphanois. Je pense que Jean-Eudes sera capable de s’adapter au rôle qu’on lui demandera de jouer dans le système de l’ASSE. On en revient à ce que te disais tout à l’heure. Quand tu débarques dans un nouveau club, il faut arriver à s’adapter, à trouver ses marques rapidement, à s’investir pour s’affirmer. C’est aussi simple que ça.

Pas mal de supporters stéphanois ont accueilli avec scepticisme son arrivée, ils espéraient mieux à ce poste et s’interrogent sur les capacités de ce joueur à s’imposer à Sainté vu la saison très moyenne qu’il vient de faire à Monaco. T’en penses quoi ?

Honnêtement, je n’ai pas trop de doutes sur la capacité qu’aura Jean-Eudes à réussir à Saint-Etienne. Les supporters ont toujours des idées bien précises des joueurs qu’ils veulent avoir et compagnie, mais personnellement je n’ai pas trop de doutes, Jean-Eudes a le niveau pour apporter toutes ses qualités à Sainté, à condition encore une fois que l’adaptation se fasse assez rapidement. Je n’en démords pas, c’est un garçon qui a des atouts pour réussir chez les Verts ! C’est un bon footballeur doté en outre d’une excellente mentalité. Il est travailleur, à l’écoute. C’est un garçon professionnel qui s’investit pleinement. Je pense que les Stéphanois vont l’aimer.

Humainement, comment le décrirais-tu ?

C’est un bon garçon, on n’a jamais eu de souci avec lui. C’est un garçon à l’écoute. On lui demandait dans son rôle de sentinelle d’orienter le jeu et de le varier. Il a réussi à le faire très convenablement. Il a cette capacité à orienter le jeu de droite à gauche et de gauche à droite mais il sait aussi percuter à l’intérieur. C’est important d’avoir cette palette à son poste, ça entraîne des difficultés aux adversaires en termes de lecture du jeu. C’est un garçon fiable, qui répond toujours présent. La saison dernière, il a eu un petit problème au pied qui l’a rendu indisponible plusieurs mois à Monaco. Mais mis à part ça, je n’ai pas souvenance que ce garçon ait eu des pépins physiques dans sa carrière. C’est un garçon équilibré sur le terrain comme en dehors. Il répond présent dans les tâches défensives comme offensives, c’est un garçon qui sait marquer des buts, il l’a montré chez nous. Il sait prêter main forte à ses attaquants, il a une réelle attirance pour les seize mètres adverses. Moi j’adorais ses projections, sa capacité à permettre à l’équipe d’avancer. C’est un garçon qui a tout pour séduire les supporters stéphanois.

Ghislain a recueilli ton avis avant de le faire venir à Sainté ?

Non, mais je crois que mon adjoint Fabien Lefèvre a été contacté.

Jean-Eudes sera-t-il titulaire lors de la finale de l’Europa League qui opposera Saint-Etienne à Strasbourg le 27 mai prochain à Gdansk ?

Le 27 mai, j’ai plus de chance de le regarder en buvant une bière et en mangeant des cacahuètes dans mon salon que sur le terrain ! Nous on n’a pas ces rêves-là en tête. Notre rêve à nous, c’est de parvenir en phase de groupes, ce serait déjà un gros exploit. On a des rêves pas aussi lointains mais je souhaite à l’ASSE que ton rêve d’une nouvelle finale de Coupe d’Europe soit exaucé. Pour en revenir à Jean-Eudes, on sera ravi de l’accueillir à la Meinau lors du dernier match de la phase aller du championnat. Ce sera un réel plaisir, j’ai gardé un excellent souvenir de ce garçon. Jean-Eudes est quelqu’un de vraiment attachant, il a toujours le sourire. C’est un régal d’entraîner des joueurs comme ça. Moi j’ai vraiment envie d’avoir des gens qui ont la banane quand ils arrivent à l’entraînement le matin. C’est souvent le cas de Jean-Eudes. On a des souvenirs communs assez forts : la montée d’abord, avec à la clé le titre de champion de France de L2. Quand on remporte un titre, c’est toujours fort, on écrit une histoire, ça crée des liens. Le maintien doit rappeler des bons souvenirs à Jean-Eudes, c’était contre Lyon qu’on l’a acquis. Maintenant qu’il joue en vert, il va encore être amené à vivre des moments intenses contre Lyon dans un autre contexte…

 

Merci à Thierry pour sa disponibilité