Les Verts ont réussi à marquer à la fin du temps additionnel pour rentrer avec un point d'Amiens, mais ils peuvent néanmoins regretter de ne pas avoir gagné un match à leur portée.


Si l'ASSE a gagné son dernier match à l'extérieur presque sans effort, ce match chez un autre mal classé a été une toute autre histoire. Et l'ouverture rapide du score, ainsi que le carton rouge adverse après une demi-heure de jeu ont fait presque plus de mal que de bien à des Stéphanois qui n'ont pas su mettre les ingrédients nécessaires pour l'emporter. Comme le dit Jean-Louis Gasset, "on a joué un peu entre nous, limite arrogants à certains moments (...) on avait le ballon mais on le faisait transiter tellement lentement, que notre supériorité numérique ne se voyait pas. On a joué avec beaucoup de suffisance. J’ai trouvé qu’on a joué un petit peu facile face à une équipe qui avait faim alors que nous, on donnait l’impression de ne pas avoir envie". Bref, c'est au niveau de l'état d'esprit que ce match s'est joué. Et même si c'est difficile d'illustrer ce manque avec des captures d'écran, les exemples suivants montreront quelques failles stéphanoises qui devront être comblées avant la prochaine rencontre.


 
Le retour de Khazri n'a pas poussé Beric sur le banc mais a décalé Cabella à l'aile gauche, les Verts proposant toujours un bloc en 4-4-2 :
 

Le même système qu'il y a un mois donc, contre Lille - pas vraiment le match référence pour la qualité de l'animation offensive proposée. Si Beric ne peut pas jouer à un autre poste et si Khazri doit absolument jouer dans l'axe, c'est en effet Cabella qui doit s'excentrer. Ça veut dire qu'il touche moins de ballons que d'habitude, participant moins à la construction du jeu stéphanois, mais qu'il doit aussi être très appliqué défensivement dans son couloir. Ce qui n'a pas toujours été le cas, comme dans cet exemple à la 21e minute :
 

Les Amiénois construisent une attaque dans leur moitié. Le bloc stéphanois en 4-4-2 est en place et comme le jeu s'oriente de son côté, Cabella monte sur le latéral droit adverse. L'ailier droit se trouve entre les lignes...


... d'où il fait un appel en profondeur, dans le dos de la défense, où il est trouvé par un long ballon de son défenseur central. Le latéral amiénois sprinte pour lui proposer une solution et Cabella ne le suit pas. Kolodziejczak doit donc défendre seul contre deux...


... parce que même si M'Vila vient l'aider, il est loin. Un dédoublement comme à l'entraînement et le centre du latéral est repris de la tête par Eddy Gnahoré pour une magnifique parade à bout portant de Ruffier.

 

Animation offensive

 
Avec un possession largement en leur faveur, les Verts n'ont pas souvent eu à défendre et c'est beaucoup plus simple de trouver des exemples de leurs offensives. Voici quelques exemples de leurs attaques construites.
 
A la 9e minute, Debuchy joue une touche pour Perrin qui transmet à Subotic : 
 

Le mouvement de M'Vila et Kolo est la parfaite illustration du système de jeu stéphanois avec le ballon : le milieu se place à la gauche de la charnière centrale et le latéral gauche monte plus haut. M'Vila cherche une solution de passe vers l'avant, mais il n'en a pas :


Khazri et Nordin se trouvent trop loin. Le ballon est écarté à droite pour Perrin, qui le donne à Vada. Les deux joueurs échangent des passes...


... et Vada décide de porter un peu le ballon, avant d'écarter avec Debuchy. Un défenseur s'interpose, Perrin récupère le ballon, les Verts arrivent à centrer, mais le ballon est repoussé en corner. Cette action n'a pas l'air très importante, mais elle a représenté un véritable changement dans la physionomie du match, elle étant la première attaque construite proprement. Jusqu'à là, le match avait été plutôt équilibré, 50-50 de possession, mais à partir de ce moment et jusqu'à l'ouverture du score 7 minutes plus tard, les Stéphanois ont archi-dominé leurs adversaires : 77% de possession, plusieurs corners, un face-à-face avec le gardien raté par Beric et une grosse pression en général, les Amiénois ratant plus d'une passe sur deux...


L'ouverture du score rapide a endormi les Verts, qui s'y sont crus arrivés. Après l'égalisation, le carton rouge d'un défenseur adverse a de nouveau créé un sentiment de tranquillité chez les Stéphanois, qui n'ont pas accéléré le jeu comme il le fallait. A la 37e Kolo joue un coup-franc et le ballon transite en défense de gauche à droite :
 

Les seuls des 4 offensifs visibles sont Khazri et Nordin, axiaux et entre les lignes, comme dans l'exemple précédent. Ils ne peuvent pas être trouvés alors le ballon fait le chemin inverse, vers la gauche et M'Vila :


Comme Amiens se trouve en infériorité numérique, il n'y a pas de pressing et le milieu stéphanois monte balle au pied avant d'échanger des passes avec Kolo :


Les Picards défendent en 4-4-1 et les quatre offensifs de l'ASSE sont bien cachés dans le bloc adverse. M'Vila garde encore un peu le ballon et il y a enfin du mouvement :


Cabella décroche et Khazri s'excentre à sa place. Sans solution, Cabella joue en retrait avec Subotic qui lui rend le ballon. Il décide ainsi de rentrer dans l'axe balle au pied...

 
... et il essaye de s'appuyer pour un un-deux sur Khazri qui avait décroché à son tour, et qui préfère jouer avec M'Vila. Le milieu stéphanois essaye une longue transversale à destination de Debuchy mais un défenseur dégage de la tête. Et si on regarde les trois dernières images en se focalisant sur le positionnement de Nordin, on remarque que pendant 13 secondes il n'a pas bougé d'un mètre de sa position dans l'axe...
 


Rien n'a vraiment changé après la pause, les Verts ont continué à construire leurs attaques patiemment mais sans accélérer pour créer un déséquilibre dans le bloc adverse. À la 57e Subotic joue une touche pour Ruffier, qui donne à Perrin :
 

Le capitaine stéphanois s'écarte vers la droite où il échange des passes avec Debuchy, avant de monter balle au pied, profitant de l'absence de pressing :


Les deux avants-centres, Beric et Khazri, se trouvent sur la ligne des défenseurs. Les deux ailiers, Nordin et Cabella, sont plus axiaux, entre les lignes. Et les deux axiaux, M'Vila et Vada, se trouvent très loin, à gauche. Perrin cherche une solution et le positionnement de ses coéquipiers est très intéressant :

 
On dirait presque un 3-5-2, avec une ligne de 5 parfaitement à plat entre les lignes adverses et une autre de 2 dans la défense. Quand tous tes coéquipiers se trouvent alignés comme ça, la seule solution est de chercher à casser les lignes - c'est ce que Perrin essaye de faire, mais sa passe est trop appuyée, passant à côté de Cabella et entre Beric et Khazri pour être finalement récupérée par le gardien adverse.


L'entrée de Hamouma pour Nordin a été du poste pour poste, mais celle de Diony pour Vada, non. L'entrant a pris le couloir gauche et Cabella a reculé en milieu axial à côté de M'Vila, comme on peut le voir dans cet exemple qui commence à la 78e minute, juste avant l'entrée de Polomat (en latéral gauche, Kolo glissant dans l'axe à la place de Subotic, sorti) :
 

Debuchy joue une touche avec Perrin qui écarte sur M'Vila, qui lui redonne le ballon :


Profitant toujours du manque de pressing, le capitaine stéphanois avance avec le ballon en attendant un appel. Diony-Beric-Khazri sont collés à la défense adverse, Kolo et Debuchy sont bien présents dans les couloirs, le dernier étant en plus aidé par Hamouma. M'Vila avait suivi et Perrin préfère jouer avec lui :


Le ballon change lentement de côté, passant par Subotic et arrivant à Cabella :


Les deux lignes de 4 d'Amiens sont bien en place, rapprochées, et les 4 offensifs stéphanois se trouvent bien enfermés et très axiaux. Ils ne peuvent pas être trouvés et le jeu a besoin d'être écarté. Par exemple à droite avec Debuchy libre dans son couloir. Mais la transmission est toujours lente, elle passe de nouveau par M'Vila...


... puis Perrin qui porte encore le ballon avant d'écarter enfin sur son latéral droit. Trente secondes sont passées entre le moment où Perrin a décidé de jouer vers la gauche et celui où, de nouveau en possession du ballon, il a joué avec Debuchy. Pendant ce temps Diony, Beric et Khazri n'ont fait aucun appel - seul Hamouma a bougé, mais pour se placer dans la même zone que ses coéquipiers...



Bref, Debuchy est décalé à droite et il y a une forte présence stéphanoise dans la surface, avec pas moins de 6 joueurs. Malheureusement, le centre est capté par le gardien adverse.

Comme pour le premier exemple d'une attaque de l'ASSE, cette action représente un véritable changement dans la physionomie du match, bien visible dans les chiffres. Le match a été très équilibré jusqu'au carton rouge amiénois, avec 50% de possession et des Verts plutôt fébriles (70% de passes réussies, très en dessous de leur habitude). Pour le reste du match, passé en supériorité numérique, la domination (74% de possession) et la maîtrise (86% passes réussies) ont été stéphanoises. Mais le dernier quart d'heure (à partir de la 80e minute) sort du lot : 83% de possession, 93% de passes réussies, 10 tirs, une passe sur deux ratée par Amiens. Bref, les Verts ont étouffé leurs adversaires dans les dernières minutes... et ils ont fini par égaliser grâce à leur 26e tir du match (!!!). Pour mettre les choses en perspective, les Amiénois ont marqué leur 2e but lors de leur 4e tir...
 
 
Si le match ne se résume pas à ces exemples, ils sont quand même représentatifs de plusieurs problèmes dans l'animation offensive stéphanoise. Il y a bien sûr les joueurs qui ne bougent pas, qui ne font pas d'appels. Des transmissions lentes qui ne déséquilibrent pas le bloc adverse. Mais aussi le rôle du "soutien de Beric". Quand Cabella joue en "10", il décroche souvent, allant chercher le ballon bas, offrant donc la possibilité de casser les lignes balle au pied, pas seulement par une passe. Quand c'est Khazri qui accompagne Beric dans l'axe, il décroche moins souvent et pas aussi bas - ça limite donc les options pour ses milieux et défenseurs...
 
 
 
 

Conclusions

 
Certes, l'envie n'a pas été au rendez-vous côté stéphanois, à exception peut-être du dernier quart d'heure, quand les joueurs ont enfin compris qu'il faudrait mettre du rythme et de l'intensité s'ils ne voulaient pas rentrer bredouille. Il y a eu aussi une dose de (manque de) réussite, avec 3 tirs des 26 du match qui ont échoué sur les montants. D'un point de vue comptable ça aurait pu être pire - un point pris à l'extérieur reste quand-même correct, surtout lorsque plusieurs autres concurrents directs n'ont pas gagné non plus. Avertissement sans frais donc, et pour positiver on peut se dire que ce match servira de piqûre de rappel au staff et aux joueurs de l'ASSE : aucun match n'est gagné d'avance, même avec un scénario favorable. Il faudra mettre les ingrédients nécessaires jusqu'à la fin du championnat, sans relâche, peu importe l'adversaire.