Dans une semaine que je pressentais déjà éprouvante avec le coup de semonce à venir des sanctions, l'annonce du départ de Romain Hamouma a avancé de trois jours ma déprime.


Hamouma, c’est le football ! résumerait sans doute Féfé, avec son sourire désarmant de celui qui sait prendre la vie du bon côté. Ce génie du ballon qu’on interrogeait en sortie de terrain sur une contre-performance des Verts, avait souvent cette formule aussi amusante qu’efficace pour rembarrer le journaliste. Cette formule rafraîchissante disait tout de la façon dont il envisageait son sport : de la créativité, du plaisir sur le terrain, mais aucune envie de se torturer l’esprit avant ou après le match.
Fefe, c’était certes une forme d’indolence parfois pénible, mais c’était surtout le football inspiré, le talent brut, la vivacité, l’art de danser sur le terrain en faisant dévisser l’adversaire, et un paquet de buts mémorables.

Pourquoi convoquer Féfé au moment d’évoquer Hamouma ? Parce que Romain aussi, c’est le football ! C’est cette vitesse, cet art de dévorer les espaces en laissant son latéral le nez dans le gazon, ce jeu de corps qui aura martyrisé les défenseurs et fait la richesse des prothésistes de hanches et une frappe de balle de folie entrevue contre Monaco, Montpellier, Evian, Lorient ou à Targu Mures dans cet obscur match de préliminaire que tu avais illuminé de ta classe : pim du droit enroulé dans la lunette gauche, poum du gauche, tendu dans le petit filet droit !

Tiens, je t’ai tutoyé, Romain…Faut dire que depuis le temps, tu es rentré dans mon intimité de passionné des Verts. Tu le sais bien, ça marche comme ça un supporter, ça s’attache et ça s’entiche, ça ne fait pas que balancer des fumis.
Romain, vu qu’on est intime, il faut que je te dise, ton but insensé contre ces mêmes montpelliérains il y a 3 mois, je l’ai vécu à l’époque comme une double résurrection : celle de l’équipe qui renversait tout dans un match bien mal emmanché, et la tienne si magnifiquement signée de cette frappe délicieuse dans la lunette.
Ta joie était alors la mienne. La nôtre. C’était une façon de dire au monde que tu n’étais pas fini, une façon de nous dire que cette grande équipe de 2013, cette magnifique génération, n’avait pas totalement disparu. Tu en étais depuis quelques temps le dernier des mohicans, le dernier de ces empereurs dont les conquêtes ont autant fait pour notre plaisir que notre fierté.
Je me suis à ce sujet souvent dit qu’à force de voir tes potes mettre les voiles tu devais t’interroger, malgré ton indéfectible attachement à ce maillot. J’ai même cru déceler chez toi cette nostalgie que nous ressentions tous quand Beric a dû nous quitter. Cette nostalgie de voir les potes, et ta jeunesse avec, s’envoler.

Mais ne t’inquiète pas, le grand livre de ton histoire on n’est pas près de l’oublier.
Je me souviens de tout :

• d’avoir été excité quand les rumeurs de ton arrivée avaient fuité
• d’avoir été très fier de savoir que tu nous avais préféré à Marseille
• d’avoir été rassuré par ce premier but au cœur de l’été face à Lille, en sortie de banc,
• d’avoir été impressionné pour la première fois par ton talent lors de ta chevauchée fantastique (qui a dit maradonesque ?) contre Monaco où, parti de ton camp et faisant la misère à 1, puis 2, puis 3, puis 4 défenseurs, tu avais fini par cette frappe certes écrasée, même franchement foireuse, mais victorieuse car le destin avait décidé qu’une telle course se devait d’être récompensée par un but,
• d’avoir savouré ce moment suspendu quand, après avoir dribblé le vilain gardien dans le chaudron, tu avais tranquillement pris le temps pour marquer dans le but vide, nous offrant ainsi cette sensation si rare de pouvoir célébrer un but trois secondes avant qu’il soit marqué,
• de m’être incliné devant tant de classe ce soir de baisser de rideau contre Lille où ton triplé avait parfaitement résumé l’étendue de tes qualités footballistiques,
• d’avoir conclu, lors de ce lever de rideau à Dijon, que décidément tous tes buts étaient beaux
• d’avoir aimé la complicité manifeste qui transpirait de ton interview croisée avec Bob où tu feignais de lui reprocher le peu de passes dé qu’il t’avait délivrées,
• d’avoir osé penser à Pelé et à sa feinte du siècle en 1970, quand tu avais mis cet insensé grand pont à Adil Rami, sous la neige, contre Marseille
• d’avoir été étonné en y repensant, de constater que je me souvenais surtout de ton action et de ta passe décisive et moins du but (ce qui est un sacrilège compte tenu de l’identité de son auteur … ne jamais oublier… dit pourtant la chanson),
• d’avoir employé cette expression tartalacremesque à chacune de tes trop rares apparitions ces dernières saisons : « c’est pour ce genre de joueur que je paye ma place au stade »,
• d’avoir senti les larmes monter en février dernier sur ce délice de but contre Montpellier, des larmes de joie, de gratitude, de nostalgie aussi,
• d’avoir imaginé et ardemment souhaité que ton dernier but, à Nantes, opportuniste, rageur, soit celui de notre sauvetage et pensé ainsi que si tu devais partir, ta belle histoire à Sainté se serait achevée de la plus belle des manières.

Mais les Dieux du foot décidément nous boudent, alors même ça ils nous l'ont refusé.

Tu as 35 ans, et après nos Vincent, François, Paul et les autres à nous, les Ruff, Papy, Dieu, Clément, Aubame, Mouss, Max, KMP, Cohade, Galette, désormais c’est toi, Romain, qui tires ta révérence, et c’était inéluctable. Ca aussi, comme disait Féfé, c’est le football !

Au-delà de la qualité immense du footballeur, ta fidélité à nos couleurs comme l’intelligence et le recul de tes analyses nous avaient permis d’entrevoir aussi les qualités de l’homme.

 

Merci Romain. Vraiment, profondément, éternellement, merci !