baggio42 a écrit : ↑08 févr. 2020, 00:05
Latornade a écrit : ↑07 févr. 2020, 23:51
baggio42 a écrit : ↑07 févr. 2020, 23:12
Poteau gauche a écrit : ↑07 févr. 2020, 22:25
Extrait d'une interview de Pierre Gagnaire parue aujourd'hui sur le site Lyon Capitale :
Vous avez forgé votre réputation à Saint-Étienne, dans les années 90. Vous avez aussi connu le dépôt de bilan dans cette même ville. Comment expliquez-vous votre échec ?
Saint-Étienne, c'est ma ville de cœur. C'est une séquence de ma vie qui a duré près de vingt ans. Pour moi, la cuisine était un vecteur de rendre ma vie acceptable et de créer des choses qui suscitent de la beauté, des émotions. J'avais un véritable projet culinaire. Mais Saint-Étienne est une ville butée, comme les villes du Nord. La cuisine que je faisais avait besoin de public. Et il faut reconnaître que je ne l'avais pas à Saint-Étienne. La très haute cuisine est difficilement viable à Paris, à Saint-Étienne, c'est très compliqué. J'ai eu trois étoiles en 1993 (homard rôti au tilleul et échalotes rôties aux amandes fraîches, gambas à la ciboulette ; étuvée d’huîtres au piment doux ; tendori de cèpes, poire passe crassane rôtie au vinaigre balsamique et frissons de pomme de terre à la fleur de sel, une sauce marcassin, NdlR). Et en 1996, j'ai senti que c'était fini. Plus ma notoriété grandissait sur le plan de la reconnaissance de mon travail, plus c'était compliqué avec la ville. Les créations naissaient et ravissaient les fous de cuisine mais déboussolaient les classiques. C'est un ensemble d'éléments qui a entraîné la faillite. Les clients, en nombre insuffisant, mais aussi les longues grèves de 1995. C'est simple, pendant trois semaines, on a fait entre zéro et deux couverts par jour. Ça a clairement été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Aujourd'hui, avec ce qui se passe entre les Gilets jaunes, les grèves, la maladie qui arrive, bien entretenue par les chaînes d'information en continu, les restaurants souffrent et je peux vous dire qu'il y aura de la casse. Donc notre métier est aussi le reflet d'une société qui va bien ou qui va moins bien. Saint-Étienne a beaucoup compté dans ma vie, c'est ma ville de cœur comme je vous l'ai dit. Mais à l'époque, elle ne permettait pas de porter le modèle que j'avais construit. La ville était vraiment dans le trou.Aujourd'hui, je pense que la ville commence à aller mieux.
https://www.lyoncapitale.fr/a-table/pie ... t-etienne/
J'ai eu la chance d'être à l'une de ses tables à ses débuts, avant qu'il ait ses étoiles.Quelle profusion de desserts!
Un peu sceptique sur son argumentaire. Les frères Marcon le prouvent depuis longtemps. La destination n'est pas aussi importante qu'il le dit. Par contre sa situation en plein centre ville, dans une petite rue l'a desservi. Il aurait été dans la plaine, sa réussite aurait été présente.
Marcon c’est père et fils. Frères ce sont feu les troisgros deuxième génération.
Le problème de Gagnaire c’était l’hôtellerie. Un 3 étoiles est difficilement rentable si tu ne vends pas une prestation complémentaire, ça l’est carrément encore moins quand tes clients, notamment étrangers, ne trouvent pas de chambres à la hauteur de leurs habitudes. Ce qui était (est) le cas à Saint-Etienne.
Troisgros était jusqu’à peu en face de la gare et Pic est dans un quartier pourri à Valence.
Tu as raison sur leur filiation.
L'hôtel ? Tu crois que ce soit primordial ? Surtout pour une clientèle asiatique ? Ils arrivent et repartent en train le jour même.Troisgros était déjà connu à une époque où tu déjeunais au restaurant sans pour autant coucher.
D'accord pour Pic! Elle pourrait changer de quartier.Et pourtant l'hôtel est sympathique.
Mais bien sûr que c’est primordial.
1/ ça élève considérablement ton ticket et la marge.
2/ Tu sors du restaurant à 23h, gonflé comme une baudruche, quelques verres de vins dans la tronche et tu faisais 1h de route minimum pour aller te coucher.
Il l’explique très bien dans son interview. Troisgros avait des chambres, il a régulièrement fait évoluer sa deco par des architectes et designers de renom, il a proposé un concept de salon de thé / petit déjeuner toute la journée pour élargir sa clientèle, il a ouvert un deuxième restaurant brasserie attenant à sa cuisine trois étoiles pour élargir encore sa clientèle, à ouvert un concept de chambres d’hôtes/cabanes de luxe orientés bio et restaurant dans la campagne roannaise toujours pour augmenter son CA et élargir sa clientèle (voir garder 1 ou 2 jours de plus celle passant par le 3 étoiles - beaucoup d’étrangers font un tour de France et ne restent qu’une nuit dans l’hôtel) et il a fini par déménager son 3 étoiles à la campagne mais pas pour la campagne (ou si peu) mais pour pouvoir offrir une expérience hôtelière actuelle : plus de chambres, optimisation des coûts, logement du personnel,.... Tout ça avec une troisième génération, très bien entouré par son épouse et par la suite ses enfants et belle-fille. Ça a toujours été une histoire familiale d’aubergiste, comme Pic.
Gagnaire n’a jamais rien fait de tout ça et ca n’a jamais été une histoire familiale. C’est un créateur, un artiste, ... le reste l’a très souvent dépassé/grisé (moins maintenant) et fut plutôt mal entouré. Il s’en est sorti grâce à des investisseurs (je ne sais même pas si il est propriétaire à plus de 50% d’un seul de ses restaurants) qui ont cru en son énorme talent/vision (d’où son succès à Londres dans un premier temps) et a été salarié pendant un bout de temps après sa déconvenue.
Là où on ne peut pas être d’accord avec lui c’est de faire porter la responsabilité de son échec à la ville, son environnement et ses habitants.
Il a juste fait n’importe quoi en gestion entrepreneuriale.
La preuve en est tous les autres réussissant dans des coins tout autant difficile.
Par contre, grâce à cet échec, il a eu une carrière, une évolution passionnante et une réussite totale qu’il n’aurait peut-être pas eu avec une dizaine de chambres derrière son établissement, comme quoi...