Didier Tholot nous a livré ses impressions avant le match qui opposera ses deux clubs de coeur ce mercredi soir à Bordeaux lors de la 16e journée de Ligue 1.


Né à Feurs, tu n'es pas passé par le centre de formation à l'ASSE. Pourquoi ?
J'avais fait un essai à l'ASSE quand j'avais 16 ans, c'est Pierre Garonnaire qui m'avait fait venir. Mais je me suis légèrement blessé au début de ce stage, du coup ça ne s'est pas fait. C'est finalement à l'INF Vichy que j'ai été formé pendant trois ans avant de partir au Sporting Toulon.

Tu as côtoyé là-bas d'autres joueurs offensifs ayant porté le maillot vert.
Oui, j'ai évolué avec Laurent Paganelli, Laurent Roussey mais aussi avec Alain Bénédet, qui jouera ensuite une saison à Sainté. Paga, c'était le clown, Alain était très sérieux et allait vite sur le côté. Il y avait de très bons joueurs à Toulon : Albert Emon et aussi Delio Onnis, qui était pour moi une référence au poste d'attaquant. C'était un contexte difficile pour débuter car la concurrence était forte devant et le contexte sudiste n'est pas évident. C'était bien, c'était formateur

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Mais c'est à Niort, sous la houlette d'un autre ancien Vert, que tu as pleinement lancé ta carrière...
Oui, j'ai joué la seule saison des Chamois dans l'élite sous la houlette de Patrick Parizon et aux côtés de Pierre Morice, qui lui aussi jouera ensuite une saison à Sainté. J'ai mis sept ou huit buts lors de cette première saison en pro. On avait bien démarré le championnat, on était en milieu de tableau à la trêve mais on est descendu. Mais pour moi c'était le début de l'aventure.

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Après avoir rebondi au Stade de Reims, tu as enfin signé à l'ASSE en 1991.
Comme j'ai marqué 14 buts lors de ma saison rémoise, plusieurs clubs m'ont sollicité. Quand t'es Stéphanois, que tu as connu l'époque de 1976 en étant gamin, t'as envie de jouer chez toi. J'ai donc choisi de signer à l'ASSE. J'ai pris cette décision un peu contre l'avis de mes parents. Mais ça aurait été un manque pour moi de ne pas jouer à Saint-Etienne. Mes parents viennent d'un milieu très modeste, ils étaient mécaniciens agricoles. Ils n'avaient peut-être pas envie d'être embêtés avec ça.

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Tu n'as claqué que 6 pions (enfin 7, on reviendra là-dessus) en 52 matches officiels sous le maillot vert. Quel bilan fais-tu de tes deux années en vert ?
Le bilan est forcément mitigé, pas à la hauteur de mes espérances. J'ai nettement moins marqué à l'ASSE que dans mes autres clubs. La première année n'était pas trop mal car Christian Sarramagna me faisait confiance. La seconde a été beaucoup plus compliquée car je n'étais pas dans les petits papiers de Jacques Santini. Un attaquant a besoin de la confiance de son entraîneur, ce n'était plus le cas.

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Tu as marqué contre le Nîmes Olympique de Canto, tu as mis un doublé contre le TFC de Robin Huc, tu as mis le troisième but d'une nette victoire contre le PSG, tu as inscrit l'unique but de la victoire contre le Montpellier de Bruno Carotti, Kader Ferhaoui et Thierry Laurey. Mais c'est un autre de tes pions qui est resté dans nos mémoires.
Tu fais allusion à celui que j'ai mis à Noisy-le-Sec en Coupe de France ou à Toulon, c'est ça ? (Rires) Non, je suppose que tu fais référence à celui que j'ai mis contre l'OM, je sais que c'est celui qui a marqué les esprits. C'était le fameux match de la cannette de bière sur Jean-Pierre Papin, un joueur que je connais bien pour avoir joué avec lui à l'INF Vichy. L'OM avait une grosse équipe avec les Boli, Deschamps, Waddle et autres Pelé. J'avais marqué l'unique but de la victoire deux minutes avant la pause. Fabrice Mège m'avait lancé en profondeur et j'avais trompé Pascal Ometa.



Le Chaudron était particulièrement bouillant ce soir-là, l'ambiance était électrique.
Oui, Geoffroy-Guichard était plein à craquer. C'était un match particulier, tu sentais intensément la présence des 40 000 personnes. Le public stéphanois, c'est vraiment quelque chose ! Quand t'es en bas et que t'as les supporters autour, tu ne peux pas ne pas te dépouiller pour eux ! Saint-Etienne a vraiment un public particulier, c'est quelque chose que tu ne retrouves pas ailleurs. On retrouve juste ça un peu à Lens, qui a à peu près le même public. Mais Saint-Etienne, c'est Saint-Etienne ! Pour revenir à ce fameux match contre l'OM, il avait finalement été invalidé. On avait dû le rejouer trois mois plus tard. Jean-Pierre Papin avait ouvert le score mais Christophe Deguerville avait égalisé à la dernière minute.



Outre l'ambiance, quels coéquipiers stéphanois t'ont marqué le plus, tant sportivement qu'humainement ?
Sur plan du foot, Lubomir Moravcik m'a marqué. Il était très talentueux, c'était un très bon joueur. Humainement, j'avais de très bons rapports avec Maurice Bouquet et Christophe Chaintreuil. Je les ai d'ailleurs retrouvés peu de temps après à Martigues. J'ai le souvenir que Christophe faisait un gros travail dans l'ombre au milieu de terrain pour permettre aux joueurs offensifs de moins défendre. J'ai vu qu'il est revenu à Sainté pour prendre en charge les U17 nationaux. J'ai également joué à Sainté avec un autre formateur du centre de l'ASSE, Jean-Philippe Primard. C'était un bon défenseur. Autant mes deux saisons à Sainté ont été très mitigées, autant mes deux saisons martégales ont été réussies et déterminantes pour moi à ce stade de ma carrière.

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C'est alors que tu as rejoint les Girondins.
Oui. Pas mal de clubs s'étaient positionnés sur moi car j'étais libre après deux saisons pleines à Martigues. Plusieurs clubs européens me voulaient, dont Paris.Je crois me souvenir que Strasbourg me convoitait aussi. J'ai choisi de rejoindre Bordeaux, qui était juste en Intertoto. Mais on a vu jusqu'où ça nous a menés ! Bordeaux me voulait vraiment, je me suis vite intégré là-bas. J'ai mis pas mal de buts lors des premiers tours de l'Intertoto. Tout allait bien pour moi mais un matin, en allant à l'entraînement, un mec a grillé un feu rouge. Je suis sorti de cet accident avec sept ou huit cotes cassées, la hanche fracturée, le genou fracturé... Le professeur Saillant ne savait pas si j'allais pouvoir rejouer au football.

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Non seulement tu as réussi à rejouer au football mais après plus de six mois d'indisponibilité, tu as marqué lors d'un match contre le Milan AC resté dans les mémoires.
Oui, j'ai la chance d'avoir vécu avec Bordeaux une aventure européenne qui a été vraiment exceptionnelle : elle a démarré en Intertoto, elle s'est achevée en finale face au Bayern Munich. C'est gratifiant car des joueurs qui ont disputé une finale de Coupe d'Europe, il n'y en a pas 150 000 en France. Je me suis battu pour revenir après cet accident de voiture. J'ai marqué en quart de finale contre le Milan AC mais aussi en demi-finale contre le Slavia Prague. Tu rêves gamin de marquer dans ces matches-là ! C'était un exploit d'éliminer le Milan AC qui avait une énorme équipe à l'époque : Maldini, Baresi, Vieira, Baggio, Weah, etc. Je crois que notre victoire 3-0 a marqué la France entière.



T'as joué avec Zizou. C'était moins fort que Lubo, non ?
Non. Lubo était fort mais Zizou, c'est Zizou !

Lors de votre fameuse victoire contre le Milan AC, tu as ouvert le score sur un centre d'un gars que tu avais giflé trois ans et demi plus tôt dans le Chaudron. Tu t'en souviens ?
(Rires) Je m'en souviens bien car je crois que c'est le seul rouge que j'ai pris lors de ma carrière ! J'avais répondu à un mauvais geste de Liza, qui d'ailleurs avait été expulsé en même temps que moi. On avait gagné grâce à un doublé d'Etienne Mendy mais le match avait été un peu chaud, Didier Senac avait été lui aussi expulsé en fin de match.Quand je suis arrivé à Bordeaux, on en a rigolé avec Liza car on avait les casiers à côté. On s'est chambré un peu.



C'est en tant qu'entraîneur que tu as remporté deux titres avec le FC Sion. Tu as remporté la Coupe de Suisse en 2009... et en 2015 avec un certain Léo Lacroix !
Mon expérience en Suisse m'a permis en effet de remporter deux trophées. En France, on se dit peut-être que la Coupe de Suisse ne compte pas autant que la Coupe de France mais pour moi ça l'est autant. Je retiens aussi les bons résultats qu'on a eu en Europa League avec le FC Sion. La saison où le FC Bâle a éliminé Sainté, on a éliminé Bordeaux. C'est d'ailleurs Léo Lacroix qui avait marqué le but de la victoire à Bordeaux. On a réussi à sortir des poules avant de se faire sortir par Braga. On le voit aujourd'hui, même pour les clubs français, c'est très difficile de sortir des poules. J'ai pu connaître le très haut niveau en tant qu'entraîneur en allant jouer à Liverpool, à Rubin Kazan, à Bordeaux... J'ai lancé Léo à Sion. Il a des qualités et des défauts, je lui ai fait confiance. Il est très agressif et défend bien dans l'axe. Il manque un peu de mobilité dans la profondeur. Pour évoluer, Léo a surtout besoin d'être vraiment très en confiance. A partir du moment où il n'est pas totalement en confiance, ses qualités intrinsèques ne lui permettent pas d'être le plus performant possible. Vu la concurrence, il n'a pas réussi à s'imposer comme titulaire à Sainté, qui l'a prêté à Hambourg. Il y a plein de joueurs qui ne réussissent pas dans un club et réussissent dans un autre. Il y a un facteur réussite, un facteur intégration aussi, c'est très important.

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Tu as dirigé un autre joueur sous contrat avec l'ASSE : Arnaud Nordin. Il t'a grandement aidé à maintenir Nancy en L2 en fin de saison dernière.
Tout à fait, les quatre buts qu'il a marqués nous ont fait énormément de bien. Le courant est bien passé avec Arnaud, nos relations étaient très bonnes. C'est un garçon qui a de grosses qualités. Il fallait qu'il arrive à croire en son potentiel. Avant il avait tendance à ne jouer qu'avec le ballon. On a beaucoup travaillé son jeu sans ballon, ça lui a permis d'être beaucoup plus lucide devant le but et d’exploiter au mieux sa vitesse. Cet été j'ai tout fait pour essayer de le récupérer mais je n'y suis pas arrivé. C'est certainement ça aussi, peut-être, qui m'a coûté ma place. Mais je ne peux pas en vouloir à Jean-Louis de l'avoir gardé. Arnaud entre en jeu régulièrement, il avait été notamment excellent contre Caen. J'ai vu qu'il avait aussi titularisé trois ou quatre fois cette saison. C'est plus valorisant pour un joueur d'essayer de jouer à Sainté que d'être à Nancy. Je ne lui en veux pas du tout d'avoir choisi de rester chez les Verts. J'avais eu une discussion avec lui : au cas où l'ASSE n'aurait pas compté sur lui, je pensais qu'il était plus utile à Nancy car il connaissait déjà la maison. Mais dans la mesure où Saint-Etienne comptait sur lui, il n'y avait pas photo, j'ai dû me résoudre à ce qu'il ne revienne pas chez nous. C'est un joueur que j'apprécie beaucoup pour ses qualités de vitesse et de percussion vers l'avant. Il a aussi cette faculté à éliminer dans de petits espaces. Je pense qu'il est encore perfectible devant le but.

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Quelques mois après avoir sauvé Nancy, tu as été viré de ton poste suite au très mauvais début de saison de l'ASNL. Cela te rend amer ?
Non, c'est la loi du football. Mais ça a été un peu pipé à l'intersaison. Il devait y avoir des repreneurs, ils ne sont pas arrivés. on devait avoir des renforts offensifs, on n'en pas eu. J'ai aussi ma part de ma responsabilité, je ne veux pas la fuir, mais elle est partagée. Après cette expérience à Nancy, je vais voir ce qui va se présenter. J'ai été capable de sauver l'ASNL qui était en grosses difficultés. Hélas ça ne s'est pas bien goupillé en début de saison. J'ai fait mon boulot jusqu'au bout. Quand tu pars et que tu vois que les joueurs sont avec toi, que le public est avec toi et que le lendemain ils mettent une banderole, ça veut dire qu'on a fait du bon boulot. Mais c'est la loi du métier. Quand t'es sur un banc et qu'il n'y a pas de résultats pour différentes raisons (la mayonnaise ne prend pas, on manque de réussite et de moyens offensivement), tu sais que c'est toi qui vas sauter. Il y a plein d'entraîneurs qui sautent et qui rebondissent ailleurs. J'espère que Nancy va se sauver. Aujourd'hui je récupère après cette expérience nancéienne. L'idée est ensuite de repartir sur un nouveau projet.Est-ce que ce sera un projet de haut niveau ou est-ce que je repartirai un peu plus bas pour privilégier un peu plus la vie de famille, je ne sais pas encore.En tout cas j'ai fait mes preuves en tant qu'entraîneur, ma passion c'est le football donc bien sûr j'ai envie de continuer.

Deux semaines avant de te succéder àsur le banc nanciéien, Alain Perrin avait déclaré dans France Football : "Vous ne me reverrez plus sur un banc. Didier Tholot n’a rien à craindre de moi." Comment as-tu vécu son intronisation ?
Je ne veux pas m'étendre là-dessus. Moi, quand je dis quelque chose, je ne reviens pas en arrière...

Rêves-tu de revenir à Sainté ? Si demain t'as l'opportunité de retrouver l'ASSE, tu fonces ?
L'ASSE fait évidemment partie des clubs qui m'ont marqué et ne me laissent pas insensible. Saint-Etienne, c'est Saint-Etienne ! Après, il y a des gens qui font du très bon boulot. Mais on est toujours attiré par des clubs comme Sainté, bien sûr !

Que t'inspirent les Verts cette saison ?
Je pense qu'à domicile c'est une équipe très performante, notamment grâce aux individualités devant. Quand t'a Khazri, Cabella, Roby quand il rentre... C'est une équipe capable de profiter des moindres erreurs de l'adversaire, qui met la pression. Les Verts ont de très bons latéraux, Debuchy et Kolodziejczak, qui sont aussi capables de marquer. C'est une équipe assez équilibrée, qui met de la pression. Les Verts ont un excellent gardien, un milieu de terrain intéressant. Il y a peut-être un manque de vitesse derrière, dans le dos ça peut être un peu plus compliqué. Quoi qu'il en soit, je veux saluer le travail de Jean-Louis. C'est quelqu'un qui a toujours été dans l'ombre de Laurent Blanc. Aujourd'hui il est en première ligne, c'est la récompense de tout son travail. J'ai eu l'occasion d'échanger avec lui, c'est vraiment quelqu'un que j'apprécie. C'est quelqu'un qui est honnête, qui est franc, qui dit ce qu'il pense. Aujourd'hui il n'y a pas vraiment de langue de bois avec lui. J'aime ça !

Tu voir les Verts prétendre à quelle place cette saison ?
Je les vois dans les six premiers.

Monaco est complètement largué, Marseille n'est pas au mieux... Sainté peut viser le podium cette saison ?
Je pense qu'il y a un bon coup à jouer en tout cas ! Après, c'est aléatoire et prématuré de parler de podium aujourd'hui, même si Sainté n'est qu'à trois points du deuxième Montpellier. Les Verts ont la "chance" de ne pas jouer la Coupe d'Europe, ils laissent moins de force que des équipes comme Bordeaux et Rennes, qui pourraient encore laisser des plumes s'ils poursuivent leur parcours en Ligue Europa. Lyon est encore en lice en Ligue des Champions, on va voir comment ils vont gérer ça. De son côté l'ASSE n'a plus que le championnat et la Coupe de France.

Toi qui as encore des attaches dans la région bordelaise, comment juges-tu la saison des Girondins ?
Je suis en train de redescendre en Gironde, ce n'est pas encore fait mais je suis en train de faire construire sur Bordeaux. Je suis attentivement les Girondins. Il y'a eu pas mal de mouvements dans ce club, que ce soit sur le banc ou à la tête du club. En ce qui concerne l'équipe, je dirais qu'il est un peu à l'opposé de Saint-Etienne. La qualité de jeu est pas mal, mais il manque de joueurs décisifs dans les trente derniers mètres. Bordeaux a pourtant des joueurs offensifs intéressants : François Kamano, que j'ai eu quelques mois à Bastia quand j'étais l'adjoint de Claude Makelele, Yann Karamoh, qui va assez vite et Jimmy Briand, un attaquant expérimenté. Mais je trouve que cette équipe est plus à l'aise pour contrer l'adversaire que pour développer le jeu.

Tu t'attends à quel type de match ce mercredi ? Ton coeur sera marine ou vert ?
Je m'attends à un match serré. Je pense que le premier but sera déterminant, il aura une importance capitale. Bordeaux est en confiance car c'est la première équipe à avoir accroché le PSG. Mais les Girondins ont laissé beaucoup de force lors de ce match. Les Stéphanois bénéficient de deux jours de récupération en plus, ce n'est pas rien. je pense que ça peut jouer, surtout à ce stade de la saison. C'est vrai que les Bordelais ont marqué deux buts mais ils auraient beaucoup mieux négocier d'autres situations sur ce match. Mercredi ils vont tomber sur une équipe de Saint-Etienne qui sera certainement très bien organisée derrière. Je vois un match nul, autant sur le plan sportif que sur le plan du coeur. Je suis Stéphanois mais mes enfants vivent à Bordeaux. Mon coeur sera marine et vert. Il sera déchiré. Vraiment !

Merci à Didier pour sa disponibilité