Avant d'accueillir son club formateur ce dimanche à Caen, Mouhamadou Dabo a répondu pendant une bonne heure aux questions des potonautes. Dans ce premier volet de l'entretien, l'ancien latéral stéphanois revient sur son arrivée à l'ASSE et ses attaches sénégalaises.


Tu as commencé à jouer au foot à Yeggo avant de rejoindre très jeune l'ASSE. Comment s'est réalisée ton arrivée ? (alexioninho)

L'ASSE avait un partenariat avec Yeggo. Avant moi, plusieurs joueurs issus de ce club avaient rejoint Saint-Etienne, notamment Pape Sarr, Frédéric Mendy, Alassane N'Dour et Pape Thiaw. L'ASSE m'a repéré lors d'une détection. Avec un autre coéquipier de Yeggo, on est venu faire des essais pendant un mois, en mai 2000. On avait participé à un tournoi au Camp des Loges qu'on avait remporté. A l'issue de ce tournoi, les Verts ont voulu me garder. J'ai tapé dans l'œil de Georges Claire, qui était à l'époque le scout de l'ASSE en Ile-de-France. C'est grâce à lui mais aussi à Gérard Fernandez que je me suis engagé avec Sainté.

 

Comment as-tu vécu ton départ de Dakar et ton arrivée à Saint Etienne ? Quels souvenirs gardes-tu de cette époque ? (alexioninho)

J'avais 13 ans et demi au moment où j'ai passé avec succès cet essai à l'ASSE. Ce n'est pas évident de quitter son pays aussi jeune, surtout que mes parents n'étaient pas du tout dans le football. Cela n'a pas été facile de couper le cordon. Au début, mes parents étaient inquiets, c'était compréhensible : voir son enfant quitter le pays natal pour aller dans une nouvelle aventure, c'était difficile. Mais mon frère ainé les a convaincus. Mes parents savaient que j'adorais le football, au final ils m'ont laissé partir. Quand je suis arrivé à Saint-Etienne, j'ai découvert un club familial, j'y ai rencontré des personnes extraordinaires qui m'ont aidé à grandir dans ce club.

 

Peux-tu nous les citer ? (Poteau Gauche)

Gérard Fernandez m'a beaucoup aidé. Quand je voulais appeler au Sénégal, j'allais dans son bureau. Si je dois citer toutes les autres personnes qui m'ont aidé au sein du club, je pense qu'on va rester très longtemps sur ta question ! (rires) Je me souviens notamment des dames qui travaillaient au centre de formation, des surveillants. Le coach Gilles Rodiguez a aussi compté pour moi, il est toujours là-bas et entraîne cette saison les U15. Avant de jouer pour lui, j'ai également évolué sous les ordres de Sébastien Desgranges et Nicolas Dyon, qui a été mon premier entraîneur avant de devenir plus tard le préparateur physique de Frédéric Antonetti.

 

Comment se passe l'adaptation d'un jeune Africain qui découvre la France, Sainté et son centre de formation? Quelles étaient les découvertes majeures, bonnes et mauvaises, pour toi ? (bfb2)

Je n'étais pas surpris car j'avais déjà côtoyé des amis de mon père, c'étaient des Français en fait. Quand j'étais au Sénégal, je jouais petit avec leurs enfants donc je connaissais leur culture, je savais comment vivaient les Français. Je n'étais pas trop dépaysé à part le climat. Je me souviens que je suis arrivé le 5 décembre 2000. Comme dans mon pays il fait tout le temps chaud, je suis arrivé à Saint-Etienne dans une tenue très légère. Heureusement le coach m'a donné une parka, il m'a sauvé la vie. J'ai découvert qu'il faisait très froid l'hiver. Je n'arrivais même pas à faire mes lacets, c'est Gilles Rodriguez qui me les faisait.

 

A quel moment t'es-tu senti à l'aise dans ce nouvel environnement ? Est-ce que c'est arrivé tout de suite ou ça a pris un peu de temps ? (bfb2)

Je n'ai pas mis beaucoup de temps car j'étais bien entouré. Je n'étais pas le seul joueur qui venait de loin. Il y avait par exemple Pathé Bangoura. Au centre de formation, je côtoyais des jeunes qui eux aussi avaient quitté leurs parents. Contrairement à moi, ils avaient la possibilité de les voir le week-end, mais à part ça on était dans le même sac. J'ai rapidement sympathisé avec Bafé, dont les parents sont sénégalais. On a la même culture, du coup ça m'a facilité les choses. Grâce à ça je pense que je me suis vite adapté à l'environnement stéphanois.


De quelle manière concrète gardes-tu des liens avec le Sénégal ? (bfb2)

J'ai encore des liens forts avec le Sénégal. Tous les jours, je remercie le bon dieu de connaître deux cultures. Pour moi, c'est gratifiant. Je n'ai pas coupé les ponts avec mon pays d'origine, j'ai la double nationalité. Je n'ai jamais rompu mes liens avec le Sénégal, j'y vais au moins une ou deux fois par an. J'ai encore de la famille là-bas : ma mère, quelques frères. J'ai perdu mon père en 2003. Le club m'a bien entouré, ça m'a permis de surmonter cette épreuve. Saint-Etienne est un club familial, quand tu as des problèmes, les gens du club sont toujours présents. Je n'ai pas trop manifesté mon chagrin. Au contraire, je l'ai gardé en moi. Ça m'a donné encore une source de motivation pour travailler. Le plus bel hommage que je pouvais lui rendre, c'était de bosser pour signer pro et m'épanouir dans mon métier.


Un fan de voyage te sollicite : qu'est-ce que tu me conseilles d'immanquable à voir au Sénégal ? (bfb2)

Il y a plein de choses à voir, le Sénégal est un pays touristique. Tu connais sans doute le surnom de la sélection sénégalaise : les Lions de la Teranga. "Teranga", c'est un nom wolof qui veut dire hospitalité. Ce n'est pas qu'une formule, je viens d'un pays vraiment accueillant. Je te conseille de ne pas te cantonner à Dakar, même si la capitale est une ville intéressante en pleine mutation. Dans les immanquables, je te conseillerais l'Ile de Gorée, d'où est originaire Moustapha Bayal Sall. Là-bas, il faut que tu ailles visiter la Maison des esclaves pour que tu connaisses vraiment l'histoire de l'esclavage, c'est important. Le Lac Rose vaut également le détour. En tout cas je te conseille d'aller à la rencontre des habitants dans les petits villages du Sénégal, tu tomberas sur des gens sympas et tranquilles.

 

As-tu l'impression que ta sélection en équipe de France a été là pour t'empêcher d'être sélectionné pour le Sénégal ? (osvaldopiazzolla)

Non, pas du tout ! J'ai joué avec les Bleuets dès 2007, j'ai ensuite reçu des pré-convocations avec les A  jusqu'au jour où Raymond Domenech m'a appelé pour un match amical contre l'Argentine. Je ne suis pas entré en jeu donc je pense que je peux prétendre à jouer pour les Lions de la Teranga. On n'est en pas encore-là, c'est le sélectionneur qui décide. En tout cas Aliou Cissé m'a appelé quand j'étais à Troyes, on en a parlé mais c'est confidentiel.

 

Avais-tu le niveau suffisant pour t'imposer chez les Bleus ? (Vert|treV)

M'imposer, je ne sais pas, mais on peut dire que je méritais d'être appelé. J'enchaînais les bonnes prestations en club avec Saint-Etienne. A l'époque où j'ai été sélectionné, il y avait de très grands joueurs en équipe de France comme Thierry Henry ou Nicolas Anelka. Si Raymond Domenech m'a retenu chez les Bleus, ce n'était pas juste pour me faire plaisir, c'est parce que j'avais le niveau pour faire partie du groupe France. Je n'ai pas joué mais il faut dire que la concurrence était rude à mon poste. Il y avait Eric Abidal, Bakary Sagna était déjà là. Il y avait aussi des joueurs comme Philippe Méxès et Julien Escudé. Moi, quand je suis arrivé, j'étais très jeune, tous les joueurs que je viens de citer avaient plus d'expérience que moi.